Lorsque la tempête se lève et que la barque menace de sombrer, vers quelle direction regarde l’équipage apeuré ? Vers le commandant du navire qui par son autorité, son calme et son expérience rassure ceux qui le voient tenir la barre avec fermeté. De même que sur le champ de bataille les combattants qui se sentent fléchir regardent vers leur chef qui les exhorte par ses ordres, et les entraine par son exemple. Si ce chef venait à disparaître alors le courage viendrait à faiblir chez les soldats, le doute s’installerait parmi eux et la défaite serait proche. Celui vers lequel les générations regardent depuis des siècles, c’est le Christ présent dans l’hostie qui rassure ceux qui doutent, console ceux qui sont dans la peine, fortifie ceux qui défaillent, enflamme ceux qui sentent la tiédeur les envahir, écoute ceux qui s’adressent à lui et inonde de sa grâce ceux qui la Lui demandent. Depuis plus de 2 000 ans il est réellement présent parmi nous dans les tous les tabernacles du monde et se donne en nourriture dans la Sainte Communion. Mais Notre Seigneur a voulu que cette présence dépende d’un intermédiaire : le prêtre. Lui seul, de par son ordination a reçu le pouvoir de changer le pain et le vin en la Présence Réelle et substantielle de Notre Seigneur Jesus Christ. Là où est le prêtre, la chrétienté vit !
Chers amis, la chrétienté à besoin du prêtre pour exister, sinon elle se disloque et meurt. Sans lui les vérités divines ne seraient plus enseignées et la foi s’éteindrait. Sans lui, la vie divine ne se répandrait plus dans les âmes par la grâce, pour les fortifier et les sanctifier. Le Ciel serait alors fermé et l’Espérance disparaitrait. Sans lui, enfin, les tabernacles resteraient désespérément vides car le Saint sacrifice de la messe ne serait plus célébré et les âmes orphelines périraient affamées. La charité alors se refroidirait et le troupeau se diviserait et se disperserait. Notre Seigneur veut non seulement des prêtres pour perpétuer son action ici bas, mais aussi des âmes qui imitent son obéissance, sa chasteté et sa pauvreté dans la vie religieuse. Des âmes qui prient et se sacrifient pour ceux qui ne le font pas, des âmes qui passent leur vie à le louer, à le servir, à l’implorer et à le consoler en vivant selon les principes évangéliques qu’Il nous a enseignés lors de son discours sur la Montagne.
Ayons bien présente cette plainte de notre Seigneur Jésus-Christ dans l’Evangile : « la moisson est abondante mais les ouvriers sont peu nombreux [1] ». C’est pourquoi toute famille catholique doit non seulement prier pour les vocations religieuses et sacerdotales, mais vivre aussi de telle sorte qu’elles puissent s’éveiller et croître en leur sein. Pour s’épanouir, l’appel divin a besoin d’un terreau favorable et doit éviter des écueils qui pourraient le mettre en péril. « La vocation n’est pas le fait d’un appel miraculeux ou extraordinaire, mais l’épanouissement d’une âme chrétienne qui s’attache à son Créateur et Sauveur Jésus-Christ d’un amour exclusif et partage sa soif de sauver les âmes [2] ». Où, mieux que dans une famille catholique, un tel épanouissement peut-il se réaliser ?
En effet, le premier creuset des vocations sacerdotales et religieuses est la famille catholique :
« Le premier jardin, et le mieux adapté, où doivent comme spontanément germer et éclore les fleurs du sanctuaire, est encore toujours la famille vraiment et profondément chrétienne. La majeure partie des évêques et des prêtres « dont l’Eglise proclame la louange » (Eccl XLIV, 15) doivent l’origine de leur vocation et de leur sainteté aux exemples et aux leçons d’un père rempli de foi et de vertu virile, d’une mère chaste et pieuse, d’une famille dans laquelle, avec la pureté des mœurs, règne en souveraine la charité pour Dieu et le prochain. Les exceptions à cette règle courante sont rares et ne font que confirmer la règle[3] ».
Une telle atmosphère ne peut exister que si Notre Seigneur Jésus Christ règne sur la famille. Cela se fera spécialement si la journée familiale est rythmée par la prière récitée en commun comme le benedicite avant les repas, le chapelet et la prière du soir. A cela s’ajoute la vie exemplaire des deux parents, manifestant ainsi une grande unité dans leur piété et la réception des sacrements.
