Sermon de Mgr Lefebvre – Vigile de la Pentecôte – Diaconat – 21 mai 1988

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

Cette céré­mo­nie de l’ordination au dia­co­nat nous apporte cette année une joie par­ti­cu­lière, parce que ceux qui vont être ordon­nés par la grâce du Bon Dieu, avec la grâce de Dieu, sont nom­breux et nous donnent l’espoir d’avoir pour l’année pro­chaine – s’il plaît à Dieu – de nom­breuses ordi­na­tions sacer­do­tales, dont nous avons tant besoin. Partout, les fidèles nous demandent, avec insis­tance, de leur envoyer des prêtres.

Pour envoyer des prêtres, il faut qu’il y ait beau­coup de voca­tions ; il faut que ces voca­tions per­sé­vèrent et, dans les temps que nous vivons, ce n’est pas une chose facile. Et c’est pour­quoi, cette année, au 29 juin, les ordi­na­tions sacer­do­tales seront mal­heu­reu­se­ment peu nom­breuses. Mais nous espé­rons qu’avec le venue de ces nou­velles géné­ra­tions de diacres, de sous-​diacres, de sémi­na­ristes, les ordi­na­tions qui appro­che­ront qua­rante nou­veaux prêtres pour la Fraternité, pour­ront se faire à par­tir de l’année pro­chaine et c’est pour nous une grande consolation.

Mes bien chers amis, vous appro­chez du sacer­doce. Voici la der­nière étape venue avant de pou­voir pro­non­cer les paroles mer­veilleuses, mys­tiques, sublimes de la Sainte Consécration. Mais par ce pas que vous allez faire, par cette approche de la Sainte Eucharistie, du Saint Sacrement, par cette ordi­na­tion et cette grâce par­ti­cu­lière du dia­co­nat, vous allez rece­voir des grâces toutes spé­ciales. Le SaintEsprit va des­cendre en vous, avec abon­dance et pro­dui­ra – j’en suis sûr – dans vos âmes, un amour déci­sif, défi­ni­tif, total, pour Notre Seigneur Jésus-​Christ, pré­sent dans la Sainte Eucharistie.

Vous le savez ; vous l’avez médi­té, au cours de vos retraites et au cours de ces der­niers jours – j’en suis sûr – en reli­sant les belles paroles de la céré­mo­nie que nous allons vivre dans quelques ins­tants, qu’il y a un lien intime entre la grâce que vous allez rece­voir et le sacre­ment de l’Eucharistie. Car le sacer­doce n’est pas autre chose (que) le pou­voir d’offrir et de trans­for­mer dans le Corps et dans le Sang de Notre Seigneur, la sub­stance du pain et du vin, pour la rémis­sion des péchés.

Ce lien qui va vous unir à Notre Seigneur et qui va vous don­ner le pou­voir d’approcher de plus près Notre Seigneur, ce pou­voir que vous allez rece­voir, de pou­voir vous-​même tou­cher Notre Seigneur Jésus-​Christ dans l’Eucharistie ; vous serez des ministres extra­or­di­naires de l’Eucharistie et par consé­quent, vous pour­rez tou­cher de vos mains le Saint Sacrement. Vous pour­rez por­ter le Saint Sacrement ; vous pour­rez l’exposer à la pié­té des fidèles et pour cela vous rece­vrez aus­si un pou­voir par­ti­cu­lier d’enseignement, du minis­tère de la prédication.

Tout à l’heure vous tou­che­rez les Évangiles en signe de ce pou­voir que vous rece­vez pour pré­pa­rer les fidèles à rece­voir digne­ment le sacre­ment de l’Eucharistie. Vous pour­rez bap­ti­ser. Autant de marques, de la part de la volon­té de Notre Seigneur de vous appro­cher de Lui.

