Entretien avec M. l’abbé du Chalard : Mgr Lefebvre et le sacerdoce ; la crise des hommes d’Église ; les Franciscains de l’Immaculée, etc.,

Interview avec Monsieur l’ab­bé Emmanuel Du Chalard
(Don Emanuele en ita­lien), par Don Massimo Sbicego

Je me suis per­mis d’in­ter­vie­wer récem­ment l’ab­bé Emmanuel du Chalard sur quelques ques­tions qui font l’ac­tua­li­té : Mgr Lefebvre et le sacer­doce ; la crise des hommes d’Église ; les Franciscains de l’Immaculée et la congré­ga­tion des reli­gieuses de ce même ordre ; mais éga­le­ment sur la mis­sion en Asie et la vie reli­gieuse tra­di­tion­nelle. Je tiens à le remer­cier dès à pré­sent pour sa géné­ro­si­té à me répondre même s’il se trou­vait alors en voyage vers l’Inde.

- Don Massimo Sbicego – Don Emanuele, vous avez été dès le début l’un des plus proches col­la­bo­ra­teurs de Mgr Lefebvre. En ce qui me concerne, je vous ai connu quand vous êtes venu comme pré­di­ca­teur pen­dant la retraite sacer­do­tale à Écône et j’ai pu appré­cier à cette occa­sion l’es­prit de notre sta­tut. Quelle était l’i­dée de Monseigneur à l’é­gard du sacer­doce, qu’é­tait pour lui le prêtre ?

Abbé Emmanuel du Chalard - Avant toute chose, je ne dirais pas que j’ai été un « proche col­la­bo­ra­teur« de Mgr Lefebvre. Il est vrai que je l’ai connu pra­ti­que­ment dès le début de la fon­da­tion de la Fraternité, puisque je suis entré à Écône en sep­tembre 1970, qui était l’an­née d’ou­ver­ture du sémi­naire. Par la suite, j’ai eu des contacts régu­liers avec lui dans la mesure où il venait assez régu­liè­re­ment à Rome, plu­sieurs fois par an, et par ailleurs parce qu’il était inté­res­sé de se tenir infor­mé sur ce qui se pas­sait à Rome. Rien de plus.

Parler de Mgr Lefebvre ou du sacer­doce, c’est un tout. Non seule­ment Monseigneur était l’exemple de la plé­ni­tude sacer­do­tale (qu’est l’é­pis­co­pat) mais il était éga­le­ment, comme on l’a écrit, « Doctor » ou « Maestro » en matière de sacer­doce. Combien de pré­di­ca­tions, com­bien de confé­rences, com­bien de retraites a‑t-​il faites ! Il avait un véri­table amour du sacer­doce, le consi­dé­rant comme un grand don de Notre Seigneur.

Nous savons bien qu’il ne pou­vait pas par­ler du sacer­doce sans par­ler de la Messe. Il répé­tait volon­tiers : « Il n’y a pas de Messe sans prêtre, il n’y a pas de prêtre sans Messe ». La Sainte Messe, parce qu’elle est la réac­tua­li­sa­tion du Sacrifice de Notre Seigneur sur l’au­tel, est l’œuvre de la Rédemption qui se réa­lise chaque fois, à nou­veau, aujourd’­hui. Et « Rédemption » signi­fie : Salut des Âmes, Salut du Monde.

Notre fon­da­teur, grand mis­sion­naire, disait que la Sainte Messe et la belle litur­gie sont essen­tiel­le­ment mis­sion­naires. La Sainte Messe est le plus grand tré­sor de l’Église. Si elle perd son sens, alors tout se perd. Tout a com­men­cé à s’ef­fon­drer dans l’Église quand on a per­du le sens de la Sainte Messe, et c’est ce qui s’est pas­sé avec la réforme liturgique.

Une véri­table réforme litur­gique aurait dû consis­ter à retrou­ver le vrai sens de la Messe ain­si que toute l’in­fi­nie richesse de la Liturgie. Tout le suc­cès de l’œuvre de Monseigneur Lefebvre repose là-dessus.

- Nous consta­tons sou­vent que la crise actuelle de l’Église est en réa­li­té et avant tout une crise des « hommes d’Église », et prin­ci­pa­le­ment des prêtres. On les voit tan­tôt déso­rien­tés, d’autres net­te­ment trop « ori­gi­naux », très sou­vent « banals », presque écra­sés dans une façon de pen­ser com­mune ; en un mot, ils sont « mon­dains ». Quels sont les « pun­ti dolens » de la crise actuelle du sacerdoce ?

