Sermon de Mgr Lefebvre – Sous-​diaconat – Ordres mineurs – 15 mars 1986

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

L’Évangile de ce same­di, à la veille du pre­mier dimanche de la Passion, me semble tout à fait conve­nir à la céré­mo­nie d’aujourd’hui, céré­mo­nie d’ordination d’Exorcistes, d’Acolytes et de Sous-Diacres.

En effet. Notre Seigneur affirme dans cet Évangile qu’Il est la Lumière du monde : Ego sum lux mun­di. Et celui qui me suit, dit Notre Seigneur, ne mar­che­ra pas dans les ténèbres.

Saint Jean, dont l’Évangile est illu­mi­né de cette pen­sée que Dieu est Lumière et qu’en Lui il n’y a pas de ténèbres, dit dans une de ses Épîtres : Et tene­bræ in eo non sunt ullæ (1 Jn 1,5) : Il n’y a pas de ténèbres en Dieu.

Eh bien n’est-ce pas pour l’Exorciste et pour l’Acolyte, le rôle prin­ci­pal, de chas­ser les ténèbres pour faire place à la lumière, la Lumière de Dieu, la Lumière de Notre Seigneur Jésus-​Christ ? Celui qui illu­mine tout homme venant en ce monde. L’Exorciste en effet, a pour but et fonc­tion de faire ces exor­cismes pour chas­ser les démons, chas­ser pré­ci­sé­ment ces ténèbres, ces ténèbres qui n’ont pas reçu la Lumière : et tene­bræ eam non com­pre­hen­de­runt (Jn 1,5). Les ténèbres n’ont pas vou­lu rece­voir la lumière, n’ont pas vou­lu se dis­si­per pour faire place à la lumière, dit saint Jean dans le pro­logue de son Évangile.

Alors ce sera le rôle de l’Exorciste de faire place à la lumière de Notre Seigneur, à illu­mi­ner ces âmes qui étaient sous la domi­na­tion des ténèbres, leur rendre la lumière.

L’Acolyte, lui, porte la lumière. Tout à l’heure, mes chers amis, vous qui allez être ordon­nés Acolytes, vous allez pré­ci­sé­ment tou­cher le chan­de­lier avec le cierge, mani­fes­tant ain­si votre fonc­tion par­ti­cu­lière de mon­trer la lumière au monde. Et puis vous vous appro­che­rez de la Lumière éter­nelle, du Verbe de Dieu, en vous appro­chant de l’autel. Plus que le Portier, le Lecteur, l’Exorciste, vous appro­che­rez de l’autel.

Vous serez déjà – d’une cer­taine façon – illu­mi­né d’une manière par­ti­cu­lière, par Notre Seigneur, en vous appro­chant de Lui, en vous appro­chant de l’autel de son Sacrifice. Vous por­tez à l’autel la matière du Sacrifice et du sacre­ment, quel hon­neur ! Vous êtes vrai­ment ces ser­vi­teurs du Sacrifice de la messe, ces ser­vants de l’autel. Alors vous devez rayon­ner cette lumière ; vous devez en mon­trer l’exemple – comme les Exorcistes d’ailleurs – c’est ce que toutes les prières de ces magni­fiques ordi­na­tions vont vous dire dans quelques instants.

Vous devez être la lumière du monde, rayon­ner Notre Seigneur Jésus-​Christ dont vous êtes les dis­ciples. Et vous en êtes les dis­ciples d’une manière toute par­ti­cu­lière, puisque vous vous des­ti­nez au sacerdoce.

