Les voeux du Supérieur de District pour 2009

« D’UN PREALABLE L’AUTRE »

« On emploie plu­tôt « second » quand il n’y a que deux choses. » Dictionnaire Robert

« Si l’on prend le terme de « secon­daire » au sens que nous avons dit, et qui est le sens pri­mi­tif : est second ce qui suit.ce qui résulte de l’autre. » Romano Amerio

« Jeanne d’Arc a aujourd’­hui moins de scep­tiques qu’elle n’en trou­va de son temps. » Jacques Bainville

Au début de l’année 2001, la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X pré­ci­sa et por­ta à la connais­sance du Saint-​Siège « les trois étapes » qu’il lui sem­blait néces­saire de res­pec­ter pour conti­nuer à tra­vailler à la réso­lu­tion de la crise doc­tri­nale de l’Eglise et, par voie de consé­quence uni­que­ment, à la régu­la­ri­sa­tion cano­nique de sa propre situation.

L’exposition ren­due publique de cette ligne stra­té­gique fut accueillie par de nom­breuses cri­tiques défa­vo­rables, sur­tout au motif que le prin­cipe de signi­fier à Rome, comme pre­mière étape, des préa­lables à toute dis­cus­sion avec elle, parut, sinon inad­mis­sible, du moins par­fai­te­ment dépla­cé. Cette pré­ten­tion, déjà jugée exor­bi­tante en elle-​même, ne dissimulait-​elle pas, en sus, une volon­té inavouée de la Fraternité de res­ter dans son coin et de repor­ter aux calendes grecques l’heure de sa réintégration ?

La « stratégie » de la Fraternité

Pour la décep­tion de cer­tains, la joie des autres, l’itinéraire pro­po­sé par la Fraternité pour par­ve­nir à des « accords » fut donc jugé impra­ti­cable : com­ment Rome aurait-​elle pu accep­ter de se lais­ser dic­ter une ligne de conduite, émise, de sur­croît, sans la moindre concer­ta­tion, par cette Fraternité « exclue de l’Eglise » ? N’eût-ce pas été don­ner à celle-​ci une impor­tance déme­su­rée et se pla­cer à la remorque de sa mar­gi­na­li­té, pour le plus grand aga­ce­ment de presque tous ?

A noter cepen­dant que la lente diplo­ma­tie romaine ne pro­dui­sit pas plus de contre-​proposition en place de celle de la Fraternité qu’elle n’exprima – au moins publi­que­ment – son accord ou son désac­cord à l’idée de devoir pas­ser sous les fourches cau­dines qui lui avaient été dési­gnées, il faut le dire, non sans quelque audace ou ingé­nui­té. Ce fut tou­te­fois ce silence offi­ciel où Rome se main­tint, qui contri­bua fina­le­ment, faute de l’expression d’une autre pro­po­si­tion ou du refus de celle qui lui avait été indi­quée, à rendre peu à peu la stra­té­gie de la Fraternité, res­tée seule sur le ter­rain diplo­ma­tique, maî­tresse de celui-​ci jusqu’à ce jour, au point de s’être impo­sée, sans com­bat, comme la réfé­rence natu­relle en fonc­tion de laquelle cha­cun prit l’habitude de se pla­cer ou de se dépla­cer, et de désor­mais se situer dans les rela­tions qui s’ensuivirent.

Etant don­né que la pré­sen­ta­tion de ces deux préa­lables ne forme que la pre­mière des trois étapes de l’itinéraire sug­gé­ré par la Fraternité, ni le suc­cès par­tiel qu’elle a obte­nu à la suite de sa pre­mière requête, ni l’autre suc­cès qui pro­vien­drait de l’obtention de la seconde, ne suf­fi­raient donc, par eux-​mêmes, à régler le dif­fé­rent, d’essence pure­ment doc­tri­nale, qui l’oppose à « la Rome conci­liaire », et dont le trai­te­ment a été fixé à la deuxième des trois étapes.

Aussi, les deux pré­li­mi­naires n’entendent nul­le­ment se sub­sti­tuer à l’examen des ques­tions doc­tri­nales. Telle n’est pas leur fonc­tion. En ver­tu même de leur sta­tut, ils n’ont d’autre office que d’y pré­lu­der et de créer un cli­mat pro­pice à leur bon dérou­le­ment. Ils ont été choi­sis et for­mu­lés pour être pré­sen­tés à un inter­lo­cu­teur à venir, que l’on espère capable d’apprécier l’intérêt qu’il y a à exau­cer ces deux requêtes pour le bien de toute l’Eglise, mais dont on sait en même temps, au moins à l’instant où l’on est encore, sa per­sis­tance à suivre et à pro­fes­ser les dévia­tions conciliaires.