- La prin­ci­pale rai­son de la crise du sacer­doce, c’est la perte de l’i­den­ti­té sacer­do­tale. Beaucoup de prêtres ne savent pas « ce qu’ils sont », ni « pour­quoi ils sont prêtres ». C’est la consé­quence du fait qu’ils ne savent pas ce qu’est la Sainte Messe.

Quiconque connaît un peu le mys­tère de l’Autel, com­prend néces­sai­re­ment la gran­deur et l’im­por­tance du sacer­doce. Le Pontifical, du moins le Pontifical tra­di­tion­nel, est très clair dans les ins­truc­tions que fait l’Évêque à l’oc­ca­sion de la céré­mo­nie d’or­di­na­tion : le prêtre est fait pour célé­brer la Sainte Messe pour les vivants et pour les morts.

Je me sou­viens qu’un jour, avant une réunion d’a­mis prêtres, j’ai deman­dé à un reli­gieux de quoi auraient besoin ces prêtres : la réponse a été immé­diate : « Expliquez leur ce qu’est le sacer­doce, parce qu’ils ne le savent pas ». Cet épi­sode m’a beau­coup frap­pé et m’a en même temps fait com­prendre que les prêtres, et ce n’est pas leur faute, ont été pri­vés d’une vraie for­ma­tion sacerdotale.

Vous connais­sez le livre : « Sainteté et Sacerdoce », qui a été écrit à par­tir des textes de Mgr Lefebvre. Et donc, plu­sieurs prêtres et pré­lats l’ont lus et c’est jus­te­ment un pré­lat, qui avait été ordon­né prêtre dans les années soixante-​dix, qui m’a confié avec une grande tris­tesse : « Mais pour­quoi per­sonne ne nous a jamais expli­qué ces choses ? »

- Les jeunes prêtres sont par­fois les plus impru­dents dans la pas­to­rale : ils sont très « jeunes », mais sans bous­sole, par­fois. Pourtant, ils cherchent sou­vent une direc­tion dans la Tradition. Quelles espé­rances peut-​on avoir du jeune clergé ?

- Je ne serais pas trop sévère avec le jeune cler­gé qui s’in­té­resse à la Tradition. Nombre d’entre eux étu­dient et lisent de bons livres ; ils exercent leur minis­tère d’une assez bonne façon auprès des âmes ; ils font ce qu’ils peuvent. D’autres pour­raient faire bien plus : leur han­di­cap n’est pas leur manque de géné­ro­si­té, mais leur manque de for­ma­tion. Tout sim­ple­ment, ils ne connaissent pas tous les moyens néces­saires pour obte­nir des âmes le maximum.

Au sémi­naire, on leur a ensei­gné que le pre­mier moyen de sanc­ti­fi­ca­tion c’est de se jeter dans l’a­pos­to­lat, cela figure même dans le Code de Droit Canon de 1983. Et c’est pour cela qu’il leur manque une véri­table vie spirituelle.

D’après la Tradition et tout le Magistère, le prêtre est avant tout un homme de prière avec des obli­ga­tions for bien expri­mées par le droit Canon de 1917 ; l’a­pos­to­lat vient après.

L’apostolat sans la prière est un « mou­lin à vent » : beau­coup d’ef­forts, beau­coup d’a­gi­ta­tion, mais sans vrai­ment de fruits. Saint Pie X, dans son Exhortation Apostolique Haerent ani­mo, l’a très bien expliqué.

De plus en plus, un peu par­tout dans le monde, il se trouve des sémi­na­ristes et des jeunes prêtres qui s’in­té­ressent à la Tradition. Je suis convain­cu que si le Seigneur sus­cite et per­met cela, c’est sans doute pour pré­pa­rer le ter­rain à un retour pro­chain à la Tradition.

- La congré­ga­tion des Franciscains de l’Immaculée avait atti­ré un regard d’es­pé­rance. Ils ont sou­vent été accu­sés de « crypto-​lefébvrisme ». Et pour­tant, leurs posi­tions sur la Messe, sur le Concile, sur la situa­tion de l’Église sont plu­tôt dif­fé­rentes des nôtres. Qu’en pensez-vous ?

