EN 1999, la Fraternité Saint- Pie X prenait une initiative audacieuse et inattendue : celle d’écrire régulièrement à tous les prêtres diocésains de France, pour entamer le dialogue et se faire connaître au-delà des préjugés, des calomnies et des ignorances. Cet envoi (à plus de 30 000 exemplaires, à l’époque) serait absolument gratuit. Monsieur l’abbé Patrick de La Rocque, initiateur de ce projet et aujourd’hui prieur de l’église Saint-Nicolas du Chardonnet de Paris comptait, pour financer cette Lettre à nos frères prêtres, exclusivement sur les dons des fidèles. Sa tranquille audace n’a pas été déçue. Effectivement, depuis dix-sept ans, avec une belle régularité, les prêtres français reçoivent chaque trimestre une revue de huit pages A4 qui les informe, les éclaire, les instruit.
Une information de première main
Cette initiative peu connue du grand public s’ajoute, certes, à toutes les estimables publications, sur papier ou électroniques, qui s’efforcent également de défendre, notamment auprès du clergé, les valeurs de la Tradition catholique. Mais la Lettre à nos frères prêtres comporte une spécificité que ne connaissent pas les autres revues : c’est qu’elle atteint individuellement, sans filtre ni intermédiaire, tous les prêtres diocésains, qui n’ont aucune démarche à faire pour cela. Chaque prêtre français reçoit en effet automatiquement cette Lettre : chaque année, les cent annuaires des diocèses de France sont soigneusement épluchés pour mettre à jour une formidable base de données qui regroupe tout le clergé français. Ainsi, la Lettre à nos frères prêtres passe au-dessus de toutes les Croix, Vie catholique, Radio-Notre-Dame, KTO, Panorama et autres Pèlerin, pour informer directement et de première main le prêtre dans son presbytère.
Bien évidemment, les sujets abordés sont essentiellement ecclésiastiques. Dans la Lettre à nos frères prêtres, on parle (avec beaucoup de compétence, et de façon tout à fait passionnante) de théologie, de liturgie, d’histoire ecclésiastique, de droit canonique, de spiritualité, mais aussi des événements actuels de la vie de l’Eglise. C’est pourquoi la dernière livraison, le numéro 68 de décembre 2015 [1] (en fait envoyé aux lecteurs en janvier), sans pourtant s’éloigner de son but et de son esprit, tranche sur l’ordinaire : elle se compose, en effet, sur douze pages, d’un copieux dossier intitulé « Un regard chrétien sur l’immigration ».
L’éditorial [2] de l’abbé Christian Bouchacourt, supérieur du District de France de la Fraternité Saint- Pie X, explique clairement le but de cette publication un peu inattendue :
« L’Europe vient d’accueillir en quelques mois, bon gré mal gré, plus d’un million d’immigrants, en provenance principalement de pays islamiques. C’est un fait assez massif pour être au centre des conversations, de nombreux articles de presse, de déclarations politiques de tous bords. C’est pourquoi il m’a semblé utile qu’une courte synthèse doctrinale sur cette question de l’immigration soit réalisée pour cette Lettre, « Un regard chrétien sur l’immigration », occasion d’une réflexion à partir de la doctrine des papes et des théologiens ».
Contre la « langue de bois »
La suite de l’éditorial explique plus précisément cette nécessité : c’est qu’il existe une « langue de bois » ecclésiastique sur cette question et que les prêtres risquent d’en être les premières victimes, par soumission à leurs chefs naturels, et par une information tronquée donnée par une presse dite « catholique » et très largement « immigrationniste ». L’abbé Bouchacourt poursuit donc son propos :
« D’autant que, depuis de longues années, la parole des évêques français sur ce sujet se réduit presque à répéter comme un leitmotiv la phrase de l’Evangile : « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli » (Mt 25, 35). Il est incontestable que cette phrase représente un élément clé d’un regard chrétien sur l’immigration. Mais lorsqu’elle est considérée comme apte à exprimer seule l’essentiel d’une position supposée « chrétienne » sur l’immigration, il s’agit d’une erreur profonde. Le principe de « l’accueil inconditionnel de l’autre », qui constitue comme le « fond de sauce » de la doxa épiscopale française sur l’immigration, n’est en vérité absolument pas suffisant pour cela. »
C’est donc pour compléter, rectifier, éclairer des connaissances souvent tronquées et déformées que le dossier s’emploie à proposer des arguments tirés de la théologie la plus classique et la plus certaine, afin de fournir une doctrine sage, mesurée et surtout vraie pour faire face à une situation inquiétante (pour les pays d’accueil) et tragique (pour les émigrants).
Nous n’avons pas la prétention de résumer ce travail riche et nuancé. Les lecteurs pourront le lire, soit en commandant le numéro de la revue, soit en allant consulter sa version électronique sur le site internet du District de France de la Fraternité Saint-Pie X intitulé « La Porte Latine », soit enfin en acquérant le petit ouvrage qui a servi de base à ce dossier. Les rédacteurs de la Lettre à nos frères prêtres ont utilisé essentiellement, en effet, un livre de l’abbé Grégoire Celier intitulé précisément « Un regard chrétien sur l’immigration », paru en 2007 aux éditions Via Romana [3], et dont Jean Madiran écrivait dans nos colonnes qu’il s’agissait de « salubres réflexions » regroupées en une « étude très remarquable » (Présent du 19 septembre 2007).
Espérons que beaucoup de prêtres liront cette Lettre à nos frères prêtres [4], qu’ils en méditeront les solides arguments et qu’ils seront nombreux à sortir ainsi de ce « somnambulisme pieux » dans lequel trop d’entre eux sont enfermés au rebours du réel, de la justice et de la charité ; qu’ils cesseront alors de prêcher toujours plus d’immigration [5] au nom d’un fallacieux « accueil de l’autre », pour penser d’abord et premièrement au bien spirituel mais aussi temporel de leur prochain le plus proche : leurs ouailles, les natifs de ce pays, les Français.
Jacques Breil, in Présent du 13 février 2016
- Accès au numéro 68 de décembre 2015[↩]
- Lire ici cet éditorial[↩]
- Grégoire Celier, Un regard chrétien sur l’immigration, éditions Via Romana, 2007, 70 pages, 10, 50 euros.[↩]
- Lettre à nos frères prêtres numéro 68. Ecrire à « LNFP, 11 rue Cluseret, 92 280 Suresnes Cedex » : 5 euros le numéro isolé ; 10 euros l’abonnement 2016 (quatre numéros). On peut participer à l’envoi de la revue aux prêtres en versant de l’argent en sus.[↩]
- Lire aussi Fideliter n° 175 de janvier-février 2007 : IMMIGRATION, UN REGARD CHRÉTIEN[↩]