Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

26 octobre 1941

Allocution aux Mères de famille de l'Action Catholiques Italienne

Table des matières

A l’oc­ca­sion d’une audience don­née aux femmes de l’Action catho­lique des femmes de Rome et du Latium, le Saint-​Père a pro­non­cé cette impor­tante allo­cu­tion qui rap­pelle leurs graves devoirs à l’é­gard de l’é­du­ca­tion de leurs enfants, l’importance de l’ac­tion édu­ca­trice des mères et les prin­cipes qui doivent les gui­der en ce domaine :

Les graves devoirs des parents dans l’éducation des enfants.

En pré­sence de cette magni­fique assem­blée, qui groupe aujour­d’hui autour de Nous un aus­si grand nombre de mères de familles avec des reli­gieuses, des maî­tresses, des délé­gués des enfants de l’Action catho­lique ita­lienne, des apôtres de l’enfance, des surveil­lantes et des assis­tantes de colo­nies, Notre regard et Notre pen­sée fran­chissent le seuil de cette salle et se trans­portent aux fron­tières de l’Italie et du monde, embras­sant dans Notre affec­tion de Père com­mun tous les chers petits enfants, fleurs de l’humanité et joie de leurs mères (Ps„ cxii, 9). Cependant, Notre pen­sée émue évoque l’immortel pape Pie XI, qui, dans son ency­clique Divini illius Magistri du 31 décembre 1929, a trai­té d’une façon si pro­fonde de l’éducation chré­tienne de la jeu­nesse. Sur ce sujet impor­tant, le pape, après avoir sage­ment déter­mi­né le rôle qui revient à l’Eglise, à la famille et à l’Etat, remarque avec dou­leur com­ment, trop sou­vent, les parents ne sont pas ou sont peu pré­pa­rés à rem­plir leur fonc­tion d’éducateurs ; mais, n’ayant pu, dans ce docu­ment pré­cis et éten­du, s’occuper d’une façon spé­ciale des points qui regardent l’édu­cation fami­liale, il conju­rait, au nom du Christ, les pas­teurs des âmes, « de mettre tout en œuvre, dans les ins­truc­tions et les caté­chismes, par la parole et les écrits lar­ge­ment répan­dus, pour que les parents chré­tiens connaissent bien, non seule­ment d’une façon géné­rale, mais encore en détail, leurs devoirs rela­ti­ve­ment à l’édu­cation reli­gieuse, morale et civique de leurs enfants, et aus­si les méthodes les plus propres à réa­li­ser effi­ca­ce­ment cette édu­ca­tion, en plus du bon exemple de leur propre vie »1.

Par les pas­teurs des âmes, le grand pon­tife adres­sait son exhor­tation aux parents, pères et mères ensemble ; mais Nous croyons aus­si répondre au désir de Notre véné­ré pré­dé­ces­seur en réser­vant cette audience spé­ciale aux mères de famille et aux autres édu­ca­trices des petits enfants. Si Notre parole est pour tous, même quand Nous par­lons aux nou­veaux mariés, il Nous est agréable, en cette occa­sion favo­rable, de Nous adres­ser par­ti­cu­liè­re­ment à vous, chères filles, parce que, dans les mères de famille – et aus­si dans les pieuses et com­pé­tentes per­sonnes qui les aident – Nous voyons les pre­mières et les plus intimes édu­ca­trices des âmes des petits enfants qui doivent être éle­vés dans la pié­té et dans la vertu.

Nous ne Nous arrê­te­rons pas ici à rap­pe­ler la gran­deur et la néces­si­té de cette œuvre d’éducation au foyer domes­tique ni l’obli­gation stricte pour une mère de ne pas s’y sous­traire, de ne pas l’accomplir à moi­tié, de ne pas s’y adon­ner avec négli­gence. Parlant à Nos chères filles de l’Action catho­lique, Nous savons bien que dans cette obli­ga­tion elles voient le pre­mier de leurs devoirs de mères chré­tiennes et une fonc­tion dans laquelle per­sonne ne pour­rait les rem­pla­cer com­plè­te­ment. Mais il ne suf­fit pas d’avoir la conscience et la volon­té d’accomplir ce devoir ; il faut, en outre, se mettre en mesure de bien le remplir.

Nécessité d’une sérieuse préparation pour l’œuvre difficile de l’édu­cation.