Ces pou­voirs que vous aurez sur Notre Seigneur Lui-​même, vous confé­re­ront des pou­voirs sur le Corps mys­tique de Notre Seigneur éga­le­ment. Et à ce pro­pos, cer­tains ont pu dire que le dia­co­nat et les ordres qui le pré­cèdent ne sont pas des sacre­ments, parce qu’ils n’ont pas été ins­ti­tués par Notre Seigneur. Ils ne seraient donc pas d’institution divine.

Or pour qu’un sacre­ment soit vrai­ment un sacre­ment, il faut qu’il soit d’institution divine ; il faut que ce soit Notre Seigneur qui l’ait institué.

Eh bien, s’il est vrai, si l’on s’en tient pure­ment à la nar­ra­tion des Évangiles, le dia­co­nat serait plu­tôt d’institution ecclé­sias­tique. Pourtant les théo­lo­giens et saint Thomas par­ti­cu­liè­re­ment, nous expliquent que ces ordres qui pré­cèdent le sacer­doce peuvent être dits d’institution divine, parce qu’ils sont une pré­pa­ra­tion et en même temps aus­si, une néces­si­té pour l’exercice du sacer­doce. C’est ce qu’ont expli­qué les apôtres aux fidèles.

Ils ont dit : Nous ne pou­vons plus exer­cer notre sacer­doce, nous avons trop d’occupations ; nous sommes débor­dés par nos occu­pa­tions ; nous ne pou­vons plus exer­cer vrai­ment le sacer­doce tel que Notre Seigneur l’a dési­ré. C’est pour­quoi, nous vous deman­dons de choi­sir des diacres qui nous aide­ront et qui nous sou­la­ge­ront dans notre office, afin de pou­voir exer­cer les grâces du sacerdoce.

Par consé­quent il leur a paru qu’un ordre infé­rieur, deve­nait néces­saire pour l’exercice de cette fonc­tion fon­dée par Notre Seigneur Jésus-​Christ. Et c’est ain­si que les théo­lo­giens expliquent cette néces­si­té des ordres majeurs et mineurs qui pré­cèdent le sacer­doce, (qu’ils) font par­tie vrai­ment du sacer­doce et sont tout entiers orien­tés vers le sacer­doce. Et par consé­quent, c’est vrai­ment un sacre­ment que vous allez rece­voir dans quelques ins­tants et une grâce toute particulière.

Alors, soyez cer­tains que lorsque vous accom­pli­rez votre minis­tère de diacre au cours de l’année pro­chaine et quand vous l’accomplirez même en étant prêtre, par le soin que vous appor­te­rez à pré­pa­rer l’assemblée des fidèles pour les céré­mo­nies, pour la beau­té, la gran­deur du culte, du soin que vous appor­te­rez à pré­pa­rer leurs âmes à rece­voir la Sainte Eucharistie, tout cela fait par­tie de la grâce par­ti­cu­lière que vous allez rece­voir aujourd’hui. Remerciez-​en le Bon Dieu et deman­dez au Bon Dieu de vous don­ner, avec les grâces du Saint-​Esprit, les ver­tus dont vous avez besoin pour être dignes de rem­plir cet office.

Quelles seront ces ver­tus d’une manière plus par­ti­cu­lière ? Eh bien, regar­dez vos modèles, regar­dez vos aînés : saint Étienne, saint Laurent. Sous des aspects un peu dif­fé­rents, ces deux modèles de diacre se res­semblent éton­nam­ment. Ce qui appa­raît chez eux, c’est que leur âme est com­plè­te­ment conquise par Notre Seigneur Jésus-​Christ. Ils sont prêts à don­ner leur vie. Ils ont don­né leur vie, dans des cir­cons­tances pénibles, dans des cir­cons­tances dou­lou­reuses, l’un en étant lapi­dé, l’autre en étant brû­lé. Ils ont don­né leur vie pour Notre Seigneur Jésus-​Christ. Ils n’ont pas hésité.

