Saint Raphaël

Dans la Bible, c’est le Livre de Tobie qui enseigne l’existence de l’Archange Raphaël : « Je suis l’ange Raphaël, l’un des sept qui nous tenons devant le Seigneur ». A savoir, comme l’enseigne saint Denys l’Aréopagite, les plus excel­lents par­mi les saints anges, qui consti­tuent le Chœur céleste des Séraphins. A leur pro­pos, saint Grégoire le Grand dit ceci : « On appelle Séraphins les milices des saints esprits qui brûlent d’un amour incom­pa­rable du fait de la proxi­mi­té sin­gu­lière où ils se trouvent vis-​à-​vis de leur Créateur. Séraphin signi­fie en effet ardent et brû­lant. Ils sont à ce point unis à Dieu qu’aucun autre esprit ne se place entre eux et Lui. Ils sont d’autant plus embra­sés qu’ils Le voient de plus près. La flamme dont ils brûlent est assu­ré­ment celle de l’amour, car leur amour est d’autant plus ardent qu’ils contemplent la gloire de la divi­ni­té avec un regard plus péné­trant ». Il fau­drait pré­ci­ser que la Sainte Vierge, Reine des Anges, fut pla­cée en quelque façon entre Dieu et ces esprits angé­liques, à la tête des­quels se trouve saint Michel.

Raphaël est un nom hébreu signi­fiant « Dieu a gué­ri ». Son nom cor­res­pond à sa mis­sion auprès de Tobie, père et fils, vers l’an 700 avant Jésus-​Christ. Sous l’apparence d’un homme, il agis­sait en véri­table ange gar­dien. Il accom­pa­gna le fils en voyage, lui indi­qua com­ment sai­sir un pois­son[1] vorace, duquel il lui com­mande d’extraire le cœur, le fiel et le foie qui ser­vi­ront comme de sacra­men­taux[2], pour exor­ci­ser le démon Asmodée (III 8 ; VI 8, 9, 19 ; VIII 3), et gué­rir la céci­té de son père. Il lui indi­qua chez quelle proche famille il fal­lait loger en che­min et deman­der la fille en mariage. Il par­qua Asmodée dans la Haute-​Egypte (VIII 3), et ren­dit une com­mis­sion auprès d’un débi­teur de Tobie.

L’élimination du mal se fait par trois moyens bien­fai­sants pré­sen­tés par Raphaël. Le méde­cin Raphaël tire donc notre âme de sa fai­blesse en nous ame­nant à l’amertume de la contri­tion ; c’est pour­quoi il dit à Tobie : « Dès que tu seras entré chez toi, frotte ses yeux avec le fiel ». Il fit ain­si, et son père recou­vra la vue. Pourquoi Raphaël n’a‑t-il pu le faire lui-​même ? Parce que l’Ange ne donne pas la com­ponc­tion, mais en indique la voie. Par le fiel on entend l’amertume de la contri­tion, qui gué­rit les yeux inté­rieurs de l’âme, d’après cette parole du Psaume : « C’est Lui qui gué­rit les cœurs contrits ». Ceci est le meilleur col­lyre. Au second cha­pitre des Juges il est dit qu’un Ange s’éleva au-​dessus de ceux qui pleu­raient, et dit au peuple : Je vous ai tiré de la terre d’Egypte, j’ai accom­pli pour vous tant et de si grands bien­faits, et le peuple tout entier se mit à pleu­rer, de telle sorte que ce lieu est appe­lé le lieu de ceux qui pleurent. Très chers, tout le long du jour les Anges nous exposent les bien­faits de Dieu, et nous les remettent en mémoire : Quel est celui qui t’a rache­té ? Qu’as-tu fait, qui as-​tu offen­sé ? Si tu y réflé­chis, tu n’as point d’autre remède que de pleurer.

En second lieu, Raphaël nous dégage de la ser­vi­tude du diable, en rap­pe­lant à notre mémoire la pas­sion du Christ, selon la figure qui est rap­por­tée au cha­pitre sixième du livre de Tobie : Si tu mets sur des char­bons une par­tie de son cœur, sa fumée chasse toute sorte de démons. Il est dit au cha­pitre hui­tième que Tobie mit une par­tie du cœur sur des char­bons, et que Raphaël lia le démon dans le désert de la haute Egypte. Qu’est-ce à dire ? Raphaël ne pouvait-​il lier le démon, sans que le cœur fût mis sur des char­bons ? Est-​ce que le cœur d’un pois­son don­nait à l’Ange une si grande puis­sance ? Nullement. Il ne pou­vait rien, s’il n’y avait un mys­tère. En effet, on nous donne à entendre que rien ne nous libère aujourd’hui de la ser­vi­tude du diable comme la Passion du Christ, qui s’enracine dans le cœur, c’est-à-dire dans la cha­ri­té. Car le cœur est la source de toute cha­leur vitale. Si donc tu mets sur des char­bons, c’est-à-dire sur ta mémoire enflam­mée, le Cœur du Christ, c’est-à-dire la Passion qu’il a souf­ferte, et qui pro­cède de la racine de la cha­ri­té, et de la source de la cha­leur, aus­si­tôt le démon sera lié de façon à ne pou­voir te nuire.Troisièmement, il nous libère de la contra­rié­té de Dieu, que nous avons encou­rue par l’offense envers Dieu, et ceci en nous indui­sant à l’insistance de la prière ; et c’est ce que dit l’ange Raphaël à Tobie (c.XII) : « Quand tu priais avec larmes… c’est moi qui ai pré­sen­té ta prière au Seigneur ».

Près de Fréjus, l’église de St-​Raphaël, du XIIe siècle, fut construite sur le lieu d’un cime­tière romain. Les fouilles de 1997 ont mis à jour un autel du IXe siècle. La plus ancienne trace du nom de la ville de St-​Raphaël[3] se trouve dans une charte de 1030 (San Raféou). Ce bourg de marins a pu vou­loir se mettre sous la pro­tec­tion de l’Archange qui pro­té­gea Tobie le Jeune du redou­table poisson.

Abbé L. Serres-Ponthieu

Notes de bas de page
  1. On trou­va quel­que­fois dans les entrailles de bro­chets du Tigre des membres humains.[]
  2. Un peu comme Jésus fera de la boue pour gué­rir saint Sidoine, l’aveugle-né.[]
  3. Pour la petite his­toire, il y a un peu plus d’un siècle, un apo­thi­caire de St-​Raphaël éla­bo­ra un vin aro­ma­ti­sé dont les ver­tus thé­ra­peu­tiques firent leurs preuves.[]