Le célibat sacerdotal dans l’histoire

Depuis les débuts et tout au long de son his­toire, l’Église a connu de conti­nuelles attaques contre la pra­tique du céli­bat sacer­do­tal. Cependant, les auto­ri­tés romaines n’avaient jamais prê­té l’oreille aux récri­mi­na­tions et ont mon­tré une grande vigueur dans l’application de cette discipline.

Mais depuis le concile Vatican II, des excep­tions se sont intro­duites dans le droit, excep­tions qui n’avaient jamais eu lieu aupa­ra­vant dans l’occident latin. Il faut en effet réaf­fir­mer contre les objec­tants que cette loi de la conti­nence, est selon toute vrai­sem­blance d’ori­gine apos­to­lique. En témoignent les tra­vaux du jésuite Cochini en 1990 [1] et ceux du car­di­nal Stickler parus en 1993 [2]. C’est sur les tra­vaux de ce der­nier que nous nous appuie­rons très lar­ge­ment dans cet article en les résu­mant pour expo­ser la pra­tique de l’Église à ce sujet.

Continence et célibat

Afin d’éviter des confu­sions qui sont cou­rantes sur le sujet, il faut bien dis­tin­guer deux notions : celle de la conti­nence et celle du céli­bat. En effet, la dis­ci­pline de l’Église regarde d’abord la conti­nence des clercs, c’est-à-dire l’abstinence totale et per­pé­tuelle à par­tir de l’ordination, de tout com­merce char­nel avec une épouse. C’est pour­quoi, on admet par­fois des veufs au sacer­doce, même s’ils ont pro­créé aupa­ra­vant. On peut même affir­mer que l’Église a tou­jours admis des hommes mariés, pour­vu qu’ils se séparent de leur épouse d’un com­mun accord. Seulement, de tels cas sont deve­nus de plus en plus rares au fil des siècles. L’Église, même à la veille de Vatican II, don­nait cette per­mis­sion sur déci­sion du Saint-​Siège, mais seule­ment si l’épouse ren­trait éga­le­ment en reli­gion et si les enfants n’étaient plus à charge. C’est notam­ment le cas du Père d’Elbée, l’auteur de Croire à l’amour, dont l’épouse est ren­trée chez les carmélites.

Le céli­bat appa­raît donc comme le moyen le plus apte à per­mettre cette conti­nence mais pas ce qui est pre­miè­re­ment recher­ché. L’expression de céli­bat sacer­do­tal est quelque peu trom­peuse. Il fau­drait plu­tôt par­ler de conti­nence des clercs, puisqu’en outre, elle concerne les sous-​diacres et les diacres.

Dans la sainte Écriture

« Il y a des eunuques qui se sont eux-​mêmes ren­dus tels à cause du royaume des Cieux. » [3] Notre-​Seigneur exhor­tait ain­si ses apôtres à la conti­nence. Ce vœu a été ren­du entiè­re­ment inopé­rant par le pro­tes­tan­tisme qui a non seule­ment éra­di­qué la conti­nence sacer­do­tale mais toute forme de chas­te­té en vidant sys­té­ma­ti­que­ment tous les monastères.

On sait que saint Pierre a été marié puisque l’on parle de sa belle-​mère [4]. Mais étant don­né ce que nous venons de voir, il s’agit de savoir s’il a été conti­nent après l’ordination. La Sainte Écriture ne nous donne aucune indi­ca­tion à ce sujet, mais la Tradition plaide en faveur de sa continence.

Le texte ins­pi­ré le plus proche de la ques­tion est la fameuse énu­mé­ra­tion des qua­li­tés de l’évêque par saint Paul à Timothée [5] et de même à Tite [6] : il faut que l’évêque soit « l’homme d’une seule femme » [unius uxo­ris virum]. Ce pas­sage sert régu­liè­re­ment de pré­texte aux oppo­sants au céli­bat sacer­do­tal. Pourtant, si nous lisons un peu plus loin, saint Paul uti­lise l’expression symé­trique quand il nous dit aus­si qu’il faut que la veuve soit la « femme d’un seul homme » [7] [unius viri uxor] (la « veuve » est un sta­tut approu­vé par l’Église à l’époque à la manière d’une reli­gieuse). Il est donc bien évident que saint Paul ne parle pas d’un mariage actuel, mais il veut dire qu’il ne faut pas avoir été marié plus d’une fois aupa­ra­vant. Loin d’être une objec­tion, ce pas­sage mis en paral­lèle des veuves, va dans le sens de la conti­nence. Par ailleurs, pour­quoi faire une telle recom­man­da­tion, si ce n’est pour avoir la garan­tie que l’on est capable d’observer la conti­nence ? Sans cet éclai­rage, la recom­man­da­tion appa­raît vaine. C’est l’explication adop­tée par le Pape Sirice entou­ré de quatre-​vingts évêques en 386 [8].