- Plus que la ques­tion de la Sainte Messe ou du Concile, il semble qu’au fond ce qui n’est pas accep­té et tolé­ré de la part de la Congrégation de ces reli­gieux, c’est la vie reli­gieuse tra­di­tion­nelle telle qu’elle a été vécue pen­dant des siècles dans tous les ordres reli­gieux.
L’on s’en rend bien compte en lisant dif­fé­rentes inter­views, dif­fé­rents articles de res­pon­sables de la vie reli­gieuse ou de ceux qui s’oc­cupent de cette année qui est consa­crée à la vie reli­gieuse. Pour eux, le seul vrai pro­blème semble être l’at­ta­che­ment et la fidé­li­té exces­sive à une forme pas­sée de vie reli­gieuse qui empêche une vraie réforme.

Ces nova­teurs ne semblent pas se pré­oc­cu­per de la sanc­ti­fi­ca­tion per­son­nelle, du res­pect des vœux, de la vie de prière ou de la mor­ti­fi­ca­tion, qui sont les fon­de­ments de toute vie reli­gieuse sérieuse.

Pour en reve­nir aux Franciscains de l’Immaculée, le fait qu’ils aient appré­cié le Motu Proprio du Pape Benoît XVI en faveur de la Sainte Messe tra­di­tion­nelle et qu’ils aient publié des articles qui redi­men­sion­nait l’au­to­ri­té du Concile Vatican II, ont cer­tai­ne­ment été des pré­textes pour les frapper.

Dans le fond, ce qui n’é­tait pas accep­table, c’é­tait l’exem­pla­ri­té de leur vie reli­gieuse, le sérieux et la fidé­li­té à la Règle : un reproche impli­cite pour les autres ordres reli­gieux, sur­tout pour les fils de saint François.

Il est pos­sible qu’il y ait eu des pro­blèmes de direc­tion ; je ne sais pas ; c’est ce qui se dit ; mais quelle congré­ga­tion reli­gieuse ne ren­contre pas de dif­fi­cul­tés ? Ceci est humain : dans ces cas-​là, l’au­to­ri­té cor­rige, elle ne détruit pas !

Au fond, les Franciscains de l’Immaculée sont une sorte de « preuve par neuf », la preuve de l’é­chec des réformes conci­liaires : cet ordre qui vivait une réelle pau­vre­té, une vie de prière intense et une péni­tence sérieuse, était à l’op­po­sé de ces réformes qui cher­chaient au contraire une vie plus facile et plus ouverte au monde. Qui plus est, il atti­rait les voca­tions et celles-​ci ont aug­men­té lors­qu’une cer­taine sym­pa­thie pour la Sainte Messe tra­di­tion­nelle s’est manifestée.

Celui qui s’é­loigne de la Tradition va vers la sté­ri­li­té ; celui qui s’ap­proche de la Tradition est fécond. Notre Seigneur dit que l’on juge l’arbre à ses fruits. Or, au lieu de voir dans ces reli­gieux un signe de la Providence pour sor­tir de cette crise de la vie reli­gieuse, on a pré­fé­ré les détruire, comme ce qu’af­firme Notre Seigneur dans l’Évangile : comme le firent les Hébreux dans l’Ancien Testament, tuant les vrais pro­phètes qui les rap­pe­laient à l’ordre.

Ceux qui ont par­ti­ci­pé de l’in­té­rieur à leur des­truc­tion se sont faits com­plices d’une œuvre sata­nique : c’est le moins que l’on puisse dire.

- Malgré cela, la mise sous le contrôle d’un com­mis­saire tout d’a­bord, puis les épu­ra­tions – je dirais la persécution- ensuite, ont quelque chose de paroxys­tique, quand on voit le cli­mat ecclé­sial qui, du moins en sur­face, est tout ouver­ture et misé­ri­corde. Que dites vous à ce sujet ?

- Je n’ai pas sui­vi de près tout ce qui s’est pas­sé depuis le début jus­qu’à aujourd’­hui. Mais il est évident que la dure­té des mesures et la façon de faire à laquelle on a eu recours font abs­trac­tion tout d’a­bord de la cha­ri­té et de la misé­ri­corde, – même en sup­po­sant qu’il y ait eu des fautes -, mais aus­si de la jus­tice du res­pect des per­sonnes tel­le­ment exal­té par le Concile et par le Code Canon de 1983.

