Editorial de septembre 2011 – Où sont les ouvriers de la moisson ?

Lorsque la tem­pête se lève et que la barque menace de som­brer, vers quelle direc­tion regarde l’équipage apeu­ré ? Vers le com­man­dant du navire qui par son auto­ri­té, son calme et son expé­rience ras­sure ceux qui le voient tenir la barre avec fer­me­té. De même que sur le champ de bataille les com­bat­tants qui se sentent flé­chir regardent vers leur chef qui les exhorte par ses ordres, et les entraine par son exemple. Si ce chef venait à dis­pa­raître alors le cou­rage vien­drait à fai­blir chez les sol­dats, le doute s’installerait par­mi eux et la défaite serait proche. Celui vers lequel les géné­ra­tions regardent depuis des siècles, c’est le Christ pré­sent dans l’hostie qui ras­sure ceux qui doutent, console ceux qui sont dans la peine, for­ti­fie ceux qui défaillent, enflamme ceux qui sentent la tié­deur les enva­hir, écoute ceux qui s’adressent à lui et inonde de sa grâce ceux qui la Lui demandent. Depuis plus de 2 000 ans il est réel­le­ment pré­sent par­mi nous dans les tous les taber­nacles du monde et se donne en nour­ri­ture dans la Sainte Communion. Mais Notre Seigneur a vou­lu que cette pré­sence dépende d’un inter­mé­diaire : le prêtre. Lui seul, de par son ordi­na­tion a reçu le pou­voir de chan­ger le pain et le vin en la Présence Réelle et sub­stan­tielle de Notre Seigneur Jesus Christ. Là où est le prêtre, la chré­tien­té vit !

Chers amis, la chré­tien­té à besoin du prêtre pour exis­ter, sinon elle se dis­loque et meurt. Sans lui les véri­tés divines ne seraient plus ensei­gnées et la foi s’éteindrait. Sans lui, la vie divine ne se répan­drait plus dans les âmes par la grâce, pour les for­ti­fier et les sanc­ti­fier. Le Ciel serait alors fer­mé et l’Espérance dis­pa­rai­trait. Sans lui, enfin, les taber­nacles res­te­raient déses­pé­ré­ment vides car le Saint sacri­fice de la messe ne serait plus célé­bré et les âmes orphe­lines péri­raient affa­mées. La cha­ri­té alors se refroi­di­rait et le trou­peau se divi­se­rait et se dis­per­se­rait. Notre Seigneur veut non seule­ment des prêtres pour per­pé­tuer son action ici bas, mais aus­si des âmes qui imitent son obéis­sance, sa chas­te­té et sa pau­vre­té dans la vie reli­gieuse. Des âmes qui prient et se sacri­fient pour ceux qui ne le font pas, des âmes qui passent leur vie à le louer, à le ser­vir, à l’implorer et à le conso­ler en vivant selon les prin­cipes évan­gé­liques qu’Il nous a ensei­gnés lors de son dis­cours sur la Montagne.

Ayons bien pré­sente cette plainte de notre Seigneur Jésus-​Christ dans l’Evangile : « la mois­son est abon­dante mais les ouvriers sont peu nom­breux [1] ». C’est pour­quoi toute famille catho­lique doit non seule­ment prier pour les voca­tions reli­gieuses et sacer­do­tales, mais vivre aus­si de telle sorte qu’elles puissent s’éveiller et croître en leur sein. Pour s’épanouir, l’appel divin a besoin d’un ter­reau favo­rable et doit évi­ter des écueils qui pour­raient le mettre en péril. « La voca­tion n’est pas le fait d’un appel mira­cu­leux ou extra­or­di­naire, mais l’épanouissement d’une âme chré­tienne qui s’attache à son Créateur et Sauveur Jésus-​Christ d’un amour exclu­sif et par­tage sa soif de sau­ver les âmes [2] ». Où, mieux que dans une famille catho­lique, un tel épa­nouis­se­ment peut-​il se réaliser ?