Qu’il s’agisse donc de la messe de Saint Pie V ou des « excom­mu­ni­ca­tions de 1988 », les préa­lables n’ont pas la pré­ten­tion de faire valoir auprès du Saint-​Siège tout ce que veut obte­nir la Fraternité sur de tels sujets. Sur le pre­mier point, la Fraternité n’a, en effet, jamais fait mys­tère de sa volon­té de par­ve­nir à l’éradication pure et simple de la nou­velle messe. Quant au second, elle entend bien que Rome fini­ra par conclure à la nul­li­té des « excom­mu­ni­ca­tions de 1988 ».

Mais elle a bien conscience qu’il ne pour­ra, logi­que­ment, lui être don­né entière satis­fac­tion, sur ces deux points, qu’après l’aboutissement heu­reux de la deuxième étape de sa stra­té­gie. C’est pour­quoi elle a jau­gé, dans le choix des deux préa­lables qu’elle a posés et dans leur for­mu­la­tion pré­cise, ce qui pour­rait, dans un pre­mier temps, être déjà obte­nu d’un pape, tou­jours atta­ché à défendre le Concile, mais para­doxa­le­ment sou­cieux de cher­cher les moyens de por­ter remède au déla­bre­ment de l’Eglise et aux injus­tices com­mises. Or il est appa­ru que le pape Benoît XVI pré­sen­tait ce profil.

Malgré ce sage réa­lisme, les deux préa­lables à toute dis­cus­sion n’en demeu­raient pas moins, l’un comme l’autre, d’inacceptables remises en cause. Qu’on en juge ! Alors que Paul VI avait bel et bien eu la volon­té de rem­pla­cer l’ancienne messe par la nou­velle, la Fraternité ne deman­dait rien de moins que la recon­nais­sance du droit des prêtres à l’avoir tou­jours célé­brée et à la célé­brer encore.

Quant aux sacres du 30 juin 1988, ils se trou­vaient, ipso fac­to, sanc­tion­nés par l’excommunication pré­vue dans le nou­veau Code de droit cano­nique. Or la Fraternité se refuse pour­tant à deman­der « une levée des sanc­tions ». Elle cherche à obte­nir « le retrait du décret des excom­mu­ni­ca­tions » et il n’échappe à per­sonne que les termes qu’elle a employés pour tra­duire sa requête l’ont été à des­sein. Elle veut que soit bien mani­fes­tée sa convic­tion de la nul­li­té des sanc­tions et, si Rome se décide à agir, qu’elle le fasse en lais­sant au moins la porte ouverte à cette hypo­thèse canonique.

Tous les ingré­dients parais­saient donc ras­sem­blés pour que cette stra­té­gie demeu­rât lettre morte, gelât davan­tage les rela­tions entre Rome et la Fraternité et, plus grave, por­tât même pré­ju­dice à une éven­tuelle volon­té romaine de recon­naître le droit des prêtres à célé­brer la messe de toujours.

Si cette pers­pec­tive n’est pas inexacte, la déci­sion de la pro­mul­ga­tion du Motu Proprio du 7 juillet 2007 appa­raît alors comme encore plus sur­pre­nante. Comment le Pape aurait-​il pu se résoudre à fran­chir un si redou­table Rubicon si la ques­tion de cette messe ne s’était pas d’abord pré­sen­tée à lui comme une affaire de conscience, s’il n’avait per­çu un état de néces­si­té suf­fi­sam­ment grave pour se ris­quer sur un tel ter­rain et s’il n’avait escomp­té tirer des avan­tages déci­sifs de son Motu Proprio ? Aurait-​il bra­vé l’épiscopat du monde entier, comme il l’a fait, pour une affaire jugée secon­daire ? Et, parce qu’il s’y est déci­dé, une ques­tion ne manque pas d’être désor­mais sur toutes les lèvres : s’il a osé accor­der le pre­mier, donnera-​t-​il aus­si le second des deux préalables ?

D’une attente à l’autre

A peine avons-​nous eu le temps de nous lais­ser édu­quer aux len­teurs romaines par ce jeu de patience qui pré­cé­da l’exaucement de notre pre­mier préa­lable que nous nous trou­vons en effet conviés, sans même avoir retrou­vé notre souffle, à l’attente du second ! Saurons-​nous tirer de notre pre­mière expé­rience d’endurance le meilleur pro­fit ? Vivre celle qui a débu­té comme il convient ? Au fait, ne serait-​ce pas tout sim­ple­ment à la seule cadence de nos rosaires ?

Pas seule­ment ! Si la prière est bel et bien la res­pi­ra­tion de nos âmes, elle ne tient cepen­dant pas lieu de tout et ne nous dis­pense pas du reste. Les ins­tants que nous vivons doivent éga­le­ment être uti­li­sés à anti­ci­per une pro­fonde réflexion à pro­pos de cette défense et de cette confes­sion publique de la foi auprès de Rome, qui sera peut-​être « l’heure » par excel­lence de la vie de notre Fraternité.