En outre, l’Apôtre Saint Paul affirme lui-​même sa conti­nence : « A ceux qui ne sont pas mariés et aux veuves, je dis qu’il leur est bon de res­ter comme moi-​même. » [9]

Origines de la continence des clercs

L’Écriture exhorte à la chas­te­té et spé­cia­le­ment pour les clercs, mais ne confirme ni n’infirme pas clai­re­ment la loi de la conti­nence comme liée obli­ga­toi­re­ment au prêtre. Mais saint Paul dit aux Thessaloniciens : « rete­nez les ensei­gne­ments que vous avez reçus de nous, soit ora­le­ment, soit par lettre » [10]. Il serait donc vain de recher­cher cette loi exclu­si­ve­ment dans la Sainte Écriture : le Nouveau Testament n’est pas un texte légis­la­tif et tout n’est pas écrit. Il faut regar­der du côté de la Tradition.

La pre­mière trace écrite date du concile local d’Elvire, en Espagne, vers 310 : « On est tom­bé d’accord sur l’inter­dic­tion totale faite aux évêques, prêtres et diacres, c’est-à-dire à tous les clercs au ser­vice de l’autel, de com­mer­cer avec leurs épouses et de pro­créer des enfants ; cepen­dant, celui qui l’aura fait devra être exclu de l’état clérical. »

Il appa­raît qu’une par­tie du cler­gé était alors mariée. Mais la men­tion de la conti­nence est ici claire et totale et s’étend jusqu’au diacre, sous peine de dépo­si­tion. On ne sau­rait affir­mer qu’une telle loi fût alors tota­le­ment nou­velle, puisque dans le cas contraire, elle aurait sou­le­vé un ton­nerre de pro­tes­ta­tions de la part des époux qui se seraient vus injus­te­ment dépouillés de leur droit natu­rel. Cela irait contre la pres­crip­tion de l’Apôtre qui demande expres­sé­ment que cette conti­nence ne soit que « d’un com­mun accord » [11]. De plus, les anciens met­taient un point d’honneur à ne pas inno­ver et à réaf­fir­mer la Tradition.

Mieux encore, le concile de Carthage en 390 reprend la même loi mais affirme de plus qu’il faut l’observer « afin qu’ainsi nous aus­si nous gar­dions ce que les Apôtres ont ensei­gné et ce qu’a conser­vé une cou­tume ancienne ».

Il y a encore de nom­breux témoi­gnages ulté­rieurs que nous ne pou­vons résu­mer ici. Dans toutes ces pres­crip­tions, l’ordination d’un homme marié est donc pos­sible pour­vu qu’il garde la conti­nence par­faite. Mais on a tou­jours inter­dit que quelqu’un qui est déjà prêtre contracte mariage, car ce mariage per­drait son objet prin­ci­pal qui est la pro­créa­tion. De plus, la coha­bi­ta­tion serait une ten­ta­tion de chute.

Plus tard, en 1139, le 2e concile du Latran décla­ra que désor­mais, ces mariages qui étaient déjà inter­dits seraient éga­le­ment inva­lides. La presse prend pré­texte de cette der­nière déci­sion pour affir­mer à chaque article sur la ques­tion cette énor­mi­té anti-​historique que le céli­bat sacer­do­tal serait une inven­tion du XIIe siècle. D’autres la font remon­ter au concile de Rome de 1074 qui inter­dit aux concu­bi­naires l’exercice de leur sacerdoce.

En réa­li­té, ce n’est qu’avec l’institution pro­vi­den­tielle des sémi­naires, au XVIe siècle, lors du concile de Trente, que l’Église dis­po­sa d’une quan­ti­té suf­fi­sante de prêtres céli­ba­taires, pour se pas­ser du ser­vice de prêtres mariés mais continents.

En pratique

Si telle est la loi, la pra­tique n’a pas tou­jours été à sa hau­teur, comme le remarque le car­di­nal Stickler : « nous n’avons ces­sé de consta­ter qu’une obli­ga­tion aus­si lourde avait constam­ment dû payer son tri­but à la fai­blesse humaine. » Saint Ambroise s’en plai­gnait en occi­dent et Épiphane de Salamine en Orient.