Aujourd’hui, voyez cette chose extra­or­di­naire que Pie XI déplo­rait déjà dans son ency­clique : « alors qu’il ne vien­drait à l’esprit de per­sonne de se faire subi­te­ment, sur-​le-​champ, sans appren­tis­sage ni pré­pa­ra­tion, ouvrier méca­ni­cien ou ingé­nieur, méde­cin ou avo­cat, eh bien, chaque jour, de nom­breux jeunes gens et jeunes filles s’épou­sent et s’unissent sans avoir pen­sé un seul ins­tant aux devoirs ardus qui les attendent dans l’éducation des enfants ». Pourtant, si saint Grégoire le Grand n’hésite pas à appe­ler ars artium, l’art des arts2, tout gou­ver­ne­ment des âmes, c’est cer­tai­ne­ment un art mal­ai­sé et labo­rieux que celui de bien for­mer les âmes des petits enfants, âmes fraîches, flexibles et donc faciles à se défor­mer par suite d’une impres­sion impru­dente ou d’une inci­ta­tion trom­peuse, âmes par­mi les plus dif­fi­ciles et les plus déli­cates à conduire, âmes sur les­quelles, sou­vent, plus que sur la cire, une funeste influence ou une cou­pable négli­gence sont capables d’imprimer des traces indé­lé­biles et per­verses. Heureux ces bam­bins qui dans leur maman trouvent près de leur ber­ceau un second ange gar­dien pour leur ins­pi­rer le bien et leur en indi­quer le che­min. Dès lors, tout en Nous réjouis­sant avec vous de tout ce que vous avez déjà heu­reu­se­ment accom­pli, Nous ne pour­rons, par de nou­veaux et plus cha­leu­reux encou­ra­ge­ments, que vous pous­ser à déve­lop­per tou­jours davan­tage les belles insti­tutions qui, comme la Semaine de la mère, s’emploient efficace­ment à for­mer, à tous les degrés et dans toutes les classes sociales, des édu­ca­trices qui, dans leur esprit et leur atti­tude, aient conscience de la gran­deur de leur mis­sion et soient pleines de rete­nue en face du mal, har­dies et empres­sées pour le bien. C’est dans ce sen­ti­ment de femme et de mère que se trouvent toute la digni­té et la véné­ra­tion de la fidèle com­pagne de l’homme, laquelle est, ain­si qu’une colonne, le centre, le sou­tien et le phare de la mai­son fami­liale ! Aussi, sa lumière devient, dans une paroisse, un exemple et un modèle, et s’étend jusque-​là où des grou­pe­ments fémi­nins spé­ciaux s’en trouvent à leur tour éclairés.

Action éducatrice de la mère durant l’enfance.

C’est une par­ti­cu­lière et oppor­tune lumière que répand votre Union d’Action catho­lique par le moyen des orga­ni­sa­tions de l’Apostolat du ber­ceau et de la Mère des petits enfants, par les­quelles vous pre­nez soin de for­mer et d’aider les jeunes épouses dès avant la nais­sance de leurs enfants et ensuite durant la pre­mière enfance. A l’imitation des anges, vous vous faites gar­diennes de la mère et de l’enfant qu’elle porte dans son sein3, et quand le bébé est venu, vous appro­chez du ber­ceau où il vagit et assis­tez la maman qui, de son sein et de ses sou­rires, ali­mente le corps et l’âme de ce petit ange du ciel. Dieu a confié à la femme la mis­sion sacrée et dou­lou­reuse, mais aus­si source de joie très pure, de la mater­ni­té (cf. Jean, xvi, 21) ; à la mère plus qu’à toute autre per­sonne est confiée la pre­mière édu­ca­tion du tout petit enfant durant les pre­miers mois et années. Nous ne par­le­rons pas des héré­di­tés secrètes trans­mises par les parents aux enfants, qui ont une influence si consi­dé­rable dans la future for­ma­tion de leur carac­tère : héré­di­tés qui par­fois dénoncent la vie déré­glée des parents si gra­ve­ment res­ponsables de rendre avec leur sang la pra­tique d’une vraie vie chré­tienne peut-​être bien dif­fi­cile à leur pro­gé­ni­ture. Pères et mères, chez les­quels la foi du Christ sanc­ti­fie l’amour mutuel, pré­pa­rez dès avant la nais­sance du bébé la pure­té de l’atmosphère fami­liale dans laquelle ses yeux et son âme s’ouvriront à la lumière et à la vie ; atmo­sphère qui impré­gne­ra de la bonne odeur du Christ tous les pas de son pro­grès moral.

