Le courage catholique

S’Il est vrai que la situa­tion reli­gieuse poli­tique et mon­diale ne porte guère à l’optimisme, faut-​il pour autant déses­pé­rer ? Le pano­ra­ma que nous offre le monde est en effet bien attris­tant : ce qui reste de chré­tien­té dans la socié­té part en lam­beaux tan­dis que les médias se font quo­ti­dien­ne­ment l’écho de catas­trophes poli­tiques, sociales, morales ou natu­relles. La ten­ta­tion peut être alors grande de se lais­ser gagner par le décou­ra­ge­ment et de renon­cer à toute espé­rance. Une sorte de para­ly­sie peut alors s’installer chez cer­tains qui n’ont plus que l’Apocalypse comme livre de référence…

La Sainte Ecriture nous montre en bien des endroits, que Dieu n’abandonne jamais les hommes à leur propre sort sur­tout lorsque ceux-​ci l’appellent à l’aide. Dieu le Père veut étendre le règne de son Fils dans le monde entier et sau­ver ain­si les hommes de bonne volon­té. Malgré tous les arti­fices qu’il pour­ra déployer le Prince de ce monde, Satan, sera vain­cu sans avoir pu entrai­ner dans sa chute l’Eglise qu’il veut détruire. Il le sait par­fai­te­ment et sa fureur n’en est que décu­plée. Car Dieu est Dieu ! Il reste le Maitre des évènements !

L’Ecriture Sainte nous en donne un bel exemple dans le pre­mier livre des Maccabées : Séron , géné­ral de l’armée de Syrie, vou­lait se cou­vrir de gloire en com­bat­tant Judas et ses hommes. Pour y par­ve­nir il ras­sem­bla une puis­sante armée consti­tuée d’impies en tout genre. A la vue d’un tel péril les dis­ciples de Judas prirent peur et le décou­ra­ge­ment s’empara d’eux. Alors Judas ten­ta de les récon­for­ter par ces mots : « Il arrive faci­le­ment qu’une mul­ti­tude tombe aux mains d’un petit nombre et il est indif­fé­rent au Ciel d’opérer le salut au moyen de beau­coup ou de peu d’hommes, car la vic­toire à la guerre ne tient pas à l’importance de la troupe : c’est du Ciel que vient la force ». [1] Ceci dit, confiant en Dieu, il fon­dit sur les armées syriennes et les écrasa !

On pour­rait com­pa­rer la situa­tion de L’Eglise catho­lique assié­gée aujourd’hui de toutes parts, à celle de l’armée de Judas Maccabée. Cependant, n’ayant pu la détruire de l’extérieur, ses enne­mis l’infiltrèrent, ino­cu­lant en son sein les prin­cipes révo­lu­tion­naires qui firent dis­pa­raître les états catho­liques espé­rant l’anéantir elle aus­si. La liber­té reli­gieuse, l’œcuménisme et la col­lé­gia­li­té ne sont-​ils pas l’écho de la devise de la révo­lu­tion : « liber­té, éga­li­té fra­ter­ni­té » ? Comme les sol­dats de Judas Maccabée, les catho­liques se sont mis à dou­ter et l’édifice à vaciller. La peur s’est empa­rée de tous.

Car en effet aujourd’hui, la Vérité fait peur ! Qui ose, de nos jours, pro­fes­ser la Royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-​Christ ? Qui ? Du Pape, des évêques et des prêtres, accepte de reprendre à son compte l’intégralité de la doc­trine de Pie XI expri­mée dans Quas pri­mas ? Comme le disait le nonce apos­to­lique de Suisse à Mgr Lefebvre, « aujourd’hui il ne l’écrirait plus ain­si ». La dénon­cia­tion claire de l’erreur fait tout aus­si peur ! Les auto­ri­tés de l’Eglise hésitent, par exemple, à condam­ner l’avortement en termes clai­re­ment catho­liques. Elles se limitent trop sou­vent à défendre la vie au nom des droits de l’homme, de la célé­brer ou de la chan­ter… C’est moins fron­tal et plus consen­suel. Et pour­tant, avant d’être une atteinte aux droits de l’homme l’avortement est une atteinte aux droits de Dieu, Créateur et Maitre de toutes choses. Lui seul donne la vie et la retire. L’embryon, dès sa concep­tion est une per­sonne. Vouloir le sup­pri­mer, est un crime abo­mi­nable que le droit cano­nique punit de l’excommunication immé­diate. La véri­té doit être pro­cla­mée et l’erreur dénon­cée avec force et clar­té. Sans peur !