Il faut vrai­ment nous attendre à ce que ces moments, qui pour­ront appor­ter leur pierre déci­sive au redres­se­ment de la vie de l’Eglise, finissent par sur­ve­nir. Nous devons, par consé­quent, avoir ce grand sou­ci de com­prendre nous-​mêmes, tou­jours plus pro­fon­dé­ment, que la res­ti­tu­tion par­tielle de la messe devra être sui­vie de sa res­ti­tu­tion totale et de celle de la foi. Gare à nous, clercs et laïcs, si nous ne par­ve­nons pas à une conscience suf­fi­sante des véri­tables enjeux et des pro­fon­deurs de notre com­bat. Notre rang de sol­dats de Dieu nous demande de ne pas nous lais­ser ber­cer par l’espoir du retrait d’un décret qui, s’il arri­vait, ne signe­rait pas même un armis­tice. L’attente n’est pas la pas­si­vi­té. Ce moment doit être impé­ra­ti­ve­ment mis à pro­fit à pour­suivre l’instruction et la for­ma­tion de cha­cun, son affer­mis­se­ment et son aguerrissement.

Rappelons-​nous donc les fautes et les imper­fec­tions consta­tées au cours de cette pre­mière période d’attente pour n’y pas retom­ber. Au fur et à mesure que des bruits, tou­jours plus nom­breux et tou­jours plus insis­tants, cer­tains en pro­ve­nance de Rome, nous aver­tis­saient que le pape allait publier un texte en faveur de l’ancienne messe, les esprits eurent ten­dance à se par­ta­ger entre scep­ti­cisme et eupho­rie. Le temps pas­sant, ils s’échauffèrent et il se répan­dit un cli­mat d’excitation fina­le­ment peu pro­pice à une réflexion objec­tive sur la signi­fi­ca­tion exacte que revê­ti­rait la conces­sion du pre­mier préalable.

D’un préalable l’autre

Quoique impar­fait et insa­tis­fai­sant sous de nom­breux rap­ports, il appa­raît aujourd’hui comme une évi­dence que ce Motu Proprio fait bien date dans l’histoire du désen­cla­ve­ment de la messe tra­di­tion­nelle. Il méri­tait d’être salué par la Fraternité, qui n’y a pas man­qué, au moins pour cet aveu pon­ti­fi­cal tant atten­du que la messe de Saint Pie V n’avait jamais été abro­gée et pour cette recon­nais­sance consé­quente que tout prêtre avait tou­jours eu le droit de la célé­brer et avait donc pré­sen­te­ment le droit de le faire.

Par ailleurs, il cor­res­pon­dait et répon­dait, dans sa maté­ria­li­té, au pre­mier préa­lable sug­gé­ré par la Fraternité et pour lequel elle avait récla­mé de fer­ventes prières. S’il n’était sans doute pas expli­ci­te­ment pré­sen­té comme une réponse à sa pre­mière requête, il l’était de fac­to. Non content d’indiquer une cer­taine ren­contre de la pen­sée du Pape avec la nôtre sur ce pre­mier bien que l’on escomp­tait de la recon­nais­sance de la liber­té de la messe, il se prê­tait trop visi­ble­ment à être per­çu comme un signe à l’égard de la Fraternité pour n’avoir pas été pen­sé et mesu­ré comme tel.

Remarquons aus­si qu’il n’a pas répu­gné à Benoît XVI de s’inscrire visi­ble­ment dans cette logique, pour­tant émise et uni­la­té­ra­le­ment défi­nie par la Fraternité, alors qu’il savait bien qu’on ne man­que­rait pas, ou pour l’en louer ou pour l’en blâ­mer, de le sou­li­gner. Quoique d’en avoir joué le pre­mier acte ne l’engage pas, il est vrai, pour ceux qui suivent, s’y être com­mis n’est cepen­dant pas neutre et il le sait bien. D’autant plus que le Pape n’était pas sans savoir que l’effet secon­daire de la publi­ca­tion du Motu Proprio serait l’immanquable accen­tua­tion du dis­cré­dit qui affec­te­rait les ful­mi­na­tions por­tées par Rome contre la Fraternité. En affir­mant que la messe n’avait jamais été inter­dite, le dis­cours pon­ti­fi­cal don­nait rai­son, hélas seule­ment après sa mort, à celui qui l’avait tou­jours affir­mé, quasi-​isolément par­mi tous les évêques : « Le véné­ré Monseigneur Lefebvre ».

