Le cardinal Barbarin : « l’expression de la souffrance du pape » – 19/​03/​09


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Le cardinal Barbarin : « l’expression de la souffrance du pape »

Le car­di­nal Philippe Barbarin par­tage, dans le jour­nal La Vie, sa réac­tion suite à la récep­tion de la lettre du pape au sujet de la levée des excommunications.

Le pape a vou­lu reprendre l’ensemble de la ques­tion de la récente levée des excom­mu­ni­ca­tions, et son mes­sage est clair. Etre le « rocher de l’unité », tel est bien le cœur de la mis­sion du suc­ces­seur de Pierre, à qui Jésus, dans l’Evangile, demande de « for­ti­fier ses frères dans la foi » (cf. Luc 22, 31).

Benoît XVI dis­tingue clai­re­ment la dimen­sion juri­dique de la mesure prise, qu’il aurait vou­lu « un geste dis­cret de misé­ri­corde », et le tra­vail doc­tri­nal qui est à faire main­te­nant avec les quatre évêques concer­nés. Les expli­ca­tions qu’il donne confirment ce qui avait été expri­mé, le mois der­nier, dans la note publiée par la Secrétairerie d’Etat.

Ce qui est nou­veau et sur­pre­nant dans cette lettre, c’est l’expression de la souf­france du pape. Il s’en ouvre d’une manière si directe et simple, avec une telle humi­li­té, qu’on ne peut pas ne pas en être tou­ché. C’est vrai que, nous les évêques, nous rece­vons beau­coup de cri­tiques, par­fois vio­lentes, et je ne m’étais pas ren­du compte que l’effervescence média­tique qui a sui­vi cette affaire pou­vait avoir cau­sé chez lui une bles­sure aus­si pro­fonde. Je l’ai vu, à Rome, le len­de­main de la publi­ca­tion de sa lettre, et la souf­france était visible sur son visage. Nous avons assu­ré­ment à prier pour lui, comme il nous le demande.

Il nous appelle aus­si et sur­tout à « faire corps » et à avan­cer avec lui, ce qui ne signi­fie pas mettre de côté notre esprit cri­tique. Il me revient en mémoire cette phrase, ancienne, du car­di­nal Ratzinger : « De l’appartenance à l’Eglise, découle éga­le­ment un droit à la cri­tique, qui cepen­dant doit être tou­jours en pre­mier lieu auto-​critique » (Eglise, œcu­mé­nisme et poli­tique, p. 16). C’est un conseil qui vaut pour nous comme pour lui, et il se l’applique à lui-​même dans cette lettre. Il se montre lucide et recon­naît ouver­te­ment qu’il y a eu, dans cette affaire, non seule­ment l’irruption désas­treuse des décla­ra­tions de Mgr Williamson, mais des erreurs de com­mu­ni­ca­tion, et même d’instruction du dossier.

Benoît XVI rend hom­mage à la déli­ca­tesse des amis juifs, qui ont rapi­de­ment « aidé à dis­si­per le mal­en­ten­du et à réta­blir l’atmosphère d’amitié et de confiance ». Nous aus­si, nous pou­vons remer­cier le grand Rabbin de France, M. Gilles Bernheim, pour les paroles res­pec­tueuses et fra­ter­nelles qu’il a eues à l’égard de la com­mu­nau­té catho­lique, le jour de son inves­ti­ture, alors que le trouble média­tique était à son comble.

Qu’on n’oublie pas à quel point cela est cohé­rent avec les objec­tifs majeurs du saint Père. Dès le début, il avait indi­qué que ce tra­vail pour l’unité serait une des prio­ri­tés de son pon­ti­fi­cat. Je me rap­pelle ses paroles aus­si­tôt après son élec­tion, dans la cha­pelle Sixtine, alors qu’il nous expli­quait les rai­sons du choix de son nom : « Mon pon­ti­fi­cat sera un pon­ti­fi­cat de récon­ci­lia­tion, de tra­vail et de souffrance… »

Il reste donc une seule ques­tion, toute simple, adres­sée à ceux qui viennent de voir la main du pape se tendre vers eux : Oui ou non, reconnaissez-​vous comme appar­te­nant à la tra­di­tion et au Magistère de l’Eglise, l’enseignement du concile Vatican II et des papes, depuis Jean XXIII jusqu’à Benoît XVI ?

Les dis­cus­sions vont com­men­cer, et le com­bat spi­ri­tuel sera cer­tai­ne­ment rude. A cette inten­tion aus­si, il nous faut prier main­te­nant : « En véri­té, en véri­té, je vous le dis, ce que vous deman­de­rez au Père en mon nom, il vous le don­ne­ra » (Jean 16,23).

Propos recueillis par Joséphine Bataille in : La Vie, jeu­di 19 mars 2009.