Lettre n° 79 de Mgr Bernard Fellay aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX de décembre 2011

Chers Amis et Bienfaiteurs, 

ans quelques jours nous célé­bre­rons l’avènement heu­reux de la Nativité de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. La sainte Liturgie de l’Avent et du temps de Noël est rem­plie de la foi en la divi­ni­té de Notre-​Seigneur. Faisant appel sur­tout à l’Ancien Testament, là où est pro­phé­ti­sée sa venue, elle imprègne notre intel­li­gence et notre cœur de la gran­deur infi­nie des pré­ro­ga­tives et des droits de l’Enfant nouveau-né.

« Celui qui de toute éter­ni­té est né d’un Père sans mère, naît dans le temps d’une Mère sans père !» (Profession de foi du 11ème Concile de Tolède)

Recevant sa nature humaine de la très Sainte Vierge Marie, sa Mère, dont Il pré­serve la Virginité, Il prouve par là même qu’Il n’a rien per­du de sa Divinité. « Dans le buis­son que voyait Moïse et qui ne se consu­mait pas, nous recon­nais­sons votre louable Virginité conser­vée. » (Antienne des Laudes, 1er Janvier) Vrai Dieu, vrai homme, il plaît à l’Eglise d’accueillir le Sauveur Jésus en l’honorant du titre de Roi.

Le Roi de paix, Rex paci­fi­cus. Ici, nous aime­rions déve­lop­per un peu cette véri­té, qui est comme au cœur de la crise qui secoue l’Eglise et qui condi­tionne les rela­tions de la Fraternité Saint-​Pie X avec le Saint-Siège. 

En effet, il nous semble qu’on peut résu­mer le fond du pro­blème actuel dans une perte de la foi en la divi­ni­té de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Oh ! Certes beau­coup pro­testent qu’ils croient que Jésus est Dieu, mais bien peu sont prêts à tirer les consé­quences concrètes de cette véri­té fon­da­men­tale qui écla­te­ra aux yeux du monde entier à la fin des temps. A ce moment-​là, Il lais­se­ra enfin res­plen­dir sa gloire dans toute sa per­fec­tion. L’étendue de ses pou­voirs sur toute créa­ture sera telle que tous les hommes – païens, chré­tiens, athées, mécréants, ban­dits et fidèles –, tous seront pros­ter­nés devant Lui, car à l’évocation de son Nom tout genou flé­chi­ra sur la terre comme au ciel. (cf. Phil. 2,10)

Pour le court moment de sa vie ter­restre durant laquelle Il a pris plai­sir à être par­mi nous, Il a caché en par­tie sa sou­ve­rai­ne­té. Mais ce ne fut que le temps de l’épreuve, le temps d’accomplir sa mis­sion rédemp­trice : « Il est mort pour nos péchés » (1 Cor. 15,3).

Mais pen­dant ce temps où Il a caché à nos yeux sa toute puis­sance, Il ne l’a en rien per­due. « Tout pou­voir m’a été don­né au ciel et sur la terre » (Mt. 28,18) est une affir­ma­tion à prendre lit­té­ra­le­ment, Lui qui crée toutes choses, pour qui tout a été créé, sans qui rien de ce qui a été fait n’a été créé (cf. Jn 1,3).

Le refus pra­tique de la divi­ni­té de Notre Seigneur se mani­feste sou­vent dans l’histoire des hommes par le rejet de sa Royauté, c’est déjà le titre et la rai­son de sa condam­na­tion : « Jesus Nazarenus, Rex Judæorum » (Jn 19,19).

Et dans l’histoire bien sou­vent, le rejet de Dieu se mani­feste par le rejet de la sou­mis­sion à Notre-​Seigneur Jésus-Christ.

Il faut arri­ver au milieu du XXe siècle pour assis­ter à cet incroyable évé­ne­ment qui per­mit de voir un concile qui, soi-​disant au nom de l’adaptation à la situa­tion concrète de la socié­té humaine en pleine déca­dence, modi­fia la pro­cla­ma­tion de tous les âges : « Il faut qu’Il règne » (1 Cor. 15,25). On pré­tend que cette manière de faire serait en har­mo­nie avec les Evangiles, alors que c’est tout le contraire.

