Abbé Patrick Troadec,
Directeur du séminaire
Chers amis et bienfaiteurs,
Les Lettres aux Amis et Bienfaiteurs n° 43, 50, 64, 80, 88 et 94 du séminaire ont traité des moyens à prendre pour favoriser l’éclosion de nombreuses et saintes vocations sacerdotales et religieuses. Néanmoins, je reprends ce thème tant il me paraît fondamental. « Le but de la Fraternité Saint-Pie X est le sacerdoce et tout ce qui s’y rapporte et rien que ce qui le concerne. » « La formation sacerdotale est le premier et principal but de la Fraternité. » Ces extraits des statuts de la Fraternité montrent clairement la préoccupation dominante des prêtres de la Fraternité qui est de former de saints prêtres pour remédier à la crise que traverse l’Église depuis plus de 50 ans.
En tant que directeur du séminaire de Flavigny, j’ai pour mission de sélectionner et de former les séminaristes et les frères. Depuis 1996, 700 jeunes gens se posant la question de la vocation se sont présentés au séminaire et parmi eux, j’en ai admis plus de 450. J’ai vu des séminaristes s’engager dans la voie du sacerdoce ou de la vie religieuse, mais j’ai aussi été témoin du départ d’un grand nombre. Ayant réfléchi aux difficultés rencontrées par beaucoup de jeunes gens pour se donner à Dieu et persévérer, il me semble utile de transmettre aux familles le fruit de mes pensées.
En effet, les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Ils ont donc pour mission de transmettre à leur progéniture les vertus chrétiennes. Aussi n’est-il pas étonnant de constater que la plupart des séminaristes ont leur mère au foyer ; ils ont été formés dans des écoles traditionnelles et sont issus, en moyenne, de famille de six enfants. Une éducation dispensée par de bons parents et éducateurs produit des fruits merveilleux. Beaucoup de séminaristes et de frères sont très équilibrés. Ils sont pieux, studieux, généreux, dociles, aimables, agréables en société, heureux dans leur vocation : Merci mon Dieu ! et merci aux parents et aux autres éducateurs à qui ils doivent en grande partie leurs belles dispositions.
Je constate cependant aujourd’hui dans le comportement de certains jeunes des évolutions liées à celles de la société. Même si les parents cherchent à mettre en garde leurs enfants contre les pièges du monde moderne, ceux-ci sont quand même marqués par l’atmosphère qu’ils respirent en dehors de la maison, de l’école et de l’église. Aussi, je voudrais dans cette lettre attirer l’attention des parents sur ce qui me semble prioritaire pour que leurs enfants gardent la foi et la transmettent à leur tour aux générations futures.
Le sens de l’autorité
Vu que la société est imprégnée des principes de la Révolution, la jeunesse traditionnelle n’en est pas épargnée. Il y a aussi hélas ! dans notre milieu un esprit d’indépendance lié à une perte du sens de l’autorité.
L’épître de la messe votive de la Passion renferme ce passage du prophète Zacharie : « Frappe le pasteur, et le troupeau sera dispersé. » (Za 13, 7) Au cours de sa Passion, Jésus-Christ a été frappé et les apôtres se sont dispersés. Actuellement, nous vivons la Passion de l’Église et le pape semble lui aussi frappé d’aveuglement si bien que le troupeau est dispersé. Nous traversons une période de grande confusion. C’est l’autorité qui est garante de l’unité de la société ; aussi, ses défaillances entraînent-elles un éclatement, une désagrégation à tous les échelons inférieurs. On retrouve ce désordre dans la société civile.
Pour rétablir l’ordre, il est nécessaire de se fonder sur la famille. Comme le disait le pape Pie XII, « l’Église forme des familles réellement chrétiennes où la fidélité, la paix pleine d’affection, règnent entre les époux, où les enfants sont élevés dans la crainte filiale de Dieu, dans le respect de l’autorité légitime (1) ».