Et ils ont aus­si, en plus de cette cha­ri­té pour Notre Seigneur, ils ont eu cette cha­ri­té pour le pro­chain pré­ci­sé­ment lorsqu’ils ont exer­cé leur minis­tère du dia­co­nat, en dis­tri­buant leurs propres biens et les biens qui leur étaient confiés pour les pauvres, pour les assem­blées chré­tiennes. Modèles de pau­vre­té par consé­quent et de charité.

Soyez déta­chés des biens de ce monde, don­nez, don­nez lar­ge­ment, soyez géné­reux. Ne soyez pas atta­chés à l’argent et à tous les biens de cette terre. Que votre cœur soit vrai­ment déta­ché de tout cela, afin que vous soyez tout entiers don­nés à Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et je vou­drais vous don­ner ce conseil par­ti­cu­lier à notre époque : d’être atta­ché à Notre Seigneur Jésus-​Christ et de deman­der à l’Esprit Saint de vous don­ner cette com­pré­hen­sion, cette intel­li­gence, cette sagesse dont vous avez besoin aujourd’hui d’une manière par­ti­cu­lière, pour bien com­prendre que sans Notre Seigneur Jésus-​Christ, il n’y a rien, rien ! Que Jésus-​Christ est tout. Et que l’on ne peut juger de la valeur de la sain­te­té, du prix des choses et des âmes, que dans la mesure où elles reflètent l’image de Notre Seigneur Jésus-​Christ et dans la mesure où elles sont sanc­ti­fiées par la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Je pense que vous voyez tout de suite, les consé­quences de ce prin­cipe fon­da­men­tal. Au Ciel et sur la terre, toutes les choses ne valent que par Notre Seigneur Jésus-​Christ, qu’en Notre Seigneur JésusChrist, que par le lien avec Notre Seigneur Jésus-Christ.

Pourquoi ? Parce qu’il est le Créateur ; parce qu’il est Dieu. Il est le Dieu qui a fait toute choses – per quem omnia fac­ta sunt, in quo omnia constant : dans lequel tout tient. Rien n’est sans Lui ; rien n’existe sans Lui. Et à plus forte rai­son après le péché, après le désordre qui s’est intro­duit dans les âmes, nous ne pou­vons rien sans Notre Seigneur Jésus-​Christ et nous ne valons plus rien si Notre Seigneur Jésus-​Christ n’est pas pré­sent dans nos âmes.

Loin de nous ces pen­sées modernes, de la digni­té humaine qui vau­drait quelque chose sans lien avec Notre Seigneur Jésus-​Christ. Loin de nous ces Droits de l’homme qui n’auraient rien à voir avec la loi de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Loin de nous ces idées de la liber­té reli­gieuse qui n’existe pas. Il n’y a pas de liber­té reli­gieuse. Cela n’existe pas. Certes il y a une liber­té reli­gieuse en ce sens que l’Église a tou­jours deman­dé aux Sociétés civiles, de lais­ser la liber­té de l’exercice de la véri­table reli­gion, c’est-à-dire de la reli­gion de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Mais il n’y a pas de choix de reli­gion entre celle de Notre Seigneur Jésus-​Christ et celles que les hommes inventent, ou que le diable leur ins­pire. Il n’y a qu’une reli­gion, la reli­gion chré­tienne, la reli­gion catho­lique. Il n’y a que celle-​là qui existe en réa­li­té, dans le Ciel et sur la terre. Que l’on demande qu’elle soit libre de s’exercer, que l’on n’empêche pas le libre exer­cice de cette reli­gion, oui. Mais le libre exer­cice des autres reli­gions n’existe pas. On n’a pas le droit d’être dans l’erreur.

Et voi­la, c’est par cette convic­tion de ce qu’est vrai­ment Notre Seigneur Jésus-​Christ et à tra­vers Notre Seigneur Jésus-​Christ qu’il faut voir les choses et non pas voir les choses avec abs­trac­tion de Notre Seigneur Jésus-Christ.

