La première partie de cet article a exposé les différentes techniques pour intervenir sur l’embryon, la seconde ses conséquences. Voyons manitenant les principes de la loi naturelle qui s’appliquent à cette question.
III.- Les principes de la loi naturelle
Disons tout de suite que, quoi qu’en puissent dire les hommes, la « vraie » mère de l’enfant sera toujours la mère biologique ou génétique, celle qui lui donne son ADN dans le noyau de son ovocyte. Le fait de donner l’ovocyte dans lequel le noyau de la mère sera implanté ou de porter l’enfant dans son ventre au cours de son développement embryonnaire ne saurait se substituer à cette réalité de la nature.
Le « vrai » père de l’enfant est celui qui a procuré le sperme quelle que soit la manière dont celui-ci a été introduit dans l’ovocyte de la mère. Tout le reste n’est que fiction, qu’on essaiera en vain d’imposer à la nature et aux hommes.
Premier principe
« La loi naturelle exprime et prescrit les finalités, les droits et les devoirs qui se fondent sur la nature corporelle et spirituelle de la personne humaine. » Elle n’est pas seulement l’expression de constatations biologiques dont on pourrait se libérer, « mais elle doit être définie comme l’ordre rationnel selon lequel l’homme est appelé par le créateur à diriger et régler sa vie et ses actes, et, en particulier, à user et à disposer de son propre corps » (Instruction de la congrégation pour la doctrine de la foi Donum vitae, 22/02/1987) [1] (Cf article La loi naturelle est-elle encore d’actualité ?, Nouvelles de Chrétienté, N° 176).
Deuxième principe
« La fécondité humaine, au-delà du plan physique, revêt des aspects moraux essentiels qu’il faut nécessairement considérer même lorsqu’on traite le sujet du point de vue médicale. (…) La fécondation artificielle dans le mariage « dépasse les limites du droit que les époux ont acquis par le contrat matrimonial, à savoir, celui d’exercer pleinement leur capacité sexuelle naturelle dans l’accomplissement naturel de l’acte matrimonial » (Pie XII, Allocution au Congrès de la fertilité et de la stérilité, 19/05/1956)
« Réduire la cohabitation des époux et l’acte conjugal à une pure fonction organique pour la transmission des germes serait comme convertir le foyer domestique, sanctuaire de la famille, en un simple laboratoire biologique. Aussi, dans notre allocution du 29 septembre 1949, au Congrès international des médecins catholiques, Nous avons formellement exclu du mariage la fécondation artificielle. L’acte conjugal, dans sa structure naturelle, est une action personnelle, une coopération simultanée et immédiate des époux, laquelle, du fait même de la nature des agents et du caractère de l’acte, est l’expression du don réciproque, qui, selon la parole de l’Ecriture, réalise l’union « en une seule chair » (Pie XII, Allocution aux sages-femmes, 29 octobre 1951).
Dans la loi naturelle, la filiation naturelle est clairement la norme et ne saurait être supplanté par la filiation d’intention. De fait, l’interdiction de la fécondation artificielle limite la parenté d’intention à l’adoption qui est considérée comme un remède à une situation anormale dans laquelle les parents ne peuvent pas ou ne veulent pas éduquer l’enfant qu’ils ont conçu.
Donation de gamètes et parentalité : Cela dit, la possibilité du don de gamètes (sperme chez l’homme, ovocyte chez la femme) soulève la question de la responsabilité du donneur par rapport à l’enfant né de lui. Il nous semble ici qu’il faille s’en tenir aux prescriptions de la loi. Celle-ci stipule que, dans ce cas, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de la procréation et qu’aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l’encontre du donneur. Les parents d’intention doivent préalablement donner leur consentement devant un juge ou un notaire. Leur responsabilité pénale est alors engagée à moins qu’ils ne révoquent leur consentement avant que la PMA soit de fait exécutée.