A la suite d’une telle réha­bi­li­ta­tion impli­cite de son grand com­bat pour la messe, même si elle ne demeure encore que par­tielle, sera-​t-​il long­temps pos­sible au Pape de main­te­nir le sou­ve­nir de « l’excommunication » de celui qui, à peu près seul, eut le cou­rage de le mener contre tous, qui ne s’est pas lais­sé inti­mi­der et dont la récom­pense, pour le moment, n’a cepen­dant consis­té que dans la salis­sure de sa mémoire ?

Est-​il vrai­ment pos­sible qu’un com­bat si héroïque, dont l’utilité pour l’Eglise ne cesse et ne va désor­mais plus ces­ser de se révé­ler davan­tage, puisse avoir été mené par un homme mau­vais, mau­vais d’une malice qui aurait été plus téné­breuse que celle de Luther, et dont la mémoire devrait à jamais demeu­rer mau­dite ? Maudit, celui sans qui cette messe n’aurait tou­jours pas été ren­due à l’Eglise ? Qui ose­ra encore le pré­tendre ? Qui ne com­mence, au contraire, à per­ce­voir cette réunion et ce bour­geon­ne­ment de tous ces signes lais­sant pres­sen­tir que ces « excom­mu­ni­ca­tions » étaient bien une for­fai­ture et que l’on ne peut plus, plus long­temps, lais­ser croire qu’elles ont exis­té et qu’elles exis­te­raient encore ?

Admettons – dato, non conces­so - que les consé­cra­tions épis­co­pales de 1988 n’eussent d’ailleurs pas eu d’autre but que leur déci­sive et incon­tes­table contri­bu­tion à la sau­ve­garde et au main­tien de la messe. Ce seul sou­ci, si grave et si sacré, n’eût-il pas dû déjà suf­fire et, aujourd’hui encore, ne le devrait-​il pas encore, à concé­der la réa­li­té d’un état de néces­si­té, au moins litur­gique, auquel Monseigneur Lefebvre se trou­vait accu­lé et duquel il s’est réclamé ?

Ou, si l’on ne peut ou qu’on ne veut avouer cette néces­si­té pour­tant évi­dente, ledit sou­ci ne devrait-​il pas suf­fire à faire recon­naître du moins la noblesse de son inten­tion et, au vu de l’éminent ser­vice ain­si ren­du à l’Eglise, à empê­cher de s’attarder sur une « faute » qui, par la suite, se serait avé­rée comme si bien­heu­reuse qu’elle ne méri­te­rait d’autre sanc­tion que la magna­ni­mi­té pon­ti­fi­cale ? S’il n’est aucu­ne­ment le nôtre, ce rai­son­ne­ment devrait, en revanche, trou­ver atten­tifs nos inter­lo­cu­teurs sou­mis à un nou­veau Code de droit cano­nique qui le favorise.

Que la pen­sée de Benoît XVI che­mine en ce sens n’aurait vrai­ment pas de quoi nous éton­ner. Si lui-​même n’avait pas d’abord été inti­me­ment convain­cu d’une grave néces­si­té pro­vo­quée par l’état de déli­ques­cence litur­gique, aurait-​il alors encou­ru ce risque de bra­ver et de se mettre à dos la grande majo­ri­té de l’épiscopat ? S’il l’a pris, c’est que, lui aus­si, avait par­ti­cu­liè­re­ment conscience d’un état de néces­si­té litur­gique suf­fi­sam­ment grave pour devoir intervenir.

Bien que nous trou­vions – et nous ne nous en cachons pas – consi­dé­ra­ble­ment à redire sur la doc­trine et sur la théo­lo­gie du Pape, enra­ci­nées sur les textes du Concile, ces graves réserves ne nous empêchent pas de pen­ser en même temps que Benoît XVI ne manque ni d’intelligence ni d’une indis­cu­table pro­bi­té. Il sait par­fai­te­ment qu’il n’aurait pu rendre la messe à l’Eglise si l’attachement à cette litur­gie et la reven­di­ca­tion de sa liber­té n’avaient été main­te­nus et trans­mis par le Fondateur de la Fraternité Saint-​Pie X . Ces excom­mu­ni­ca­tions, elles traînent dans son âme de pape comme une pous­sière dans un œil. Nous pen­sons qu’elles le font pleu­rer et qu’elles obs­cur­cissent son regard : com­bien de temps, lui qui veut voir, les supportera-​t-​il encore ?

Dès lors, tout espoir ne devient-​il pas pos­sible ? Ce pre­mier clin d’œil pon­ti­fi­cal ne nous laisse-​t-​il pas le droit de pen­ser que le Pape ne s’arrêtera plus en si bon che­min ? A‑t-​il pu, en choi­sis­sant de faire le pre­mier pas, ne pas se poser la ques­tion du second, ne pas son­ger à cette logique qui presse, de toutes ses fibres, à remon­ter d’un préa­lable à l’autre, c’est-à-dire d’un agir recon­nu bien­fai­sant à un être qui ne peut donc être malfaisant ?