Le pape parle de « paix pleine d’affection entre les époux ». La paix étant la tranquillité de l’ordre, il importe que chaque membre de la famille soit à sa place. L’homme en tant que chef de famille a pour mission de veiller au bien commun de la microsociété qu’il dirige, c’est-à-dire au vrai bien de sa femme et de ses enfants. La première autorité qu’un enfant rencontre en ce monde est le père. C’est lui qui fixe le permis et l’interdit en conformité avec la loi naturelle et l’Évangile, c’est lui qui fait comprendre que la liberté humaine a des limites et que, si on les dépasse, on sombre dans l’esclavage du vice. Notre-Seigneur l’a dit : « Celui qui commet le péché est esclave du péché. » (Jn 8, 34)
Cinq ans avant Pie XII, André Charlier disait aux parents d’élèves de l’École des Roches qu’il dirigeait : « Vous avez trop souvent méconnu le principe d’autorité. Vous traitez vos fils comme de vieux camarades, vous les consultez à tout propos, et vous n’osez même presque jamais leur imposer l’obéissance sans discussion. […]
Pourtant je vous assure qu’il faut commander ferme et sans faiblesse si on veut en faire des hommes, c’est la source du respect. […] Votre faiblesse à leur égard est cause qu’ils ne vous respectent pas assez (2) . »
Déjà en 1905, le pape saint Pie X invitait les catholiques à « rétablir le principe de l’autorité humaine comme représentant celle de Dieu… (3) ». Celui qui l’apprend dès le plus jeune âge aura beaucoup plus de facilité à obéir que celui qui s’arrête aux défauts de ceux qui exercent l’autorité. Malheureusement, le Français étant très critique a beaucoup de mal à voir Dieu à travers ses supérieurs. Les maux décrits par le saint pape, aggravés depuis mai 68, touchent aussi notre milieu.
Pour remédier au manque du sens de l’autorité, il importe que les parents donnent à leurs enfants des ordres clairs, précis, sensés, et que ceux-ci comprennent que ce n’est pas négociable. Le Français aime discuter, remettre en question les ordres reçus, il réclame que l’autorité justifie chacune de ses décisions… Il est également élémentaire que les parents évitent de critiquer les autorités à qui ils confient leurs enfants, notamment les enseignants et les prêtres de leur prieuré, car sinon, ils sapent leur propre autorité. Il importe enfin de ne pas contredire son conjoint devant les enfants. L’autorité étant le fondement de l’unité de toute société, il est essentiel de respecter l’ordre naturel, sous peine de sombrer dans l’anarchie.
La nature du véritable amour
Dans le discours cité plus haut, Pie XII dit que l’Église forme des « familles où les enfants sont élevés dans la pureté ». Si dans une famille l’homme incarne l’autorité, la femme représente l’amour. Elle a pour mission de montrer par son exemple et ses exhortations la nature du véritable amour.
Ici-bas, il y a deux formes d’amour : l’amour de concupiscence, par lequel on cherche à s’accaparer l’autre pour son plaisir, on ramène la chose ou la personne aimée à soi, et l’amour de bienveillance qui recherche le vrai bien de l’autre. L’égoïste se recherche dans les rapports avec les autres. Malheureusement, tout être humain à la naissance est égoïste. Il y a donc un travail d’ascèse à développer tout au long de la vie pour devenir charité. Voilà pourquoi, ici-bas, il n’y a pas d’amour vrai sans sacrifice. Il est donc important d’apprendre aux enfants à renoncer à leurs petites envies, à leurs caprices, pour qu’ils deviennent des âmes bien trempées. Mgr Lefebvre disait : « La notion de sacrifice est une notion profondément chrétienne et profondément catholique. Notre vie ne peut pas se passer du sacrifice dès lors que Notre Seigneur Jésus-Christ, Dieu lui-même, a voulu prendre un corps comme le nôtre et nous dire : « Prenez votre croix et suivez-moi, si vous voulez être sauvés » (Mt 10, 38), et qu’il nous a donné l’exemple de la mort sur la Croix, qu’il a répandu son sang. Oserions-nous, nous ses pauvres créatures, pécheurs que nous sommes, ne pas suivre Notre-Seigneur ? Suivre Notre-Seigneur en portant sa Croix, voilà tout le mystère de la civilisation chrétienne (4) . »
Si nous ne luttons pas contre nos tendances blessées et pécheresses, au lieu d’aimer notre prochain d’un amour de charité en recherchant son vrai bien, nous tombons dans le piège de l’amour captatif. Lorsque l’amour cesse d’être oblatif, il devient captatif. La mère qui l’a compris s’oublie pour penser aux autres. En recherchant le vrai bien de ses enfants, elle leur fait entrevoir la nature du véritable amour et les aide en conséquence à rester purs. L’amour que la femme manifeste à l’égard de ses enfants doit se retrouver entre les conjoints, c’est pourquoi le pape Pie XII invite les conjoints à pratiquer la chasteté. Le mot chasteté a la même racine que châtier. Il s’agit d’éteindre le foyer déréglé de concupiscence pour que l’amour conjugal reste dans la ligne de la vertu.
