Rome se trouve embarrassée par la pression des revendications pour l’ordination de femmes au diaconat
L’ordination des femmes au diaconat fait partie des thèmes chroniques dans l’Église depuis l’institution des diacres permanents dans la ligne du Concile[1]. Voyant venir les revendications d’ordination des femmes au sacerdoce ou à l’épiscopat, Rome a publié des documents[2] qui tranchent définitivement la question pour ces deux degrés supérieurs du sacrement de l’ordre, mais sans parler du diaconat. La Commission Théologique Internationale évoque le sujet du diaconat dans un document publié en 2002.
Entre temps, Paul VI avait réformé les ordres mineurs pour en faire des « ministères » conférés à des hommes laïcs (lectorat et acolytat)[3]. Le pape François, arguant de demandes formulées au cours des synodes des évêques, et du fait que les fonctions propres à ces ministères procédaient du « sacerdoce baptismal », accorde par la lettre apostolique Spiritus Domini (10 janvier 2021) la possibilité de les conférer aux femmes ; sans surprise les documents préparatoires du Synode sur la synodalité font état de demandes pressantes pour le diaconat. Le document final se contente de dire que la question est ouverte et que « le discernement à ce sujet doit se poursuivre » (n°60).
Des évêques innovent en confiant des fonctions cléricales à des femmes (délégué épiscopal remplissant la charge d’un vicaire épiscopal, dans la partie germanophone du Canton suisse de Fribourg en 2020 et dans le Brabant wallon en 2024) mais le pape François enfonce le clou en nommant une religieuse préfet du Dicastère pour les Instituts de vie consacrée et sociétés de vie apostolique. Dans tous ces cas, la personne se voit accompagnée d’un prêtre (ou un cardinal, noblesse oblige !) pour contresigner les actes de juridiction.
On le voit, la tendance est à confier aux femmes le plus possible de fonctions normalement masculines, tout en tergiversant devant la barrière des pouvoirs d’ordre et de juridiction.
François confia en 2016 à une première commission la réflexion sur le sujet du diaconat féminin, puis à une deuxième en 2020. Cette dernière a rendu au pape son rapport, daté du 7 février 2025, et une synthèse[4] en a été publiée par la salle de presse du Vatican le 4 décembre, avec la répartition des votes des membres. La réponse est un « non » qui n’ose pas être définitif devant la divergence des opinions. Le ton des conclusions est remarquable : « maintien d’une ligne d’évaluation prudente », besoin « d’enquêtes à l’échelle mondiale », de « sagesse clairvoyante », pour « sonder ces horizons ecclésiaux », insistance sur la « diaconie de la vérité », sur la « parrhésie évangélique » : bref, une cauteleuse circonspection.
La seule chose qui fait l’unanimité, c’est de multiplier les ministères attribués aux femmes et de valoriser la « diaconie baptismale ». Bref, flatter tout le monde parce que le terrain est miné.
En effet, le texte remarque que les groupes qui insistent pour le diaconat féminin dans le cadre du Synode sont peu représentatifs, qu’ils sont en conflit avec la tradition (on se doute bien qu’ils ne veulent pas s’arrêter au diaconat), et que leurs motivations sont peu convaincantes (sentiment d’y avoir droit, d’y être appelé, besoin d’être reconnu dans l’Église etc.) Bref, un groupe d’activistes qui piétinent les enseignements définitifs de l’Église et veulent briser les barrières de la Tradition les unes après les autres.
Tout cela pour un ministère dont on ne saisit toujours pas l’urgence, 60 ans après son institution : « Il convient de noter que dans de nombreux diocèses du monde, le ministère du diaconat n’existe pas, et que sur des continents entiers, cette institution sacramentelle est presque absente. Là où il est en vigueur, les activités des diacres coïncident souvent avec les rôles propres aux ministères laïcs ou aux ministres de la liturgie, suscitant chez le peuple de Dieu des questions sur la signification spécifique de leur ordination. » Autrement dit, « le corps diaconal se cherche encore[5] ».
C’est l’histoire de l’Église depuis le Concile : se laisser intimider par une minorité activiste, et imposer à tous les catholiques les lubies de quelques progressistes hétérodoxes.
- Constitution Lumen Gentium, n°29 ; Paul VI, Lettre apostolique donnée « motu proprio » Sacrum diaconatus ordinem (18 juin 1967), Lettre apostolique donnée « motu proprio » Ad pascendum (18 août 1972[↩]
- Déclaration de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi Inter insigniores le 15 octobre 1976, et Lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis du 22 mai 1994.[↩]
- Motu proprio Ministeria quaedam, 15 août 1972.[↩]
- https://press.vatican.va/content/salastampa/it/bollettino/pubblico/2025/12/04/0950/01725.html[↩]
- Bernard Litzler, diacre du canton de Vaud, https://www.cath.ch/newsf/diaconat-feminin-des-catholiques-romands-entre-deception-et-comprehension/[↩]