Car il y a une grâce de la Vérité. Elle ne doit pas faire peur. Nous la voyons agir aujourd’hui. Combien d’entre nous sont venus à la Tradition en écou­tant des véri­tés qui ne réson­naient plus sous les voûtes des églises offi­cielles. En tai­sant la véri­té, en l’édulcorant, les clercs ont vidé les églises alors qu’ils pen­saient les rem­plir. Les enne­mis de l’Eglise redoutent cette force de la véri­té aus­si font-​ils tout pour l’étouffer et la ridi­cu­li­ser. Il est dou­lou­reux de consta­ter que devant de telles offen­sives, bien des catho­liques ont pris peur et se sont cou­chés. De conqué­rant et mis­sion­naires qu’ils étaient, ils sont deve­nus timo­rés, amorphes, et téta­ni­sés par la crainte de déplaire. On peut légi­ti­me­ment se deman­der si le fameux « n’ayez pas peur » que Jean Paul II pro­non­ça le jour de son intro­ni­sa­tion ne s’adressait pas plu­tôt au monde pour le ras­su­rer et lui dire : « non, ne trem­blez pas ! Ouvrez nous vos portes ! Nous, les catho­liques, nous nous adap­te­rons à vos maximes car nous avons chan­gé ! ». 27 ans plus tard, le jour de son enter­re­ment, le Monde entier lui ren­dait un hom­mage unanime.

Les moyens que Notre Seigneur a mis à notre dis­po­si­tion pour sau­ver les âmes et le monde doivent au contraire nous rem­plir de cou­rage et d’espérance. Le plus grand de tous est la Messe, centre de la vie du chré­tien et clé de voûte de la Chrétienté. C’est d’elle que découle la cha­ri­té qui a inon­dé le monde depuis 2000 ans. Les écoles, les uni­ver­si­tés, les hôpi­taux, les ordres reli­gieux, l’élan mis­sion­naire, les sémi­naires, la chré­tien­té sont les fruits visibles de la cha­ri­té que la Messe a allu­mée dans les cœurs de ceux qui vou­laient étendre le règne du Christ-​Roi dans la socié­té. La Messe a fait les saints. Les enne­mis de l’Eglise le savent et c’est pour­quoi ils ont vou­lu la chan­ger, la vider de sa sub­stance lors de la révo­lu­tion litur­gique qui a sui­vi le der­nier concile. Lisez ces mots édi­fiants de Luther sur la messe. Il avait conscience de la force interne de celle-ci :

« Je déclare que tous les lupa­nars (que Dieu réprouve cepen­dant sévè­re­ment), tous les assas­si­nats, meurtres, viols, adul­tères, sont moins abo­mi­nables que la messe papiste. (…) En véri­té, c’est bien sur la messe, comme sur un roc, qu’est édi­fié tout le sys­tème papiste, avec ses monas­tères, ses évêques, ses col­lé­giales, ses autels, ses minis­tères, sa doc­trine, c’est à dire tout son ventre. Tout cela ne sau­rait man­quer de s’écrouler quand tom­be­ra leur messe abo­mi­nable et sacrilège ».

Contra Henricum, Regem Angliae, 1522, Winttenberg, Luther, Werke, t. X, p. 220 cité in La réforme litur­gique angli­cane de Michael Davies, p. 70–71, édi­tions Clovis.

Avec la messe, les sacre­ments consti­tuent des aides extra­or­di­naires de résis­tance et de recon­quête car ils dif­fusent dans les âmes la vie divine et sup­pléent ain­si à leurs fai­blesses et les for­ti­fient. Le chré­tien trouve sa force en Dieu. « Adjutorium nos­trum in nomine Domini » nous fait dire la litur­gie : « notre secours est dans le nom du Seigneur ». Dans ces sacre­ments, spé­cia­le­ment dans la Sainte Eucharistie, nous pui­sons notre cou­rage. Lisez ce que disait Mgr Lefebvre lors de la pre­mière messe d’un jeune prêtre :

Comprenons, mes chers frères, qu’à la sainte com­mu­nion, nous nous unis­sons à Dieu, à Notre Seigneur Jésus-​Christ : voi­là la source de la civi­li­sa­tion chré­tienne. Dans la sainte com­mu­nion, Jésus se mani­feste comme notre Sauveur, et il se mani­feste aus­si comme notre Roi, le Roi de nos intel­li­gences et de nos volon­tés en nous don­nant ses com­man­de­ments pour nous aider à agir selon sa sainte volon­té. Alors, retour­nant chez eux, les chré­tiens qui se sont nour­ris du Corps et du Sang de Notre Seigneur Jésus-​Christ com­prennent mieux quel est leur devoir, com­ment ils doivent se conduire dans la vie quo­ti­dienne, dans la vie de famille, dans la vie de la socié­té civile. Par contre, dans la mesure où les prêtres ne célèbrent plus le saint sacri­fice de la messe, dans cette mesure là, notre civi­li­sa­tion est réduite à néant.

Mgr Lefebvre, 1re Messe, Besançon, 5 sep­tembre 1976.

