La curiosité n’est pas toujours un vilain défaut : elle est parfois légitime ! Notamment en ce qui concerne la vie future de l’au-delà. Plus nous savons de choses sur la vie éternelle, et plus nous sommes portés à la désirer avec ardeur et à faire ce qu’il faut pour l’obtenir.
Parmi tous les biens dont Dieu nous comblera un jour, il est bon de considérer ce qui concerne nos corps. Nous le savons : notre âme se sépare de notre corps au moment de notre mort ; c’est à ce moment qu’a lieu le jugement, débouchant sur le salut ou la damnation éternelle. L’âme humaine alors, qu’elle soit sauvée ou damnée, est donc séparée du corps. Mais cela ne durera qu’un temps, car nous savons par la bouche même de Notre Seigneur et par son écho fidèle, le Magistère de l’Eglise, que tous les hommes ressusciteront, c’est-à-dire que toutes les âmes seront réunies à leurs corps.
Saint Thomas d’Aquin, en s’appuyant sur la Sainte Ecriture et les Pères de l’Eglise, a étudié ce que seront les caractéristiques des corps ressuscités pour ceux qui auront été sauvés.
D’abord se pose cette question : retrouverons-nous vraiment le même corps ? Ne sera-ce pas plutôt un autre saint corps, tout neuf, formé par la puissance de Dieu ? Saint Thomas est très net : « Il ne peut y avoir de résurrection que si l’âme reprend le même corps ». La puissance de Dieu ne sera pas plus en peine de recomposer notre corps lui-même que s’il fallait en créer un nouveau. Ce sera donc bien notre corps qui nous sera rendu, et non un autre.
Cependant quelle différence avec notre corps actuel ! Sur terre, nous en faisons bien souvent l’expérience, notre corps est sujet à mille problèmes : lourdeur, maladies, fatigue, dysfonctionnements divers. Quoiqu’admirable dans sa complexité, notre corps n’en est pas moins soumis à la misère et à la mort. Alors, nous sera-t-il rendu comme cela ? Non, bien sûr.
En premier lieu notre corps nous sera rendu intègre. Celui qui avait par exemple perdu une main la retrouvera à la résurrection : « L’homme ne saurait être parfait si toute la virtualité de l’âme ne s’épanouissait pas dans le corps » dit saint Thomas, qui précise que même les parties les moins glorieuses comme les viscères, et les moins nécessaires comme les ongles et les cheveux, seront présentes dans le corps glorieux, quoiqu’elles n’auront plus rien de viles. On imaginait mal des manchots ou des boiteux au Ciel : la théologie nous confirme que notre corps nous sera rendu sans maladie, sans défaut et sans manque, dans sa pleine intégrité. Ce sera aussi un corps dans la pleine force de l’âge, puisque « la nature doit ressusciter sans défaut : telle Dieu l’a faite, telle Dieu la refera » dit saint Thomas.
Mais la générosité de Dieu ne s’arrêtera pas là. Notre corps, si nous avons le bonheur d’être du nombre des amis de Dieu, nous sera rendu conforme au corps glorieux du Christ après sa Résurrection. A notre humble niveau, les propriétés du corps glorieux du Christ se retrouveront dans les corps des justes ressuscités. Alors comment sera-t-il, ce corps glorifié ? Ce qu’il faut d’abord comprendre, c’est que le corps ressuscité est parfaitement uni à l’âme et participe à sa gloire : l’âme aura donc sur lui une pleine maîtrise et le fera participer à son bonheur d’être désormais pleinement unie à Dieu. De là découle ce qui va suivre.
Sera-ce un vrai corps ? Oui, un vrai corps mais spiritualisé. Toutefois non pas un corps purement spirituel, car alors ce ne serait plus un corps, mais un corps entièrement soumis à l’âme, qui atteindra ainsi « le plus parfait assouplissement de la matière qu’on puisse concevoir. »
Pourra-t-il souffrir tout de même ? Non, car ce corps sera désormais impassible et ne souffrira plus ni la faim, ni la fatigue, ni la maladie, ni aucun mal quel qu’il soit.
Ce n’est pas tout : le corps ressuscité, spiritualisé et impassible, pourra se mouvoir avec une très grande facilité, se rendant partout où l’âme le voudra, sans effort et promptement. Le corps « obéira docilement et promptement à toutes les impulsions et actions de l’âme » comme le dit saint Thomas.
Enfin, le corps glorieux resplendira d’un éclat tout particulier, comme le dit Notre-Seigneur : « Les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père » (Mat. 13, 43). Que sera cette clarté ? Simplement « le rejaillissement de la gloire de l’âme sur le corps » dit le Docteur angélique, qui ajoute que cette clarté sera proportionnelle au degré de charité de l’âme, c’est-à-dire d’autant plus grande que les mérites et la charité de l’âme sur la terre auront été plus grands. Ainsi les corps de Notre- Seigneur, de Notre-Dame et des grands saints brilleront d’une clarté bien supérieure à celle des autres corps.
Toutes ces merveilles nous étonnent et nous paraissent peut-être surréalistes. Pourtant, elles sont affirmées dans la Révélation divine, et saint Thomas n’a fait que les développer avec précision. Puissent donc ces quelques lumières projetées sur notre vie future nous encourager à « chercher les choses d’en haut, et non celles de la terre » (Col. 3, 2).
Abbé Guillaume Scarcella
Source : Apostol n°151