D’ailleurs, les deux demandes se res­semblent. Dans les deux cas, il ne s’agit, en défi­ni­tive, que d’obtenir l’aveu d’un non-​être : non-​être de l’interdiction de la célé­bra­tion de la messe de Saint Pie V, non-​être des excom­mu­ni­ca­tions et nul­li­té d’un décret hon­teux. Si la pre­mière croi­sade du Rosaire a été sui­vie du Motu Proprio sur la messe, la seconde pour­rait bien abou­tir au retrait du décret des excommunications.

Le second préalable

Avant l’obtention du pre­mier préa­lable, peu nom­breux ont réel­le­ment été ceux qui ont conjec­tu­ré que Rome se hasar­de­rait à l’accorder mal­gré la hargne épis­co­pale. Peu ont cher­ché, en consé­quence, à prendre la véri­table mesure d’un tel évé­ne­ment. Après son obten­tion, il est encore pos­sible, ou d’avoir ten­dance à en rela­ti­vi­ser la signi­fi­ca­tion et la por­tée par un juste sou­ci de ne pas ris­quer un embal­le­ment injus­ti­fié envers le pape Benoît XVI, ou bien d’avoir été soi-​même tou­ché par cet emballement.

Il faut bien réflé­chir et prier pour trou­ver l’équilibre dans le juge­ment et éclai­rer les âmes comme il le faut, ne pas écar­ter l’hypothèse du retrait du décret comme impro­bable, ne pas non plus l’annoncer, telle madame Irma, comme allant cer­tai­ne­ment se pro­duire sous peu.

Parce que le décret peut très bien ne pas être reti­ré avant long­temps encore, il faut en mon­trer la nul­li­té et l’injustice et démon­trer en même temps qu’il est l’aboutissement de la machine conci­liaire reje­tant Foi et Tradition. Tant que l’apparence de cette sanc­tion sub­sis­te­ra, nous conti­nue­rons à la por­ter comme une légion d’honneur, comme le sym­bole d’un glo­rieux opprobre, celui qu’a valu à nos évêques leur seule fidélité.

Parce que le retrait du décret peut éga­le­ment se pro­duire rapi­de­ment, il est de notre devoir d’en anti­ci­per la décla­ra­tion de manière à ce qu’un tel acte, s’il doit se pro­duire, soit uni­que­ment jugé selon sa signi­fi­ca­tion exacte. S’il s’agit réel­le­ment du retrait du décret – et non pas d’une levée des excom­mu­ni­ca­tions – il sera alors le com­men­ce­ment de la répa­ra­tion de l’injustice inouïe que l’on sait et nous pour­rons nous en réjouir.

En effet, même s’il ne s’agira, en défi­ni­tive, que d’un pre­mier pas vers la répa­ra­tion d’une indi­gni­té, nous éprou­ve­rons à l’égard du pape qui le déci­de­ra un véri­table sen­ti­ment de gra­ti­tude qu’il ne fau­dra aucu­ne­ment hési­ter à expri­mer. Les pas sui­vants n’arriveront sans doute qu’après le suc­cès de la deuxième étape : expli­ci­ta­tion que le retrait du décret est dû à la nul­li­té des « excom­mu­ni­ca­tions », réha­bi­li­ta­tion solen­nelle de Monseigneur Lefebvre et, nous le croyons, ouver­ture d’un tout autre pro­cès, celui qui débou­che­ra sur la décla­ra­tion de l’héroïcité de ses vertus.

Si, en revanche, il s’agissait d’une « levée des excom­mu­ni­ca­tions », les choses seraient tout autres. Il ne cor­res­pon­drait pas à notre deuxième préa­lable et ne lave­rait nul­le­ment nos évêques du mau­vais pro­cès qui leur a été fait. Laissant alors accroire que les peines pro­non­cées n’étaient pas nulles et qu’elles étaient peut-​être même méri­tées, n’en résulterait-​il pas, dans un cer­tain sens au moins, un nou­veau mal plus pro­fond ? Rome aurait alors enle­vé, avec une appa­rence misé­ri­cor­dieuse, des sanc­tions qui se trou­ve­raient, par le même acte, confir­mées comme ayant été vali­de­ment, voire légi­ti­me­ment portées.