Vous, ô mères, parce que plus sen­sibles et aus­si plus ten­dre­ment aimées, vous devrez, durant l’enfance de vos bébés, les suivre à tout moment de votre regard vigi­lant, veiller sur le déve­lop­pe­ment et la san­té de leur petit corps, qui est la chair de votre chair et le fruit de votre sein mater­nel. Songez que ces petits enfants, deve­nus par le bap­tême enfants de Dieu par adop­tion, sont les pré­fé­rés du Christ et que leurs anges voient la face du Père céleste (Matth., xviii, 10) : vous aus­si, en gar­dant ces petits, en les for­ti­fiant, en les édu­quant, vous devez être d’autres anges qui, en don­nant vos soins et en exer­çant votre sur­veillance, regardent tou­jours vers le ciel, Dès le ber­ceau, vous avez à com­men­cer leur édu­ca­tion non seule­ment cor­po­relle, mais spi­ri­tuelle ; parce que si vous ne les édu­quez pas, ils s’éduqueront eux-​mêmes, bien ou mal. Rappelez-​vous que beau­coup de com­por­te­ments même moraux que vous voyez dans l’adolescent et dans l’homme mûr ont vrai­ment pour ori­gine les façons et les cir­cons­tances de la pre­mière crois­sance phy­sique dans l’enfance ; des habi­tudes pure­ment orga­niques, contrac­tées par les tout petits devien­dront peut-​être plus tard un rude obs­tacle à la vie spi­ri­tuelle d’une âme. Vous met­trez donc toute votre appli­ca­tion à ce que les soins que vous don­nez à vos bam­bins s’accordent avec les exi­gences d’une par­faite hygiène, de façon à pré­pa­rer en eux et à for­ti­fier, pour le moment où s’éveillera l’usage de leur rai­son, des facul­tés cor­po­relles et des organes sains, robustes, sans dévia­tion de ten­dances ; voi­là pour­quoi il est si dési­rable que, sauf le cas d’impos­sibilité, la mère nour­risse elle-​même son enfant. Qui peut son­der les mys­té­rieuses influences qu’exerce sur la crois­sance de cette petite créa­ture la nour­rice dont elle dépend entiè­re­ment dans son développement ?

N’avez-vous jamais obser­vé ces petits yeux ouverts et inter­ro­ga­teurs, sans cesse en mou­ve­ment, qui glissent sur mille objets, se fixent sur celui-​ci ou sur celui-​là, qui suivent un mou­ve­ment ou un geste, qui déjà mani­festent la joie et la peine, la colère et l’entêtement, et ces indices des petites pas­sions qui se nichent dans le cœur humain, avant que les petites lèvres aient appris à arti­cu­ler un mot ? Ne vous en éton­nez pas. On ne naît pas, comme l’ont ensei­gné cer­taines écoles phi­lo­so­phiques, avec les idées d’une science innée ni avec les pen­sées d’un pas­sé déjà vécu. L’esprit d’un petit en­fant est une page sur laquelle rien n’est écrit dès le sein de la mère : là s’écriront les images et les idées des choses que ren­contrent d’heure en heure, du ber­ceau à la tombe, ses yeux et ses autres sens, externes et internes qui, à tra­vers sa vie, lui trans­mettent la vie du monde. Un irré­sis­tible ins­tinct du vrai et du bien porte l’« âme sim­plette qui ne sait rien »4 sur les choses sen­sibles ; toute cette sen­si­bi­li­té, toutes ces sen­sa­tions de l’enfant, par le che­min des­quelles l’intelligence et la volon­té vont len­te­ment se mani­fes­ter et s’éveiller, ont besoin d’une édu­ca­tion, d’une ins­truc­tion, d’une direc­tion vigi­lante et indis­pen­sable pour évi­ter que ne soient com­pro­mis ou faus­sés l’éveil nor­mal et le fonc­tion­ne­ment régu­lier de si nobles facul­tés spi­ri­tuelles. Dès lors, le tout-​petit, sous un regard de ten­dresse, sur une parole qui com­mande, devra apprendre à ne pas céder à toutes ses impres­sions, à dis­cer­ner avec le déve­lop­pe­ment de sa rai­son et à domi­ner la mobi­li­té de ses sen­sa­tions, à com­men­cer, en un mot, sous la direc­tion et les aver­tis­se­ments mater­nels, l’étape et le tra­vail de son éducation.

