Sermon de Mgr Lefebvre – Fête-​Dieu – 25 ans de sacerdoce de M. le Curé Épinay – 29 mai 1986

Cher Monsieur le Curé,

C’est à vous d’abord, qu’iront mes pre­mières paroles, pour vous féli­ci­ter et me faire l’interprète de tous ceux qui sont venus ici, sans doute pour la Fête-​Dieu et pour hono­rer Notre Seigneur JésusChrist dans le sacre­ment de l’Eucharistie aujourd’hui, mais aus­si par une déli­ca­tesse de la Providence, ils peuvent en même temps vous fêter et avec vous, au cours de sainte Messe, rendre grâces à Dieu pour votre sacer­doce, pour toutes les grâces que vous avez reçues et toutes les grâces que vous avez données.

Ce serait à vous, cher M. le Curé, à dire, à expri­mer toutes ces grâces que vous avez reçues au cours de votre vie, tout ce pas­sé, depuis votre nais­sance jusqu’à ce jour, vous est mieux connu qu’à moi. Et donc vous pour­riez le faire avec beau­coup plus de pré­ci­sion que je ne puis le faire, mais cepen­dant, je vou­drais dire briè­ve­ment, dire ce que le Bon Dieu a fait pour vous et pour nous puisque vous nous êtes bien proche et bien atta­ché : Sed ego ele­gi vos (Jn 15,16) : « Mais c’est moi qui vous ai choi­si ». Elegit Deus sacer­do­tem suum. « Dieu s’est choi­si son prêtre ». Je crois que l’on peut le dire d’une manière toute par­ti­cu­lière pour vous, cher M. le Curé, vrai­ment le Bon Dieu vous a choi­si. Tout nous le prouve, tout nous l’indique. Il vous a choi­si en vous fai­sant naître dans une famille pro­fon­dé­ment chré­tienne. Votre mère, ici pré­sente, vous a don­né, avec votre père désor­mais au Ciel, une vraie for­ma­tion catho­lique, une for­ma­tion chré­tienne pro­fonde, dans un cadre de mon­tagnes qui exprime aus­si d’une manière toute par­ti­cu­lière, la gran­deur du Bon Dieu, la beau­té de Dieu, qui vous a don­né l’occasion d’être for­mé d’une manière rude aux vraies ver­tus chré­tiennes, dans ce pays au cli­mat dif­fi­cile. Que de sou­ve­nirs tout cela doit vous rap­pe­ler. Et puis, le Bon Dieu vous a choi­si pour être son prêtre. Il y a donc vingt-​cinq ans que vous avez reçu l’onction sacer­do­tale et que vous êtes prêtre du dio­cèse de Sion.

Cette année du sacer­doce en 1961, était l’année de la veille du concile pré­pa­ra­teur de bou­le­ver­se­ments, de grands chan­ge­ments dans notre Sainte Église. Et par une grâce par­ti­cu­lière du Bon Dieu, vous avez su gar­der le sens de la foi, le sens de ce qui vous a été don­né au sémi­naire. Et, encore jeune vicaire, puis jeune curé, à l’occasion des réunions sacer­do­tales, vous n’avez pas hési­té à mani­fes­ter votre répro­ba­tion des chan­ge­ments que vous voyiez venir et qui vous sem­blaient – à juste titre – contraires au bien de l’Église, contraire au bien des âmes. Alors vous l’avez dit sans ambages. Et, pour mani­fes­ter votre atta­che­ment à l’Église de tou­jours, vous avez aus­si gar­dé votre sou­tane, votre habit ecclé­sias­tique, per­sua­dé que c’était là une mani­fes­ta­tion de votre atta­che­ment à la foi et au sacerdoce.

Et puis, la Providence a vou­lu que votre évêque vous nomme à Riddes, sachant par­fai­te­ment que C’était un minis­tère par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile – Riddes n’était pas répu­tée pour sa fer­veur chré­tienne – et par consé­quent dans un milieu où il y avait beau­coup à faire et où votre zèle aurait pu s’exercer, que votre évêque vous a envoyé. Et non seule­ment pour évan­gé­li­ser, mais aus­si pour construire une église neuve, de même que vous aviez, en défi­ni­tive, à construire l’Église spi­ri­tuelle, vous aviez éga­le­ment à construire l’église maté­rielle. Et c’est ce que vous avez fait. Vous avez fait les deux, cher M. le Curé, vous avez ren­du à Riddes sa foi d’antan, vous avez ren­du à Riddes une église, une église neuve. Mais voi­ci qu’étant à Riddes, vous étiez à la fois le curé d’Écône. Et encore par une grâce par­ti­cu­lière de la sainte Providence, Écône est deve­nu ce que nous connais­sons aujourd’hui : le sémi­naire d’Écône, avec d’ailleurs l’autorisation de l’évêque de Sion. Et par consé­quent il n’y avait aucune dif­fi­cul­té, au contraire, à ce que le sémi­naire soit très uni à la paroisse de Riddes, qui était notre paroisse. Et nous avons trou­vé pré­ci­sé­ment le curé que le Bon Dieu nous avait pré­pa­ré. Ferme dans la foi, atta­ché à la Tradition, prêt à lut­ter s’il le fal­lait pour gar­der sa foi, pour gar­der son sacer­doce d’une manière intégrale.

