Pour que le tempérament devienne chrétien

Jésus fut doté des mêmes pas­sions que nous, mais les domi­na.

« Revêtons-​nous du Christ » pour déve­lop­per la ver­tu qui cor­res­pond à nos fra­gi­li­tés passionnelles.

Éditorial de Monsieur l’abbé Benoît de Jorna

Autrefois la ver­tu mani­fes­tait l’éminence humaine. Aujourd’hui l’épaisseur du por­te­feuille est le cri­tère de la réus­site. Un grand homme avait certes du tem­pé­ra­ment, mais il brillait aus­si par l’une ou l’autre ver­tu. Les saints, dont on dit trop faci­le­ment qu’ils sont davan­tage admi­rables qu’imitables, ont reflé­té les ver­tus de Notre-​Seigneur et sur­tout ont mon­tré la puis­sance de sa grâce. Ils ont constam­ment sui­vi le com­man­de­ment de l’Apôtre aux Romains : « Revêtez-​vous de Notre Seigneur Jésus-​Christ et ne cher­chez pas à conten­ter votre sen­sua­li­té, en satis­fai­sant à ses dési­rs. » Dans la mesure où l’on appar­tient au corps mys­tique de Notre-​Seigneur, on par­ti­cipe de sa grâce capi­tale. Celle-​ci non seule­ment nous gué­rit de ces maux et de ces fai­blesses que nous por­tons, héri­tiers d’Adam, mais elle nous sur­élève à la vie divine. Et dès lors, nous sommes tous capables de gran­deur, de magna­ni­mi­té, d’héroïcité. Encore faut-​il que nos pas­sions soient har­mo­nieu­se­ment ordon­nées c’est-à-dire que nos ver­tus viennent jus­te­ment trem­per de rai­son notre vie sen­sible. Et sans la grâce cette entre­prise longue et dif­fi­cile serait impos­sible. Voilà pour­quoi il faut être revê­tu de Notre-​Seigneur, c’est-à-dire se livrer de plus en plus à son influence, se lais­ser impré­gner par son esprit. Nous croyons que Jésus a par­fai­te­ment assu­mé notre condi­tion humaine ; il fut donc, comme nous, doté de toutes ces pas­sions qui sont des réac­tions aux impres­sions que le monde sen­sible pro­voque en nous. Jésus put bien alors être volon­tai­re­ment trou­blé, mais sans jamais être per­tur­bé ou domi­né par ses émo­tions qu’il a pour­tant toutes connues. L’Évangile nous révèle son calme admi­rable, sa quié­tude constante, sa séré­ni­té imper­tur­bable. Que ce soit une tem­pête vio­lente, un apôtre récal­ci­trant ou un adver­saire inju­rieux, rien ni per­sonne ne le fait sor­tir de cette maî­trise de soi : celle de sa per­son­na­li­té divine qui assume une nature humaine dont l’harmonieuse beau­té est tout à fait extraordinaire. 

Néanmoins Jésus a aus­si connu, dans une cer­taine mesure, des émo­tions vio­lentes et dou­lou­reuses : la colère par exemple ou l’indignation sous l’impulsion de laquelle il a vou­lu pro­non­cer des paroles véhé­mentes ou de ter­ribles menaces. Y a‑t-​il plus impres­sion­nant que cette kyrielle de mal­heurs annon­cés aux scribes et aux pha­ri­siens (Mt 23) ? Mais sur­tout, Jésus a fait la dou­lou­reuse expé­rience de la crainte qui déprime pro­fon­dé­ment l’âme, de l’effroi qui res­serre le cœur, de la tris­tesse et du dégoût qui inclinent au décou­ra­ge­ment. Quelle angoisse dans cette plainte : « Mon âme est triste jusqu’à la mort » ! Alors, sous pré­texte que Notre-​Seigneur avait sans cesse sous les yeux l’ingratitude et l’endurcissement de son peuple, cer­tains en ont conclu à tort que Notre-​Seigneur fut mélan­co­lique. Mais homme par­fait, Jésus mêle tous les tem­pé­ra­ments et veut mon­trer sa richesse humaine. Il use comme il le veut, et quand il le faut, de la varié­té et de la varia­tion de ses sen­ti­ments pour mani­fes­ter toute sa per­son­na­li­té. Saint Paul dit bien : « le Pontife que nous avons n’est pas tel qu’il ne puisse com­pa­tir à nos fai­blesses ; mais il a éprou­vé comme nous, toutes sortes de ten­ta­tions hor­mis le péché ». 

Il nous revient de déve­lop­per la ver­tu qui cor­res­pond à nos fra­gi­li­tés passionnelles.

Jésus est la tête du corps mys­tique et nous entraîne à sa suite. Il nous montre tou­jours l’exemple et nous donne les secours dont nous avons besoin pour repro­duire son action. Saint Paul conti­nue : « allons donc nous pré­sen­ter avec confiance devant le trône de la grâce, afin de rece­voir misé­ri­corde, et de trou­ver le secours de la grâce dans nos besoins ». Quel que soit donc notre tem­pé­ra­ment et, par là même, quelle que soit la pas­sion qui risque le plus de trou­bler notre équi­libre natu­rel comme sur- natu­rel, il nous revient de déve­lop­per la ver­tu qui cor­res­pond à cette fra­gi­li­té. Et pour ce faire nous avons le modèle, Jésus, qui s’ajuste tou­jours à notre pro­gres­sion indi­vi­duelle, si jus­te­ment nous sommes « revê­tus du Christ ». Tous connaissent, par exemple, la colère légen­daire de saint François de Sales qui est deve­nu un ange de dou­ceur et de béni­gni­té ; son foie, même, por­ta la marque des efforts qu’il fit pour vaincre cette pas­sion qui y a son siège ! Alors il nous incombe de dis­cer­ner notre tem­pé­ra­ment, de lire le dos­sier de ce numé­ro ; mais sur­tout de faire nôtre cet aban­don de saint Paul : « je puis tout en celui qui me fortifie ». 

Source : Fideliter n° 264 

FSSPX Supérieur du District de France

L’abbé Benoît de Jorna est l’ac­tuel supé­rieur du District de France de la Fraternité Saint Pie X. Il a été aupa­ra­vant le direc­teur du Séminaire Saint Pie X d’Écône.

Fideliter

Revue bimestrielle du District de France de la Fraternité Saint-Pie X.