Si je ne me trompe, vous êtes en troi­sième année de sémi­naire, deuxième année de phi­lo­so­phie, efforcez-​vous au cours de vos études, de voir à tra­vers vos études, la lumière de Dieu. Quel pri­vi­lège, mes chers amis, quelle grâce pour vous, de vous pen­cher sur ces livres qui vous com­mu­niquent la lumière de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Car il faut étu­dier et médi­ter les véri­tés de la phi­lo­so­phie, sous la lumière de la foi. En effet, voyez-​vous des véri­tés, même natu­relles, ont été l’objet de notre foi et sont l’objet de notre foi. Les pre­mières paroles du Credo sont bien des paroles qui affirment des véri­tés de la phi­lo­so­phie et donc de la rai­son natu­relle : « Je crois en Dieu, Créateur du Ciel et de la terre, de toutes choses, visibles et invi­sibles ». C’est cela votre phi­lo­so­phie. Elle se résume en cela en défi­ni­tive. C’est toute votre théo­di­cée. Toute cette connais­sance du Créateur, de Celui qui est par Lui-​même, alors que nous, nous ne sommes que par Lui, de cet Être, de cet ens, esse, alors que nous sommes des ens ab alio.

C’est là tout un sujet de médi­ta­tion qui devra vous pour­suivre pen­dant toute votre vie ; que vous devrez mani­fes­ter exté­rieu­re­ment et mani­fes­ter dans vos pré­di­ca­tions. Le tout de Dieu, le rien de la créa­ture, de l’homme. C’est cela la phi­lo­so­phie. Cette lumière, c’est la lumière du Verbe de Dieu qui vous éclaire au cours de vos études.

Alors, remer­ciez, remer­ciez le Bon Dieu qui vous fait faire ces études sous l’égide de saint Thomas d’Aquin, sous l’égide de ce grand doc­teur qui a été don­né comme modèle de science et de sagesse à tous ceux qui font des études ecclé­sias­tiques. Quand on sait ce que sont aujourd’hui les études dans les sémi­naires et même dans les uni­ver­si­tés catho­liques ! Pourquoi, vous, avez-​vous été choi­sis spé­cia­le­ment pour venir dans ce sémi­naire ? Pourquoi vous, chers amis, membres des socié­tés reli­gieuses qui sont ici avez-​vous été choi­sis pour aller au Barroux ou pour être membre de la com­mu­nau­té de Dom Eugène, de M. l’abbé Lecareux, de la com­mu­nau­té domi­ni­caine ? Comment se fait-​il que vous, par­ti­cu­liè­re­ment, vous avez été choi­si pour rece­voir la lumière de la Vérité ? Cette Lumière qui a res­plen­di dans l’Église pen­dant des siècles et des siècles, qui a été trans­mise de géné­ra­tion en géné­ra­tion, par d’éminents pro­fes­seurs, par des saints comme saint Thomas d’Aquin ? Alors qu’aujourd’hui, dans tous les sémi­naires du monde, on aban­donne ces maîtres, ces maîtres de sagesse et de science, on aban­donne la doc­trine de l’Église, on aban­donne la Lumière de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Alors, pro­fi­tez de ces années, appro­fon­dis­sez vos études, les années passent vite et quand vous serez dans le minis­tère, quand vous serez plus tard, dans vos occu­pa­tions pas­to­rales, vous regret­te­rez le temps de votre sémi­naire, où vous avez pu appro­fon­dir les véri­tés de la rai­son et de la foi, alors que pen­dant vos années de minis­tère, il ne vous sera presque plus pos­sible de vous pen­cher sur ces livres qui vous donnent la lumière. Profitez de ces années (d’études).

Quant à vous, chers Sous-​Diacres, vous qui allez être ordon­nés dans quelques ins­tants, avec la grâce du Bon Dieu, Sous-​Diacre, vous aus­si vous par­ti­ci­pez et vous par­ti­ci­pe­rez encore davan­tage à la lumière de Notre Seigneur Jésus-​Christ, spé­cia­le­ment en pra­ti­quant le céli­bat, à la suite de Notre Seigneur Jésus-​Christ. C’est comme un rayon­ne­ment de la gran­deur, de la subli­mi­té de Notre Seigneur qui rayonne sur vous, par cet atta­che­ment total de votre être à Notre Seigneur Jésus-​Christ, sans par­tage, vou­lant être à Lui tota­le­ment, sans limite. Eh bien, vous mani­fes­tez pré­ci­sé­ment la gran­deur, la toute-​puissance, la ver­tu de Notre Seigneur Jésus-​Christ, la sain­te­té, la sain­te­té de l’Église.