En effet, le pre­mier creu­set des voca­tions sacer­do­tales et reli­gieuses est la famille catholique :

« Le pre­mier jar­din, et le mieux adap­té, où doivent comme spon­ta­né­ment ger­mer et éclore les fleurs du sanc­tuaire, est encore tou­jours la famille vrai­ment et pro­fon­dé­ment chré­tienne. La majeure par­tie des évêques et des prêtres « dont l’Eglise pro­clame la louange » (Eccl XLIV, 15) doivent l’origine de leur voca­tion et de leur sain­te­té aux exemples et aux leçons d’un père rem­pli de foi et de ver­tu virile, d’une mère chaste et pieuse, d’une famille dans laquelle, avec la pure­té des mœurs, règne en sou­ve­raine la cha­ri­té pour Dieu et le pro­chain. Les excep­tions à cette règle cou­rante sont rares et ne font que confir­mer la règle[3] ».

Une telle atmo­sphère ne peut exis­ter que si Notre Seigneur Jésus Christ règne sur la famille. Cela se fera spé­cia­le­ment si la jour­née fami­liale est ryth­mée par la prière réci­tée en com­mun comme le bene­di­cite avant les repas, le cha­pe­let et la prière du soir. A cela s’ajoute la vie exem­plaire des deux parents, mani­fes­tant ain­si une grande uni­té dans leur pié­té et la récep­tion des sacrements.

La vie du prêtre ou du reli­gieux est toute cen­trée sur le sacri­fice à l’imitation de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Cette orien­ta­tion doit être pré­pa­rée dès le ber­ceau fami­lial. Aucune âme ne pour­ra répondre à l’appel divin si l’esprit de sacri­fice ne l’habite pas. Que les enfants apprennent l’obéissance rapide, qu’ils s’oublient et soient prompts à rendre ser­vice non seule­ment en famille mais aus­si à se dévouer auprès des autres et de leurs prieu­rés. Que l’esprit de richesses ne vienne pas asphyxier leur géné­ro­si­té comme ce fut le cas pour le jeune homme riche de l’Evangile. Que les parents ne maternent pas de façon exces­sive leurs enfants, mais les éduquent d’un amour viril.

Une atmo­sphère chaste et pure est aus­si néces­saire pour l’éclosion des voca­tions. Pour cela chers parents, veillez sur les loi­sirs, les lec­tures et les fré­quen­ta­tions de vos enfants. La consé­cra­tion au Sacré Cœur de vos foyers vous y aide­ra grandement.

Ayez à cœur d’assister à des messes domi­ni­cales dont la beau­té élève l’âme. Il ne s’agit pas seule­ment d’assister à la messe tra­di­tion­nelle sinon d’aller à la grand-​messe au cours de laquelle l’Eglise dans sa litur­gie déploie toute ses fastes, mani­fes­tant ain­si sa foi pour nour­rir et for­ti­fier la nôtre. Vos fils pour­ront alors par­ti­ci­per au ser­vice de l’autel. Les ser­vants de messe forment la cour du Christ Roi. Ils sont ses pages par­mi les­quels Notre Seigneur aime à choi­sir ceux qu’il veut appe­ler à son ser­vice. Trop de fidèles s’abstiennent d’assister à la grand-​messe par pure paresse, pré­fé­rant les messes plus courtes ou plus tar­dives afin de mieux pro­fi­ter des loi­sirs. Cela n’est pas sans conséquences.

Et enfin, chers parents, faites le choix d’inscrire vos enfants dans de bonnes écoles. Je suis admi­ra­tif de voir com­bien chaque année, vous êtes plus nom­breux à faire ce sacri­fice pour leur bien. Ce sacri­fice pour­ra aller jusqu’à les ins­crire en pen­sion comme déjà cer­tains d’entre vous le font. Les âmes de vos enfants sont ce que vous avez de plus pré­cieux. Vous n’en n’êtes pas les pro­prié­taires mais seule­ment les dépo­si­taires. Dieu vous les a confiées, vous aurez à Lui en répondre. L’enseignement per­vers qui est dis­tri­bué dans les écoles offi­cielles y com­pris catho­liques, les mau­vaises ami­tiés, l’atmosphère délé­tère qui y règne peuvent mar­quer à vie vos enfants et mettre en péril leur salut. Ne vous faites pas d’illusion, sur­tout à l’âge de l’adolescence, votre auto­ri­té pèse­ra beau­coup moins que celle des pro­fes­seurs et des cama­rades qui leur pro­po­se­ront des idéaux au rabais ou déformés.

