Editorial, par l’abbé Régis de Cacqueray
Chers amis et fidèles de la Fraternité Saint-Pie X,
L’année mariale s’achève, riche en grâces et en épreuves (mais les épreuves ne sont-elles pas aussi des grâces et des meilleures ?). Nous voulons donc en premier lieu exprimer à la Très Sainte Vierge notre profonde reconnaissance pour tous les bienfaits – même les plus douloureux – que nous avons reçus de ses mains. Parmi les plus identifiables, citons les pèlerinages de Montmartre et de Lourdes, le dossier sur l’Immaculée Conception élaboré par les dominicaines de Brignoles, dossier que nous conserverons, et le colloque organisé par le prieuré de Lyon, Cité française de Notre-Dame, en l’honneur de ce cent cinquantième anniversaire de la Bulle Ineffabilis Deus . Innombrables ont été les grâces répandues à ces occasions, mais tout au long de l’année également, pour amener les âmes au Bon Dieu. Des signes bien consolants en sont l’afflux des élèves vers nos écoles et des vocations dans l’ensemble des communautés religieuses de la Tradition en France.
Les épreuves ont aussi été bien présentes également. Nous devons essayer de ne pas passer à côté des enseignements salutaires qu’elles nous procurent. C’est pour cette raison principale, et peut-être unique, que nous citerons l’affaire de la mutinerie bordelaise. Elle apparaît en effet comme la plus lourde des croix rencontrées par le district de France cette année et, aux dires des plus anciens de la Tradition, depuis sa fondation. Elle peut donc apporter aussi avec elle les plus belles grâces. Comme l’a justement écrit dans une lettre du 28 novembre 2004 Monsieur l’abbé Aulagnier, qui fut le premier Supérieur de ce district, la Fraternité sortira de cette crise « plus fraîche et plus allante que jamais ». Il a raison. Nous ne saurions, nous autres prêtres et fidèles de la Fraternité, verser dans la morosité. Le Bon Dieu veut tirer un bien d’autant plus important du mal survenu que celui-ci a été profond.
Il était sans doute salutaire pour « le plus grand district de la Fraternité » de subir cette humiliation publique, magistralement médiatisée. Tâchons d’en tirer les leçons pour nos âmes et de revenir à quelques dispositions particulièrement chères au Sacré-Cœur de Jésus.
Nous pensons devoir évoquer ici les vertus évangéliques d’obéissance, de pauvreté et de chasteté. Certes, ni les prêtres de la Tradition, ni les fidèles, ne prononcent les vœux qui correspondent aux deux premières mais ne doivent-ils pas rivaliser d’autant plus avec les sociétés religieuses pour en posséder l’esprit encore mieux qu’elles ? La Fraternité Saint-Pie X ne doit-elle pas mettre son ambition à disputer aux capucins le premier prix de l’esprit de pauvreté ou aux jésuites celui de l’obéissance ? Comme nous le savons d’ailleurs fort bien, prêtres et baptisés ne seront fidèles à la vertu de chasteté propre à leur état que dans l’estime et la pratique de ces deux vertus d’obéissance et de pauvreté .
A l’encontre de l’esprit prôné par le monde, la recherche du luxe, du confort, de nos aises et de la facilité ne doit pas ternir notre âme rachetée à un si grand prix.
« Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel des nids, mais le Fils de l’Homme n’a pas où reposer sa tête ( Lc IX, 58 ). »
Du dénuement de la crèche au dépouillement de la Croix, Notre-Seigneur, après nous en avoir donné l’exemple, nous engage résolument à embrasser une véritable pauvreté. Pour la conserver, il nous est nécessaire de réagir contre les sollicitations nombreuses de la société de consommation dans laquelle nous vivons. Les fidèles peuvent prendre exemple sur le prêtre dont le sacerdoce est une école de renoncement. Réciproquement, le prêtre doit d’autant plus chérir la pauvreté qu’il est le témoin privilégié des sacrifices auxquels se soumettent beaucoup de familles parmi ses fidèles pour régler les scolarités de leurs enfants et qu’il ne faut pas qu’il les scandalise par des habitudes mondaines et coûteuses.
Contre ce même esprit du monde, émancipé et revendicateur, nous nous faisons un devoir spécial de porter le joug de l’obéissance. Nous refusons de tomber dans cet esprit humain rempli de morgue et d’insolence, qui se fait fort de passer au crible de son jugement tout ce que demande l’autorité. Notre modèle est Celui qui « s’est fait obéissant jusqu’à la mort et à la mort de la croix » ( Phil. II,8) et c’est bien cet esprit-là et nul autre que nous recherchons pour la fécondité de l’apostolat de la Fraternité au service de l’Eglise. Et nous avons conscience que cette humble dépendance est d’autant plus nécessaire que les idéologies modernes soufflent un esprit opposé.
C’est précisément notre soif de la gloire de Dieu et du salut des âmes qui nous amène à désirer cette vie intérieure plus pauvre, plus obéissante et plus chaste. Lorsque les conquêtes apostoliques ne se succèdent pas au rythme où nous les souhaitons, revenons à cette vie intérieure et surnaturelle comme à la source de notre fécondité spirituelle.
La réponse à nos difficultés ne consistera certainement pas à retomber dans les erreurs de l’américanisme et à envisager l’apostolat en lui-même comme le moyen unique de notre sanctification. Il peut certes y contribuer fortement mais dans la mesure où il est bien comme un débordement de notre vie intérieure. Autrement, il est malheureusement possible de rencontrer des apôtres qui se dessèchent dans un apostolat devenu très humain. D’où ce rappel incessant de la vie intérieure chez tant de bons auteurs au premier rang desquels se trouve Dom Chautard. Vous trouverez les textes écrits par deux des plus anciens prêtres de la Fraternité Saint-Pie X, Messieurs les abbés Bonneterre (1) et Simoulin, qui ont réagi à un récent essai sur la sainteté sacerdotale dont l’orientation oublieuse de toute vie spirituelle ne peut conduire qu’à un désastre.
Non, chers amis, ce n’est pas par l’escamotage de la vie intérieure que nous obtiendrons un apostolat plus fécond mais c’est dans la pratique d’une perfection évangélique supérieure que se forment les plus généreux apôtres de Jésus-Christ. Si l’année mariale se trouve déjà parvenue à son terme, puissions-nous en conserver cette certitude intime que la solution à toutes nos misères se trouve en Notre-Dame. Ce n’est que grâce à Elle que l’obscurité de la nuit n’est pas totale et que ceux qui suivent Son étoile arrivent aux ravissements de la crèche auprès de laquelle ils pourront déposer leurs fardeaux et leurs supplications.
Je vous présente, chers amis et fidèles de la Fraternité Saint-Pie X, tous mes vœux pour cette année 2005. Qu’en ce centième anniversaire de la naissance de notre fondateur, nous obtenions ces vertus de Foi et de Force qui lui donnèrent une telle constance dans l’adversité.
Abbé Régis de Cacqueray-Valménier †
Supérieur du district de France
Note de La Porte latine
(1) auquel nous avons rajouté une magnifique « Prière à Jésus Prêtre éternel »