Plus que jamais aujourd’hui, les fidèles, les vrais fidèles ont besoin de cette lumière, au moment où pré­ci­sé­ment le céli­bat est bat­tu en brèche par des exemples lamen­tables dans le monde entier, par des prêtres, par un cer­tain laxisme de Rome, accor­dant à des mil­liers et des mil­liers de prêtres, de ne plus gar­der le céli­bat. Et cette ver­tu est mépri­sée dans le monde. Ce sont des confé­rences épis­co­pales entières, qui demandent l’abandon du céli­bat. On se pro­met de faire des synodes qu’on appel­le­ra même des conciles, comme le concile afri­cain futur, qui a cer­tai­ne­ment dans son inten­tion de deman­der l’abolition du céli­bat pour l’Afrique.

Ce sont les ténèbres qui enva­hissent l’Église. Alors vous devez être la lumière ; vous devez pro­pa­ger cette lumière fer­me­ment, cou­ra­geu­se­ment, sans hési­ta­tion, mal­gré les cri­tiques, mal­gré tous les quo­li­bets, mal­gré toutes les dif­fi­cul­tés que cela repré­sente pour vous. Portez votre habit reli­gieux, por­tez votre sou­tane ; mani­fes­tez devant le monde que vous êtes prêtre, que vous êtes reli­gieux, que vous êtes don­né au Bon Dieu tota­le­ment, que vous pra­ti­quez la vir­gi­ni­té, que vous pro­fes­sez le céli­bat. Quel bel exemple. Combien l’Église a besoin de cela. L’Église ne serait plus l’Église, s’il n’y avait plus des prêtres céli­ba­taires et s’il n’y avait plus de reli­gieux et de reli­gieuses (fidèles au céli­bat, à la vir­gi­ni­té). C’est cela qui carac­té­rise l’Église ; c’est cela qui est vrai­ment la note de sain­te­té de l’Église et qui conver­tit les âmes.

S’il est un exemple qui mani­feste la sain­te­té de l’Église, c’est bien celui-​là. Et les per­sonnes qui sont dans le mariage ont besoin de cet exemple, pour demeu­rer elles aus­si, dans la loi de Dieu dans le mariage, voyant l’exemple de sacri­fices et de chas­te­té dans l’Église, cela les encou­rage elles aus­si à gar­der la loi du Bon Dieu dans le mariage.

Mais si les prêtres aban­donnent le céli­bat, s’ils aban­donnent cet atta­che­ment total à Notre Seigneur Jésus-​Christ, alors qu’en sera-​t-​il des mariages chré­tiens ? Soyez donc cet exemple, mes chers amis, attachez-​vous à cette ver­tu toute spé­ciale que le Bon Dieu demande de vous.

Et soyez stable et ferme, dans votre réso­lu­tion, car par le sous-​diaconat, vous vous enga­gez défi­ni­ti­ve­ment. C’est une grande pro­messe que vous faites aujourd’hui. Tant que vous n’étiez pas SousDiacres vous n’étiez pas enga­gés défi­ni­ti­ve­ment, quand vous êtes Sous-​Diacres, vous l’êtes devant Dieu, devant l’Église, devant la chrétienté.

Normalement, avant le sous-​diaconat, les reli­gieux doivent avoir fait leur pro­fes­sion per­pé­tuelle – et nor­ma­le­ment dans une socié­té comme la Fraternité, les membres de la Fraternité devraient avoir fait éga­le­ment leur enga­ge­ment défi­ni­tif. Mais les cir­cons­tances sont telles aujourd’hui, qu’il nous a paru – au moins pour la Fraternité – plus pru­dent de ne pas exi­ger cet enga­ge­ment défi­ni­tif avant le sous-diaconat.

Mais, en esprit, mes chers amis, faites cet enga­ge­ment défi­ni­tif, que votre cœur se donne tout entier au Bon Dieu, qu’il n’y ait pas de limites de temps.