Etudiez le bam­bin dans son jeune âge. Si vous le connais­sez bien, vous l’éduquerez bien ; vous ne pren­drez pas sa nature à rebours ou de tra­vers ; vous sau­rez le com­prendre et céder mais pas mal à pro­pos : les petits enfants des hommes n’ont pas tous en par­tage un bon naturel !

Education de l’intelligence.

Eduquez l’intelligence de vos petits enfants. Ne leur don­nez pas des idées fausses ni de fausses rai­sons des choses ; ne répon­dez pas à leurs ques­tions, quelles qu’elles soient, par des badi­nages ou des affir­ma­tions men­teuses aux­quelles leur esprit se rend rare­ment ; mais pro­fi­tez de ces inter­ro­ga­tions pour diri­ger et sou­te­nir, avec patience et amour, leur esprit qui ne désire pas autre chose que s’ouvrir à la pos­ses­sion de la véri­té et apprendre à la conqué­rir par la marche encore naïve des pre­miers rai­son­ne­ments et de la réflexion à leurs débuts. Qui ne sau­ra jamais dire tout ce que tant de magni­fiques intel­li­gences humaines doivent à ces loin­taines et confiantes ques­tions et réponses de l’enfance, échan­gées au foyer domestique ?

Education du caractère.

Eduquez le carac­tère de vos fils ; atténuez-​en ou corrigez-​en les défauts ; faites gran­dir et culti­vez les bonnes qua­li­tés et rattachez-​les à cette fer­me­té qui pré­lude à la soli­di­té des réso­lu­tions dans le cours de la vie. Les bam­bins, en gran­dis­sant, sen­tant au-​dessus d’eux, au fur et à mesure qu’ils com­men­ce­ront à pen­ser et à vou­loir, une volon­té pater­nelle et mater­nelle bonne, igno­rant la vio­lence et la colère, constante et forte, exempte de fai­blesse ou d’incohérences, appren­dront de bonne heure à voir en elle l’interprète d’une volon­té plus haute, celle de Dieu, et, de cette façon, ins­cri­ront et enraci­neront dans leur âme ces pre­mières et puis­santes habi­tudes morales qui forment et sou­tiennent un carac­tère, prompt à se domi­ner dans les incom­mo­di­tés et les contra­rié­tés les plus diverses, intré­pide pour ne pas recu­ler ni devant la lutte ni en face du sacri­fice, péné­tré d’un pro­fond sen­ti­ment du devoir chrétien.

Education du cœur.

Eduquez le cœur. Quels des­tins, quelles dépra­va­tions, quels périls pré­parent trop sou­vent dans le cœur des enfants qui gran­dissent les admi­ra­tions béates et les louanges, les sol­li­ci­tudes impru­dentes, les fades condes­cen­dances de parents aveu­glés par un amour mal com­pris, qui habi­tuent ces petits cœurs volages à voir toute chose se mou­voir et gra­vi­ter autour d’eux, se sou­mettre à leurs volon­tés et à leurs caprices, et gref­fer ain­si en eux la racine d’un égoïsme effré­né, dont les parents eux-​mêmes seront plus tard les pre­mières vic­times ! Punition non moins fré­quente que juste de ces cal­culs égoïstes qui poussent à refu­ser à un fils unique la joie de petits frères qui, par­ti­ci­pant avec lui à l’amour fra­ter­nel, l’auraient détour­né de pen­ser seule­ment à lui.

Que de pro­fondes et puis­santes capa­ci­tés d’affection, de bon­té et de dévoue­ment ou d’obéissance dorment dans le cœur du petit enfant ! Vous, ô mères, vous les éveille­rez, les culti­ve­rez, les dirige­rez, les élè­ve­rez vers ceux qui doivent les sanc­ti­fier, vers Jésus, vers Marie ; la Mère céleste ouvri­ra ce cœur à la pié­té, lui ensei­gne­ra à offrir au divin Ami des petits enfants, avec la prière, ses sacri­fices et ses vic­toires pleins de can­deur et d’innocence, à éprou­ver aus­si dans sa main de la com­pas­sion pour les pauvres et pour les malheu­reux. Ô heu­reux prin­temps de l’enfance sans vents ni tempêtes !

Education de la volonté pendant l’adolescence.

