Ces remarques écrites furent rédigées par Mgr de Proença Sigaud à l’issue de la quatre-vingt-quinzième assemblée générale du Concile Vatican II, entre décembre 1963 et mai 1964. Elles figurent dans les Actes synodaux du Concile Vatican II (actes officiels).[1]
I. Où traiter de cette question ?
1. Il semble que le lieu pour traiter de la doctrine de l’Église à propos de la liberté religieuse, ou plutôt de la liberté de conscience, soit plus justement non pas le schéma de l’œcuménisme, mais celui de la présence de l’Église dans le monde. Et en voici la raison : le schéma sur l’œcuménisme s’attache à établir les principes et les normes aptes à faciliter le chemin vers l’unité des chrétiens dans la vraie religion. Or, la question de la liberté religieuse concerne bien plus le rapport de l’Église avec le monde d’aujourd’hui divisé en plusieurs confessions religieuses.
II. La question de la liberté religieuse
2. Pour ce qui est de la doctrine elle-même, le schéma n’est manifestement pas assez attentif aux principes inébranlables, et, lorsqu’il utilise certaines notions, ne considère pas les déformations qu’elles ont subies sous l’influence du libéralisme. En conséquence de quoi, le schéma propose des affirmations que le Concile ne peut pas faire siennes.
A. Des principes auxquels le schéma n’est manifestement pas assez attentif
1 – Premier principe
3. Le premier principe auquel le schéma n’attache pas assez d’importance peut s’énoncer ainsi, d’après les propos du Pape Pie XII : « Ce qui ne répond pas à la vérité ou à la norme de la moralité n’a objectivement aucun droit, ni pour être, ni pour être propagé, ni pour agir »[2].
4. En réalité, la notion de droit, elle-même dérivée de la notion de justice, a son fondement dans les exigences de la nature humaine à pouvoir parvenir, par l’usage de la raison, à sa fin propre. Or, cette fin propre de la nature humaine est le vrai et le bien, fin à laquelle elle est ordonnée par sa qualité de raisonnable. L’homme a, en conséquence, un droit à adhérer à la vérité et à faire le bien. Autrement dit, sa nature serait frustrée s’il était privé de sa faculté d’adhérer au vrai et de faire le bien, ce qui serait contraire à l’ordre établi par le Créateur. A l’inverse, puisque ni l’erreur, ni le mal moral ne sont le propre de la nature raisonnable, l’homme n’a aucun droit à l’erreur ou au mal moral.
5. Il s’en suit donc que l’homme ne peut être empêché par qui que ce soit d’adhérer à la vérité ou de faire le bien ; au contraire, de soi, il ne peut être dit rationabiliter invitus[3], ou souffrir une injustice, lorsqu’il est empêché d’adhérer à une erreur ou de faire un péché. Il n’a, en effet, aucun droit ni à l’erreur, ni au péché.
6. Cependant, dans l’état présent de la nature humaine, il peut arriver que l’homme invinciblement, donc sans faute de sa part, adhère au faux ; il ne s’en suit pas pour autant pour lui un droit à l’erreur. Il s’en suit, en revanche, que personne ne peut le forcer à consentir à la vérité ; non pas certes au nom d’un droit qu’il aurait à se tromper, mais du fait que l’acte interne par lequel l’homme adhère à la vérité ou à l’erreur, au bien ou au mal moral, ne peut être imposé de l’extérieur. En effet, par volonté divine, le for de la conscience est inviolable par toute puissance humaine que ce soit, l’homme devant se déterminer librement dans le choix de sa fin ultime. Cette liberté interne crée un droit pour l’homme à ne pas être forcé par qui que ce soit à professer telle ou telle idéologie. Et uniquement ce droit-ci ; la liberté de l’adhésion à l’erreur ou au mal ne créant aucun autre droit supplémentaire.
7. De soi, donc, dans la vie en société, la manifestation extérieure de l’adhésion à l’erreur peut, et en elle-même doit, être empêchée. D’une part, parce que l’erreur s’oppose à la nature humaine, du fait que celle-ci est douée de raison, et d’autre part, parce que la manifestation de l’erreur, spécialement en matière religieuse, nuit à autrui en tant qu’elle peut être pour lui une cause de scandale. Par accident, cependant, elle peut, et parfois doit, être tolérée.
8. Tel est ce qu’enseigne Pie XII dans la célèbre allocution, Ci riesce, dans le même sens que le passage cité plus haut. En effet, l’allocution se poursuit ainsi : « Ne pas l’empêcher (celui qui ne répond pas à la vérité ou à la norme de moralité), au moyen des lois d’État et de dispositions coercitives, peut néanmoins se justifier par l’intérêt d’un bien supérieur et plus vaste »[4]. À considérer les choses attentivement, le Pape affirme ici deux éléments. D’une part, de soi, les lois civiles doivent empêcher de façon coercitive l’erreur et le mal moral. Et d’autre part, par accident, la permission du mal moral et de l’erreur peut cependant être justifiée dans un cas d’exception, lequel doit toujours être vérifié, comme pour toute exception. Enfin, il faut noter que Pie XII dans cette allocution, se propose à dessein de résoudre la question du rapport de l’État à la religion lorsqu’il s’agit d’une Communauté des Peuples dans laquelle vivent ensemble des catholiques et des non-catholiques. Par ailleurs, il est évident que le Pape parle toujours de l’erreur qui s’oppose à la vérité religieuse et non pas de l’erreur scientifique.
2 – Deuxième principe
9. Seule la religion catholique est vraie, et tous les hommes sont tenus de l’embrasser. Et Dieu, de par sa volonté de sauver tous les hommes, accorde à tous la grâce suffisante pour parvenir à la vraie religion, en sorte que nul ne soit damné sans faute de sa part.
3 – Troisième principe
10. La société civile a le devoir de reconnaître la vraie religion et d’honorer Dieu selon cette même religion : « Les hommes, en effet, unis par les liens d’une société commune, ne dépendent pas moins de Dieu que pris isolément ; autant au moins que l’individu, la société doit rendre grâce à Dieu, dont elle tient l’existence, la conservation et la multitude innombrable de ses biens. C’est pourquoi, de même qu’il n’est permis à personne de négliger ses devoirs envers Dieu, […] ainsi les sociétés politiques ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n’existait en aucune manière ; […] en honorant la Divinité, elles doivent suivre strictement les règles et le mode suivant lesquels Dieu lui-même a déclaré vouloir être honoré »[5].