Comment expli­quer le manque de voca­tions auquel nous sommes confron­tés ? Comment expli­quer que ces der­nières années, à quelques excep­tions près, la majo­ri­té des gar­çons qui sont entrés au sémi­naire soient issus de familles qui n’appartiennent pas à la Tradition. Il y a cer­tains prieu­rés qui n’ont pas don­né de voca­tion depuis plus de 12 ans alors que la jeu­nesse y est très nom­breuse ! Voyons, quels sont ces obs­tacles qui peuvent étouf­fer l’appel divin dans l’âme de vos enfants.
Le pre­mier et le plus impor­tant d’entre eux est l’absence d’esprit de sacri­fice. Protégez vos familles de l’esprit du monde. La télé­vi­sion et sur­tout inter­net font des ravages dans les âmes. Mettre un poste de télé­vi­sion ou une connexion inter­net dans les chambres de vos enfants est une grande incons­cience. Les lais­ser s’approcher de ces appa­reils sans contrôle revient à les mettre dans une occa­sion pro­chaine de pécher dont vous por­tez la res­pon­sa­bi­li­té devant Dieu. J’en appelle à votre auto­ri­té, à vous pères de familles qui bien sou­vent, de par les obli­ga­tions de votre tra­vail en oublier celles de vos familles. Soyez vigi­lants ! Vous ne soup­çon­nez pas les ravages qu’internet cause dans les âmes de vos enfants. Allez sur leur compte Facebook comme je l’ai fait moi-​même et vous com­pren­drez ! Vos ado­les­cents ont besoin de votre auto­ri­té. Elle est leur force et leur bou­clier même s’ils ne s’en rendent pas tou­jours compte au moment de la crise de l’adolescence. Que la faci­li­té, le laxisme, le maté­ria­lisme n’entrent pas dans vos foyers.

Un cer­tain sen­ti­men­ta­lisme dans l’éducation consti­tue aus­si un obs­tacle à l’éclosion des voca­tions. Chers parents vous n’êtes pas les égaux de vos enfants. Votre auto­ri­té vous est délé­guée par Dieu lui-​même pour les aider à accom­plir sa volon­té et les mettre en garde contre les périls de la vie et les pro­té­ger contre eux-​mêmes. Soyez bons mais fermes. Aimer ses enfants ce n’est pas seule­ment les ser­rer contre soi 10 fois par jours mais les encou­ra­ger dans le bien et les détour­ner fer­me­ment du mal. L’éducation est l’art des arts, de la qua­li­té de celle-​ci dépend toute l’orientation d’une vie. Que vos enfants res­pectent votre auto­ri­té par une obéis­sance prompte. Ne céder pas à leurs caprices. Apprenez-​leur à aimer la croix ! Il n’y a pas de salut en dehors d’elle.

Votre charge de parents vous demande aus­si de contrô­ler les fré­quen­ta­tions et les sor­ties de vos grands enfants. Ne les lais­sez pas se « fian­cer » dès l’âge de 15–16 ou 17ans comme nous prêtres le consta­tons trop sou­vent. Ces « fian­çailles » ne sont pas autre chose qu’un flirt dégui­sé, même si les deux jeunes sont tra­di­tio­na­listes. lls ont le péché ori­gi­nel ne l’oubliez pas !. En consen­tant à cela, vous met­tez en péril leur pure­té, vous tuez leur jeu­nesse et sté­ri­li­sez la géné­ro­si­té dont ils sont capables. Les fian­çailles ne s’envisagent qu’entre jeunes adultes, pas entre ado­les­cents. Combien de voca­tions avons-​nous per­du ain­si ! C’est la ruse suprême uti­li­sée par le démon pour bri­ser une voca­tion. Vos enfants doivent faire la dif­fé­rence entre amour et saine ami­tié. Beaucoup trop de parents ne voient pas le dan­ger et res­tent non seule­ment sourds aux obser­va­tions des prêtres mais les jugent ineptes et s’en moquent. Tout jeune catho­lique doit se poser un jour la ques­tion de savoir si Dieu l’appelle. Une retraite spi­ri­tuelle peut être une bonne occa­sion de faire la lumière sur l’éventualité de cet appel. Mais, lorsque les feux de la pas­sion sont allu­més, les jeunes gens ne veulent plus envi­sa­ger cette possibilité.

