« Unplanned » ou le planning familial démasqué

Une chaîne de télé­vi­sion a été mise en garde par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel pour avoir dif­fu­sé le film Unplanned. Est-​il si dangereux ?

Ce film retrace la véri­table his­toire vraie d’Abby Johnson qui tra­vailla 8 ans dans une cli­nique d’a­vor­te­ment tenue par le plan­ning fami­lial avant de faire une com­plète volte-​face pour deve­nir mili­tante pro-​vie. Son expé­rience, sim­ple­ment racon­tée, fait voler en éclat toute pré­ten­tion de res­pec­ta­bi­li­té de la célèbre asso­cia­tion « pro choice ».

A 18 ans, Abby est une jeune fille idéa­liste qui veut don­ner un sens à sa vie en se dédiant à une bonne cause. Cette ambi­tion en fait une proie facile pour les « recru­teurs » du plan­ning fami­lial qui encou­ragent des béné­voles à s’en­ga­ger au ser­vice des jeunes filles confron­tées à une gros­sesse « non-​désirée ». Il s’a­git, lui dit-​on, de leur appor­ter conseil et sou­tien, et éven­tuel­le­ment leur faci­li­ter l’ac­cès à l’avortement.

Abby se dévoue géné­reu­se­ment à la « cause » et devient suc­ces­si­ve­ment recru­teuse, conseillère puis direc­trice de la cli­nique, fai­sant une car­rière dont elle est fière. Sans en être vrai­ment consciente, elle se trans­forme en un com­mer­cial qui vend, avec un grand talent, des avor­te­ments comme n’im­porte quel autre pro­duit de consom­ma­tion. Il ne s’a­git plus de conseiller les jeunes filles en détresse mais de les convaincre de se faire avor­ter. Un des temps forts du film nous fait assis­ter à une réunion de direc­trices de cli­niques du plan­ning fami­lial. Les diri­geants y gèrent cyni­que­ment l’as­so­cia­tion comme un busi­ness lucra­tif dont le pro­duit phare est l’a­vor­te­ment. Abby est récom­pen­sée comme la meilleure employée de l’an­née (on ne peut s’empêcher de pen­ser aux por­traits affi­chés dans nombre de com­merces amé­ri­cains féli­ci­tant l’employé du mois); des objec­tifs de crois­sance (dou­ble­ment des avor­te­ments médi­ca­men­teux en un an) sont assi­gnés aux res­pon­sables locaux, etc…

Il fau­dra, cepen­dant, encore du temps pour qu’Abby finisse par perdre ses illu­sions (peut-​être que les deux avor­te­ments qu’elle avait elle-​même subis lui ren­dirent dif­fi­cile l’ac­cep­ta­tion de l’hor­reur et de la malice de l’a­vor­te­ment). L’élément déclen­cheur sera sa propre par­ti­ci­pa­tion à un avor­te­ment, ce qu’elle n’a­vait jamais fait aupa­ra­vant. On lui demande de faire une écho­gra­phie pour gui­der le méde­cin dans son « opé­ra­tion ». Elle voit alors un petit être humain dont le corps est déjà for­mé, se faire aspi­rer petit à petit hors de l’u­té­rus alors que du sang et des matières fœtales cir­culent dans un tuyau pour être recueillis dans un conte­nant qui est ensuite exa­mi­né avec soin pour recons­ti­tuer le fœtus et s’as­su­rer qu’il n’en reste aucun mor­ceau dans le ventre de la mère. C’en est trop pour Abby qui éclate en san­glot et se réfu­gie dans le local proche d’une asso­cia­tion pro-​vie. Le soir même, elle donne sa démis­sion et quitte la cli­nique pour ne plus jamais y retour­ner. Elle ne tar­de­ra pas à deve­nir mili­tante pro-​vie, un enga­ge­ment qui débou­che­ra sur la pro­duc­tion de ce film.