4 – Quatrième principe
11. L’acte interne de foi est parfaitement libre. Il ne peut donc y avoir d’obstacle de coercition, qu’il s’agisse de l’acte de foi vraie, ou qu’il s’agisse de l’acte de foi fausse, de façon coupable ou non. La manifestation, cependant, de la foi publique peut être empêchée, et de soi, doit l’être, étant donné que l’erreur en tant que telle n’a objectivement aucun droit. En conséquence, sa tolérance ne peut être considérée comme une exigence de la justice, et donc toujours valable, mais seulement comme une permission en vue d’un moindre mal[6].
B. Le schéma utilise des notions déformées
1 – Notion de liberté
12. Le schéma considère, manifestement, que l’essence de la liberté consiste en cette possibilité qu’ont les hommes, en raison de la faiblesse de la volonté humaine, de choisir le bien ou le mal. Alors que la véritable liberté est intimement liée à la vérité, selon ce passage de l’Évangile : « La vérité vous rendra libre »[7] ; l’élection du mal, ou péché, de même que l’adhésion à l’erreur devant plutôt être considérées comme un esclavage : « Celui qui fait le péché, est esclave du péché »[8]. Il s’en suit donc que l’on ne peut juger de la même manière de l’adhésion à la vérité ou au bien d’une part, et de l’admission de l’erreur ou du péché d’autre part, même lorsqu’il s’agit de personnes errant de bonne foi. Objectivement, la différence la plus grande sépare celui qui adhère au vrai et au bien de celui qui admet le mal ou l’erreur. En conséquence de quoi, on ne peut reconnaître aux uns et aux autres des droits identiques. Celui qui adhère à la vérité perfectionne objectivement en lui la nature humaine, tandis que celui qui s’attache à l’erreur la déforme plutôt. Et dans le domaine social, il est nécessaire de tenir compte de cette différence.
2 – Notion de dignité humaine
13. La dignité de la personne humaine ne doit être considérée que comme une conséquence de la nature même de l’homme, nature rationnelle qui a comme objet propre le vrai et le bien. De la sorte, la dignité de la personne est perfectionnée par l’adhésion au vrai et au bien et, au contraire, diminuée, quoique toujours conservée, lorsque l’homme s’écarte du vrai et du bien. Certes, puisque la notion de dignité comporte une relation bien plus à l’ordre moral qu’à l’ordre intellectuel, il est sans doute nécessaire de considérer spécialement le cas de celui qui erre de bonne foi. Celui-ci, en effet, ne déforme pas sa nature de façon volontaire, bien plus son acte peut être bon et méritoire ; toutefois, objectivement, il amoindrit l’excellence de sa nature. Cependant, pour la raison évoquée à l’instant, à celui-ci s’applique spécialement ce qu’affirmait Jean XXIII de façon générale dans l’encyclique Pacem in terris, à savoir que l’homme tombé dans l’erreur demeure un être humain et par suite ne perd pas la dignité de sa personne[9] 9. Effectivement, le fondement de la dignité humaine se trouve dans la nature même rationnelle de l’homme, lequel fondement demeure quand bien même l’usage de la raison cesse ou est mauvais. Toutefois, de même que ceux qui souffrent de maladie mentale peuvent être empêchés dans l’usage de leur liberté pour ne pas nuire aux droits d’autrui, de même, ceux qui errent de bonne foi, bien que conservant les droits fondamentaux de la personne humaine, peuvent cependant être empêchés dans la manifestation, et a fortiori dans la propagation, de leurs erreurs, pour ne pas nuire à autrui.
3 – Notion de bien commun
14. La notion de bien commun, telle que sous-entendue dans le schéma, est manifestement insuffisante. En effet, lorsqu’il traite du bien commun, le schéma ne considère pas suffisamment la fin surnaturelle de l’homme, alors que la société civile, non seulement ne peut pas ignorer une telle fin, mais doit aussi positivement la promouvoir. Cette doctrine est explicitement exprimée dans l’encyclique Pacem in terris : « Composé d’un corps et d’une âme immortelle, l’homme ne peut, au cours de cette existence mortelle, satisfaire à toutes les requêtes de sa nature ni atteindre le bonheur parfait. Aussi les moyens mis en œuvre au profit du bien commun ne peuvent-ils faire obstacle au salut éternel des hommes, mais encore doivent-ils y aider positivement »[10].
4 – Notion de liberté religieuse
15. Quant à la notion de liberté religieuse, telle qu’entendue dans le schéma, il faudrait bien plutôt parler de tolérance religieuse, étant donné que la véritable liberté n’est pas donnée pour faire le mal mais seulement pour accomplir le bien. Le mal et l’erreur peuvent être permis uniquement comme des choses qui se trouvent per accidens dans la nature humaine en son état actuel sur terre, mais non pas comme un corollaire nécessaire découlant de la nature de la liberté.
C. Des propositions inacceptables
1 – Première proposition
« Le Saint Concile affirme solennellement qu’un droit à l’exercice public de la liberté de conscience en matière religieuse existe toujours et partout, étant sauf le bien commun, et qu’il doit être reconnu par tous »[11].
16. En raison des principes déjà évoqués, il ne peut être admis qu’il existe toujours et partout un droit à la liberté de conscience, telle que le schéma l’entend, c’est-à-dire même pour une conscience invinciblement erronée.
17. Premièrement, en effet, parce qu’il ne s’agit pas d’un droit au sens strict, Pie XII enseignant que seule la vérité peut créer de véritables droits[12]. Deuxièmement parce que dans la vie publique, dans les affaires sociales, les actions dictées par une conscience erronée doivent, de soi, être empêchées du fait que, par le mauvais exemple qu’elles donneraient aux autres, elles seraient, de soi, nocives. C’est pourquoi, elles ne peuvent parfois être permises que pour une raison différente, pour éviter un plus grand mal, par exemple. En effet, tous ont le droit d’être conduits au vrai et au bien par la vie en société. C’est effectivement en celle-ci que les hommes cherchent ce qu’il leur manque pour la perfection de leur vie et ce qu’ils ne peuvent obtenir par eux-mêmes, tout spécialement ce qu’il leur manque pour atteindre à la perfection tant de l’intelligence que de la volonté. Or l’intelligence n’est perfectionnée que par le vrai, la volonté que par le bien. La vie en société, ne peut donc de soi admettre ce qui, au contraire, éloigne les hommes du vrai et du bien, comme le serait la reconnaissance d’un véritable droit en faveur de la manifestation publique des fausses religions. Dans ce cas, la vie en société ne pourrait être dite favoriser positivement le salut éternel des hommes, comme elle le devrait ainsi que l’affirme la doctrine de l’encyclique Pacem in terris, comme nous l’avons vu plus haut. En conséquence, tolérer la manifestation publique de convictions religieuses fausses n’est pas licite semper et ubique, toujours et partout, mais uniquement lorsque des circonstances concrètes le requièrent.
