« Présent » du 1er août 2007 – Jean Madiran
Au cours de ses vacances dans les Dolomites, Benoît XVI a, selon La Croix du 27 juillet, demandé que l’on réfléchisse « de manière positive » aux quarante années de « l’après-Concile ».
Le Saint-Père a lui-même donné l’exemple d’une très libre réflexion. C’est bien, semble-t-il, la première fois que sont prononcées des paroles pontificales aussi graves, aussi catégoriques sur la malfaisance d’un courant caractéristique de l’après-Concile. « Une partie de l’Eglise », a‑t-il dit, – et l’on pourrait aussi bien dire : un parti dans l’Eglise, mais largement dominant – « se disait : nous n’avons pas créé, en deux mille ans de christianisme, un monde meilleur (sic), nous devons recommencer à zéro sur un mode absolument nouveau » pour lequel « le marxisme semblait la recette ».
Cette « partie » de l’Eglise, ou « ce parti » dans l’Eglise, estimait que la révolution culturelle de Mai 68 (les trois M : Marx, Mao, Marcuse) était bien « ce qu’avait voulu le Concile » : « identifiant cette révolution culturelle marxiste avec la volonté du Concile ». Ajoutons que cela fut particulièrement explicite en France, où le « conseil permanent de l’épiscopat », dans une déclaration du 20 juin 1968, identifiait effectivement le « grand mouvement » de Mai 68 à ce qu’avait « pressenti le Concile ».
Selon la documentation dont on dispose, on retrouvera cette rocambolesque profession de foi soit aux pages 272–273 et suivantes de L’Hérésie du XXe siècle, soit dans La Croix du 22 juin 1968 (page 13) ou dans La Documentation catholique du 7 juillet, col. 1185 à 1187. A cette déclaration s’applique parfaitement le reproche de Benoît XVI d’avoir dit : « Cela est le Concile. »
En face, « la réaction » protestait qu’ainsi « on va détruire l’Eglise ». Benoît XVI semble y mettre un même ton de reproche, comme pour établir une sorte de symétrie. Il ne faut pourtant pas oublier que cette « réaction » était une très petite minorité dans l’Eglise. Elle avait peut-être tort de croire (mais le croyai-elle ?) que le marxisme allait arriver à « détruire l’Eglise » : mais faire dans l’Eglise de vastes et cruelles destructions, c’est bien ce qui est arrivé.
Benoît XVI nous invite à « découvrir tout ce qui a crû de manière positive dans l’après-Concile ». Certes, il serait étonnant que rien n’ait crû, même dans une Eglise en crise et diminuée. Mais est-ce le résultat d’innovations pastorales génialement inventées ? Ou bien l’effet de sacrements validement administrés et d’une assimilation des trois connaissances (invariables) nécessaires au salut ? Et puis, tout de même, ces quarante années postconciliaires ont connu de massives décrues, comme celle des vocations sacerdotales et religieuses. On ne peut pas faire comme si elles n’existaient pas.
Ce qu’il y a de profondément subversif tout au long de ces quarante années, c’est l’institution arbitraire d’une « relecture » (disait Congar) de tout le magistère antéconciliaire : une relecture interprétative, réformatrice et marxisante.
C’est l’inverse qui tôt ou tard deviendra inévitable : une relecture du Concile à la lumière de ce qui a toujours été la pensée et la prière de l’Eglise.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 6390 de Présent, du mercredi 1er août 2007