La vie du prêtre ou du religieux est toute centrée sur le sacrifice à l’imitation de Notre Seigneur Jésus-Christ. Cette orientation doit être préparée dès le berceau familial. Aucune âme ne pourra répondre à l’appel divin si l’esprit de sacrifice ne l’habite pas. Que les enfants apprennent l’obéissance rapide, qu’ils s’oublient et soient prompts à rendre service non seulement en famille mais aussi à se dévouer auprès des autres et de leurs prieurés. Que l’esprit de richesses ne vienne pas asphyxier leur générosité comme ce fut le cas pour le jeune homme riche de l’Evangile. Que les parents ne maternent pas de façon excessive leurs enfants, mais les éduquent d’un amour viril.
Une atmosphère chaste et pure est aussi nécessaire pour l’éclosion des vocations. Pour cela chers parents, veillez sur les loisirs, les lectures et les fréquentations de vos enfants. La consécration au Sacré Cœur de vos foyers vous y aidera grandement.
Ayez à cœur d’assister à des messes dominicales dont la beauté élève l’âme. Il ne s’agit pas seulement d’assister à la messe traditionnelle sinon d’aller à la grand-messe au cours de laquelle l’Eglise dans sa liturgie déploie toute ses fastes, manifestant ainsi sa foi pour nourrir et fortifier la nôtre. Vos fils pourront alors participer au service de l’autel. Les servants de messe forment la cour du Christ Roi. Ils sont ses pages parmi lesquels Notre Seigneur aime à choisir ceux qu’il veut appeler à son service. Trop de fidèles s’abstiennent d’assister à la grand-messe par pure paresse, préférant les messes plus courtes ou plus tardives afin de mieux profiter des loisirs. Cela n’est pas sans conséquences.
Et enfin, chers parents, faites le choix d’inscrire vos enfants dans de bonnes écoles. Je suis admiratif de voir combien chaque année, vous êtes plus nombreux à faire ce sacrifice pour leur bien. Ce sacrifice pourra aller jusqu’à les inscrire en pension comme déjà certains d’entre vous le font. Les âmes de vos enfants sont ce que vous avez de plus précieux. Vous n’en n’êtes pas les propriétaires mais seulement les dépositaires. Dieu vous les a confiées, vous aurez à Lui en répondre. L’enseignement pervers qui est distribué dans les écoles officielles y compris catholiques, les mauvaises amitiés, l’atmosphère délétère qui y règne peuvent marquer à vie vos enfants et mettre en péril leur salut. Ne vous faites pas d’illusion, surtout à l’âge de l’adolescence, votre autorité pèsera beaucoup moins que celle des professeurs et des camarades qui leur proposeront des idéaux au rabais ou déformés.
Comment expliquer le manque de vocations auquel nous sommes confrontés ? Comment expliquer que ces dernières années, à quelques exceptions près, la majorité des garçons qui sont entrés au séminaire soient issus de familles qui n’appartiennent pas à la Tradition. Il y a certains prieurés qui n’ont pas donné de vocation depuis plus de 12 ans alors que la jeunesse y est très nombreuse ! Voyons, quels sont ces obstacles qui peuvent étouffer l’appel divin dans l’âme de vos enfants.
Le premier et le plus important d’entre eux est l’absence d’esprit de sacrifice. Protégez vos familles de l’esprit du monde. La télévision et surtout internet font des ravages dans les âmes. Mettre un poste de télévision ou une connexion internet dans les chambres de vos enfants est une grande inconscience. Les laisser s’approcher de ces appareils sans contrôle revient à les mettre dans une occasion prochaine de pécher dont vous portez la responsabilité devant Dieu. J’en appelle à votre autorité, à vous pères de familles qui bien souvent, de par les obligations de votre travail en oublier celles de vos familles. Soyez vigilants ! Vous ne soupçonnez pas les ravages qu’internet cause dans les âmes de vos enfants. Allez sur leur compte Facebook comme je l’ai fait moi-même et vous comprendrez ! Vos adolescents ont besoin de votre autorité. Elle est leur force et leur bouclier même s’ils ne s’en rendent pas toujours compte au moment de la crise de l’adolescence. Que la facilité, le laxisme, le matérialisme n’entrent pas dans vos foyers.
Un certain sentimentalisme dans l’éducation constitue aussi un obstacle à l’éclosion des vocations. Chers parents vous n’êtes pas les égaux de vos enfants. Votre autorité vous est déléguée par Dieu lui-même pour les aider à accomplir sa volonté et les mettre en garde contre les périls de la vie et les protéger contre eux-mêmes. Soyez bons mais fermes. Aimer ses enfants ce n’est pas seulement les serrer contre soi 10 fois par jours mais les encourager dans le bien et les détourner fermement du mal. L’éducation est l’art des arts, de la qualité de celle-ci dépend toute l’orientation d’une vie. Que vos enfants respectent votre autorité par une obéissance prompte. Ne céder pas à leurs caprices. Apprenez-leur à aimer la croix ! Il n’y a pas de salut en dehors d’elle.