Malheureusement cette façon de faire n’est pas l’ex­cep­tion de la part de la Congrégation des Religieux. Il existe tel­le­ment d’autres cas qui, s’ils étaient révé­lés aux fidèles, pro­vo­que­raient un véri­table scan­dale et seraient une occa­sion de honte pour ces « hommes d’Église« qui uti­lisent leur pou­voir contre toute jus­tice.

- En ce qui concerne les reli­gieuses, les indis­cré­tions qui me sont par­ve­nues concer­nant le rap­port m’ont per­son­nel­le­ment scan­da­li­sé ; on y affirme que « les sœurs prient trop, font trop péni­tence », et que les contem­pla­tives sont « trop en clô­ture », qu’elles ont un besoin urgent d’un pro­gramme de « réédu­ca­tion selon les cri­tères du Concile Vatican II ». Des monas­tères de réédu­ca­tion for­cée : est-​ce cela la vie religieuse ?

- Je ne peux rien vous dire de direct sur ce sujet. Je peux seule­ment dire que depuis des années déjà la vie reli­gieuse n’est plus appré­ciée, sur­tout la vie contem­pla­tive. De nom­breux évêques font pres­sion sur les reli­gieuses en clô­ture afin qu’elles soient « plus ouvertes », qu’elles reçoivent des groupes, des groupes sco­laires, des groupes de prière, qu’elles soient à l’é­coute des fidèles, etc., …

Depuis des années, même avant le Concile, on a exal­té la vie de mariage, jus­qu’au mépris, du moins impli­cite, de la vir­gi­ni­té consa­crée ; en réa­li­té, la vie consa­crée est supé­rieure au mariage.

Pour les nova­teurs, l’homme et la femme étaient cen­sés trou­ver leur réa­li­sa­tion vraie et com­plète dans la vie de mariage. Comme si la vir­gi­ni­té consa­crée ou le céli­bat étaient un empê­che­ment pour être plei­ne­ment homme ou femme. C’est absurde ! C’est ain­si que l’on a fini par détruire non seule­ment la vie consa­crée mais aus­si le mariage même tell qu’il est vou­lu par Dieu.

Nous ne savons pas ce que nous réserve l’an­née de la vie reli­gieuse pour les contem­pla­tives, mais il y a de quoi avoir de sérieuses craintes. Ces cou­vents sont réel­le­ment les phares et les para­ton­nerres de l’Église ; les détruire revient à plon­ger l’Église dans l’annihilation.

- Changeons de sujet. Au cours de ces trois der­nières années, nous avons vu le lan­ce­ment du pré-​séminaire d’Albano. De braves jeunes gens s’en sont appro­chés, s’y sont éprou­vés. Certains se sont pour finir déci­dés pour le sémi­naire. Pouvez-​vous nous dire quelques mots sur la for­ma­tion ini­tiale des vocations ?

- Même si les voies du Seigneur sont infi­nies, le ber­ceau natu­rel des voca­tions est géné­ra­le­ment la famille catho­lique, puis l’exemple de vrais et de saints prêtres dans la paroisse. Le ser­vice litur­gique en tant qu’en­fants de chœur a lui aus­si tou­jours eu un rôle déter­mi­nant, fai­sant s’ap­pro­cher les jeunes gens de l’Autel avec un pro­fond res­pect. La litur­gie tra­di­tion­nelle don­nait le sens du Mystère et du Sacré. Aujourd’hui pour beau­coup tout ceci n’existe plus.

L’idéal de la famille catho­lique c’é­tait la famille nom­breuse, tou­jours consi­dé­rée comme une gloire pour l’Église. Les familles nom­breuses sont aus­si géné­ra­le­ment la source de nom­breuses voca­tions. Dans la Fraternité les exemples dans ce sens ne manquent pas. On pour­rait se deman­der pour­quoi ce lien entre famille nom­breuse et vocations ?

Une famille nom­breuse exige des parents un esprit de géné­ro­si­té et de sacri­fice, et aux enfants la capa­ci­té de par­ta­ger, de renon­cer. Ils ne peuvent pas vivre en égoïstes, les plus grands doivent aider les plus petits. Y a‑t-​il meilleur moyen pour édu­quer l’es­prit de sacri­fice et de service ?

