La République, l’Église et leurs secrets

La République veut tout savoir de nous. La République, au fond, envie l’Église.

Éditorial de Monsieur l’abbé Benoît de Jorna

La République n’aime pas les cachot­tiers. Elle veut tout savoir. Comme une vieille dame, elle entend que les tout- petits dont elle a la charge lui soient par­fai­te­ment sou­mis et lui disent vrai­ment tout, abso­lu­ment tout, sans qu’ils ne gardent rien pour soi. Comment pourrait-​elle gou­ver­ner si ces tout-​petits pré­tendent cacher quoi que ce soit ? Elle ne vou­drait tout de même pas en reve­nir aux vio­lentes puni­tions qu’elle a dû infli­ger il n’y pas si long­temps, quand elle était encore toute jeune et pleine de vigueur, en 89. Non, la République n’aime pas le secret. C’est pour­quoi elle n’apprécie vrai­ment pas que cette belle Épouse « pleine de gloire, sans tache, ni ride, ni rien de sem­blable ; mais irré­pré­hen­sible » (Ep 5, 27) dise le contraire. D’où vient-​elle, l’Église catho­lique, pour s’arroger un tel pou­voir ? En plus, elle a l’audace de vou­loir pro­mettre à ces tout-​petits une Récompense soi-​disant inac­ces­sible à la République. Vraiment quelle impu­dence ! D’ailleurs, com­ment pourrait-​il y avoir des secrets pour la République puisqu’elle orchestre tout, orga­nise tout, struc­ture tout, dis­pose de tout. N’empêche ! Elle guette sans arrêt cette jeune Femme, cette Mère évan­gé­lique qui est atten­tive à ses enfants ché­ris, tou­jours là pour eux. Elle ne peut guère rete­nir son sen­ti­ment hos­tile en voyant celle-​ci jouir d’une puis­sance mys­té­rieuse qu’elle est inca­pable d’obtenir. La République est ron­gée par son sen­ti­ment frus­tré de pos­ses­sion exclu­sive. La République est envieuse. La République n’aime pas le secret.

Le pape Clément XII non plus ! En 1738, il publie l’encyclique In Eminenti : « Nous avons appris par la renom­mée publique qu’il se répand au loin, chaque jour avec des nou­veaux pro­grès, cer­taines socié­tés, assem­blées, réunions, agré­ga­tions ou conven­ti­cules nom­més francs-​maçons… dans les­quels des hommes de toute reli­gion et toute secte, affec­tant une appa­rence d’honnêteté natu­relle, se lient entre eux par un pacte aus­si étroit qu’impénétrable, d’après des lois et des sta­tuts qu’ils se sont faits, et s’engagent par un ser­ment prê­té sur la Bible, et sous les peines les plus graves, à cacher par un silence invio­lable tout ce qu’ils font dans l’obscurité du secret… Réfléchissant sur les grands maux qui résultent ordi­nai­re­ment de ces sortes de socié­tés ou conven­ti­cules, non seule­ment pour la tran­quilli­té des États tem­po­rels, mais encore pour le salut des âmes, et que, par-​là, elles ne peuvent nul­le­ment s’accorder avec les lois civiles et cano­niques. Nous avons conclu et décré­té de condam­ner ces­dites socié­tés… à perpétuité. »

Il y a donc secret et secret. Le secret que la République n’aime pas, c’est celui qui contra­rie sa vie et ses prin­cipes ; en fin de compte, sa propre reli­gion, la laïcité.

Et pour­tant, si elle savait ! Si elle pou­vait enfin ôter le ban­deau de ses yeux ! D’abord, si elle n’avait pas ban­ni les Grecs du savoir humain, elle sau­rait au moins qu’Aristote a dit que tout ce qui com­mence a néces­sai­re­ment une fin. La République est donc péris­sable, tan­dis que la Femme dont elle est envieuse, elle, elle a une ori­gine divine ; les portes de l’enfer, comme celle du monde, ne l’atteindront jamais.

Et si la République ces­sait de s’enfermer dans un autisme volon­taire, elle s’ouvrirait à « la véri­té qui n’a point de honte, sinon d’être cachée », comme dit Tertullien. Et « celui qui accom­plit la véri­té vient à la lumière, de sorte que ses œuvres soient mani­fes­tées, parce qu’elles sont faites en Dieu » (Jn 3, 21).

Si la République se cou­vrait du « casque du salut » plu­tôt que du bon­net phry­gien, elle ver­rait briller au-​dessus d’elle pour la sou­te­nir et lui garan­tir la paix, la lumière qui est Le Verbe, jus­te­ment venu en ce monde pour révé­ler le mys­tère de Dieu et sa misé­ri­corde infi­nie ; elle décou­vri­rait alors le seul secret qui vaille, ce secret désor­mais dévoi­lé à tous ceux qui sont nés de Dieu et non point de la volon­té des hommes. Car Dieu s’est dévoi­lé lui-​même : « j’ai par­lé publi­que­ment au monde ; j’ai tou­jours ensei­gné dans la syna­gogue et dans le Temple, où tous les Juifs s’assemblent ; et je n’ai rien dit en secret » (Jn 18, 20).

Si la République abdi­quait son envie, ses enfants pour­raient alors décou­vrir le secret divin : le cœur du Fils de Dieu est le sanc­tuaire de la jus­tice et de l’amour, libé­ral pour tous ceux qui l’invoquent.

Source : Fideliter n° 262

FSSPX Supérieur du District de France

L’abbé Benoît de Jorna est l’ac­tuel supé­rieur du District de France de la Fraternité Saint Pie X. Il a été aupa­ra­vant le direc­teur du Séminaire Saint Pie X d’Écône.

Fideliter

Revue bimestrielle du District de France de la Fraternité Saint-Pie X.