Mais quel que soit le degré de vertus des parents, chaque enfant doit lutter contre ses mauvaises tendances. Or comme le disait le Padre Pio, « c’est au foyer familial que l’on s’entraîne le plus au renoncement 5 . » La famille est une école de renoncement car on y apprend à s’oublier pour penser aux autres et à participer aux tâches communes. Ce renoncement favorise l’exercice de la charité mais aussi de la force et de la pureté.
Aujourd’hui, les difficultés que les adolescents ont toujours éprouvées dans le domaine de la pureté sont décuplées par les nouveaux outils numériques. L’addiction à internet, au portable, la vue de films renfermant des passages contraires à la belle vertu produisent hélas ! des désastres et malheureusement notre jeunesse est en partie touchée.
Il est important que les parents prennent les moyens pour détourner leurs enfants de tout ce qui peut souiller leur âme. Pour éviter les dérapages, le choix des amis est décisif. Il importe également de fuir les occasions dangereuses, de veiller à mortifier ses sens, notamment la vue et l’ouïe, de développer la dévotion à la sainte Vierge.
Dans une plaquette sur L’Écran, drogue sournoise, l’abbé Boubée écrit : « Parents, soyez sérieux ! Vérifiez-vous de manière inopinée et fréquente les heures d’allumage de l’ordinateur… d’autant plus si vous l’aviez interdit ? […] Quelle est la dernière fois que vous les avez contrôlés à l’improviste – même si votre enfant vous paraît jeune et pur ? Apprenez à le faire, et faites-le très souvent. Si vous perdez le droit de connaître le contenu et l’usage du téléphone de votre enfant, vous avez abdiqué dans une matière gravement coupable, et dont Dieu vous demandera des comptes. » (pp. 29–30)
Le saint sacrifice de la messe
La messe, en nous plaçant à l’ombre de la Croix, nous donne le sens de l’autorité, Notre-Seigneur s’étant fait « obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la Croix » (Ph 2, 8), et elle nous donne aussi le sens du véritable amour puisque « personne ne peut avoir de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » (Jn 15, 12) La vue du Christ en croix, le corps lacéré par les fouets, nous fait comprendre en outre la gravité des péchés d’impureté. Le monde actuel traversant à la fois une crise de l’autorité et souffrant d’une perte du véritable amour, c’est spécialement en restaurant ces deux points fondamentaux dans leur famille que les parents coopèrent le mieux au rétablissement d’un ordre chrétien et à l’éclosion de vocations sacerdotales et religieuses.
Soyez remerciés, chers Amis et Bienfaiteurs, pour votre soutien régulier par vos prières et vos dons, qui permettent au séminaire de tourner financièrement, et soyez assurés des prières reconnaissantes de toute la communauté. Le chapelet quotidien est récité à vos intentions.
Abbé Patrick Troadec, Directeur
Le 29 septembre 2018, en la fête de saint Michel archange
Notes
(1) – Pie XII, aux fidèles d’Haïti, 8 décembre 1949
(2) – Lettres aux parents, Sainte-Madeleine, 2010, p. 21.
(3) – Saint Pie X, Il fermo proposito, 11 juin 1905.
(4) – Jubilé sacerdotal, Paris, 23 septembre 1979.
(5) – Une pensée par jour, 16 septembre.
Chronique du séminaire Saint-Curé-d’Ars de Flavigny de juin à septembre 2018
Renseignements pratiques
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