La messe Rorate

La messe Rorate demeure ain­si une tra­di­tion authen­tique et riche spi­ri­tuel­le­ment, mais juri­di­que­ment circonscrite.

Chaque année à l’approche de Noël, la messe dite « Rorate » sus­cite un inté­rêt crois­sant. Souvent célé­brée à l’aube, par­fois à la seule lumière des cierges, elle marque pro­fon­dé­ment la pié­té de l’Avent par son atmo­sphère de silence et d’attente. Cette pra­tique, cepen­dant, mérite d’être repla­cée dans son contexte his­to­rique et juri­dique exact.

La messe Rorate tire son nom de l’introït Rorate cae­li desu­per ( « Cieux, répan­dez votre rosée » , Is 45, 8 ). Elle est de carac­tère marial et exprime l’espérance du monde avant la venue du Sauveur. Dans la pié­té chré­tienne, elle sou­ligne le rôle de la Très Sainte Vierge Marie, figure de l’attente et de la fidélité.

Contrairement à une opi­nion répan­due aujourd’hui, la messe Rorate n’appartient pas au droit litur­gique uni­ver­sel du rite romain tra­di­tion­nel. Le Missel romain de 1962 ne pré­voit pas, dans ses rubriques géné­rales, la célé­bra­tion libre d’une messe votive mariale propre à l’Avent. Les messes votives y sont au contraire étroi­te­ment régle­men­tées, en par­ti­cu­lier durant les temps litur­giques majeurs.

La pos­si­bi­li­té de célé­brer la messe Rorate repose donc sur un autre fon­de­ment : celui des pri­vi­lèges et des cou­tumes légi­times. Le droit litur­gique tra­di­tion­nel recon­naît et conserve les usages locaux approu­vés par l’autorité ecclé­sias­tique, même lorsqu’ils ne relèvent pas de la norme com­mune. C’est dans ce cadre que s’inscrit la messe Rorate.

Les tra­vaux des his­to­riens de la litur­gie montrent que cette messe appa­raît au Moyen Âge comme un usage régio­nal, prin­ci­pa­le­ment en Europe cen­trale. Elle s’est déve­lop­pée et enra­ci­née dans cer­taines zones géo­gra­phiques pré­cises, où elle a été tolé­rée ou confir­mée par l’autorité de l’Église.

Les régions les mieux attes­tées sont d’abord la Pologne, où la messe Rorate a béné­fi­cié d’un pri­vi­lège ancien et durable, sou­vent avec une célé­bra­tion qua­si quo­ti­dienne durant l’Avent. Viennent ensuite les régions ger­ma­no­phones — Allemagne, Autriche, Suisse ger­ma­nique, Bohême ou Tyrol — où l’usage est éga­le­ment ancien et soli­de­ment éta­bli. D’autres ter­ri­toires d’Europe cen­trale, tels que la Hongrie, la Slovaquie ou cer­taines régions voi­sines, ont connu des pra­tiques ana­logues, tou­jours à titre local.

En revanche, aucun pri­vi­lège géné­ral com­pa­rable n’est his­to­ri­que­ment attes­té pour des pays comme la France, l’Italie, l’Espagne ou l’Angleterre. Les célé­bra­tions contem­po­raines qua­li­fiées de « Rorate » dans ces régions relèvent le plus sou­vent d’initiatives récentes ou d’adaptations sym­bo­liques, sans fon­de­ment dans le droit litur­gique tra­di­tion­nel pro­pre­ment dit.

La messe Rorate demeure ain­si une tra­di­tion authen­tique et riche spi­ri­tuel­le­ment, mais juri­di­que­ment circonscrite.

Source : FSSPX Actualités
Rubricae gene­rales Missalis Romani (1960), n. 3–4, Missale Romanum, ed. typ. 1962, Typis Polyglottis Vaticanis : « Consuetudines legi­ti­mae et pri­vi­le­gia hac­te­nus conces­sa ser­ven­tur, nisi expresse revo­cen­tur. » /​Martinucci, Manuale Sacrarum Caeremoniarum, 14ᵉ éd., Rome, Desclée, 1956, lib. I, cap. II, n. 6. /​J.B. O’Connell, The Celebration of Mass, t. I, Bruges, Desclée, 1964. /​Josef A. Jungmann, S.J., Missarum Sollemnia. Eine gene­tische Erklärung der römi­schen Messe, t. II, 5ᵉ éd., Vienne, Herder, 1962. /​Fernand Cabrol – Henri Leclercq (dir.), Dictionnaire d’archéologie chré­tienne et de litur­gie, art. « Avent », « Messe votive », Paris, Letouzey et Ané, 1907–1953. – FSSPX Actualités)
Image et vidéo : dis­trict d’Autriche