Un obs­tacle majeur aux voca­tions est la cri­tique des prêtres dans le cadre fami­lial. Aimez vos prêtres et respectez-​les ! Faites leur confiance. Si vous consta­ter leurs défauts, priez pour eux ! En cas de désac­cord avec l’un d’entre eux, ne l’abordez pas devant vos enfants Ne les affu­blez pas de sur­nom, ne cri­ti­quez pas leur défauts en public, soyez dociles à ce qu’ils vous enseignent. Ne pas­sez pas leurs ser­mons au crible. Comment voulez-​vous qu’un enfant réponde à l’appel de Dieu s’ils entendent que le prêtre ou la reli­gieuse sont sans cesse déni­grés ? De telles atti­tudes sont mal­heu­reu­se­ment trop fré­quentes et causent beau­coup de dégâts même si elles existent plus par légè­re­té que par malice. L’habitude de cri­ti­quer les prêtres pour se pré­ser­ver des désastres conci­liaires ne jus­ti­fie pas la per­ma­nence d’une telle atti­tude dans nos prieu­rés aujourd’hui. Combien de fois n’ai-je pas enten­du cette phrase : « Depuis la crise conci­liaire, je ne fais plus confiance aux curés. Mon anti­clé­ri­ca­lisme m’a sau­vé, donc je conti­nue !». Cela vou­drait dire que dans la Tradition il n’y pas de bons prêtres et que la doci­li­té et l’obéissance seraient pure fai­blesse et naï­ve­té. Luther n’aurait pas mieux dit, on est en plein libre exa­men ! Un tel état d’esprit pro­duit des effets désas­treux sur les voca­tions pos­sibles et ruine l’unité de nos com­mu­nau­tés. Les familles qui en sont conta­mi­nées ne donnent aucun fils ou aucune fille à l’Eglise.

Je vou­drais que vous soyez convain­cus qu’il n’y a pas d’honneur plus grand que de don­ner un fils ou une fille à l’Eglise. Ces voca­tions, chers parents, atti­re­ront sur vos familles des grâces abon­dantes en ce monde, et au para­dis elles seront les pierres pré­cieuses qui orne­ront vos cou­ronnes et feront votre fier­té. Aussi ne les décou­ra­gez pas mais au contraire, aidez-​les à naitre et à se for­ti­fier. L’Eglise en a tel­le­ment besoin ! Si elles ne naissent pas dans vos familles alors je ne vois pas où nous pour­rions les trou­ver. Les voca­tions les plus sûres, les plus stables viennent des familles catho­liques unies et fer­ventes. De votre pié­té, dépend celle de vos enfants. Ils sont nom­breux les pères et mères de familles, qui com­mu­niant non seule­ment le dimanche mais aus­si en semaine, ont méri­té la grâce de la voca­tion pour l’un de leurs enfants.

Prions donc pour les voca­tions reli­gieuses et sacer­do­tales et pour leur per­sé­vé­rance. Prions de même pour les prêtres, pour les reli­gieux et les reli­gieuses. De leur sain­te­té dépend non seule­ment celle de vos âmes mais aus­si celle de la socié­té. C’est parce que le sacer­doce catho­lique est malade que la Chrétienté est en péril. Alors Seigneur, donnez-​nous beau­coup de saintes voca­tions reli­gieuses et sacer­do­tales et beau­coup de saints prêtres.

Que Dieu vous bénisse !

Padre Christian BOUCHACOURT, Supérieur du District d’Amérique du Sud

Extrait de Iesus Christus n° 35

Notes de bas de page
  1. Saint Mathieu IX , 37[]
  2. Mgr Lefebvre, lettre, Albano, 17 octobre 1983[]
  3. Pie XI, Ad catho­li­ci sacer­do­tii §59[]

FSSPX Second assistant général

Né en 1959 à Strasbourg, M. l’ab­bé Bouchacourt a exer­cé son minis­tère comme curé de Saint Nicolas du Chardonnet puis supé­rieur du District d’Amérique du Sud (où il a connu le car­di­nal Bergoglio, futur pape François) et supé­rieur du District de France. Il a enfin été nom­mé Second Assistant Général lors du cha­pitre élec­tif de 2018.