Les sophistes du libé­ra­lisme ont fait dire que l’Etat, la socié­té humaine, elle aus­si créa­ture de Dieu, devait trai­ter à éga­li­té l’unique vraie reli­gion et toutes les fausses, accor­dant éga­le­ment à cha­cune le droit d’exister, de se déve­lop­per sans contrainte et d’exercer son culte.

On pré­ten­dit par là s’opposer aux abus de l’Etat tota­li­taire qui écrase injus­te­ment les êtres humains et opprime la conscience de cha­cun. Les francs-​maçons eux-​mêmes ont dit alors leur joie d’entendre réson­ner sous la cou­pole de Saint-​Pierre ces thèses qui leur sont propres (cf. Yves Marsaudon, L’œcuménisme vu par un franc-​maçon de tra­di­tion, 1964).

Il y a bien évi­dem­ment quelque chose de vrai dans le mal dénon­cé. Mais le remède est celui que l’Eglise a tou­jours indi­qué : la tolé­rance. Le droit à la liber­té reli­gieuse, tel qu’il est pro­cla­mé à Vatican II, est autre chose. C’est là un des points sur les­quels nous achop­pons avec le Saint-Siège.

Cette liber­té reli­gieuse, met­tant sur un pied d’égalité le vrai et le faux, dis­pense déli­bé­ré­ment l’Etat et la socié­té humaine de leurs devoirs d’honorer et de ser­vir Dieu, leur Créateur. Elle ouvre le che­min à toutes les licences en matière reli­gieuse. C’est comme si, dans l’Eglise, on avait renon­cé à la pré­ro­ga­tive d’être l’unique voie du salut pour tous les hommes. Ceux qui y croient encore ne le disent plus. Beaucoup font même pen­ser le contraire. Cette conces­sion au monde d’aujourd’hui se fait au prix de la Royauté de Notre-​Seigneur Jésus-Christ. 

Une autre consé­quence, dans la droite ligne de ce qui vient d’être dit, se voit dans la pra­tique de l’œcuménisme.

Sous pré­texte de pou­voir être plus proche de nos « frères sépa­rés », on ne pro­clame plus ces véri­tés pour­tant sal­vi­fiques, parce qu’elles leur sont dures à entendre. On ne cherche même plus, de manière déli­bé­rée, à les conver­tir. L’œcuménisme NE VEUT PLUS CONVERTIR. On a ban­ni ce mot, on le tolère encore, mais au nom de la liber­té reli­gieuse ! Où est donc l’Eglise de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ ? Où est pas­sée la fier­té des catho­liques ? Et ce sont leurs chefs qui les font deve­nir pusil­la­nimes ! Comme on a pu récem­ment le consta­ter en France, lorsqu’il fal­lait blâ­mer des pièces de théâtre blas­phé­ma­toires. Si de pareilles offenses avaient été faites contre les musul­mans, le pays aurait été mis à feu et à sang ! Les chré­tiens sont deve­nus aujourd’hui tel­le­ment mous qu’ils laissent tout faire ! On attente à l’honneur non d’un roi de ce monde, mais du Roi des rois, du Seigneur des sei­gneurs, Notre Sauveur de qui nous avons tout reçu !

Bien évi­dem­ment nous avons à cœur le salut et le retour au ber­cail de toutes ces âmes si chères au Cœur de Notre Seigneur puisqu’il les a rache­tées au prix de sa vie ! Mais la manière de faire actuelle n’a plus rien de com­mun avec le sou­ci de l’unité de l’Eglise des siècles pas­sés. Tout le monde est sup­po­sé bon et, par consé­quent, la pers­pec­tive que cer­tains pour­raient se dam­ner éter­nel­le­ment fait crier au scan­dale. On prêche que l’enfer est vide ou presque. L’enseignement de l’Eglise est tout autre… 

Une troi­sième pierre d’achoppement est encore liée à la dimi­nu­tion de l’autorité.