Nous avons enten­du dire que cer­tains prêtres des Instituts Ecclesia Dei s’étaient joints à notre croi­sade du Rosaire et nous les en remer­cions. Nous vou­drions sim­ple­ment leur signa­ler que notre croi­sade vise à obte­nir le retrait d’un décret nul et affli­geant, non celui d’une peine que nous savons être inexis­tante. Cette dis­tinc­tion est de taille ! L’existence de cette Commission Ecclesia Dei juchée sur la condam­na­tion de Monseigneur Lefebvre, comme l’acceptation d’en être, est un authen­tique sujet de scan­dale. Nous n’avons jamais com­pris, en par­ti­cu­lier, com­ment cer­tains, qui lui doivent tout et sont convain­cus de la nul­li­té de ces excom­mu­ni­ca­tions, s’y soient four­voyés. Puissent-​ils pro­tes­ter contre une telle tutelle et s’en éman­ci­per. Ne serait-​ce pas là une façon de payer leur dette de recon­nais­sance à l’égard de Monseigneur Lefebvre ?

Quoi qu’il en doive être, si nous avons mené à bien cet effort d’expliquer ce qui anime notre Fraternité, les âmes ne se trou­ve­ront pas décon­te­nan­cées. Ces deux préa­lables, aus­si impor­tants qu’ils soient, ne sont, in fine, rien d’autre que le début d’un long processus !

Toutes les ques­tions les plus sérieuses, celles qui portent sur la foi elle-​même, res­tent à abor­der. C’est le cœur de notre com­bat et nous n’avons pas un iota à en concé­der. Ce ne sera donc certes pas un manque de gra­ti­tude, mais un acte de cha­ri­té, de conti­nuer à expri­mer bien net­te­ment tous nos désac­cords avec la doc­trine empoi­son­née du Concile. Donnons-​nous du mal, dès à pré­sent, pour réfu­ter ce sen­ti­men­ta­lisme si com­mun qui vou­drait, comme réponse aux avan­cées du Pape, que nous ces­sions nos cri­tiques au sujet de sa pen­sée, pour­tant réso­lu­ment ins­crite dans son her­mé­neu­tique de la conti­nui­té de Vatican II, abso­lu­ment inadmissible.

Ne lais­sons jamais dire que « ces dis­cus­sions théo­lo­giques » sont une affaire de spé­cia­listes et ne nous regardent pas. Il faut insis­ter pour démon­trer que c’est tout le contraire : parce qu’elles touchent à la foi, ces ques­tions nous regardent tous émi­nem­ment, clercs et laïcs. Nous devons donc nous don­ner du mal pour en com­prendre et pour en faire com­prendre les enjeux.

Vatican II, c’est le décou­ron­ne­ment poli­tique de Notre Seigneur Jésus-​Christ et le déni de Ses droits sur les socié­tés. Vatican II, c’est une bien­veillance infi­ni­ment dom­ma­geable et scan­da­leuse pour les âmes à l’égard de ces socié­tés, convoyeuses de l’erreur et du vice et pour­voyeuses de l’Enfer, bien impro­pre­ment appe­lées « autres reli­gions ». Vatican II, c’est ce triomphe du démo­cra­tisme dans l’Eglise qui rend toute auto­ri­té chi­mé­rique et tout com­man­de­ment à peu près impos­sible, qui per­met la pro­li­fé­ra­tion de l’hérésie et du schisme. Vatican II, c’est en réa­li­té le plus grand désastre qui se soit jamais pro­duit dans l’Eglise.

Pour s’en remettre, elle doit s’en défaire. En aucune manière, la Fraternité ne pour­ra donc ces­ser son immense com­bat de confes­sion de la foi qui com­porte obli­ga­toi­re­ment la dénon­cia­tion de l’erreur. Elle doit res­ter humble et res­pec­tueuse mais intré­pide, impa­vide, pour conti­nuer à dire tout ce qu’elle doit dire, confes­ser tout ce qu’elle doit confes­ser, dénon­cer tout ce qu’elle doit dénoncer.

De sainte Jeanne d’Arc à Monseigneur Lefebvre

L’heure n’est-elle pas venue de se sou­ve­nir du pro­cès de sainte Jeanne, de celle qui fut brû­lée, le 30 mai 1431, comme sor­cière, héré­tique et relapse sur la place du Vieux Marché de Rouen ?

Ce fut son admi­rable mère, Isabelle Romée, qui obtint la tenue d’un nou­veau pro­cès d’Inquisition. Le 7 juillet ( n’est-ce pas une date que nous connais­sons déjà ?) 1456, dans la grande salle du palais archi­épis­co­pal de Rouen, les com­mis­saires pon­ti­fi­caux, sous la pré­si­dence de Jean Juvénal des Ursins, arche­vêque de Reims, décla­rèrent le pro­cès de condam­na­tion de Jeanne et la sen­tence « enta­chés de vol, de calom­nie, d’iniquité, de contra­dic­tion, d’erreur mani­feste en fait et en droit y com­pris l’abjuration, les exé­cu­tions et toutes leurs consé­quences » et, par suite, « nuls, inva­lides, sans valeur et sans auto­ri­té ».