Mais poin­dra le jour où ce cœur d’enfant sen­ti­ra s’éveiller en lui de nou­velles impul­sions, de nou­velles incli­na­tions qui trou­ble­ront le beau ciel du pre­mier âge. Dans cette épreuve, rappelez-​vous, ô mères, qu’éduquer le cœur c’est édu­quer la volon­té, pour qu’elle s’oppose aux pièges du mal et aux embûches des pas­sions ; dans ce pas­sage à la pure­té consciente et vic­to­rieuse de l’adolescence, votre rôle est capi­tal. Il vous appar­tient de pré­pa­rer vos fils et vos filles à tra­ver­ser avec har­diesse, comme celui qui passe au milieu des ser­pents, cette période de crise et de trans­for­ma­tion phy­sique sans rien perdre de la joie de l’innocence, mais en conser­vant ce natu­rel et spé­cial ins­tinct de pudeur dont la Providence veut entou­rer leur front, comme un frein impo­sé aux pas­sions trop por­tées à dépas­ser la mesure et à s’égarer. Ce sen­ti­ment de pudeur, frère plein de sua­vi­té du sen­ti­ment reli­gieux, dans sa modes­tie spon­ta­née, auquel on pense peu aujourd’hui, vous évi­te­rez qu’il soit enle­vé à vos enfants par le vête­ment, par la façon de s’habiller, par une fami­lia­ri­té peu bien­séante, par les spec­tacles et les repré­sen­ta­tions immo­rales ; au con­traire, vous le ren­drez tou­jours plus déli­cat et vigi­lant, sin­cère et pur. Vous tien­drez les yeux ouverts sur leurs démarches : vous empê­che­rez la can­deur de leurs âmes de se souiller et de se corrom­pre au contact de com­pa­gnons déjà cor­rom­pus et cor­rup­teurs ; vous leur ins­pi­re­rez une haute estime et un amour jaloux de la pure­té, en leur indi­quant pour gar­dien fidèle la mater­nelle pro­tec­tion de la Vierge imma­cu­lée. Enfin, avec votre pers­pi­ca­ci­té de mères et d’édu­catrices, grâce à la confiante ouver­ture de cœur que vous aurez su infu­ser à vos enfants, vous ne man­que­rez pas de cher­cher et de décou­vrir l’occasion et le moment où, cer­taines ques­tions secrètes s’étant pré­sen­tées à leur esprit, auront pro­duit dans leurs sens des troubles par­ti­cu­liers. Alors, il appar­tien­dra à vous pour vos filles, au père pour vos fils, de sou­le­ver – autant que cela vous appa­raîtra néces­saire – avec pré­cau­tion et déli­ca­tesse le voile de la véri­té ; de don­ner une réponse pru­dente, juste et chré­tienne à leurs ques­tions et à leurs inquié­tudes. Les révé­la­tions sur les mys­té­rieuses et admi­rables lois de la vie, reçues de vos lèvres de parents chré­tiens à l’heure oppor­tune dans la mesure qui s’impose et avec toutes les pré­cau­tions requises, seront écou­tées avec res­pect et recon­nais­sance ; elles éclai­re­ront les âmes des ado­les­cents avec beau­coup moins de dan­ger que s’ils les appre­naient au hasard des ren­contres louches, des conver­sa­tions clan­des­tines, à l’école de com­pa­gnons peu sûrs et déjà trop au cou­rant, par le moyen de lec­tures faites en cachette et d’au­tant plus dan­ge­reuses et per­ni­cieuses que le secret enflamme davan­tage l’imagination et les sens. Vos paroles, si elles sont dites à pro­pos et pru­dentes, devien­dront une sau­ve­garde et un conseil au milieu des ten­ta­tions de la cor­rup­tion envi­ron­nante, « une flèche qui est pré­vue arrive plus len­te­ment »5.

L’aide puissante de la religion.