Certes être donneur ou parent d’intention dans le cadre d’une PMA est immoral et toute décision prise dans ce sens doit être révoquée dès que la personne concernée en prend conscience. Cependant, une fois accompli l” »irréparable », il faut bien statuer sur la filiation de l’enfant issu de la PMA. Suivre la loi française actuelle [2]) semble la moins mauvaise des solutions. D’abord parce que pour refuser sa validité à une loi, il faut avoir la certitude qu’elle est mauvaise, ce qui n’est pas le cas ici ou nous sommes en présence d’une situation tout à fait nouvelle car l’enfant n’est pas le fruit d’un acte sexuel entre ses deux parents. Il ne nous semble pas raisonnable d’imposer à un donneur une quelconque responsabilité vis à vis d’un enfant conçu à partir de ses gamètes, vu que les conditions du don, en particulier, l’anonymat, suppose de sa part une renonciation à ses droits sur l’enfant dont il n’a pas l’intention d’assumer la parentalité. Par contre, le parent d’intention s’est engagé à assumer la responsabilité parentale de l’enfant. Nous nous retrouvons donc dans une situation très proche de l’adoption et il est logique d’appliquer les mêmes règles.
Troisième principe
« Même si la présence d’une âme spirituelle ne peut être détectée par aucune observation de donnée expérimentale, les conclusions scientifiques elles-mêmes au sujet de l’embryon humain fournissent une indication précieuse pour discerner rationnellement une présence personnelle dès cette première apparition de la vie humaine » (Instruction de la Congrégation pour la doctrine de la foi Dignitatis Personae, N° 5, 8/08/2008).
« La théorie de l’animation retardée, soutenue par Aristote puis par saint Thomas, (…) dépendrait essentiellement des connaissances biologiques limitées qui étaient disponibles au temps où ces auteurs écrivaient. Une application correcte des principes aristotélico-thomistes, tenant compte des connaissances scientifiques actuelles, porterait au contraire à soutenir la théorie de l’animation immédiate et à affirmer en conséquence la pleine humanité de l’être humain nouvellement formé. » (Académie pontificale pour la Vie, L’embryon humain dans la phase préimplantatoire, aspects scientifiques et considérations bioéthiques, actes du congrès des 26 et 27 février 2006, p. 39) L’embryon serait donc un être humain à part entière dès sa conception [3]. Dès lors, il est un individu distinct de ses parents et non une partie du corps de la femme et sa vie doit être respectée.
« Tout être humain, même l’enfant dans le sein de sa mère, tient le droit à la vie immédiatement de Dieu, et non des parents, ou de quelque société ou autorité humaine ; donc, il n’y a aucun homme, aucune « indication » médicale, eugénique, sociale, économique, morale qui puisse exhiber ou donner un titre juridique valable pour disposer directement et délibérément d’une vie humaine innocente. »
« Après que l’homme a accompli son rôle et mis en mouvement la merveilleuse évolution de la vie, son devoir est d’en respecter religieusement la progression, devoir qui lui défend d’arrêter l’œuvre de la nature ou d’empêcher le développement naturel. » (Pie XII, Les lois fondamentales des rapports conjugaux, Allocution aux sages-femmes, 29/10/1951)
L’enfant est une personne à laquelle personne ne peut prétendre avoir droit. Le bien-être de l’enfant passe avant les souhaits de ses parents. La société se doit de faire respecter ce principe et de protéger les enfants.
Quatrième Principe
La famille est le principe de la société. De même que le corps humain se compose de cellules vivantes qui ne sont pas simplement juxtaposées, mais constituent par leurs relations intimes et permanentes un tout organique, ainsi la société est formée, non point d’un conglomérat d’individus qui apparaissent un instant pour disparaître ensuite, mais de la communauté économique et de la solidarité morales des familles, qui transmettent de génération en génération le précieux héritage du même idéal, de la même civilisation et de la même foi religieuse, et assurent ainsi la cohésion et la continuité des liens sociaux.