On ne peut pas, parce qu’il est Dieu ; parce que ces choses dont nous jugeons, lorsque l’on dit que les biens de ce monde ont une valeur par eux-​mêmes, ce n’est pas vrai. Ils n’ont pas de valeur par eux­mêmes ! Ils n’ont de valeur que dans la mesure où Notre Seigneur Jésus-​Christ les sou­tient dans l’Être. Il y a donc un lien intime, pro­fond, méta­phy­sique, onto­lo­gique avec Notre Seigneur Jésus-​Christ pour tout être, quel qu’il soit des plus petits insectes jusqu’aux astres les plus grands, jusqu’à toutes les per­sonnes qui existent dans ce monde.

Vouloir juger de la valeur des êtres en dehors de Dieu, c’est une mons­truo­si­té. Il n’y a pas de valeur dans les êtres en dehors de Dieu. Et Jésus-​Christ est Dieu. Nous devons nous convaincre de ces choses-​là. Parce qu’aujourd’hui, jus­te­ment, on veut faire ce que l’on appelle du natu­ra­lisme, de l’humanisme. Juger des choses c’est leur don­ner une valeur en dehors de Dieu, en dehors de Notre Seigneur Jésus-​Christ. C’est une mons­truo­si­té, c’est une apos­ta­sie, c’est un mensonge.

C’est d’ailleurs une illu­sion totale. C’est men­tir aux hommes en leur disant qu’ils ont une valeur en dehors de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Ce n’est pas pour rien que l’Église est mis­sion­naire, qu’elle a par­cou­ru le monde (…un blanc dans l’enregistrement…) l’existence de Notre Seigneur Jésus-​Christ et la néces­si­té d’être sou­mis à Notre Seigneur Jésus-​Christ pour être sau­vé et de pas­ser par la grâce de Notre Seigneur Jésus-​Christ pour aller au Ciel.

Je vou­drais qu’à l’occasion de ce pas que vous allez faire, si impor­tant dans votre vie, de vous appro­cher de Notre Seigneur ; de pou­voir Le por­ter dans vos mains, que vous soyez liés à Lui, non seule­ment – je dirai – dans votre cœur, dans votre amour, dans votre per­son­na­li­té, mais aus­si dans votre esprit, dans votre intel­li­gence, que vous com­pre­niez que Notre Seigneur est le soleil, le soleil qui illu­mine le monde – on ne peut rien sans Notre Seigneur Jésus-​Christ – et qu’ainsi vous prê­chiez Notre Seigneur Jésus-​Christ par­tout. Que vous Lui soyez atta­ché et que vous vous éloi­gniez tou­jours de ces erreurs misé­rables qui par­courent le monde et qui mal­heu­reu­se­ment sont aujourd’hui répan­dues dans toute l’Église, qui sont répan­dues par les clercs ; qui sont répan­dues par les évêques, pour demeu­rer fidèles à la Vérité ; pour demeu­rer fidèles à l’enseignement de Notre Seigneur Jésus-​Christ, fidèles à Notre Seigneur Jésus-​Christ, fidèles à l’enseignement de la très Sainte Vierge Marie. Elle ne peut pas nous ensei­gner autre chose. C’est impossible.

Dès lors que vous pen­sez à la Vierge Marie, vous ne pou­vez pas pen­ser à autre chose qu’à son divin Fils, Jésus, car elle n’a elle-​même qu’une pen­sée et qu’un amour, celui de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Demandons-​lui, en ce mois de mai – et en ce same­di et en ce mois de Notre-​Dame de Fatima –, deman­dons à la très Sainte Vierge Marie, de nous don­ner sa sagesse, de nous don­ner son amour de Notre Seigneur, de nous don­ner cette réso­lu­tion défi­ni­tive, de ne tra­vailler que pour Notre Seigneur Jésus-​Christ, afin de par­ti­ci­per un jour à sa gloire.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.