Les convulsions actuelles passeront, comme toutes les hérésies ont passé.
Les convulsions actuelles passeront, comme toutes les hérésies ont passé. Il faudra bien revenir un jour à la Tradition : dans l’autorité du pontife romain, il faudra qu’apparaissent à nouveau les pouvoirs signifiés par la tiare, qu’un tribunal protecteur de la foi et des mœurs siège à nouveau en permanence, que les évêques retrouvent leurs pouvoirs et leur initiative personnelle.
Il faudra bien libérer le vrai travail apostolique de tous les impedimenta qui le paralysent aujourd’hui en faisant disparaître l’essentiel du message ; redonner aux séminaires leur véritable fonction, recréer des sociétés religieuses, restaurer les écoles catholiques et les universités en les débarrassant des programmes laïcs de l’État, soutenir les organisations patronales et ouvrières décidées à collaborer fraternellement dans le respect des devoirs et des droits de tous, s’interdisant le fléau social de la grève, qui n’est autre qu’une guerre civile froide, promouvoir enfin une législation civile conforme aux lois de l’Église et aider à la désignation de représentants catholiques mus par la volonté d’orienter la société vers une reconnaissance officielle de la royauté sociale de Notre-Seigneur.
Car enfin, que disons- nous tous les jours quand nous prions ? « Que votre règne arrive, que votre volonté soit faite sur la terre comme au Ciel. » Et dans le Gloria de la messe ? « Vous êtes le seul Seigneur, Jésus-Christ. » Nous chanterions cela et, aussitôt sortis, nous dirions : « Ah non, ces notions sont dépassées, impossible d’envisager dans le monde actuel de parler du règne de Jésus-Christ » ? Vivons-nous donc dans l’illogisme ? Sommes-nous chrétiens ou non ?
Les nations se débattent dans des difficultés inextricables, en maints endroits la guerre s’éternise, les hommes tremblent en pensant à la catastrophe nucléaire possible, on cherche ce qui pourrait être fait pour que la situation économique se redresse, que l’argent revienne, que le chômage disparaisse, que les industries soient prospères. Eh bien, même du point de vue économique, il faut que Notre-Seigneur règne, parce que ce règne est celui des principes d’amour, des commandements de Dieu, qui créent un équilibre dans la société, apportent la justice et la paix. Pensez-vous que ce soit une attitude chrétienne que de mettre son espérance dans tel ou tel homme politique, dans telle combinaison de partis, en imaginant qu’un jour peut-être un programme meilleur qu’un autre résoudra les problèmes d’une façon sûre et définitive, tandis que de propos délibéré on écarte « le seul Seigneur », comme s’il n’avait rien à voir dans les affaires humaines, comme si cela ne le concernait pas ? Quelle est la foi de ceux qui font de leur vie deux parts, avec une barrière étanche entre leur religion et leurs autres préoccupations, politiques, professionnelles, etc. ?
Dieu, qui a créé le ciel et la terre, ne serait pas capable de régler nos misérables difficultés matérielles et sociales ? Si vous l’avez déjà prié vous-mêmes dans les mauvais moments de votre existence, vous savez par expérience qu’il ne donne pas des pierres à ses enfants qui lui demandent du pain. (…)
Parler de l’ordre social chrétien n’est donc pas s’accrocher à un passé qui serait révolu ; c’est au contraire une position d’avenir dont vous ne devez pas avoir peur de faire état. Vous ne menez pas un combat d’arrière-garde, vous êtes ceux qui savent, parce qu’ils tiennent leurs leçons de celui qui a dit : « Je suis la Voie, la Vérité, la Vie. » Nous avons la supériorité de détenir la vérité, ce n’est pas de notre faute, nous n’avons pas à nous en enorgueillir mais nous devons agir en conséquence ; l’Église a sur l’erreur la supériorité d’avoir la vérité. C’est à elle, avec la grâce de Dieu, de la répandre et non de la cacher honteusement sous le boisseau.
Source : Mgr Lefebvre, Lettre ouverte aux catholiques perplexes, Albin Michel 1985, réedition Clovis 2016.