18. La doctrine contenue dans l’affirmation en question est dite être fondée sur l’encyclique Pacem in terris de Jean XXIII, dans le passage suivant : « Parmi les droits humains, celui-ci aussi doit être considéré, à savoir que chacun a le droit d’honorer Dieu suivant la juste règle de sa conscience et de professer sa religion dans la vie privée et publique »[13]. En réalité, ce texte ne peut manifestement pas être compris de la conscience invinciblement erronée, comme l’affirme l’auteur du schéma, mais uniquement de la conscience conforme à la vérité. Le contexte de cette citation le prouve. Jean XXIII, en effet, entend établir son affirmation à partir de deux textes, l’un de Lactance, l’autre de Léon XIII. Lactance, pour sa part, évoque le droit qu’ont les hommes, de par leur naissance, d’offrir à Dieu un hommage dû et juste[14]. Cela peut s’entendre donc des hommages dus et justes objectivement parlant, c’est-à-dire des hommages que Dieu lui-même demande et ordonne de la part des hommes. Aucun terme n’indique que Lactance entende parler de la conscience invinciblement erronée en tant qu’opposée à la conscience vraie. Léon XIII, quant à lui, traite de la liberté de conscience que les apôtres ont constamment proclamée, que les apologètes ont démontrée et que les martyrs ont consacrée de leur sang[15]. Mais, les apôtres, les apologètes et principalement les martyrs n’ont toujours combattu que pour la liberté de la vraie religion, et non pour celle des fausses religions, quand bien même elles seraient professées de bonne foi. Par ailleurs, Léon XIII, dans l’encyclique Immortale Dei, n’admet pas ce droit absolu à la liberté religieuse, en lequel, selon le schéma, consiste la liberté religieuse. Il déclare en effet, que la société civile se doit d’honorer Dieu de la manière et de la façon selon lesquelles Dieu a déclaré vouloir être honoré[16], et non pas d’une façon qui serait dictée par la conscience des citoyens, quand bien même cette dernière serait invinciblement erronée. De plus, Jean XXIII, dans cette même encyclique Pacem in terris, présente comme fondement de la paix (d’où le titre de l’encyclique) et de l’ordre social, en premier lieu, la vérité ; ensuite, vient la liberté, qu’il présente aussi comme fondement de l’ordre social, mais une liberté qui ne doit pas être comprise autrement que comme celle qui n’est pas en contradiction avec la vérité. Autrement, il faudrait admettre une contradiction dans la pensée du Pontife. La vérité, en effet, est quelque chose d’objectif et d’universel, auquel les actions de la libre volonté de l’homme doivent aussi correspondre objectivement, de sorte que la paix et l’ordre social soient obtenus. Il faut donc conclure que le texte de Jean XXIII ne peut être compris que de la seule conscience vraie.
19. L’auteur du schéma prétend ensuite que la doctrine qu’il tient, et estime être celle de Jean XXIII, trouve une confirmation dans l’allocution donnée par Paul VI, heureusement régnant, à l’ouverture de la seconde session du deuxième Concile du Vatican[17]. Cependant les paroles de Paul VI ne semblent pas résoudre la difficulté. Le Pape traite en effet de la liberté religieuse qui est opprimée dans certains lieux, de même que d’autres droits fondamentaux de l’homme. Cela ne signifie pas pour autant qu’il entende parler de cette liberté religieuse dont l’erreur pourrait bénéficier à partir du moment où elle est professée de bonne foi. En effet, puisqu’il est évident que d’une part l’erreur ne peut aucunement créer un droit objectif[18], et que d’autre part celui qui erre souffre plutôt d’une certaine captivité plus qu’il ne profite d’une vraie liberté, les paroles du Pontife, sauf preuve du contraire, sont à comprendre de la liberté de profession de la vraie religion.
De plus, ne sont pas davantage en faveur de l’auteur du schéma, les autres paroles du même Paul VI dans l’allocution précitée. En effet, le Pontife y manifeste sa douleur de voir que beaucoup souffrent de nombreuses injures dans la confession libre et honnête de leur religion. Ainsi le Souverain Pontife s’intéresse à un fait particulier qui n’indique aucunement qu’il parle d’un droit absolu ou d’une tolérance qui devrait être permise dans tel cas concret. De plus il est clair que Paul VI a devant les yeux les peuples gémissant sous le joug communiste. Or, le communisme entend détruire les fondements mêmes de la religion – fondements qui se trouvent aussi dans les fausses religions, à savoir l’affirmation d’un être suprême et de la dépendance des hommes à son égard. En raison de quoi, son mode d’action est condamnable et représente une véritable injustice, y compris lorsqu’il s’attache à détruire les fausses religions. Les peuples opprimés de la sorte par le communisme subissent donc réellement une injustice. En effet, dans le droit de professer la vraie religion est contenu le droit fondamental et naturel de professer la religion naturelle. C’est même une des raisons pour lesquelles professer publiquement de bonne foi une fausse religion est parfois toléré. Mais il ne s’en suit pas pour autant un véritable droit que les fausses religions auraient, toujours et partout, de s’exercer ouvertement et publiquement.
20. L’auteur du schéma s’attache à exposer une doctrine d’une certaine nouveauté et par suite prétend manifester que cette nouveauté n’est rien d’autre que l’évolution d’une doctrine identique, mais différemment exprimée au cours des siècles en raison des différentes circonstances historiques et idéologiques. Il est vrai sans aucun doute que la doctrine révélée, bien qu’immuable, peut subir une certaine évolution quant à sa connaissance. De telle sorte, cependant, que toujours le sens en demeure identique, et identique la signification[19]. Mais précisément cette règle d’or de saint Vincent de Lérins n’est manifestement pas respectée dans le schéma. Selon l’auteur du schéma, la doctrine constante est celle qui concerne la dignité de la personne humaine ainsi que la sollicitude en faveur de la liberté de l’homme. Et cette doctrine devrait être approfondie par l’introduction d’une double distinction, à savoir, premièrement entre les fausses idéologies et les mouvements ou institutions qui en sont issus, et deuxièmement entre les erreurs religieuses et les droits de ceux qui errent de bonne foi. La conclusion à laquelle parvient l’auteur contient ainsi une doctrine réellement nouvelle et étrangère à la Tradition. En effet, il conclut à un droit véritable des fausses religions à la manifestation publique, et à l’incapacité absolue de l’État en matière religieuse, en tant que démuni de droit face au for de la conscience. Cependant la doctrine traditionnelle, constante et indépendante des circonstances de temps et de lieux, tirée de la nature elle-même ainsi que de la Révélation, affirme d’une part que l’erreur ne peut jamais créer un véritable droit dans la cité, étant donné que les droits de l’homme découlent de sa nature faite pour le vrai, et d’autre part que la société, du fait qu’elle procède elle-même de Dieu, se doit de reconnaître le vrai Dieu et de le servir selon le mode par lequel, manifestement, il veut être honoré.
