Evêques de France : leurs diocèses se meurent mais.…


Sauf avis contraire, les articles, cou­pures de presse, com­mu­ni­qués ou confé­rences
qui n’é­manent pas des membres de la FSSPX ne peuvent être consi­dé­rés comme
reflé­tant la posi­tion offi­cielle de la Fraternité Saint-​Pie X

Lettre n° 203 du 6 novembre 2009

Les évêques de France se sont réunis à Lourdes la semaine der­nière sous une pres­sion psy­cho­lo­gique consi­dé­rable. Bien que cela ne soit pas expres­sé­ment ins­crit à leur ordre du jour, ils ne pensent qu’à une seule chose, que tous les médias au reste leur rap­pellent : la vie des dio­cèses de France est en péril de mort, faute de prêtres. Au point que dans La Croix du 5 novembre, le Président Vingt-​Trois a per­du sa légen­daire maî­trise de soi en atta­quant, sans le nom­mer mais de manière lim­pide, son confrère, Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon : 

« On peut avoir un évêque qui croit aux com­mu­nau­tés nou­velles : il sonne la cloche, appelle six com­mu­nau­tés nou­velles dans son dio­cèse et pense que ça va mar­cher ! Cela va peut-​être mar­cher tant qu’il sera là, mais après ? »

Comme on peut le remar­quer, il ne parle que d’une par­tie de la poli­tique pas­to­rale de Mgr Rey, l’accueil des com­mu­nau­tés. Mais il passe sous silence le prin­ci­pal reproche qu’il fait à son confrère, à savoir son libé­ral accueil des prêtres célé­brant selon la forme extra­or­di­naire ou sous les deux formes, bref son appli­ca­tion du Motu Proprio Summorum Pontificum (1). Car à la Conférence épis­co­pale, le sujet reste rigou­reu­se­ment tabou.

Une asphyxie annoncée : 

1°/ Le nombre des prêtres dio­cé­sains fran­çais en acti­vi­té en France est de moins de 9 000. Pour un ensemble non négli­geable de dio­cèses (Digne : 25 prêtres, Nevers : 38, Auch, Saint-​Claude, Gap, Digne, Viviers, Verdun, Pamiers, Langres, etc.), dans 10 ans, le nombre des prêtres en exer­cice sera d’une dizaine au plus (dans le dio­cèse de Langres, de Mgr Gueneley (2), le plus sinis­tré des dio­cèses fran­çais, on a par­fois déjà un seul prêtre pour 60 clochers).

2°/ Les nombre des sémi­na­ristes est pas­sé depuis deux ans sous la barre des 750 (740 en 2008, dans ce chiffre sont inclus une bonne cen­taine de sémi­na­ristes de Communautés non dio­cé­saines). Pamiers, Belfort, Agen, Perpignan, etc., n’ont pas de séminaristes. 

3°/ Le nombre des ordi­na­tions va res­ter sous la barre des 100 (90 en 2009 – Paris, qui est un des mieux lotis, n’a eu 10 ordi­na­tions, dont 2 pour la Communauté de l’Emmanuel ; 7 sont pré­vues pour 2010 ; 4 pour 2011). 

4°/ 120 voca­tions au plus se sont décla­rées pour la ren­trée 2009.

La conclu­sion est dra­ma­tique : 1/​3 des dio­cèses fran­çais devraient logi­que­ment dis­pa­raître par regrou­pe­ments dans les 15 ans à venir.

Et cepen­dant, la majo­ri­té des évêques, le Président Vingt-​Trois le pre­mier, n’en démordent pas : l’Église reste mal­gré tout visible, elle demeure contre toute appa­rence vivante. Le Président Vingt-​Trois don­nait ce mer­veilleux exemple de « visi­bi­li­té » retrou­vée sur Radio-​Notre-​Dame (entre­tien du 5 novembre) : dans une paroisse sans prêtre, des laïcs se réunis­saient pour dire le cha­pe­let dans une salle muni­ci­pale ; ils ont eu alors l’idée de net­toyer l’église pour y réci­ter le cha­pe­let ; ain­si, rien n’est per­du, cette église revit…

Un « réservoir » utilisable : 

L’utilisation de la « réserve » tra­di­tio­na­liste ne règle­rait certes pas le pro­blème des dio­cèses fran­çais d’un coup de baguette, mais elle pour­rait don­ner un peu d’oxygène et sur­tout elle chan­ge­rait tota­le­ment la donne idéo­lo­gique. C’est d’ailleurs pour cela qu’officiellement, à la Conférence épis­co­pale, le sujet reste rigou­reu­se­ment tabou. Pour l’instant.