Alors, désor­mais Écône et M. le Curé de Riddes ont connu des liens qui sont res­tés dans une fidé­li­té admi­rable. Et c’est là qu’un choix, cher M. le Curé, a dû être fait par vous, mal­gré la dou­leur de rompre appa­rem­ment avec le dio­cèse, vous avez pré­fé­ré gar­der la Tradition, gar­der la foi, plu­tôt que de voir le désastre s’introduire dans votre église, dans votre paroisse comme dans les autres paroisses, de voir les paroisses déser­tées ; comme le sémi­naire de Sion qui a fer­mé ses portes pour envoyer les quelques sujets qui res­taient, à Fribourg. Vous avez pré­fé­ré conti­nuer votre minis­tère sacer­do­tal tel que vous l’aviez reçu des mains de votre évêque et tel qu’on vous l’avait ensei­gné au séminaire.

Vous n’avez pas vou­lu chan­ger et vous êtes res­té le prêtre, le curé catho­lique de tou­jours. De cela nous vous féli­ci­tons de grand cœur. Malgré les épreuves que vous avez dû subir, vous êtes res­té fidèle.

Et voi­ci que désor­mais, vingt-​cinq ans de sacer­doce ont pas­sé. Et grâce à vous, cher M. le Curé, le Valais reste encore catho­lique. Je crois que nous pou­vons le dire et nous devons le dire. Sans doute, vous me direz : Mais Écône est deve­nu aus­si le sym­bole de la catho­li­ci­té, le sym­bole de la fidé­li­té à l’Église de tou­jours. Mais ce n’est pas Écône qui a main­te­nu la foi dans ce cher Valais, c’est vous cher M. le Curé, c’est par votre inter­mé­diaire. Si vous n’aviez pas été là, nous n’aurions pas connu cette affluence de Valaisans. Nous n’aurions pas connu ce main­tien de la foi catho­lique dans les cœurs des Valaisans.

Aussi, je pense que les per­sonnes ici pré­sentes, qui sont d’ailleurs un petit nombre par­mi celles que repré­sentent tous les centres catho­liques du Valais, vous remer­cient infi­ni­ment de les avoir aidées à gar­der la foi, d’avoir été le prêtre, le prêtre catho­lique qui main­tient l’éducation chré­tienne des enfants ; qui main­tient la sanc­ti­fi­ca­tion des familles ; qui main­tient le Saint Sacrifice de la messe de tou­jours. Quelles grâces pour les fidèles du Valais. Et si nous pou­vons dire qu’Écône est entou­ré éga­le­ment de ces chers fidèles, eh bien, nous vous le devons, cher M. le Curé.

Et si cette fidé­li­té à Écône, mal­gré les épreuves que nous avons subies nous aus­si, au cours de ces quinze der­nières années, c’est tou­jours mani­fes­té d’une manière per­ma­nente, sans faille, c’est bien à vous que nous le devons aus­si, parce que, au milieu de ces épreuves, vous avez tou­jours été pré­sent. Jamais vous n’avez chan­gé ; jamais vous n’avez hési­té. Vous êtes res­té comme un roc, fidèle à Écône et fidèle à la foi, fidèle à l’Église. C’est cela que nous vou­lons être, c’est cela que nous devons être.

