La France a‑t-​elle abdiqué toute volonté d’influence auprès du Vatican ?


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Le Monde du 7 novembre 2009

La France a‑t-​elle abdi­qué toute volon­té d’in­fluence auprès du Vatican ? L’Eglise de France est-​elle en train de perdre du ter­rain auprès de la curie romaine ? Telles sont les ques­tions posées par un rap­port du groupe par­le­men­taire d’é­tudes sur les rela­tions avec le Saint-​Siège, publié le 2 novembre, à la suite d’une mis­sion effec­tuée à Rome en septembre. 

« En dépit de liens étroits avec le Saint-​Siège, il est indé­niable que l’in­fluence de la France décline pour de mul­tiples rai­sons et que per­sistent des points de diver­gence », sou­ligne le groupe pré­si­dé par le dépu­té UMP Jacques Remiller.

Ainsi, la vacance au poste d’am­bas­sa­deur de France auprès du Saint-​Siège, qui a duré plu­sieurs mois entre 2007 et 2008 – en par­tie à cause du refus par le Vatican d’un can­di­dat pro­po­sé par Paris -, ajou­tée à la dimi­nu­tion des effec­tifs et des moyens affec­tés à cette ambas­sade, ont été inter­pré­tées comme de « mau­vais signaux » par le Vatican, assurent les dépu­tés fran­çais. Déjà, en 2004, le refus de la France de faire réfé­rence aux « racines chré­tiennes de l’Europe » dans le pré­am­bule de la Constitution euro­péenne avait sus­ci­té « l’in­com­pré­hen­sion » du Vatican, rap­pellent les parlementaires.

Sur un tout autre plan, ils constatent aus­si que la curie romaine, mar­quée par une forte pré­sence des pré­lats ita­liens, ne compte plus que deux car­di­naux fran­çais, Mgr Mamberti « ministre des affaires étran­gères », et Mgr Tauran, res­pon­sable du dia­logue inter­re­li­gieux, notam­ment en charge de l’is­lam. Contrairement à la situa­tion qui pré­va­lait sous le pon­ti­fi­cat de Jean Paul II, au cours duquel deux car­di­naux fran­çais, Mgr Etchegaray et Mgr Poupard, ont été proches du pape, « il n’y a pas d’é­mi­nence grise fran­çaise dans l’en­tou­rage de Benoît XVI », constate aujourd’­hui M. Remiller.

« L’absence de tout Français dans les pro­mo­tions de l’Ecole des nonces entraî­ne­ra à terme la dis­pa­ri­tion des voix fran­çaises dans la diplo­ma­tie vati­cane », regrettent aus­si les dépu­tés. Ils s’in­quiètent au pas­sage du recul de la langue fran­çaise au Vatican.

SIGNES « POSITIFS »

Pour M. Remiller, la perte d’in­fluence de l’Eglise de France à Rome s’est notam­ment mani­fes­tée lors de la levée de l’ex­com­mu­ni­ca­tion des évêques lefeb­vristes en jan­vier.

L’épiscopat fran­çais, pour­tant concer­né au pre­mier chef du fait d’une forte pré­sence de fidèles inté­gristes en France, ayant été mis devant le fait accom­pli. Déjà, en 2007, le motu pro­prio signé par Benoît XVI pour libé­ra­li­ser la messe en latin avait été publié en dépit des réti­cences de cer­tains évêques français

.La mis­sion par­le­men­taire se fait aus­si l’é­cho de l’in­quié­tude romaine face à la crise des voca­tions, par­ti­cu­liè­re­ment sen­sible en France. « Le Saint-​Siège s’in­ter­roge non seule­ment sur la vita­li­té actuelle des com­mu­nau­tés catho­liques, mais aus­si sur l’a­ve­nir du ser­vice pas­to­ral dans notre pays, le faible nombre d’or­di­na­tions [une cen­taine par an] se conju­guant à un âge moyen du cler­gé très éle­vé. » La moyenne s’é­ta­blit aujourd’­hui à 58 ans pour les 7 500 prêtres en acti­vi­té, à 73 ans pour l’en­semble des 15 000 prêtres fran­çais. [NDLR : voir à ce sujet cet article]

Dans ce contexte, et mal­gré des diver­gences de fond sur « le tra­vail du dimanche, la bioé­thique ou l’im­mi­gra­tion clan­des­tine », les dépu­tés catho­liques relèvent néan­moins des signes « posi­tifs » : le nombre de béa­ti­fi­ca­tions et de cano­ni­sa­tions de Français ces der­nières années ; le dis­cours, appré­cié, du pré­sident de la République sur la laï­ci­té posi­tive au Latran en décembre 2007 ; le voyage de Benoît XVI à Paris et à Lourdes en sep­tembre 2008, ou encore les égards réser­vés au pre­mier ministre François Fillon, reçu en audience pri­vée par Benoît XVI, lors de sa visite au Vatican, en octobre.

Le rap­port sou­ligne aus­si que sur les grandes crises inter­na­tio­nales (Irak, Proche-​Orient, conflit en Géorgie), la France et le Saint-​Siège ont sou­vent des « posi­tions proches ».

Au pas­sage, les dépu­tés sou­lignent « le manque de gou­ver­nance » au Vatican : « Benoît XVI a certes pro­cé­dé à quelques nomi­na­tions, mais l’é­quipe qui entou­rait Jean-​Paul II a vieilli et n’est sans doute plus en phase avec les réa­li­tés. Il n’y a pas eu de chan­ge­ments dans l’or­ga­ni­sa­tion de la curie romaine. La com­mu­ni­ca­tion du Saint-​Siège souffre d’un défi­cit d’or­ga­ni­sa­tion et de moyens. »

Stéphanie Le Bars, in Le Monde du 7 novembre 20096