Car le monde tra­di­tio­na­liste (non com­pris les reli­gieux) devient de plus en plus dif­fi­cile à ignorer : 

1°/ 3% des prêtres en acti­vi­té sont tra­di­tio­na­listes (incons­ti­tu­tion­nel­le­ment tra­di­tio­na­listes, sans par­ler des prêtres dio­cé­sains qui leur sont assi­mi­lables par leur pra­tique litur­gique) : 260 prêtres équi­va­lents à des prêtres dio­cé­sains (FSSPX et com­mu­nau­tés amies : 140 prêtres ; com­mu­nau­tés Ecclesia Dei : 120 prêtres environ).

2°/ Plus de 14% des ordi­na­tions sont pour la forme extra­or­di­naire (Paix litur­gique, n. 183, 22 juin 2009) : en 2009, 15 prêtres fran­çais ont été ordon­nés pour la forme extra­or­di­naire du rite romain (dont 6 de la FSSPX). 

3°/ Près de 20% des sémi­na­ristes se des­tinent à cette forme (ils étaient 160 pour la forme extra­or­di­naire, dont 40 envi­ron pour la Fraternité Saint-​Pie‑X, en 2008–2009) : Paix litur­gique, n. 176, 5 avril 2008. Si la crois­sance conti­nue comme ces der­nières années, dans deux ans au plus, 1/​4 des sémi­na­ristes fran­çais se des­ti­ne­ront à la forme extra­or­di­naire. Tout le monde sait d’ailleurs que si les prêtres tra­di­tion­nels avaient l’assurance d’avoir un apos­to­lat « nor­mal » dans les dio­cèses, le nombre de ces sémi­na­ristes serait plus impor­tant encore.

4°/ Enfin, 25% des voca­tions se des­tinent à la forme extra­or­di­naire (Paix litur­gique, n. 199, 12 octobre 2009). A la ren­trée de sep­tembre 2009, il y en 41 entrées (dont 17 seule­ment pour la Fraternité Saint-​Pie‑X) en 1ère année pour une for­ma­tion dans un sémi­naire traditionaliste. 

Or, ce cler­gé « extra­or­di­naire » ne des­sert même pas 400 lieux de culte domi­ni­caux en France (dont 184 des­ser­vis par la Fraternité Saint-​Pie‑X et ses com­mu­nau­tés amies). On rap­pelle en outre, qu’en regard, la demande, selon un son­dage CSA de sep­tembre 2008, est bien plus impor­tante : 1/​3 des catho­liques pra­ti­quants assis­te­raient volon­tiers à la messe tra­di­tion­nelle si elle leur était pro­po­sée dans leur paroisse. Et il n’est pas exa­gé­ré de dire qu’en ajou­tant aux voca­tions pro­pre­ment tra­di­tio­na­listes les voca­tions de sen­si­bi­li­té tra­di­tion­nelle qui se retrouvent dans les sémi­naires dio­cé­sains, un 1/​3 des voca­tions sacer­do­tales, si on le leur per­met­tait, se des­ti­ne­raient à la forme extra­or­di­naire ou au bi-formalisme. 

1/​3 des fidèles et, à terme, 1/​3 des prêtres. Il serait donc rai­son­nable de don­ner offi­ciel­le­ment à ces prêtres un véri­table espace de liber­té, non plus dans des ghet­tos mais au sein même des paroisses, pour célé­brer le culte divin selon leur sen­si­bi­li­té (comme on parle de sens de la foi). N’est-ce pas l’esprit (et la lettre) du Motu Proprio Summorum Pontificum ? Et par le fait, ces prêtres pour­raient aider à rendre de nom­breux autres ser­vices sacra­men­tels, mis­sion­naires, catéchétiques. 