La voca­tion est avant tout une réponse à l’ap­pel de Dieu à se sacri­fier, à tout lais­ser pour suivre le Seigneur. Celui qui n’est pas habi­tué à se sacri­fier pour­ra dif­fi­ci­le­ment répondre à Son appel.

Par ailleurs, la vie du sémi­naire est une vie régu­lière et com­mu­nau­taire. Si l’on n’y est pas habi­tué, cela peut être très dif­fi­cile, presque impossible.

C’est pour toutes ces rai­sons que de plus en plus dans la Fraternité se créent les pré-​séminaires, afin de véri­fier et de conso­li­der la voca­tion ; mais aus­si pour habi­tuer, peu à peu, à une vie régu­lière et commune.

- Le Seigneur est insur­pas­sable dans le Bien : que dire aux jeunes hommes qui pensent à la vocation ?

Comme le disait Mgr Lefebvre : l’Italie est un pays de voca­tions. Moi-​même j’en suis convain­cu, pour de nom­breuses rai­sons. Surtout, la voca­tion est l’œuvre du Seigneur.

Beaucoup de ces jeunes gens ne viennent pas de la Tradition. Les voies les plus variées les conduisent au sémi­naire. Ce sont de véri­tables miracles de Dieu !

La vie sacer­do­tale est la vie la pus belle qui puisse exis­ter sur cette terre ; c’est celle qui peut nous don­ner une com­plète satis­fac­tion. Que peut-​on faire de plus beau et de plus grand que célé­brer le Saint Sacrifice tous les jours et deve­nir ain­si l’ins­tru­ment de salut et de sanc­ti­fi­ca­tion des âmes, par les sacre­ments et la pré­di­ca­tion ? Personne cer­tai­ne­ment n’en est digne, per­sonne ne peut pré­tendre y par­ve­nir. Il faut réel­le­ment un appel de Dieu, un appel de Notre Seigneur.

- Si l’on regarde les épi­sodes actuels de l’Église, le Synode Extraordinaire, les sor­ties mal­heu­reuses de quelque évêque, on reste par­fois, d’un point de vue humain, plu­tôt per­plexes, confus, amers. En revanche le temps nous fait décou­vrir l’ac­tion de la Providence de Dieu.

- Les quinze jours du Synode ont été des jour­nées dra­ma­tiques pour l’Église. Des jour­nées noires et dou­lou­reuses au cours des­quelles l’Église a été humi­liée aux yeux du monde entier.

L’on y a vu des suc­ces­seurs des Apôtres, non seule­ment mettre en doute l’en­sei­gne­ment de Notre Seigneur , mais éga­le­ment contre­dire de manière expli­cite l’Evangile. Il ne s’a­git pas de ques­tions doc­tri­nales com­plexes, mais d’une doc­trine lim­pide et simple que tout le monde peut com­prendre. Certains aspects concer­naient la loi natu­relle que l’on peut connaître et accep­ter y com­pris par la rai­son seule. De fait, nom­breux son ceux, même des non-​pratiquants, qui sont res­tés très inter­lo­qués suite à ce Synode.

Dieu est au-​dessus des évé­ne­ments de ce pauvre monde. Il est au-​dessus de la tra­hi­son de tant d’hommes d’Église. Personne ne pour­ra L’empêcher de faire quoi­qu’il arrive le bien pour les âmes, et même Dieu pour­ra du Mal tirer le Bien.

Le revers de la médaille est tou­te­fois que le Synode a été l’oc­ca­sion pour quelques Prélats cou­ra­geux de se lever et de s’u­nir pour défendre la bonne Doctrine. Cela m’a beau­coup récon­for­té. Le fait qu’ils aient pris posi­tion a été un grand encou­ra­ge­ment pour beau­coup de Catholiques qui pensent encore bien et qui souffrent face à cer­taines dévia­tions, même s’ils ne le mani­festent pas ouvertement.

Un autre aspect très posi­tif est que l’on peut consta­ter que beau­coup de per­sonnes bonnes, et spé­cia­le­ment des jeunes, sont à la recherche de la véri­té et “une authen­tique vie chrétienne.

Plus la situa­tion semble déses­pé­rées, plus se mani­festent ces âmes à la recherche de la bonne doc­trine. La Tradition est pour eux comme le Phare sûr.

