Lettre aux mamans n° 25 de septembre 2009

N° 25 – Septembre 2009

hère Madame,

Par le bap­tême, Dieu créa « l’âme silen­cieuse » de votre enfant. Il la rem­plit de Lui-​même, rien que de Lui. Quand le petit enfant vient au monde, sa pre­mière demeure c’est votre mai­son, au sein de votre famille. C’est là qu’il va vivre le début de son exis­tence. C’est ensuite que, peu à peu, le monde y fait irrup­tion. Il fera connais­sance avec l’ex­té­rieur, ne serait-​ce que pour les visites dans la famille, chez les amis…, et le bruit l’en­va­hit, cou­vrant la douce voix de Dieu et le vacarme s’amplifie.

Deux cadres de vie s’offrent alors à lui : le foyer pro­té­gé (nor­ma­le­ment !) et le monde. Dehors, il y a les gens et tout l’en­vi­ron­ne­ment. Dehors, il y a l’a­gi­ta­tion, la hâte, la convoi­tise, la curio­si­té, la vani­té, la per­ver­sion,… Mais la mai­son, ce n’est pas dehors : c’est « dedans ». Ce n’est pas le monde, c’est vous. Il ne tient qu’à vous de rem­plir d’un cer­tain silence votre maison.

C’est de ce sujet – le silence sous ses dif­fé­rentes formes – que je veux vous entre­te­nir dans cette lettre et les suivantes.

En regar­dant vivre les enfants, leur agi­ta­tion, leur exci­ta­tion, leur éner­ve­ment, par­fois même une forme d’a­gres­si­vi­té, voire de la vio­lence dans les jeux,…. ces mou­ve­ments déré­glés et exces­sifs dans l’in­ten­si­té et si sou­vent non maî­tri­sés, je me suis pen­chée sur les causes et les remèdes à appor­ter à ce nou­veau pro­blème qui inquiète tant cer­taines mamans et même les enseignants.

L’enfant se plaint trop faci­le­ment d’être fati­gué dès le matin ; il ne cesse de se mou­voir dans tous les sens, de mani­pu­ler de façon incon­trô­lée une quan­ti­té d’ob­jets, de les faire tom­ber, de les cas­ser,… il ne peut s’empêcher de ges­ti­cu­ler, même dans les lieux où un peu de rete­nue serait de rigueur ! et de vous répondre « je n’ai pas fait exprès ! ».

Tout cela dénote une faille dans la pre­mière édu­ca­tion. L’enfant est fati­gué presque d’être fati­gué ! Le remède ? Apprenez-​lui à gérer le silence des sens en le lui fai­sant aimer.

Le silence ! Quelle est l’in­ter­pré­ta­tion de ce mot ? Avez-​vous goû­té, dans cer­taines occa­sions, les bien­faits du silence ? L’enfant ne le connaît pas, car il est deve­nu inca­pable d’être en silence. Le monde actuel est l’en­ne­mi du silence et le bruit agit comme une drogue sur le cer­veau de la jeu­nesse. Vous avez dû, bien sou­vent, vous en rendre compte. Il y a quelques temps, un enfant d’une dizaine d’an­nées me disait : « je ne sup­porte pas le silence ». Ce fut pour moi une lumière et, j’ose le dire, une révé­la­tion sur tous les troubles que cet enfant pou­vait ren­con­trer et qui sont en par­tie la cause de son caractère !

Quel est le bien­fait du silence ?

Le silence repose, apaise, gué­rit, console. Il répare les forces, pro­tège la vie, favo­rise la pen­sée. L’enfant a tant de dif­fi­cul­tés pour être atten­tif, car il ne pense pas, réflé­chit peu,… et parle à tort et à travers…(encore le bruit !).

Le silence rend meilleur, car lui seul met en accord l’es­prit et la matière. Il per­met de se retrou­ver soi-même.

Expliquons par des exemples.

Irrévocablement asso­ciée à l’es­prit, la matière peut lui être obs­tacle ou trem­plin, enne­mie ou alliée. Prenons sim­ple­ment une chaise : si je la bous­cule elle se ren­verse avec fra­cas ; cette porte, si je la brusque elle gronde avec colère. Mais dès que je les manie dou­ce­ment, elles m’o­béissent sans bruit, parce que je suis leur maître pour autant que je suis maître de moi-même.

Le silence est une conquête sur soi et un triomphe sur le monde. Fermons la porte au vacarme. Que la mai­son nous soit un abri. Que les choses obéis­santes se taisent. Que nos forces se recueillent. Que notre esprit se dilate. Et que, sou­mise en nous-​mêmes, la matière obéisse à l’esprit.