Quant à la distinction formulée par Jean XXIII dans l’encyclique Pacem in terris, distinction entre les idéologies et les mouvements qui en sont issus, il faut lire avec attention les paroles du Pontife afin de ne pas approuver de tels mouvements en tant qu’ils procèdent de ces idéologies fausses[20]. Du fait que, comme le remarquait déjà saint Thomas, dans toute erreur se trouve une tendance essentielle de l’esprit vers le vrai, de tels mouvements, tirant leurs origines d’idéologies fausses, peuvent cependant, malgré tout, rechercher en soi quelques biens et choses conformes à la nature. Et c’est seulement sous ce rapport-là, dans la mesure où ils peuvent être séparés de ces idéologies fausses, qu’ils sont de nature à être approuvés et admis. Quant à l’autre distinction faite par Jean XXIII, le Pontife ne conclut à partir de là rien d’autre que la permanence de la dignité humaine en ceux qui errent de bonne foi[21] 21. Ainsi c’est à tort que l’on conclut de cette distinction un droit des fausses religions à être reconnues publiquement.
21. Quant aux autres documents pontificaux cités par le schéma pour établir un fondement à cette doctrine, ce qu’il faut en penser sera exposé dans la critique des autres propositions du schéma. En effet, pour les mêmes raisons, d’autres propositions du schéma ne peuvent pas être approuvées.
2 – Deuxième proposition
« Aussi longtemps qu’elle reste dans l’erreur invincible, la personne humaine est digne d’estime et sa liberté religieuse est reconnue et défendue par l’Église »[22] .
22. A l’appui de cette thèse est cité le Pape Pie XII dans son allocution Vous avez voulu du 7 septembre 1955. Cependant, le Pape y traite de la liberté à embrasser la foi, ce qui relève du for de la conscience, et également des convictions de ceux qui n’ont pas encore la foi, convictions données comme motif, quoique non le principal, de tolérance à leur égard[23]. Pie XII ne dit rien du droit à la liberté religieuse, droit pour lequel le schéma fait appel à cette citation, droit de manifester publiquement une conviction erronée de bonne foi. Bien au contraire, l’évocation d’un motif de tolérance manifeste clairement qu’il n’est pas question d’un véritable droit. Sont en effet tolérés ceux qui ne peuvent pas être défendus par le droit.
3 – Troisième proposition
« Cette même liberté religieuse doit être respectée non seulement à l’égard des chrétiens mais à l’égard de tous et chacun des hommes ainsi qu’à l’égard des associations humaines »[24].
23. A l’appui de cette thèse, sont cités les textes des Papes Jean XXIII, Pie XII, Pie XI et Léon XIII.
24. Nous avons déjà examiné le texte de l’encyclique Pacem in terris de Jean XXIII dans l’exposé des raisons pour lesquelles nous rejetons la première proposition.
25. Pie XII, dans le message radiophonique du 24 décembre 1942, évoque le droit fonda-mental de la personne humaine à rendre un culte à Dieu en privé comme en public. Il ne précise cependant pas qu’il entende parler aussi du culte erroné professé de bonne foi. En conséquence, nous pouvons et devons le comprendre du culte vrai et approprié, c’est-à-dire celui que Dieu a lui-même imposé à l’homme par la création de l’Église dans laquelle tous doivent entrer ; d’autant plus que Pie XII ne reconnaît pas de droit véritable à l’erreur : « Ce qui ne répond pas à la vérité ou à la norme de la moralité, objectivement n’a aucun droit, ni pour être, ni pour être propagé, ni pour agir »[25].
26. Quant au Pape Pie XI, lorsqu’il affirme que le fidèle possède un droit, droit qui ne peut être aliéné, de professer et de pratiquer sa foi, lorsqu’il affirme que les lois contraires à ce droit sont en contradiction avec le droit naturel[26], il ne parle que de la vraie foi et non pas de l’erreur, y compris de l’erreur non-coupable, tel qu’on le voit avec évidence tout au long de l’encyclique Mit brennender Sorge dans laquelle le Pontife traite avec soin de la foi authentique en Dieu, impossible sans la foi en Jésus-Christ que conserve avec vigueur l’unique Église catholique.
27. Léon XIII, quant à lui, traite de la liberté de conscience qu’a l’homme pour suivre la volonté de Dieu et accomplir ses préceptes. Ce qui ne se comprend correctement que de la volonté objective de Dieu, et non pas de la volonté supposée être celle de Dieu par celui qui est dans l’erreur ; cela est manifeste du fait que le Pape parle aussi des préceptes ; les commandements de Dieu en effet sont objectifs ou ne sont pas, aucune obligation ne pourrait être donnée de suivre un commandement de Dieu inexistant. Or précisément, la conscience invinciblement erronée est celle qui croit voir un précepte là où il n’existe pas de précepte objectif de Dieu.
4 – Quatrième proposition
« L’Église catholique déclare l’intolérance religieuse être au plus haut point odieuse et offensante à la personne humaine. En effet, par elle l’homme est privé de sa liberté pour observer les exigences dictées par sa conscience, exigences qui sont même pour ceux qui errent de bonne foi suprêmes et très sacrées »[27].
28. Pour prouver cette assertion, sont cités les Papes Jean XXIII en l’encyclique Pacem in terris et Pie XII dans le message radiophonique du 1er juin 1941.
29. Tant Jean XXIII[28] que Pie XII[29] évoquent le devoir qu’ont les hommes de reconnaître et de respecter les droits d’autrui. Ce devoir suppose, bien entendu, qu’il s’agisse de droits véritables. Or, nous l’avons vu plus haut, la liberté religieuse, telle que l’entend le schéma, ne crée pas un droit véritable en raison du fait que l’erreur ne peut fonder objectivement le moindre droit.
30. Quant à l’affirmation en cause, on ne peut affirmer, de façon universelle, que l’intolérance religieuse soit au plus haut point odieuse et offensante à la personne humaine. En effet, quand il s’agit ici d’un État où l’unité religieuse est établie autour de la vraie foi, le bien commun d’une telle nation requiert que cette unité ne soit point mise à mal par la manifestation publique de fausses religions. Par conséquent, dans un tel état, un faux culte ne pourrait être toléré sans péché[30].