Aujourd’hui, bien que, cer­tai­ne­ment, la sainte mère de Monseigneur Lefebvre, du haut du Ciel, l’attende aus­si avec confiance, c’est la Fraternité Saint-​Pie X, sa fille, qui demande jus­tice pour son père. Nous sommes cer­tains que, de lui, les catho­liques avoue­ront, un jour, ce que d’aucuns avaient pres­sen­ti de Jeanne : « Ta mort sera ta vie. ». Et les Français, de même qu’ils éprouvent une légi­time fier­té de comp­ter, par­mi les leurs, une telle enfant, en res­sen­ti­ront une non moins vive, du ser­vice ren­du à l’Eglise par cet arche­vêque, autre insigne reje­ton et hon­neur de leur race.

Tous les deux jugèrent, au len­de­main de ces sacres fameux, dont ils avaient bien conscience qu’ils leur vau­draient les plus vio­lentes incom­pré­hen­sions et repré­sailles de leurs juges, avoir ache­vé leur épo­pée. Pour l’un comme pour l’autre, le sacre, celui d’un roi ou celui de quatre évêques, est l’instant par excel­lence vers lequel convergent leurs admi­rables mis­sions. Et de leurs che­vau­chées et de leurs des­ti­nées et de leur fidé­li­té au plan de Dieu, l’on n’a rien com­pris et l’on ne com­pren­dra jamais rien si l’on n’a pas per­çu qu’elles sont toute ten­dues vers ces sacres sauveurs.

Leur génie ou leur sain­te­té, le sceau de leur ins­pi­ra­tion divine comme le sym­bole de leur indomp­table déter­mi­na­tion, ne se mani­feste, dans toute son ampli­tude, qu’à l’heure de ces consé­cra­tions vic­to­rieuses. Leur mis­sion s’achève et culmine en ces sacres, qui ont déjà valu à l’une et vau­dront un jour à l’autre bien plus que, tout autre acte de leur vie, la décla­ra­tion de l’héroïcité de leurs ver­tus et qui les rendent, l’un de l’autre, si théo­lo­gi­que­ment proches ! Il est sai­sis­sant de voir d’ailleurs à quel point les réflexions des meilleurs bio­graphes ou des hagio­graphes de Jeanne éclairent aus­si la vie de notre fondateur.

Or donc, en 1456, lec­ture de la réha­bi­li­ta­tion de Jeanne fut don­née dans toutes les grandes villes du royaume de France. A notre tour, nous espé­rons patiem­ment l’heure (et nous sommes fer­me­ment convain­cus qu’elle vien­dra) où chaque évêque de notre pays, cha­cun dans sa cathé­drale, sera invi­té à annon­cer que ces pré­ten­dues sanc­tions por­tées contre nos évêques n’avaient en réa­li­té jamais exis­té. Tout au contraire, que Monseigneur Lefebvre, par son cou­rage du 30 juin 1988, avait ren­du un signa­lé ser­vice à l’Eglise. Au préa­lable, ils auront bien sûr, cha­cun dans son évê­ché, sabré le cham­pagne, celui du sacre de Reims ou des sacres d’Ecône, pour fêter cette répa­ra­tion ! Qu’on veuille bien nous par­don­ner cette petite malice – qui n’en est d’ailleurs pas for­cé­ment une ! – d’avoir ima­gi­né cette plai­sante scène.

Quoi qu’il en soit, nous vou­drions invi­ter cha­cun à bien réflé­chir sur la lumière que four­nit l’obtention du pre­mier préa­lable. La Fraternité l’a deman­dé et elle l’a désor­mais obte­nu. Il aurait sans doute été concé­dé plus tôt si elle avait été plus vigou­reu­se­ment imi­tée et sou­te­nue dans sa demande et dans sa prière. Aujourd’hui, elle a com­men­cé une seconde prière et une seconde demande – non pour récla­mer la levée des excom­mu­ni­ca­tions ! – mais pour requé­rir le retrait du hon­teux décret.

Personne ne doit pen­ser que cette seconde requête n’intéresserait cette fois-​ci – à la dif­fé­rence de la pre­mière – que les seuls membres et les seuls fidèles de la Fraternité ! D’abord parce que tous et cha­cun d’entre nous ont tou­jours le devoir d’être concer­nés, dès qu’est mené un com­bat au ser­vice de la véri­té et de la jus­tice. Et ensuite et sur­tout, parce que l’obtention du second préa­lable ouvri­ra enfin, offi­ciel­le­ment, sur le débat tant atten­du de ces ques­tions graves et déci­sives que le Concile pose à la conscience catholique.