Cependant, les auto­ri­tés ont tou­jours com­bat­tu ces écarts. Dans les cas extrêmes, les Papes ont pu concé­der qu’un prêtre se marie par dis­pense, mais il devait alors ces­ser tout minis­tère. Jamais il n’a été per­mis de pou­voir en même temps jouir du mariage et exer­cer un minis­tère. Les prêtres mariés pen­dant la Révolution « eurent le choix ou bien de renon­cer à ce mariage inva­lide, après quoi ils pou­vaient reprendre leur fonc­tion dans l’Église, ou bien d’assainir leur situa­tion matri­mo­niale à la suite d’une dis­pense, après quoi tou­te­fois ils devaient aban­don­ner à jamais tout minis­tère d’Église » [12].

Discipline orientale

En Orient, la pra­tique est iden­tique à l’occident seule­ment pour le degré de l’évêque, mais le prêtre peut non seule­ment être marié mais aus­si user du mariage avec quelques res­tric­tions de temps. Les can­di­dats à l’épiscopat sont donc recher­chés par­mi les moines.

On consi­dère par­fois que cet usage est sim­ple­ment une autre tra­di­tion, tout aus­si res­pec­table. En réa­li­té, il ne manque pas de témoins pour affir­mer que la loi en Orient était à l’origine celle de la conti­nence totale. L’observance de la loi souf­frit de nom­breux man­que­ments dans la pra­tique. Mais au lieu de com­battre ces man­que­ments, on les enté­ri­na lors du concile orien­tal nom­mé In Trullo II, en 691. Ce concile for­te­ment anti-​occidental n’a jamais été approu­vé par le Pape. L’empereur Justinien II, qui s’ingérait aisé­ment dans les affaires de l’Église, fut remon­té de ce refus. Il ordon­na l’arrestation du Pape pour le rame­ner à Constantinople et lui faire approu­ver le concile par la force. L’expédition sacri­lège fut pro­vi­den­tiel­le­ment mise en échec par les mili­ciens de Ravenne.

Ce concile décrète ain­si que les prêtres peuvent faire usage du mariage les jours où ils ne célèbrent pas les saints mys­tères. C’est un retour à la pra­tique de l’Ancien Testament qui pres­cri­vait cette même conti­nence tem­po­raire aux prêtres de l’ancienne loi. En outre, ceux qui veulent tout de même gar­der la conti­nence totale, comme chez les « bar­bares » (c’est-à-dire les latins), doivent obte­nir une dis­pense qui pren­dra acte de leur « pusil­la­ni­mi­té » (sic) !

Pour évi­ter l’embarras de pré­sen­ter une nou­veau­té contraire aux pres­crip­tions antiques, les orien­taux s’appuyèrent sur le concile de Carthage déjà cité, mais ils le fal­si­fièrent ! Ils ajou­tèrent une incise pour res­treindre la conti­nence aux jours de célé­bra­tion des « saints mys­tères » (on ne célé­brait alors la messe que le dimanche). Cette fal­si­fi­ca­tion est désor­mais par­fai­te­ment éta­blie et recon­nue par tous, y com­pris ceux qui s’auto-proclamment « ortho­doxes » et font ain­si pro­fes­sion de n’avoir rien chan­gé à la foi antique…

Remarquons que cette dis­ci­pline atro­phiée n’est pas sans inco­hé­rences. Il demeure inter­dit aux prêtres de se marier, mais il est per­mis à un homme marié d’être ordon­né et de vivre mari­ta­le­ment. Quelle dif­fé­rence sinon chro­no­lo­gique ? Cela ne s’explique que dans le cadre de la conti­nence par­faite. De plus, si les prêtres doivent être conti­nents seule­ment en rai­son de la célé­bra­tion de la messe, on ne com­prend plus pour­quoi les évêques, eux, doivent obser­ver la conti­nence parfaite.

Jusqu’à main­te­nant, la recon­nais­sance de cette dis­ci­pline dif­fé­rente a été l’objet, de la part des auto­ri­tés cen­trales romaines, d’une « consi­dé­ra­tion cour­toise » qui, cepen­dant, ne peut guère être consi­dé­rée comme une appro­ba­tion offi­cielle de la modi­fi­ca­tion appor­tée à l’ancienne dis­ci­pline de la conti­nence. Chez les orien­taux catho­liques qui ont reje­té le schisme, Rome tolère cette situa­tion, mais favo­rise l’usage antique.