31. On ne peut pas plus déclarer offensante à la personne humaine une telle intolérance, puisqu’en ce qui concerne la vie en société, le bien commun peut même la réclamer. Enfin, quoique les exigences de la conscience puissent paraître très sacrées à celui qui erre de bonne foi, cependant, n’étant pas objectivement conformes à la vérité, elles ne créent objectivement aucun droit pour lui, ni aucun devoir pour autrui.
5 – Cinquième proposition
« En matière de religion l’Église catholique revendique l’exclusion de toute coaction extérieure… afin que la véritable liberté religieuse, ou droit de la personne, ne soit entravée pour qui que ce soit lorsqu’il s’agit d’observer et de professer ses devoirs publics et privés envers Dieu et les hommes, en particulier comme en groupe constitué, selon que l’indique la conscience de chacun. L’Église catholique affirme qu’une telle liberté revient tant aux personnes humaines prises individuellement qu’aux associations d’hommes qui, suivant les exigences de leur conscience, se rassemblent afin de mener et promouvoir une vie religieuse »[31].
32. A l’appui de cette thèse, sont cités deux textes des Papes Jean XXIII, encyclique Pacem in terris, et Léon XIII, encyclique Sapientiæ christianæ, textes à partir desquels l’auteur du schéma conclut : « En conséquence, un gouvernement agit abusivement et viole au plus haut point cette chose sacrée qu’est l’homme lorsqu’il s’immisce dans le gouvernement ou le soin des âmes »[32].
33. Cependant, le lieu cité de l’encyclique Pacem in terris où Jean XXIII rappelle la pratique dans les Etats modernes de consigner par écrit les droits des citoyens, ne poursuit qu’un but, celui de montrer comment les hommes acquièrent actuellement une plus grande conscience de leur propre dignité[33]. Rien de plus. Par ailleurs, le fait que Jean XXIII reconnaisse au pouvoir civil le devoir de reconnaître les justes limites de la liberté ainsi que de veiller au bon respect des droits[34], ne constitue pas un argument valable dans la mesure où, comme nous l’avons vu, l’erreur ne peut créer de droit véritable.
34. Le texte de Léon XIII, quant à lui, ne contient pas la conclusion de l’auteur du schéma. En effet, le Pontife traite de la compétence de l’État en matière religieuse, compétence qui dans l’état présent du genre humain n’a été confiée seulement qu’à l’Église[35]. Pour autant, c’est à tort que l’on en conclurait que l’État puisse ignorer quelle est la vraie religion et, partant, permettre le culte de toutes les religions. Nous avons vu plus haut le même Léon XIII affirmer le devoir pour la société civile de reconnaître la vraie religion et d’employer pour le culte celui par lequel Dieu a manifesté vouloir être honoré[36].
35. D’autre part, Jean XXIII enseigne bien que parmi les constitutifs du bien commun, dont le soin est confié à la société civile, se trouve le devoir de procurer le nécessaire à l’obtention du salut éternel des hommes[37]. En conséquence de quoi, la puissance civile se doit de reconnaître et de favoriser la vraie religion.
36. Il apparaît donc clairement que l’affirmation, telle que proposée par le schéma, est tout simplement erronée, l’Église catholique ne pouvant aucunement reconnaître un droit à la profession en public, ainsi qu’à la propagation des fausses religions, que ce soit pour les individus seuls ou pour les assemblées composées d’hommes professant les mêmes erreurs. Et la raison en est, d’une part qu’un tel droit véritable n’existe pas et d’autre part qu’une telle profession et propagation s’opposent, de soi, au bien commun, en créant pour les hommes un scandale de nature à les détourner de la vraie religion. L’Église demande uniquement que soit tolérée en raison de certaines circonstances manifestes la profession publique des fausses religions.
6 – Sixième proposition
« La puissance publique ne peut imposer aux citoyens la profession d’une religion déterminée comme une condition pour pouvoir participer de plein droit à la vie de la nation et de la cité. La puissance humaine doit respecter la justice et l’équité envers tous ceux qui obéissent en matière religieuse à ce que leur dicte leur conscience »[38].
37. Une telle proposition est parfaitement évidente. Il est juste, en effet, que la puissance publique ne puisse imposer aux citoyens la profession d’une religion déterminée comme une condition nécessaire pour jouir du bien de la vie sociale, puisque la profession religieuse est un acte interne à chaque homme et que la puissance publique ne peut juger du for interne. En revanche, elle peut imposer la profession de la vraie foi dans l’exercice de certaines charges, cela le bien commun peut, en effet, l’exiger.
38. La deuxième partie de la proposition est juste dans la mesure où elle ne s’étend pas à la profession des fausses religions, du fait qu’elles ne jouissent d’aucun droit véritable[39], et également dans la mesure où la profession publique des fausses religions n’est pas considérée comme inoffensive pour les autres citoyens.
7 – Septième proposition
« Une telle liberté religieuse est offensée tant par les condamnations à mort pour raison religieuse, que par les spoliations de biens également pour motif de religion, les privations du nécessaire pour une vie décente, le refus de l’égalité sociale, civile ou nationale, ou encore l’impossibilité d’accomplir les actes civils et d’exercer les droits fondamentaux reconnus communément par tous les peuples »[40].
39. Cette proposition également est évidente. En premier lieu, elle ne distingue pas la bonne foi de la mauvaise foi parmi ceux qui professent une fausse religion. Deuxièmement, la liberté religieuse, en tant qu’elle concerne aussi les fausses religions, doit être distinguée de la liberté de professer la vraie foi. En effet, la profession d’une fausse religion peut être nocive à la vie sociale de telle sorte qu’elle puisse et doive être réprimée par des peines infligées aux contumaces, peines plus ou moins lourdes selon le degré de nocivité et de perversité.
40. Quant au document apporté à l’appui de cette thèse, il n’est pas probant. En effet, Jean XXIII, dans le passage cité de l’encyclique Pacem in terris, loue seulement la reconnaissance générale de la dignité de la personne humaine[41]. Il reste à prouver que cette dignité humaine requiert la liberté de conscience et de profession publique de l’erreur.
8 – Huitième proposition
« À notre époque et sur toute la terre, la liberté religieuse doit faire particulièrement l’objet d’un soin attentif du fait que de nos jours des relations de plus en plus fréquentes unissent des hommes de cultes et de religions divers »[42].