Pie XI, Allocution aux jeunes gens, 26/06/1940
Il est vrai que les papes ne précisent pas que la famille est basée sur la complémentarité des deux parents de sexe différent qui se lient par le mariage. N’en concluons pas pour cela qu’ils seraient ouverts à l’idée d’un autre type de famille, mais tout simplement que la chose leur paraissait si évidente qu’ils n’ont même pas pensé à le préciser. Le magistère de l’Eglise a toujours affirmé que la première fin du mariage est la procréation de nouvelles vies (ce qui suppose évidemment deux parents de sexe différents) au point d’estimer invalides les mariages contractés par un couple impuissant ou refusant d’avoir des enfants.
« Pour le chrétien, déclarait le Saint-Père, il y a une règle qui lui permet de déterminer avec certitude la mesure des droits et des devoirs de la famille dans la communauté de l’Etat. Elle est ainsi conçue : la famille n’est pas pour la société ; c’est la société qui est pour la famille. » Pie XII, discours du 18 septembre 1951) ce disant, il ne faisait que reprendre l’enseignement constant de ses prédécesseurs : « la société domestique instituée immédiatement par Dieu pour sa fin propre… a pour cette raison une priorité de nature, et par suite une priorité de droits, par rapport à la société civile », écrivait Pie XI (Encyclique Divini illius Magistri). Et déjà Léon XIII prenait, contre le socialisme, la défense de la famille, « société très petite sans doute, mais réelle et antérieure à toute société civile, et à laquelle il faudra dès lors de toute nécessité attribuer certains droits et certains devoirs absolument indépendants de l’Etat » ; et il concluait : « c’est une erreur grave et funeste de vouloir que le pouvoir civil pénètre à sa guise dans le sanctuaire de la famille » (Encyclique Rerum novarum).
Sources : Abbé François Castel
- Il est utile de citer le Magistère récent sur des questions elles-mêmes récentes, tout en prenant soin d’écarter ce qu’on pourrait y trouver d’inspiration humaniste ou personnaliste.[↩]
- « En cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de la procréation.
« Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l’encontre du donneur. » (Code civil art. 311–19)
« Les époux ou les concubins qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, doivent préalablement donner, dans des conditions garantissant le secret, leur consentement au juge ou au notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation.
« Le consentement donné à une procréation médicalement assistée interdit toute action en contestation de filiation ou en réclamation d’état à moins qu’il ne soit soutenu que l’enfant n’est pas issu de la procréation médicalement assistée ou que le consentement a été privé d’effet.
« Le consentement est privé d’effet en cas de décès, de dépôt d’une requête en divorce ou en séparation de corps ou de cessation de la communauté de vie, survenant avant la réalisation de la procréation médicalement assistée. Il est également privé d’effet lorsque l’homme ou la femme le révoque, par écrit et avant la réalisation de la procréation médicalement assistée, auprès du médecin chargé de mettre en œuvre cette assistance.
« Celui qui, après avoir consenti à l’assistance médicale à la procréation, ne reconnaît pas l’enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l’enfant.
« En outre, est judiciairement déclarée la paternité hors mariage de celui qui, après avoir consenti à l’assistance médicale à la procréation, ne reconnaît pas l’enfant qui en est issu. L’action obéit aux dispositions des articles 340–2 à 340–6. » (Code civil 311–20)
Cet anonymat est actuellement remis en cause ce qui pourrait bien obliger à reconnaître au donneur certains devoirs et droits vis à vis des enfants nés de ses gamètes. (Source : http://www.genethique.org/fr/conseil-de-leurope-une-recommandation-en-faveur-de-la-levee-de-lanonymat-pour-les-dons-de-gametes‑0[↩] - La question de l’animation immédiate de l’embryon (l’infusion de l’âme dans le fœtus) reste disputée (Cf le livre de Pascal Ide, Le zygote est-il une personne humaine ?, Pierre Téqui éditeur). Cependant, l’Eglise affirme que la conception démarre un processus aboutissant à une nouvelle vie qui ne peut jamais être légitimement interrompu.[↩]