Mais vous com­pre­nez aus­si que dans cette œuvre magni­fique de l’éducation chré­tienne de vos fils et de vos filles, la for­ma­tion fami­liale, pour aus­si sage et pro­fonde qu’elle soit, ne suf­fit pas : elle doit se com­plé­ter et se par­faire par le puis­sant secours de la reli­gion. Vous devez vous faire coopé­ra­teurs du prêtre dont, depuis le bap­tême, la pater­ni­té et l’autorité spi­ri­tuelle et pas­to­rale sur vos enfants se situent à vos côtés pour ensei­gner les pre­miers rudi­ments de pié­té et de caté­chisme qui sont le fon­de­ment de toute édu­ca­tion solide et dont il convient que vous, les pre­miers maîtres de vos bam­bins, ayez une connais­sance suf­fi­sante et sûre. Comment pour­riez-​vous ensei­gner ce que vous igno­rez ? Enseignez à aimer Dieu, Jésus-​Christ, l’Eglise notre mère, les pas­teurs de l’Eglise qui vous guident. Aimez le caté­chisme et faites-​le aimer à vos petits enfants : le caté­chisme est le grand livre de l’amour et de la crainte de Dieu, de la sagesse chré­tienne et de la vie éternelle.

Précieux coopérateurs dans l’éducation des enfants.

Dans votre œuvre édu­ca­trice qui s’étend à un grand nombre de choses, vous sen­ti­rez le besoin et l’obligation de recou­rir à d’autres auxi­liaires ; choisissez-​les chré­tiens comme vous et avec tout le soin que mérite le tré­sor que vous leur confiez, c’est-à-dire la foi, la pure­té, la pié­té de vos enfants. Mais quand vous les aurez choi­sis, ne vous regar­dez pas, par cela même, libres et déga­gées de vos devoirs et de votre vigi­lance ; vous devrez col­la­bo­rer avec eux. Que ces maî­tres et maî­tresses soient autant que vous vou­lez les émi­nents édu­ca­teurs que vous dési­rez ; ils ne réus­si­ront à faire que peu de choses pour la for­ma­tion de vos enfants si vous ne joi­gnez pas votre action à la leur. Qu’obtiendrez-vous, dès lors, si votre action, au lieu d’aider et de for­ti­fier l’œuvre de ces maîtres, venait à se dres­ser pour la contra­rier et se mettre en tra­vers ? Si vos fai­blesses, si vos par­tis pris, par un amour qui ne sera que fait d’un égoïsme mes­quin, détruisent au foyer fami­lial ce qui a été bien fait à l’école, au caté­chisme, dans les asso­cia­tions catho­liques pour for­mer le carac­tère et gui­der la pié­té de vos enfants ?

Mais, dira peut-​être quelque mère de famille, les enfants d’au­jourd’hui sont si dif­fi­ciles à gou­ver­ner ! Avec mon fils, avec ma fille, il n’y a rien à faire, on ne peut rien obte­nir. C’est vrai ; à 12 ou 15 ans, beau­coup de gar­çons et de filles se montrent intrai­tables. Mais pour­quoi ? Parce que, quand ils avaient 2 ou 3 ans, tout leur fut accor­dé et per­mis, tout leur fut pas­sé comme bon. Il y a, il est vrai, des tem­pé­ra­ments ingrats et rebelles ; mais quel petit, fer­mé, têtu, insen­sible, cesse en rai­son de ces défauts d’être votre enfant ? L’aimeriez-vous moins que ses frères s’il était infirme ou estro­pié ? Dieu vous l’a confié aus­si ; gardez-​vous de le lais­ser deve­nir le rebut de la famille. Personne n’est si farouche qu’il ne s’adou­cisse grâce aux soins, à la patience, à l’affection ; bien rare sera le cas où, sur ce ter­rain rocailleux et sau­vage, vous ne réus­si­rez pas à faire naître quelque fleur de sou­mis­sion et de ver­tus, pour­vu que vous ne ris­quiez pas de décou­ra­ger dans cette petite âme orgueilleuse, par des sévé­ri­tés par­tiales et dérai­son­nables, le fond de bonne volon­té cachée en elle. Vous déna­tu­re­riez toute l’éducation de vos enfants, si jamais ils décou­vraient chez vous (et Dieu sait s’ils ont des yeux pour être capables de le faire) des pré­di­lec­tions pour des frères, des pré­fé­rences dans les faveurs, des anti­pa­thies à l’égard de l’un ou de l’autre ; pour votre bien et celui de la famille, il est néces­saire que tous sentent, que tous voient dans vos sévé­ri­tés pon­dé­rées comme dans vos doux encou­ra­ge­ments et dans vos caresses, un égal amour qui ne fait pas de dis­tinc­tion entre eux, sinon pour cor­ri­ger le mal et pour pro­mou­voir le bien ; ne les avez-​vous pas reçus éga­le­ment tous de Dieu ?