41. Telle quelle, la proposition ne peut pas être approuvée. En effet, elle donne pour argument en faveur de la liberté de profession publique de l’erreur, les « relations de plus en plus fréquentes » entre des hommes de cultes et de religions divers. À l’évidence, un tel argument n’est pas suffisant pour admettre que l’unité de la vraie foi existant dans un État donné puisse être exposée à la destruction du fait des relations avec des hommes d’autres religions. On ne doit jamais faire le mal pour obtenir un bien, a fortiori, lorsque le bien espéré doit, en réalité, plutôt être appelé un moindre mal. On devrait plutôt affirmer, au contraire, qu’il est nécessaire de prendre tous les moyens licites pour que l’unité de la vraie foi ne soit point mise à mal par des relations de plus en plus fréquentes avec des adeptes de fausses religions.
42. Le document pontifical cité en premier lieu, l’allocution de Pie XII aux membres du tribunal de la Rote Romaine du 6 octobre 1946[43], ne traite pas de la tolérance religieuse en général, mais uniquement de la tolérance « lorsqu’au sein d’un même peuple » se trouvent mêlées des confessions religieuses diverses. Ce qui signifie que la tolérance civile et sociale apparaît nécessaire uniquement lorsque cette circonstance se vérifie (« in tali circostanze »).
43. Quant à l’allocution Ci riese du 6 décembre 1953, citée également à l’appui de cette thèse, elle n’apparaît aucunement probante ainsi que l’avance l’auteur du schéma. En réalité, voici ce que dit l’allocution : « À l’intérieur de son territoire et pour ses citoyens, chaque État déterminera les affaires religieuses et morales selon sa propre loi »[44]. C’est-à-dire qu’un État quelconque, de confession islamique par exemple, agrégé à une Communauté d’États, pourrait régler les questions religieuses dans son territoire et pour ses sujets de sorte à imposer à tous les citoyens la religion islamique. Et selon l’auteur du schéma, Pie XII permettrait que « les citoyens catholiques et les chefs d’États catholiques approuvent en conscience une telle loi »[45]. En d’autres termes, cela reviendrait à dire que dans un tel État, les catholiques et l’Église renonceraient en bonne conscience à obéir au précepte du Seigneur de prêcher l’Évangile à toutes créatures. L’auteur du schéma conclut manifestement bien trop hâtivement. En réalité, Pie XII rejette une telle conclusion. Les paroles citées par l’auteur du schéma expriment un principe probable selon lequel les affaires religieuses seraient ordonnées au sein d’une Communauté d’États où cohabitent des religions différentes. Mais ce statut légal, qu’il estime probable, Pie XII ne l’approuve nullement[46]. Et de fait, un peu plus loin dans la même allocution, il expose avec clarté les droits immuables de la vérité dans quelque État que ce soit : « D’abord il faut affirmer clairement qu’aucune autorité humaine, aucun État, aucune Communauté d’États, quel que soit leur caractère religieux, ne peuvent donner un mandat positif ou une autorisation positive d’enseigner ou de faire ce qui serait contraire à la vérité religieuse et au bien moral. Un mandat ou une autorisation de ce genre n’auraient pas force obligatoire et resteraient inefficaces. Aucune autorité ne pourrait les donner parce qu’il est contre-nature d’obliger l’esprit et la volonté de l’homme à l’erreur et au mal ou de considérer l’un et l’autre comme indifférents »[47].
III. Proposition
44. Que le chapitre De la liberté religieuse soit révisé de fond en comble. Qu’il soit appelé plutôt De la liberté de conscience, et qu’il expose la doctrine traditionnelle en ce qui concerne les droits de la vérité, la nécessité d’entrer dans l’Église catholique et la tolérance en matière religieuse.
Mgr Gérald de Proença Sigaud
Source : Courrier de Rome n°639
- Mgr de Proença Sigaud, « Remarques écrites sur le chapitre V du schéma sur la liberté religieuse » dans Acta synodalia sacrosancti concilii oecumenici vaticani secundi, Vol. III, pars III, p. 648–657. Ces remarques écrites furent rédigées à l’issue de la quatre-vingt-quinzième assemblée générale du Concile, entre décembre 1963 et mai 1964.[↩]
- « Ciò che non risponde alla verità e alla norma morale, non ha oggettivamente alcun diritto né all’esistenza, né alla propaganda, né all’azione ». Allocution Ci riesce aux juristes catholiques italiens, 6 décembre 1953 ; Discours et radio-messages de S.S. Pie XII, XV, p. 488.[↩]
- [L’expression rationabiliter invitus, qui pourrait se traduire ici par raisonnablement opposé à, qualifie en théologie morale un sujet qui de soi, raisonnablement, n’est pas opposé à l’action qu’il subit, quand bien même, pour un autre motif que sa seule raison, il y est de fait opposé. Ici, l’homme est supposé ne pas s’opposer à être empêché d’adhérer à l’erreur ou de faire le mal, puisque cet empêchement est, en soi, un bien pour lui. Il ne serait pas raisonnable de s’y opposer, quand bien même, de fait, il s’y oppose].[↩]
- « Il non impedirlo (scilicet, quod veritati vel normae moralitatis non respondet) per mezzo di leggi statali e di disposizioni coercitive può nondimeno essere giustificato nell’interesse di un bene superiore e più vasto ». Pie XII, Allocution Ci riesce ; soulignement de l’auteur.[↩]
- Léon XIII, Encyclique Immortale Dei, du 1er novembre 1885, §§12 et 13.[↩]
- Cf. Pie XII, Allocution Ci riesce citée plus haut.[↩]
- Jn VIII, 32.[↩]
- Jn VIII, 34.[↩]
- « L’homme égaré dans l’erreur reste toujours un être humain et conserve sa dignité de personne ». Jean XXIII, Encyclique Pacem in terris, du 11 avril 1963, §158, AAS, t. 55, p. 299.[↩]
- « Homines, utpote qui ex corpore et animo im-mortali constent, intra mortalem hanc vitam neque suas explere necessitates, neque perfectam adipisci felicitatem possunt. Quocirca commune bonum eiusmodi viis atque rationibus parandum est, quibus non modo æternæ hominum saluti non officiatur, sed etiam eidem serviatur ». Jean XXIII, encyclique Pacem in terris, §59. Jean XXIII répète plus loin le même principe, §146 : « Ils s’efforceront aussi d’obtenir que les institutions relatives à la vie économique, sociale, culturelle ou politique ne mettent pas d’entrave, mais au contraire apportent une aide à l’effort de perfectionnement des hommes, tant au plan naturel qu’au plan surnaturel ».Cf. Pie XI, Encyclique Quadragesimo Anno, 15 mai 1931, AAS, t. 23, p. 215.[↩]
- « Sacra Synodus solemniter affirmat ius ad libertatem conscientiæ in re religiosa externe exercendam, salvo bono communi, semper et ubique valere et ab omnibus agnoscendum esse », n. 5 versus finem.12 Allocution Ci riesce citée plus haut.[↩]
- Allocution Ci riesce citée plus haut.[↩]
- « In hominis iuribus hoc quoque numerandum est, ut et Deum, ad rectam conscientiæ suæ normam, venerari possit, et religionem privatim publice profiteri ». Jean XXIII, encyclique Pacem in terris, §14.[↩]
- « Nous recevons l’existence pour rendre à Dieu, qui nous l’accorde, le juste hommage qui lui revient, pour le connaître lui seul et ne suivre que lui. Cette obliga-tion de piété filiale nous enchaîne à Dieu et nous relie à lui, d’où son nom de religion ». Lactance (250–325), Institutions divines, livre IV.[↩]
- « Cette liberté véritable, réellement digne des enfants de Dieu, qui sauvegarde comme il faut la noblesse de la personne humaine, prévaut contre toute violence et toute injuste tentative ; l’Église l’a toujours demandée, elle n’a jamais rien eu de plus cher.