Votre charge de parents vous demande aussi de contrôler les fréquentations et les sorties de vos grands enfants. Ne les laissez pas se « fiancer » dès l’âge de 15–16 ou 17ans comme nous prêtres le constatons trop souvent. Ces « fiançailles » ne sont pas autre chose qu’un flirt déguisé, même si les deux jeunes sont traditionalistes. lls ont le péché originel ne l’oubliez pas !. En consentant à cela, vous mettez en péril leur pureté, vous tuez leur jeunesse et stérilisez la générosité dont ils sont capables. Les fiançailles ne s’envisagent qu’entre jeunes adultes, pas entre adolescents. Combien de vocations avons-nous perdu ainsi ! C’est la ruse suprême utilisée par le démon pour briser une vocation. Vos enfants doivent faire la différence entre amour et saine amitié. Beaucoup trop de parents ne voient pas le danger et restent non seulement sourds aux observations des prêtres mais les jugent ineptes et s’en moquent. Tout jeune catholique doit se poser un jour la question de savoir si Dieu l’appelle. Une retraite spirituelle peut être une bonne occasion de faire la lumière sur l’éventualité de cet appel. Mais, lorsque les feux de la passion sont allumés, les jeunes gens ne veulent plus envisager cette possibilité.
Un obstacle majeur aux vocations est la critique des prêtres dans le cadre familial. Aimez vos prêtres et respectez-les ! Faites leur confiance. Si vous constater leurs défauts, priez pour eux ! En cas de désaccord avec l’un d’entre eux, ne l’abordez pas devant vos enfants Ne les affublez pas de surnom, ne critiquez pas leur défauts en public, soyez dociles à ce qu’ils vous enseignent. Ne passez pas leurs sermons au crible. Comment voulez-vous qu’un enfant réponde à l’appel de Dieu s’ils entendent que le prêtre ou la religieuse sont sans cesse dénigrés ? De telles attitudes sont malheureusement trop fréquentes et causent beaucoup de dégâts même si elles existent plus par légèreté que par malice. L’habitude de critiquer les prêtres pour se préserver des désastres conciliaires ne justifie pas la permanence d’une telle attitude dans nos prieurés aujourd’hui. Combien de fois n’ai-je pas entendu cette phrase : « Depuis la crise conciliaire, je ne fais plus confiance aux curés. Mon anticléricalisme m’a sauvé, donc je continue !». Cela voudrait dire que dans la Tradition il n’y pas de bons prêtres et que la docilité et l’obéissance seraient pure faiblesse et naïveté. Luther n’aurait pas mieux dit, on est en plein libre examen ! Un tel état d’esprit produit des effets désastreux sur les vocations possibles et ruine l’unité de nos communautés. Les familles qui en sont contaminées ne donnent aucun fils ou aucune fille à l’Eglise.
Je voudrais que vous soyez convaincus qu’il n’y a pas d’honneur plus grand que de donner un fils ou une fille à l’Eglise. Ces vocations, chers parents, attireront sur vos familles des grâces abondantes en ce monde, et au paradis elles seront les pierres précieuses qui orneront vos couronnes et feront votre fierté. Aussi ne les découragez pas mais au contraire, aidez-les à naitre et à se fortifier. L’Eglise en a tellement besoin ! Si elles ne naissent pas dans vos familles alors je ne vois pas où nous pourrions les trouver. Les vocations les plus sûres, les plus stables viennent des familles catholiques unies et ferventes. De votre piété, dépend celle de vos enfants. Ils sont nombreux les pères et mères de familles, qui communiant non seulement le dimanche mais aussi en semaine, ont mérité la grâce de la vocation pour l’un de leurs enfants.
Prions donc pour les vocations religieuses et sacerdotales et pour leur persévérance. Prions de même pour les prêtres, pour les religieux et les religieuses. De leur sainteté dépend non seulement celle de vos âmes mais aussi celle de la société. C’est parce que le sacerdoce catholique est malade que la Chrétienté est en péril. Alors Seigneur, donnez-nous beaucoup de saintes vocations religieuses et sacerdotales et beaucoup de saints prêtres.
Que Dieu vous bénisse !
Padre Christian BOUCHACOURT, Supérieur du District d’Amérique du Sud
Extrait de Iesus Christus n° 35
- Saint Mathieu IX , 37[↩]
- Mgr Lefebvre, lettre, Albano, 17 octobre 1983[↩]
- Pie XI, Ad catholici sacerdotii §59[↩]