Les éducatrices à côté des mères chrétiennes.

Ô mères de familles chré­tiennes, c’est par­ti­cu­liè­re­ment à vous que se sont adres­sées Nos paroles. Mais avec vous, Nous voyons aujour­d’hui autour de Nous une cou­ronne de reli­gieuses, de maî­tresses, de délé­guées, d’apôtres, de gar­diennes, d’assistantes qui consacrent leurs fatigues et leur tra­vail à l’éducation et à la réédu­ca­tion de l’enfance ; elles ne sont pas mères selon la nature, par le sang, mais par leur élan d’amour envers les tout-​petits, si chers au Christ et à son Epouse, l’Eglise. Oui, vous aus­si qui vous faites édu­ca­trices à côté des mères chré­tiennes, vous êtes mères, parce que vous avez un cœur de mère dans lequel pal­pite la flamme de la cha­ri­té que l’Esprit-Saint a répan­du dans vos cœurs. Dans cette cha­ri­té, qui est la cha­ri­té du Christ qui vous pousse au bien, vous trou­ve­rez la lumière, le secours et votre pro­gramme qui vous rap­proche des mères, des pères et de leurs enfants ; des reje­tons aus­si vigou­reux de la socié­té, espoirs des parents et de l’Eglise, vous faites une plus grande famille de vingt, de cent, de mille et mille bam­bins et petits enfants dont vous édu­quez plus pro­fon­dé­ment et plus noble­ment l’intelligence, le carac­tère et le cœur, en les éle­vant dans cette atmo­sphère spi­ri­tuelle et morale où brillent, avec la joie de l’innocence, la foi en Dieu et le res­pect pour les choses saintes, la pié­té filiale à l’égard des parents et le patrio­tisme. A vous vont, avec la recon­nais­sance des mères, Notre louange et Notre recon­nais­sance. Educatrices comme les mères, sœurs d’une mater­ni­té spi­ri­tuelle que les lis cou­ronnent, vous riva­lisez avec elles et vous les sur­pas­sez dans vos écoles, dans vos asiles et dans vos col­lèges, dans vos associations.

Conclusion.

Quelle mis­sion incom­pa­rable et de nos jours héris­sée de graves obs­tacles et dif­fi­cul­tés, mères chré­tiennes et chères filles – com­bien vous vous fati­guez à culti­ver les jeunes pousses des oli­viers fami­liaux – est votre mis­sion dont Nous avons à peine évo­qué la beau­té ! Combien paraît grande dans Notre pen­sée une mère dans la mai­son fami­liale, elle qui est des­ti­née par Dieu à être auprès d’un ber­ceau, nour­rice et édu­ca­trice de ses bébés ! Etonnez-​vous de son acti­vi­té que, pour­tant, on serait ten­té d’estimer insuf­fi­sante pour le besoin, si la grâce divine toute-​puissante n’était à ses côtés pour l’éclairer, la diri­ger, la sou­te­nir dans les sou­cis et la fatigue de chaque jour ; si, pour col­la­bo­rer avec elle dans la for­ma­tion de ces âmes toutes jeunes elle n’avait pas ins­pi­ré et appe­lé d’autres édu­ca­trices dont le cœur et le tra­vail riva­lisent d’amour mater­nel. Pour cela, en implo­rant du Seigneur qu’il vous rem­plisse toutes de la sur­abon­dance de ses faveurs et qu’il déve­loppe l’œuvre mul­ti­forme qui vous est confiée au pro­fit de l’enfance, Nous vous accor­dons de tout cœur, gage des meilleures grâces célestes, Notre pater­nelle Bénédiction apostolique.

Source : Document Pontificaux de S. S. Pie XII, Editions Saint-​Augustin Saint Maurice – D’après le texte ita­lien des A. A. S., XXXIII, 1941, p. 450 ; cf. la tra­duc­tion fran­çaise des Actes de S, S. Pie XII, t. III, p. 188. Les sous-​titres sont ceux don­nés dans le texte original.

  1. Cf. A. A. S., XXII, 1930, pp. 73–74. []
  2. Regul. pas­tor, lib. I, c. 1 ; Migne, P. L., t. 77, col. 14. []
  3. Cf. Summa Theol., la, q. 113, a 5 ad 3. []
  4. Dante, Purg., 16, 88. []
  5. Dante, Paradis, 17, 27. []