Constamment les apôtres ont revendiqué cette liberté, les apologètes l’ont justifiée dans leurs écrits, les martyrs en foule l’ont consacrée de leur sang ». Léon XIII, encyclique Libertas præstantissimum, 20 juin 1888.[↩]
- « Ainsi les sociétés politiques ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n’existait en aucune manière ; … en honorant la Divinité, elles doivent suivre strictement les règles et le mode suivant lesquels Dieu lui-même a déclaré vouloir être honoré ». Léon XIII, Immortale Dei, 1er novembre 1885, §13.[↩]
- « Combien ne sommes-nous pas affligé de voir que dans certains pays la liberté religieuse ainsi que d’autres droits fondamentaux de l’homme sont violés par des principes et des méthodes d’intolérance politique, raciale ou antireligieuse. Nous souffrons de voir comment dans le monde il y a encore tant d’injustices contre la profession honnête et libre de sa foi religieuse ». Paul VI, Discours prononcé à l’ouverture de la deuxième session du Concile Vatican II, le 29 septembre 1963.[↩]
- Cf. Pie XII, Allocution Ci riesce citée plus haut.[↩]
- [« In eodem scilicet dogmate, eodem sensu, eademque sententia ». Saint Vincent de Lérins, Commonitorium, n. 28. Cette règle a été reprise dans les termes mêmes de saint Vincent de Lérins dans la Constitution Dei Filius du premier Concile du Vatican.][↩]
- « De même, on ne peut identifier de fausses théories philosophiques sur la nature, l’origine et la finalité du monde et de l’homme, avec des mouvements historiques fondés dans un but économique, social, culturel ou politique, même si ces derniers ont dû leur origine et puisent encore leur inspiration dans ces théories. Une doctrine, une fois fixée et formulée, ne change plus, tandis que des mouvements ayant pour objet les conditions concrètes et changeantes de la vie ne peuvent pas ne pas être largement influencés par cette évolution. Du reste, dans la mesure où ces mouvements sont d’accord avec les sains principes de la raison et répondent aux justes aspirations de la personne humaine, qui refuserait d’y reconnaître des éléments positifs et dignes d’approbation ? » Jean XXIII, encyclique Pacem in terris, §159.[↩]
- « C’est justice de distinguer toujours entre l’erreur et ceux qui la commettent, même s’il s’agit d’hommes dont les idées fausses ou l’insuffisance des notions concernent la religion ou la morale. L’homme égaré dans l’erreur reste toujours un être humain et conserve sa dignité de personne à laquelle il faut toujours avoir égard ». Jean XXIII, encyclique Pacem in terris, §158.[↩]
- « Quamdiu in errore invincibili versatur, persona humana æstimatione digna est atque eius libertas religiosa ab Ecclesia agnoscitur et vindicatur ». p. 4, n. 2, ll. 18–20.[↩]
- Pie XII, Discours aux participants du Xème congrès international des sciences historiques, 7 septembre 1955 : « Aux non-catholiques, l’Église applique le principe repris dans le Code de Droit Canon, ad amplexandam fidem catholicam nemo invitus cogatur (c. 1351), et estime que leurs convictions constituent un motif, mais non toutefois le principal, de tolérance ». Discours et Radio-messages de S.S. Pie XII, t. XVII, p. 211–222.[↩]
- « Eadem libertas religiosa non tantum a christianis, sed ab omnibus et singulis hominibus et a communi hominum conviventia observanda est ». p. 4, n. 3, initio.[↩]
- Allocution Ci riesce citée plus haut.[↩]
- « Le croyant a un droit inaliénable à professer sa foi et à la vivre comme elle veut être vécue. Des lois qui étouffent ou rendent difficile la profession et la pratique de cette foi sont en contradiction avec le droit naturel ». Pie XI, encyclique Mit brennender Sorge (10 mars 1937), §36.[↩]
- « Ecclesia catholica intolerantiam religiosam summo gradu odiosam atque offensivam erga personam humanam esse declarat. Ipsa, enim, homo privatur libertate sua in observandis iis dictaminibus conscientiæ suæ quæ ipsi etiam bona fide erranti ut suprema et sacratissima apparent ». p. 5, n. 3 sub fine.[↩]
- Encyclique Pacem in terris, §44 : « Ses propres droits, c’est avant tout comme autant d’expressions de sa dignité qu’il (l’homme) devra les faire valoir, et à tous les autres incombera l’obligation de reconnaître ces droits et de les respecter ».[↩]
- Radio-message pour le cinquantième anniversaire de Rerum novarum, 1er juin 1941 : « La protection de ce droit assurera la dignité personnelle de l’homme et lui donnera la facilité de s’appliquer à remplir, dans une juste liberté, cet ensemble de constantes obligations et décisions dont il est directement responsable envers le Créateur. C’est, en effet, à l’homme qu’appartient le devoir entièrement personnel de conserver et de porter à plus de perfection sa propre vie matérielle et spirituelle, pour atteindre la fin religieuse et morale que Dieu a assignée à tous les hommes et leur a donnée comme une norme suprême, les obligeant toujours et dans tous les cas, antérieurement à tous leurs autres devoirs ».[↩]
- Cf. l’analyse de la proposition n° 1 et la doctrine du Pape Pie XII.[↩]
- « In materia religiosa prædicta externæ coactionis exclusio ab Ecclesia catholica vindicatur… ut vera “libertas religiosa” seu ius personæ ne ab aliis impediatur quominus observet et proclamet officia sua publica et privata erga Deum et erga homines, singulariter vel collective sumptos, prout conscientia manifestantur. Ecclesia catholica affirmat talem libertatem religiosam competere tum singulis personis humanis tum cœtibus hominum, qui exigentiis suæ conscientiæ adducuntur ut collatis viribus vitam religiosam ducant vel promoveant ». p. 5, n. 4.[↩]
- p. 10, nota 7.[↩]