Alors de tout cela nous remer­cions le Bon Dieu et nous vous en remer­cions, cher M. le Curé, vous sou­hai­tant à l’occasion de ces vingt-​cinq ans de sacer­doce, de longues années encore de minis­tère, pour conti­nuer à main­te­nir et à déve­lop­per la vraie foi, la foi catho­lique dans ce pays qui a été la source de tant et tant de voca­tions, de voca­tions dans le dio­cèse, de voca­tions en dehors du dio­cèse, tant de mis­sion­naires, tant de reli­gieux et de reli­gieuses sont sor­tis de ces familles valai­sannes. Quelle est la famille qui ne comp­tait pas par­mi ses membres ou ses proches, des reli­gieux, des reli­gieuses, des prêtres. Alors par votre action, par votre zèle, vous refaites et vous main­te­nez ce qui peut être encore main­te­nu dans les familles chré­tiennes. Et de là viennent aus­si les voca­tions 728

Cette année nous allons avoir la joie d’ordonner cinq nou­veaux prêtres suisses. C’est là vrai­ment une grande grâce. Et c’est bien à votre exemple et à votre prière que nous devons ces voca­tions, cher M. le Curé.

Que le Bon Dieu vous bénisse, que le Bon Dieu conti­nue à vous don­ner une forte san­té et vous donne toutes les grâces dont vous avez besoin, pour conti­nuer votre magni­fique apos­to­lat pour la gloire du Bon Dieu et pour le salut des âmes.

Mes bien chers frères, je ne vou­drais pas pro­lon­ger trop long­temps cette pré­di­ca­tion puisque nous avons une céré­mo­nie assez longue aujourd’hui avec la pro­ces­sion du Saint Sacrement qui va suivre cette messe, mais remer­cions le Bon Dieu, mes bien chers frères, que cette fête du sacer­doce ait lieu pré­ci­sé­ment le jour de la Fête-​Dieu, jour de l’Eucharistie, jour de la messe en défi­ni­tive, puisque l’Eucharistie, c’est le fruit mer­veilleux, mira­cu­leux de la Sainte Messe, du Sacrifice de Notre Seigneur Jésus-​Christ. C’est donc aus­si la fête du sacer­doce et la fête de l’Eucharistie.

Remercions le Bon Dieu et com­pre­nons, gar­dons cette convic­tion que sans le sacer­doce il n’y a plus de vie chré­tienne. Sans le sacer­doce il n’y a plus de familles chré­tiennes, sans le sacer­doce il n’y a pas de Cité chré­tienne. Tout est atta­ché au prêtre. Le Bon Dieu l’a vou­lu ain­si. Notre Seigneur l’a vou­lu : Faites ceci en mémoire de moi. Il l’a dit à ses prêtres : Faites ceci en mémoire de moi. C’est à eux qu’Il a confié le Sacrifice de la messe. C’est à eux qu’il a confié l’Eucharistie. C’est à eux qu’il a confié l’enseignement de la doc­trine chré­tienne ; qu’il a confié la sanc­ti­fi­ca­tion des âmes et la conduite des âmes. Voilà le prêtre. Quel don extra­or­di­naire : un saint Prêtre, c’est un don merveilleux.

Je suis bien sûr que vous priez, mes bien chers frères, de tout votre cœur, de toute votre âme pour que le Bon Dieu mul­ti­plie les saints Prêtres. Des saints Prêtres à l’image du cher M. le Curé de Riddes, tout entiers dévoués, zélés, pour le bien des âmes, pour le bien des familles, pour le bien de la Cité.

Le prêtre est à l’origine de toute la civi­li­sa­tion chré­tienne, avec le Saint Sacrifice de la messe, par le Saint Sacrifice de la messe, par Notre Seigneur Jésus-​Christ, pour le règne de Notre Seigneur JésusChrist.

Nous allons chan­ter tout à l’heure, les louanges à Notre Seigneur Jésus-​Christ dans l’Eucharistie. Nous ne pou­vons pas faire mieux ; que Jésus règne sur nous ; qu’il règne en nous, dans nos âmes ; qu’il règne dans nos familles ; qu’il règne dans nos vil­lages ; qu’il règne dans notre Valais. Que ce Valais rede­vienne un Valais catho­lique, hono­rant Notre Seigneur Jésus-​Christ, res­pec­tant les lois de Notre Seigneur Jésus-​Christ ; ne met­tant rien au-​dessus de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Saint Benoît don­nait comme devise à ses moins : Christo omni­num nihi pre­po­nant : Que les moines ne placent rien au-​dessus de Notre Seigneur Jésus-​Christ ; que Notre Seigneur soit vrai­ment le pre­mier ser­vi, le pre­mier hono­ré, le pre­mier aimé.

Eh bien, que ce soit là aus­si ici aujourd’hui, à l’occasion et de la fête du sacer­doce de M. le Curé et de la fête de la Sainte Eucharistie, notre devise : Ne rien mettre au-​dessus de Notre Seigneur JésusChrist. Que Jésus règne en nous, dans nos foyers, dans nos cités, par l’intermédiaire et l’inter-cession de la très Sainte Vierge Marie.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.