D’une grande qua­li­té pro­fes­sion­nelle, ce film a le mérite de révé­ler la crue réa­li­té de l’a­vor­te­ment et de mon­trer le plan­ning fami­lial tel qu’il est vrai­ment. Sous cou­vert de se pré­oc­cu­per du vrai pro­blème que repré­sente une gros­sesse « non-​désirée » pour un nombre non négli­geable de femmes qui peuvent dif­fi­ci­le­ment l’as­su­mer, cette asso­cia­tion est une entre­prise com­mer­ciale comme une autre qui réa­lise un chiffre d’af­faires de plus d’un mil­liard par an en ven­dant des avor­te­ments sans se sou­cier, mal­gré ce qu’elle pré­tend, du bien être des femmes trai­tées cyni­que­ment comme des consom­ma­teurs comme les autres.

On retien­dra, entre autres de ce film outre la démys­ti­fi­ca­tion du plan­ning fami­lial, qu’il nous montre avec réa­lisme que l’a­vor­te­ment est loin d’être un acte bénin. Outre la scène de l’a­vor­te­ment déjà décrite ci-​dessus, l’a­vor­te­ment médi­ca­men­teux d’Abby au moyen de la pilule RU486 est fil­mé avec réa­lisme. Bien qu’on l’ait ras­su­rée en lui disant qu’elle n’au­rait pas plus de sai­gne­ments que pour des règles un peu dif­fi­ciles ; elle passe une dou­zaine d’heures dans sa salle de bain dans des dou­leurs atroces pour expul­ser non seule­ment du sang, mais aus­si des « caillots ». Six semaines lui seront néces­saires pour s’en remettre. Une autre tech­nique d’a­vor­te­ment est aus­si évo­quée, celle-​ci uti­li­sée pour des fœtus de 24 semaines. La pro­cé­dure dure trois jours. Le pre­mier est consa­cré à empoi­son­ner le fœtus par une piqure in ute­ro direc­te­ment dans le cœur du fœtus. Le deuxième laisse le temps faire son œuvre tan­dis que le troi­sième sert à l’ex­pul­sion de la vic­time à la manière d’une fausse couche.

Enfin, la détresse des jeunes femmes qui avortent est évo­quée de façon poi­gnante par une scène plu­sieurs fois répé­tée. Dans ce qui sert de salle de réveil, des jeunes filles sont aban­don­nées, assises en rang d’oi­gnon dans un état second. L’une fait une hémor­ra­gie et perd beau­coup de sang avant que l’on s’en aper­çoive. Elle sera fina­le­ment sau­vée de jus­tesse bien que la direc­trice de la cli­nique refuse de la faire trans­por­ter à l’hô­pi­tal pour évi­ter une mau­vaise publi­ci­té dans les médias. Pour la même rai­son, cette direc­trice force Abby à men­tir au père qui avait accom­pa­gné sa fille pour lui cacher les com­pli­ca­tions de l” »opé­ra­tion ».

Deux choses sont, cepen­dant, à regret­ter. La pre­mière est que, loin d’être condam­née, la contra­cep­tion est pré­sen­tée comme une solu­tion à encou­ra­ger pour évi­ter les gros­sesses « non-​désirée ». La deuxième est que la dimen­sion idéo­lo­gique de la pro­mo­tion de l’a­vor­te­ment par la culture de mort soit tota­le­ment ignorée.

Un der­nier ensei­gne­ment reste à tirer de ce film. Alors qu’en France, hélas, l’a­vor­te­ment est pas­sé dans les mœurs, il fait tou­jours débat en Amérique, même au niveau légis­la­tif, car il y a tou­jours eu de puis­santes orga­ni­sa­tions pro-​vie qui n’ont jamais bais­sé les bras. Il semble même que l’on puisse espé­rer pro­chai­ne­ment un juge­ment de la Cour suprême restrei­gnant la pra­tique de l’a­vor­te­ment. Nous avons là la preuve que les seules batailles que l’on ne risque pas de gagner sont celles que l’on n’en­tre­prend pas. Qu’en serait-​il de la ques­tion de l’a­vor­te­ment en France si la lutte avait été menée avec la même détermination ?