Fondements de cette loi

Saint Raymond de Peñafort résume en deux points les rai­sons de cette obli­ga­tion. La pre­mière rai­son est la pure­té sacer­do­tale, afin que les prêtres « puissent obte­nir en toute sin­cé­ri­té ce qu’ils demandent à Dieu dans la prière ». La prière d’un cœur pur est davan­tage enten­due de Dieu. Cette sté­ri­li­té phy­sique volon­taire est ain­si source d’une plus grande fécon­di­té spi­ri­tuelle. Le sacer­doce bien plus par­fait du Nouveau Testament ne se trans­met plus par la chair, comme sous l’ancienne loi, mais il se trans­met spi­ri­tuel­le­ment. Dieu est esprit, et il convient que l’homme qui veut éle­ver sa voix vers Dieu soit davan­tage esprit, et déga­gé de la chair. Le Pape Sirice, en 385, dit de même : « pour que du jour de notre ordi­na­tion nous consa­crions nos cœurs et nos corps à la sobrié­té et à la chas­te­té, de sorte que nous plai­sions au Seigneur notre Dieu dans les sacri­fices que nous offrons quo­ti­dien­ne­ment ». C’est ain­si que saint Paul recom­mande même aux époux la conti­nence tem­po­raire afin de « vaquer à la prière » [13].

La seconde rai­son est la dis­po­ni­bi­li­té pour la prière et le minis­tère. Saint Paul dit dans le même cha­pitre : « Celui qui n’est pas marié s’inquiète des choses du Seigneur, des moyens de plaire à Dieu. Mais celui qui est marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme ; et il se trouve par­ta­gé. » Pour être tota­le­ment dévoué à Dieu et à son trou­peau, « le bon pas­teur donne sa vie pour ses bre­bis » [14]. Il convient ain­si au plus haut point que l’homme du sacri­fice com­mence par faire le sacri­fice d’une famille.

Vatican II et les développements ultérieurs

L’inobservation de la loi de la conti­nence a tou­jours été la marque de l’hérésie. Ainsi les Wisigoths ariens ne l’observaient pas. Nous avons vu le cas orien­tal qui est plus miti­gé. Quant au pro­tes­tan­tisme, il a même détruit toute chas­te­té. Le cas des « vieux catho­liques » est éga­le­ment très signi­fi­ca­tif. Ceux-​ci ont fait schisme à cause de leur refus de l’infaillibilité pon­ti­fi­cale défi­nie par le concile Vatican I en 1870. Ils ont presque aus­si­tôt aban­don­né toute conti­nence sacer­do­tale, bien que leur sépa­ra­tion fût étran­gère à cela.

On l’a vu, dans le cas orien­tal, Rome a été mise à l’écart de la déci­sion et a dû s’incliner devant le fait accom­pli. Mais l’autorité pon­ti­fi­cale n’a jamais fait aucune excep­tion à cette loi de sa propre ini­tia­tive, et ce, depuis les ori­gines, du moins… jusqu’à Vatican II. Faudra-​t-​il s’étonner de voir ce concile com­men­cer de fai­blir ? En effet, en réta­blis­sant les diacres per­ma­nents (qui avaient dis­pa­ru après le concile de Trente), le concile a éga­le­ment émis le vœu que ceux-​ci puissent contrac­ter mariage. Et cela, sans aucune men­tion de la conti­nence. Cela fut accom­pli le 18 juin 1967 par Paul VI par le Motu Proprio Sacrum Diaconatus Ordinem. Ce fait consti­tue le pre­mier recul d’un pape en ter­ri­toire latin de toute l’histoire de l’Église, car le dia­co­nat a tou­jours été comp­té par­mi les degrés de l’ordre astreints à la continence.

Jean-​Paul II a per­mis une deuxième excep­tion le 7 mai 2004 en auto­ri­sant per­son­nel­le­ment l’ordination d’un ex-​pasteur pro­tes­tant marié, Patrick Balland. Celui-​ci a été ordon­né prêtre le 26 juin 2005, peu après la mort du Pape, sans qu’on ait exi­gé de lui la conti­nence. La rai­son de cette excep­tion semble tenir aux ami­tiés haut-​placées de l’ordinand par­mi les­quelles Mgr Kasper, Mgr Schönborn, mais sur­tout le car­di­nal Ratzinger [15].