- « Dans l’organisation juridique des communautés politiques à l’époque moderne, on note tout d’abord une tendance à rédiger en des formules claires et concises une charte des droits fondamentaux de l’homme. (…) Toutefois, les tendances que Nous venons de relever le prouvent à suffisance : les hommes de notre temps ont acquis une conscience plus vive de leur dignité ». Pacem in terris, §§75 et 79.[↩]
- « La raison d’être des pouvoirs publics est de réaliser le bien commun, dont un élément fondamental consiste à reconnaître le juste domaine de la liberté et d’en protéger les droits ». Pacem in terris, §104.[↩]
- Léon XIII, Encyclique Sapientiæ christianæ, 10 janvier 1890, § 37 : « On porterait atteinte à l’intégrité de la foi si l’on mettait en doute que l’Église seule a été investie d’un semblable pouvoir de gouverner les âmes, à l’exclusion absolue de l’autorité civile ». [Mais cette distinction entre l’Église et l’État, en raison de leur domaine propre, ne signifie pas pour autant dans la pensée de Léon XIII un désintéressement de la part de l’État de ce qui concerne la religion : « C’est pourquoi, de la tranquillité de l’ordre public, but immédiat de la société civile, l’homme attend le moyen de se perfectionner physiquement, et surtout celui de travailler à sa perfection morale, qui réside exclusivement dans la connaissance et la pratique de la vertu. […] Dès lors, ceux qui rédigent des constitutions et font des lois doivent tenir compte de la nature morale et religieuse de l’homme et l’aider à se perfectionner, mais avec ordre et droiture, n’ordonnant ni ne prohibant rien sans avoir égard à la fin propre de chacune des sociétés civile et religieuse ». Sapientiæ christianæ, §§ 40 et 41.][↩]
- « Ainsi les sociétés politiques ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n’existait en aucune manière ; … en honorant la Divinité, elles doivent suivre strictement les règles et le mode suivant lesquels Dieu lui-même a déclaré vouloir être honoré ». Immortale Dei, § 13.[↩]
- « Aussi les moyens mis en œuvre au profit du bien commun ne peuvent-ils faire obstacle au salut éternel des hommes, mais encore doivent-ils y aider positivement ». Pacem in terris, §59.[↩]
- « Potestas publica nequit imponere civibus professionem determinatæ religionis tamquam conditionem ut pleno et integro iure vitæ nationali et civili participare valeant. Potestas humana debet iustitiam et æquitatem observare erga omnes qui in re religiosa dictamini suæ conscientiæ obediunt ». p. 6, n. 5, ll. 15–19.[↩]
- Cf. Pie XII, Allocution Ci riesce citée plus haut.[↩]
- « Hæc libertas religiosa pariter offenditur præprimis damnatione mortis propter rationes religiosas, sed præterea religionis causa peractis spoliatione bonorum, privatione eorum quæ ad vitam decentem requiruntur, abnegatione æqualitatis socialis vel civilis, nationalitatis, competentiæ ad actus civiles, exercitii eorum iurium fundamentalium quæ concorditer a nationibus agnoscuntur ». p. 6, n. 5, ll. 20–25.[↩]
- « Les hommes de notre temps ont acquis une conscience plus vive de leur dignité ; ce qui les amène à prendre une part active aux affaires publiques et à exiger que les stipulations du droit positif des États garantissent l’inviolabilité de leurs droits personnels ». Pacem in terris, §79.[↩]
- « Nostris temporibus ubique terrarum libertas religiosa speciali modo urgenda est quia in dies frequentiores fiunt relationes quibus homines disparis cultus et diversæ religionis inter se connectuntur ». p. 6, n. 5 sub fine.[↩]
- « Les contacts toujours plus fréquents et le mélange confus des diverses confessions religieuses au sein d’un même peuple ont amené les tribunaux civils à suivre le principe de « la tolérance » et de la « liberté de conscience ». Il y a aussi une tolérance politique, civile et sociale à l’endroit des fidèles des autres religions qui, en ces sortes de circonstances, est également pour les catholiques un devoir moral. » Discours de Sa Sainteté Pie XII à la Rote Romaine, 6 octobre 1946, AAS, 38, 1946, p. 391.[↩]
- « Nell’interno del suo territorio e per i suoi cittadini ogni Stato regolerà gli affari religiosi e morali con una propria legge ».[↩]
- p. 11, n.11 sub fine.[↩]
- [Le Pape Pie XII évoque ici, devant une assemblée de juristes italiens, la possibilité de voir apparaître dans des Communautés d’États des lois concernant les religions et s’appliquant à l’ensemble des pays membres de ces Communautés. « Selon les probabilités et les circonstances, dit-il, ce règlement de droit positif s’énoncerait ainsi : à l’intérieur de son territoire et pour ses citoyens, chaque État déterminera les affaires religieuses et morales selon sa propre loi. » Pie XII n’entend nullement faire sien ce principe, il estime seulement probable que dans un futur plus ou moins proche des Communautés d’États adoptent ce type de principe. Ce principe probable étant exposé, Pie XII continue : « Pour le juriste, l’homme politique et l’État catholiques, se pose ici la question : peuvent-ils consentir à un tel règlement quand il s’agit d’entrer dans la Communauté des Peuples et d’y rester ? » Le principe cité n’est donc pas l’expression de la pensée du Pape, Pie XII entend plutôt y opposer l’enseignement de l’Église.][↩]
- « Innanzi tutto occorre affermare chiaramente : che nessuna autorità umana, nessuno Stato, nessuna Comunità di Stati, qualunque sia il loro carattere religioso, possono dare un mandato positivo o una positiva autorizzazione d’insegnare o di fare ciò che sarebbe contrario alla verità religiosa o al bene morale. Un mandato o una autorizzazione di questo genere non avrebbero forza obbligatoria e resterebbero inefficaci. Nessuna autorità potrebbe darli, perché è contro natura di obbligare lo spirito e la volontà dell’uomo all’errore ed al male o a considerare l’uno e l’altro come indifferenti ».[↩]