Mais pour la majo­ri­té des évêques de France, ce tiers du trou­peau, prêtres et fidèles – qui s’obstine à vivre, qui ne demande qu’à vivre davan­tage et qui est tout prêt à faire vivre – n’existe tou­jours pas, sauf comme une épine dans la chair. Les dio­cèses se meurent, l’idéologie, elle, n’est pas morte.

In Paix Liturgique n° 203 du 6 novembre 20096

Notes

(1) On rap­pelle que le petit dio­cèse de Fréjus-​Toulon compte envi­ron 80 sémi­na­ristes, se des­ti­nant soit à la célé­bra­tion de la forme ordi­naire soit à la célé­bra­tion de la forme extra­or­di­naire, soit au bi-​formalisme. Les sémi­naires qui viennent ensuite (Paris, Issy-​les-​Moulinaux pour la région pari­sienne) comptent à peine 50 séminaristes.

(2) Qui aurait dû être le der­nier à pou­voir tenir, contre ceux de ses confrères qui cherchent à remon­ter la pente, ces pro­pos scan­da­leux : « Monseigneur Centène, on l’a fait plier. Monseigneur Aillet, on lui donne trois ans. Après, nous ver­rons. Dominique Rey, son dio­cèse fini­ra par cou­ler » (Paix litur­gique n° 202, 2 novembre 2009). (3]

(3) Communiqué de Paix litur­gique concer­nant les pro­pos tenus par Mgr Gueneley le 23 août 2009

Dans notre lettre 202 du 2 novembre 2009, nous avons rap­por­té les pro­pos tenus par Mgr Philippe Gueneley, évêque de Langres, le dimanche 23 août 2009, à la sor­tie de la messe de 10h 30 qu’il avait célé­brée dans l’église parois­siale de Joinville, à l’encontre de trois de ses frères dans l’épiscopat ne par­ta­geant pas ses vues ecclé­sio­lo­giques : « Monseigneur Centène, on l’a fait plier. Monseigneur Aillet, on lui donne trois ans. Après, nous ver­rons. Dominique Rey, son dio­cèse fini­ra par couler ». 

A une demande de confir­ma­tion faite auprès de l’évêché de Langres, il a été répon­du par Mme Véronique Gallissot, délé­guée épis­co­pale à l’in­for­ma­tion : « Monseigneur Gueneley, de retour de Lourdes, me charge de vous dire qu’il n’a pas tenu les pro­pos qui lui sont attri­bués ».

Nos sources sont par­fai­te­ment dignes de foi : témoi­gnages directs et réité­rés de la conver­sa­tion publique tenue par l’évêque à la sor­tie de la messe, le 23 août 2009. Les paroles pro­non­cées par l’évêque de Langres que nous avions rap­por­tées nous ont été à nou­veau confir­mées expres­sé­ment. Nous admet­tons très volon­tiers que Mgr Gueneley, que l’on dit gran­de­ment fati­gué et prêt à prendre sa retraite, ne se sou­vienne pas qu’il les a pro­fé­rées, ou bien qu’il ait oublié leur conte­nu exact. Nous devons à la véri­té de dire que ces paroles étaient même plus dures, dans la mesure où nous avons volon­tai­re­ment omis un qua­li­ta­tif que Mgr Gueneley avait appli­qué à l’un de ses trois confrères, lequel consti­tuait une injure qui n’ajoutait rien à l’information que nous nous fai­sions un devoir de délivrer.

Cette infor­ma­tion, en effet, il ne ser­vi­rait à rien de la taire. Il serait même mal­sain de mas­quer ces ten­sions notoires entre évêques de France, mani­fes­tées de manière anec­do­tique mais très signi­fi­ca­tive par cet épi­sode. Elles mettent en lumière l’un des aspects, et non le moindre, des dif­fi­cul­tés que ren­contre l’application du Motu Proprio : la dis­pa­ri­té ecclé­sio­lo­gique exis­tant au sein de l’épiscopat fran­çais. La néces­si­té d’une saine infor­ma­tion nous fait donc obli­ga­tion de confir­mer que ces cri­tiques ont bien été for­mu­lées par un évêque de France à l’encontre de trois autres évêques, dans les termes où nous les avons rapportées.