Le règne social de Jésus-​Christ est la solu­tion à la crise qui secoue l’Eglise et la socié­té. En dehors de Jésus-​Christ, tout effort de res­tau­ra­tion n’est que pure ges­ti­cu­la­tion sté­rile. Le Pape Pie XI le dit magni­fi­que­ment dans sa magni­fique ency­clique Quas pri­mas :

« Si les hommes recon­nais­saient en par­ti­cu­lier et en public le pou­voir royal du Christ, il en résulte néces­sai­re­ment des bien­faits incroyables qui pénètrent aus­si­tôt la socié­té civile, comme une juste liber­té, l’ordre et la tran­quilli­té, la concorde et la paix. De même qu’elle imprègne d’une cer­taine ver­tu reli­gieuse l’au­to­ri­té des princes et des gou­ver­nants, la digni­té royale de Notre Seigneur enno­blit les obli­ga­tions et l’o­béis­sance des citoyens. » 

Pie XI, Quas pri­mas. 11 décembre 1925.

Le relè­ve­ment de ce monde qui rejette Dieu ne dépend pas d’un grand nombre. Pour sau­ver l’Eglise des grands périls qui la mena­çaient, tout au long de l’histoire, Dieu s’est ser­vi d’un petit nombre d’hommes et de femmes qui, avant de réfor­mer le monde qui les entou­rait, ont com­men­cé par se conver­tir eux-​mêmes, sin­cè­re­ment, pra­ti­que­ment et entiè­re­ment. Ainsi, cha­cun à notre place, soyons le levain dans la pâte dont parle le Christ dans l’Evangile. L’apôtre saint Pierre nous y invite tous : « Ayez au milieu des nations une belle conduite afin que, sur le point même où ils vous calom­nient comme mal­fai­teurs, la vue de vos bonnes œuvres les amène à glo­ri­fier Dieu, au jour de sa visite ». [2] Dieu et l’Eglise nous appelle à ce cou­rage. Persuadons-​nous que la bataille contre l’avortement qui s’annonce dans les semaines et les mois à venir ne pour­ra être rem­por­tée sans l’aide de Dieu. Aussi, dès main­te­nant prions, offrons des com­mu­nions, des messes, des che­mins de croix et des péni­tences à cette inten­tion. Notre com­bat doit être catho­lique ! C’est seule­ment à cette condi­tion que les moyens humains que nous uti­li­se­rons pour­ront être effi­caces et qu’une vic­toire sera pos­sible face aux enne­mis de Dieu qui paraissent invincibles.

Pour ter­mi­ner, lisons une der­nières fois ces lignes de Pie XI « Il appar­tien­drait aux catho­liques de pré­pa­rer et de hâter par leur action ce retour (la royau­té sociale du cœur de Jésus), mais un bien grand nombre d’entre eux ne semblent pas tenir dans leur vie sociale leur place nor­male, ni pos­sé­der l’au­to­ri­té qui convient à ceux qui portent le flam­beau de la vérité.

Il faut peut-​être attri­buer ce désa­van­tage à la len­teur et à la timi­di­té des bons qui s’abs­tiennent de résis­ter ou résistent avec mol­lesse : les adver­saires de l’Eglise en retirent néces­sai­re­ment un sur­croît de témé­ri­té et d’au­dace. Au contraire, que les fidèles com­prennent tous qu’il leur faut lut­ter avec cou­rage et tou­jours, sous le dra­peau du Christ le roi. Que le feu de l’a­pos­to­lat les embrase, qu’ils tra­vaillent à récon­ci­lier avec leur Seigneur les âmes éloi­gnées de lui ou igno­rantes, et qu’ils s’ef­forcent de sau­ve­gar­der ses droits. (…) En effet, plus les réunions inter­na­tio­nales et les assem­blées natio­nales accablent d’un indigne silence le nom très doux de notre Rédempteur, plus il faut l’ac­cla­mer et faire connaître le droit de la digni­té et de la puis­sance royale du Christ ».

Pie XI, Quas pri­mas. 11 décembre 1925.

Voilà donc un noble com­bat à mener et un beau pro­gramme à réaliser.

Alors, cou­rage et que Dieu vous bénisse !.

Padre Christian Bouchacourt, Supérieur du District d’Amérique du Sud

Extrait de la revue Jesus Christus n° 130

Notes de bas de page
  1. Ier livre des Maccabées III, 18–19.[]
  2. I P II, 12.[]

FSSPX Second assistant général

Né en 1959 à Strasbourg, M. l’ab­bé Bouchacourt a exer­cé son minis­tère comme curé de Saint Nicolas du Chardonnet puis supé­rieur du District d’Amérique du Sud (où il a connu le car­di­nal Bergoglio, futur pape François) et supé­rieur du District de France. Il a enfin été nom­mé Second Assistant Général lors du cha­pitre élec­tif de 2018.