Puissent les catho­liques contem­po­rains ne pas avoir à éprou­ver la confu­sion de s’avouer trop tard qu’ils se sont conten­tés d’avoir cou­ru au secours de la vic­toire, faute d’avoir sans doute eu le cou­rage de s’affranchir des consen­sus et d’avoir su sou­le­ver la chape du « reli­gieu­se­ment cor­rect ». Ce serait d’autant plus dom­mage qu’il devient aujourd’hui facile de sen­tir que le vent a com­men­cé à tour­ner et de flai­rer ce que sera l’aboutissement de toute cette affaire !

Le bour­reau de Jeanne, après avoir allu­mé le feu qui devait la dévo­rer vivante, s’écria : « Nous sommes per­dus : nous avons brû­lé une sainte. » Nous nous deman­dons si les per­sonnes les plus secrè­te­ment confuses ne seront pas, un jour, celles qui auront vou­lu s’obstiner à croire ou à faire sem­blant de croire à « ces excom­mu­ni­ca­tions » et qui, d’une voix grave et pei­née, font, tou­jours aujourd’hui, prier pour leur levée et pour le retour des schis­ma­tiques dans le giron de l’Eglise. Qui sera donc le der­nier à dire y croire encore ?

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Quant à la Fraternité, elle conti­nue, aus­si pai­si­ble­ment qu’il est pos­sible d’avancer pai­si­ble­ment dans une tem­pête, à suivre son cap. Avec ou sans le retrait du décret des excom­mu­ni­ca­tions, elle se trouve d’autant plus réso­lue à ne pas bais­ser les bras et à ne pas pas­ser avec Rome « l’accord de l’eau et du feu » que sa pro­vi­den­tielle stra­té­gie a été recon­nue et choi­sie et a même com­men­cé à por­ter ses fruits.

Par la grâce de Dieu, elle pas­se­ra, en cette année 2009, le seuil des cinq cents membres prêtres. En France, elle a la joie de vous annon­cer, après la béné­dic­tion de la nou­velle église construite au cœur de la ville de Rouen, l’ouverture, pour cette nou­velle année, de deux nou­veaux lieux de culte dans la région pari­sienne, l’un en plein Paris et l’autre près de Meaux, et espère bien, dès la ren­trée pro­chaine, ouvrir un prieu­ré à Rouen et une nou­velle école pri­maire à Brest.

Pour l’avancement de notre apos­to­lat, nous vous remer­cions, de tout notre cœur, de vos prières et de votre sou­tien. Nous devons, par­tout, tout conti­nuer à tout construire par nous-​mêmes car les lieux de culte nous sont tou­jours refu­sés. A mesure que s’entassent davan­tage les décombres du Concile, il semble en effet que les évêques, plu­tôt que de cher­cher à s’en déga­ger, pré­fèrent se lais­ser éga­le­ment ense­ve­lir avec ce qu’il sub­siste de leurs diocèses.

Nous ne nous plai­gnons pas de payer au prix fort notre liber­té de parole et de confes­sion de la foi. Mais c’est un fait, dont on doit avoir bien conscience, alors que les églises vides nous demeurent obs­ti­né­ment fer­mées – comme à Amiens – et que nous devons payer, jusqu’au der­nier cen­time, chaque arpent de nos ins­tal­la­tions et chaque pierre de nos construc­tions, que le com­bat de la foi ne s’est mira­cu­leu­se­ment main­te­nu et ne demeure que dans cet ostra­cisme et dans cette immense pré­ca­ri­té aux­quels nous res­tons confrontés.

Plus que jamais, afin d’intensifier notre résis­tance et afin de pro­pa­ger la foi, nous avons besoin de votre aide. Nous vous remer­cions de ce sou­tien indis­pen­sable pour que nous puis­sions tou­jours davan­tage déve­lop­per notre apos­to­lat pour la gloire de Dieu, pour le salut des âmes, pour que la foi soit trans­mise à nos enfants et qu’elle ne dis­pa­raisse pas de notre pays. Sainte Jeanne l’a dit et l’a vécu : « Il faut beso­gner quand Dieu veut. Besognons et Dieu beso­gne­ra. »

Chers Amis et Bienfaiteurs, en ce début d’année 2009, rem­pli d’une invin­cible cer­ti­tude que l’heure de Dieu et du triomphe de sa jus­tice sur­vien­dra, je vous pré­sente tous mes vœux pour qu’enracinés dans ce com­bat de la foi, nous conti­nuions à le mener, tous ensemble et jusqu’au bout, dans le creu­set des ver­tus chré­tiennes et dans le Cœur Douloureux et Immaculé de la très Sainte Vierge Marie. 

Abbé Régis de Cacqueray-​Valménier, Supérieur du District de France

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