Plus le monde est ébran­lé dans sa foi en Notre Seigneur Jésus-​Christ ; plus le monde a peine à suivre Notre Seigneur, plus vous devez mani­fes­ter votre réso­lu­tion de vous atta­cher à Lui, de Le mani­fes­ter partout.

Et vous aus­si, vous avez la grande joie et le pri­vi­lège de faire vos études, vous mes chers amis, qui êtes reli­gieux, dans vos socié­tés reli­gieuses – et vous qui êtes ici à Écône dans la Fraternité et qui êtes en théo­lo­gie, vous com­men­cez à décou­vrir les grands mys­tères de Notre Seigneur. Ce que la foi nous apprend de la très Sainte Trinité, l’Incarnation, la Rédemption, le salut des âmes par l’institution de l’Église, par l’institution du Saint Sacrifice de la messe, par l’institution des sacre­ments, par la grâce du Bon Dieu, par cette incor­po­ra­tion au Corps mys­tique de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Que de grandes choses, que de belles choses qui seront votre vie, votre vie de tous les jours, que vous aurez à apprendre à des enfants, aux fidèles : cette gran­deur, cette magni­fi­cence de la misé­ri­corde du Bon Dieu, de la bon­té de Dieu pour nous.

Alors, là aus­si, ne per­dez pas votre temps, pen­dant ces quelques années. Trois années de théo­lo­gie qu’est-ce que cela. Vous-​mêmes, vous vous ren­dez compte, comme les années passent vite. Vous vous sou­ve­nez encore de votre entrée au sémi­naire et vous voi­là déjà en qua­trième année, en cin­quième année… le temps passe.

Et bien­tôt vous aurez des fonc­tions apos­to­liques. Alors deman­dez à Notre Seigneur de vous éclai­rer ; demandez-​Lui de vous don­ner cette science et cette sagesse dont vous avez besoin pour être de vrais prêtres, car s’il est quelque chose dont l’Église a besoin aujourd’hui ce sont de vrais prêtres, des saint Prêtres, des prêtres illu­mi­nés de la lumière de Notre Seigneur Jésus-​Christ et des reli­gieux et des reli­gieuses qui mani­festent Notre Seigneur Jésus-​Christ, dans leur exemple, dans leur atti­tude, dans leur extérieur.

Demandez à la très Sainte Vierge Marie, d’être votre lumière aus­si, de vous com­mu­ni­quer la lumière qu’elle a reçue, elle qui est rem­plie de sagesse et de science de Notre Seigneur.

Dans le petit sou­ve­nir que m’avait remis autre­fois Dom Gérard et dont il m’a remis encore un exem­plaire ce matin, mais un peu dif­fé­rent, de son monas­tère Sainte-​Madeleine, le pre­mier repré­sen­tait saint Benoît et comme devise il était mar­qué : Pax in lumine. Quelle belle devise ! Il me semble que c’est la devise de la Vierge Marie : Pax in lumine. Elle est dans la paix, parce qu’elle est tout entière illu­mi­née du rayon­ne­ment de Dieu, du rayon­ne­ment de son divin Fils.

Et il me semble que l’image qui repré­sente le mieux cette devise de saint Benoît – Pax in lumine – pour la très Sainte Vierge Marie, c’est celle qu’elle s’est peinte elle-​même. Je pense que l’on ne peut pas avoir d’image qui repré­sente le mieux la très Sainte Vierge Marie que celle de Notre-​Dame de Guadalupe. Car Notre-​Dame-​de-​Guadalupe a été réa­li­sée mira­cu­leu­se­ment par la Vierge elle-​même, sur l’habit de ce brave paysan.

Et si on la regarde en effet, elle est rem­plie de cette lumière, rem­plie de cette paix, alors que ce soit aus­si pour vous, mes chers amis, votre devise : Pax, la tran­quilli­té de l’ordre fon­dé sur l’ordre divin, sur l’ordre per­pé­tuel, sur l’ordre éter­nel qui ne bouge pas, qui ne change pas.

Par consé­quent que vous soyez fermes dans cet ordre qui est immuable, qui est éter­nel, afin de vivre dans la paix et de rayon­ner cette lumière et cette paix.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.