La troi­sième excep­tion a eu lieu sous le pon­ti­fi­cat de Benoît XVI avec la ques­tion des ordi­na­riats angli­cans. En effet, face aux inno­va­tions de plus en plus déli­rantes des angli­cans, de nom­breux « prêtres » et « évêques » angli­cans (nous met­tons entre guille­mets car leurs ordi­na­tions n’étaient pas valides) ont expri­mé le désir de reve­nir dans le giron de Rome. La consti­tu­tion apos­to­lique Anglicanorum Cœtibus leur a accor­dé une struc­ture juri­dique et per­mis l’ordination au sacer­doce des anciens « prêtres » mariés. L’exception n’est per­mise qu’au cas par cas sur per­mis­sion de Rome et pro­fite de rai­sons pas­to­rales mieux éta­blies. Cependant, lors des pré­cé­dents grands mou­ve­ments de conver­sion des angli­cans au catho­li­cisme, qui virent notam­ment la conver­sion du car­di­nal Newman, on remarque que la chose n’avait jamais été admise. De plus, pour ceux qui étaient pré­cé­dem­ment « évêques » mariés, on ne les ordonne qu’à la prê­trise mais cer­tains se sont vu concé­der une juri­dic­tion « ordi­naire » sur un ter­ri­toire à la manière d’un évêque avec l’usage des insignes pon­ti­fi­caux [16] (crosse, mitre, croix pec­to­rale, anneau, etc.) ! Des évêques mariés sans le nom et seule­ment dépour­vus du pou­voir d’ordonner…

La der­nière excep­tion en date est le fait du Pape François, dans la conti­nui­té de ses pré­dé­ces­seurs. Le 23 décembre 2013, il a en effet per­mis aux prêtres orien­taux mariés d’exercer leur minis­tère en ter­ri­toire latin. Jusqu’ici, ceux-​ci n’avaient le droit d’exercer leur minis­tère qu’en Orient, afin de ne pas scan­da­li­ser par l’exemple de leur relâchement.

« Aménagements » à venir

La dis­ci­pline antique est ain­si gri­gno­tée peu à peu. Il n’est évi­dem­ment pas ques­tion de s’arrêter là. On parle désor­mais ouver­te­ment à Rome d’ordonner des « viri pro­ba­ti » (« hommes ayant fait leurs preuves »), pour faire réfé­rence à la dis­ci­pline antique. Mais le terme est trom­peur, car on feint d’oublier que ceux-​ci étaient astreints à la conti­nence parfaite.

On entend d’ailleurs régu­liè­re­ment les auto­ri­tés actuelles de l’Église dire que la ques­tion du céli­bat (rap­pe­lons qu’il fau­drait dire conti­nence) n’est pas un dogme mais une ques­tion dis­ci­pli­naire. C’est une manière de dire que cet usage peut être révo­qué. Mais il faut rap­pe­ler que cet usage nous vient des apôtres, et nous pour­rions en dire autant de l’institution de la fête litur­gique de Pâques, de l’usage du dimanche comme jour consa­cré au lieu du same­di, ou même de l’usage de célé­brer la messe chaque semaine. Après tout, le pré­cepte divin : « faites ceci en mémoire de moi » oblige à célé­brer la messe mais sans don­ner de pres­crip­tions de temps ou de fré­quence. Si le reste n’est que dis­ci­pli­naire et révo­cable, ne pourrait-​on pas en théo­rie sup­pri­mer Pâques, ne plus dire la messe le dimanche mais la célé­brer seule­ment une fois l’an à une autre date ? Par exemple, le 26 sep­tembre, jour de la « saint » Paul VI… Mais l’Église serait-​elle encore elle-même ?

Abbé Frédéric Weil

Source : Le Petit Eudiste n°207 (l’ar­ticle sur cette page a été revu par l’au­teur depuis)

Notes de bas de page

  1. Les ori­gines apos­to­liques du céli­bat sacer­do­tal[]
  2. Der Kleriker Zölibat, Seine Entwicklungsgeschichte und seine theo­lo­gi­schen Grundlagen.[]
  3. St Matthieu, XIX, 12.[]
  4. St Luc, IV, 38.[]
  5. Thimothée, III, 2.[]
  6. Tite, I, 6.[]
  7. Thimothée, V, 9.[]
  8. Décrétale Cor in unum[]
  9. I Cor, VII, 8.[]
  10. II Thess, II, 14.[]
  11. I Corinthiens VII, 5.[]
  12. Stickler, Le céli­bat sacer­do­tal[]
  13. I Corinthiens, VII, 5.[]
  14. Saint Jean, X, 11.[]
  15. La vie, article du 30/​06/​2005[]
  16. L’usage des insignes pon­ti­fi­caux a été per­mis à de simples prêtres aupa­ra­vant dans l’histoire de l’Eglise, mais qu’on le per­mette à un homme marié est par­ti­cu­liè­re­ment cho­quant.[]