Je vous sug­gère de faire un petit retour sur les géné­ra­tions pré­cé­dentes. Nos mai­sons étaient moins encom­brées d’ob­jets, de meubles et de maté­riels, et les enfants (comme les adultes) avaient moins l’oc­ca­sion de faire du bruit. Pour nous défendre du bruit, com­men­çons par édu­quer les meubles, ces humbles com­pa­gnons dont nous avons par­fois sans néces­si­té encom­bré notre exis­tence. Pensons à ces civi­li­sa­tions qui, favo­ri­sées par le cli­mat, et res­pec­tant l’es­pace vital de leurs demeures, gardent l’u­sage de vivre en contact avec le sol. Bien sûr, loin de moi la pen­sée de vous conseiller de faire de même, car ce n’est pas, depuis fort long­temps, notre manière de vivre et il ne faut pas tom­ber dans le ridi­cule. Néanmoins, rete­nons dans cer­tains cas cette pra­tique et lais­sons au tout petit enfant la liber­té de s’ins­tal­ler par terre à sa guise pour jouer ou se repo­ser. L’usage du « parc » est-​il encore cou­rant dans les familles ? Cet espace sécu­ri­sé, limi­té et sur­veillé per­met­tait à l’en­fant de se mou­voir. Mais voi­là le défaut qui guette : trop vite le petit est consi­dé­ré comme « un grand » car on ne lui donne pas le temps de gran­dir. « Nous sommes pres­sés » et on a l’im­pres­sion que les parents courent après le temps. Cette posi­tion au sol faci­lite l’é­qui­libre ner­veux. En effet, la proxi­mi­té du sol ins­pire un sen­ti­ment de sécu­ri­té, de sta­bi­li­té et d’é­qui­libre à l’enfant.

Les enfants, comme les sages, se trouvent mieux assis par terre ! Evitez, quand cela n’est pas indis­pen­sable, bien évi­dem­ment, d’u­ti­li­ser sys­té­ma­ti­que­ment et trop long­temps dans la jour­née des acces­soires que le com­merce fait ache­ter en fai­sant croire qu’ils sont essen­tiels au bien-​être de l’en­fant…. C’est une forme de men­songe. Sachons que dans tous les domaines l’en­com­bre­ment est mau­vais : le maté­riel peut entra­ver le corps comme trop de notions entravent la pen­sée et trop de rai­son­ne­ments entravent l’en­vol de l’es­prit. Nous avan­çons mieux sans far­deau, « nous sommes tous voya­geurs comme nos pères » dit l’Ecriture Sainte.

Ceci dit, il faut quand même vivre dans une mai­son avec des meubles, du maté­riel et des objets, c’est indé­niable ; mais sachons apprendre à nos enfants com­ment agir avec chaque chose. Ainsi, repre­nons l’exemple tout à fait rudi­men­taire de fer­mer une porte (que beau­coup d’a­dultes ne savent pas faire d’ailleurs) : on la tient par la poi­gnée jus­qu’à sa fer­me­ture com­plète (savoir prendre le temps de tenir la poi­gnée éduque la ver­tu de patience !) car elle ne se ferme pas toute seule, sinon elle claque. Ne lais­sons pas indé­fi­ni­ment une porte grin­cer alors qu’une goutte d’huile dans les gonds sup­prime ce désa­gré­ment. Si cer­tains espaces de la mai­son sont bruyants lors de dépla­ce­ments, appre­nez à votre enfant à en tenir compte et à y mar­cher avec plus de pré­cau­tions. C’est à vous Chère Madame, dans votre logis, qu’il appar­tient d’as­su­rer et de faire res­pec­ter ce silence à l’en­semble de la mai­son­née afin que cha­cun le découvre par vous. L’exemple parle plus que les paroles. L’important est de vou­loir le silence« parce que le Seigneur n’est pas dans le bruit » est-​il écrit dans l’Ecriture Sainte (I Rois 19, 11 ). A l’in­verse, per­mettre (et pire, encou­ra­ger !) à un petit de mettre en marche la radio, la télé­vi­sion ou tout autre appa­reil vidéo, c’est lui incul­quer la recherche et le désir du bruit. Et s’il se tient sage pen­dant ces heures pas­sées devant l’é­cran, sachez que vous avez per­mis au monde païen de défor­mer l’é­du­ca­tion chré­tienne que vous essayez de lui don­ner. Ce qu’il aura vu imprègne tel­le­ment le fond de son âme que vous n’en ver­rez que trop tard les méfaits….. Le sujet est trop vaste pour que je m’at­tarde ici.

Enseignez à votre enfant à se faire obéir des objets inani­més, après lui avoir fait aimer le silence de ces mêmes objets, ce qui vous per­met­tra de l’i­ni­tier éga­le­ment au res­pect du bien d’au­trui, sans le cas­ser, ni l’abîmer.

Après avoir vu com­ment favo­ri­ser un cli­mat de silence à la mai­son, avec les dif­fé­rents objets qui entourent l’en­fant, nous abor­de­rons, la pro­chaine fois, com­ment gérer une autre forme de silence. Le silence exté­rieur ne suf­fit pas, mais c’est le point de départ. C’est l’être qu’il s’a­git de maî­tri­ser. Le camou­flage est utile au départ, pour don­ner le goût du silence, mais cela ne suf­fit pas. Que la Vierge Marie – la toute silen­cieuse – vous aide à retrou­ver cette forme du silence néces­saire au déve­lop­pe­ment de votre enfant dans une atmo­sphère sereine et paisible…

(à suivre)

Une Religieuse.

Adresse cour­riel de la Lettre aux mamans sur l’éducation