- Vous êtes per­son­nel­le­ment enga­gé dans la mis­sion en Inde et notre inter­view s’a­chève par e‑mail, tan­dis que vous êtes sur place. Comment est l’Inde, quelles espé­rances pour le catho­li­cisme dans le grand conti­nent indien ?

- L’Inde est immense, comp­tant un mil­liard trois cent mil­lions d’ha­bi­tants. Le pour­cen­tage de Catholiques est infime : 1,5%. Humainement par­lant, vu la condi­tion dans laquelle se trouve l’Église aujourd’­hui, il y aurait de quoi déses­pé­rer : le moder­nisme, comme dans presque le monde entier, est pré­sent dans le cler­gé, et donc il manque le zèle missionnaire.

Cela fait d’au­tant plus de peine que l’Indien a une dimen­sion reli­gieuse natu­relle, innée, qui faci­lite beau­coup les conver­sions. De plus, la pau­vre­té (qui ne signi­fie pas misère, même si celle-​ci existe) est un avan­tage pour la Foi. Nous voyons dans nos pays com­bien la richesse et un bien-​être exa­gé­ré ne favo­risent pas la Foi, mais plu­tôt son abandon.

- Comment est la vie reli­gieuse de nos sœurs en Inde, leur mis­sion, leur jour­née ? Qu’est-ce qui vous frappe le plus dans leur vie consa­crée à Dieu et consa­crée au prochain ?

- Dans un monde très païen, il est édi­fiant de voir une œuvre plei­ne­ment catho­lique. Cet orphe­li­nat qui est tenu par les sœurs Consolatrices du Sacré Cœur se trouve dans l’ex­trême sud de l’Inde, à dix minutes du prieu­ré de notre Fraternité.

Il s’y trouve trois sœurs pro­fesses, deux novices, une pos­tu­lante, trois volon­taires, cin­quante filles, douze per­sonnes âgées ou han­di­ca­pées, plus le per­son­nel pour la cui­sine, le ménage et pour l’é­le­vage des cinq vaches et des veaux.

En tout, quelques quatre-​vingt per­sonnes sont com­plè­te­ment à charge des sœurs, pas seule­ment pour l’hé­ber­ge­ment, mais aus­si pour les soins, puis­qu’il n’existe pas d’as­sis­tance sani­taire. Il faut éga­le­ment assu­rer les études pour les jeunes filles, et l’en­tre­tien de toute la struc­ture. Il n’y a pas de sub­ven­tions, cette œuvre ne dure qu’en s’en remet­tant uni­que­ment à la Divine Providence. C’est un miracle per­ma­nent, grâce aus­si à la géné­ro­si­té de nos amis, bien­fai­teurs, et lec­teurs on-line.

Mais l’as­pect le plus édi­fiant c’est la vie quo­ti­dienne des reli­gieuses et de leurs pen­sion­naires, faite non seule­ment de cha­ri­té mais aus­si de prière, une prière à laquelle par­ti­cipent tous ceux qui habitent dans la mai­son, notam­ment la par­ti­ci­pa­tion à la Sainte Messe et au Chapelet quotidien.

Les jeunes filles et les per­sonnes âgées qui vivent dans cette struc­ture sont d’au­tant plus admi­rables si l’on songe qu’elles ne sont pas for­cé­ment catho­liques, mais accueillies par les reli­gieuses en fonc­tion de leurs pro­blèmes de san­té, plus que du fait d’un malaise moral ou social. Actuellement plu­sieurs des pen­sion­naires sont encore hin­doues, mais il faut voir comme elles prient et comme elles suivent la Sainte Messe. Pour finir toutes pra­ti­que­ment en viennent à deman­der le Baptême.

La vie des reli­gieuses est un exemple pour tous : elles sont le moteur spi­ri­tuel et maté­riel de la maison.

- Je vous remer­cie pour ces réflexions que vous nous avez pro­po­sées.

Entretien recueilli par Don Massimo Sbicego pour le District d’Italie – Traduction pour LPL par O.C.

Source : FSSPX Italie

FSSPX

M. l’ab­bé Emmanuel du Chalard est un des tout pre­miers prêtres de la Fraternité Saint-​Pie X. Ordonné prêtre en 1976 par Mgr Lefebvre, il est le direc­teur du Courrier de Rome.