Notre Seigneur est la tête de l’Eglise. Mais parce qu’Il a vou­lu que son Eglise fût visible, étant mon­té aux cieux, Il lui a don­né une tête visible qui est son Vicaire sur la terre, Pierre et ses suc­ces­seurs… A lui seul Notre Seigneur a don­né le pou­voir de paître agneaux et bre­bis, lui seul a un pou­voir plé­nier, sou­ve­rain, immé­diat sur tous et cha­cun des membres de l’Eglise. C’est pour­quoi l’Eglise s’est tou­jours pro­cla­mée une monar­chie, gou­ver­née par un seul. Certes, le carac­tère humain du gou­ver­ne­ment rend bien com­pré­hen­sible la recherche du conseil et des avis de per­sonnes sages, mais une forme de démo­cra­tie impor­tée dans l’Eglise par la col­lé­gia­li­té et par la paro­die par­le­men­taire des confé­rences épis­co­pales, per­met toutes sortes d’abus et livre à la pres­sion du groupe les dis­po­si­tions du Droit divin déter­mi­nant que chaque dio­cèse n’a qu’une seule tête, l’évêque du lieu.

L’autorité aujourd’hui est sérieu­se­ment ébran­lée, non seule­ment du dehors par la contes­ta­tion des res­pon­sables laïcs qui pré­tendent à une part de gou­ver­ne­ment, mais aus­si bien, à l’intérieur de l’Eglise, par l’introduction d’une quan­ti­té de conseils et com­mis­sions qui, dans l’atmosphère d’aujourd’hui, empêchent l’exercice juste de l’autorité délé­guée par Notre-​Seigneur Jésus-Christ. 

N’est-il pas sai­sis­sant de consta­ter com­bien, à cha­cune de ces pierres d’achoppement, nous retrou­vons au fond le même pro­blème ?

Pour plaire au monde, ou du moins pour s’y adap­ter et com­po­ser avec lui, on a sacri­fié d’une manière ou d’une autre l’autorité de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ sur les fidèles chré­tiens, sur tous les hommes pour les­quels Il a ver­sé son Sang, sur toutes les nations dont ils sont membres.

Voilà ce qui met à mal l’Eglise. Pour sor­tir de cette crise, il faut « res­tau­rer toutes choses dans le Christ » (Eph.1,10). Partout et en tout Lui don­ner la pre­mière place, à Lui qui veut être tout en tous. Tant que l’on ne vou­dra pas quit­ter cet air libé­ral qui empeste l’Eglise, celle-​ci conti­nue­ra de dépérir.

C’est à cause de cette dou­lou­reuse réa­li­té que nos rela­tions avec Rome sont difficiles.

C’est pour­quoi dans la Fraternité nous par­lons si sou­vent de la Royauté de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, car elle est le résu­mé dans la vie pra­tique de la recon­nais­sance de sa Divinité. Il a pure­ment et sim­ple­ment tous les droits sur nous.

Et c’est à Lui que tous les hommes, païens ou catho­liques, jeunes ou vieux, riches ou pauvres, puis­sants ou faibles, tous, abso­lu­ment tous ren­dront compte de leur vie ici-​bas, – Lui, leur sou­ve­rain Juge et leur Dieu dont ils ont tout reçu. Espérons que ces lignes montrent com­bien la doc­trine de la Royauté de Notre-​Seigneur est actuelle, com­bien le com­bat pour cette Royauté de Notre-​Seigneur n’est pas désuet, mais au contraire très néces­saire. C’est aujourd’hui une obli­ga­tion pour survivre.

Daigne Notre Dame, Mère de Jésus, Mère de Dieu, écou­ter nos prières pour la gloire de son Fils. Qu’elle nous pro­tège, qu’elle garde notre petite Fraternité au milieu de tant de périls, et qu’elle soit notre guide, notre avo­cate, notre vic­toire contre nous-​mêmes et notre pusil­la­ni­mi­té. Qu’elle soit notre espé­rance, en atten­dant son triomphe pour lequel nous prions assi­dû­ment, qu’elle soit notre joie dès ici-​bas et pour l’éternité.

Nos cum prole pia, bene­di­cat Virgo Maria. 

+Bernard Fellay, Supérieur général

Source :

Page pré­cé­dente Page sui­vante

FSSPX Premier conseiller général

De natio­na­li­té Suisse, il est né le 12 avril 1958 et a été sacré évêque par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988. Mgr Bernard Fellay a exer­cé deux man­dats comme Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X pour un total de 24 ans de supé­rio­rat de 1994 à 2018. Il est actuel­le­ment Premier Conseiller Général de la FSSPX.