Quelle vie chrétienne ?

Dieu ne nous appelle pas à une hon­nête médiocrité.

C’est une erreur com­mu­né­ment répan­due par­mi les chré­tiens (laïcs ou prêtres) de croire que la vie mys­tique serait réser­vée à une élite. Le mot même de « mys­tique » évoque, la plu­part du temps, des grâces extra­or­di­naires comme la lévi­ta­tion pen­dant l’oraison. Selon cette opi­nion il y aurait d’un côté le com­mun des chré­tiens qui ne pour­raient aspi­rer qu’à une vie chré­tienne hon­nête (mais somme toute médiocre), et de l’autre une petite élite à qui Dieu réser­ve­rait la vie mys­tique, que l’on croit être pleine de faveurs extra­or­di­naires. Or rien n’est plus éloi­gné de la concep­tion tra­di­tion­nelle de la vie chré­tienne, admi­ra­ble­ment remise en lumière par le P. Garrigou-​Lagrange, O.P. dans Perfection chré­tienne et contemplation.

En réa­li­té tout chré­tien reçoit au bap­tême un « orga­nisme spi­ri­tuel » appe­lé à se déve­lop­per et non à végé­ter : la grâce sanc­ti­fiante accom­pa­gnée des ver­tus infuses et des dons du Saint-​Esprit. Au début de la vie chré­tienne (qu’on appelle voie pur­ga­tive), ce sont les efforts per­son­nels qui sont néces­saires pour éta­blir des ver­tus solides et arra­cher les racines des vices, tan­dis que l’influence des dons est plu­tôt latente et rare. Si l’âme pour­suit ses efforts, les ver­tus s’affermissent et l’influence des dons com­mencent à se mani­fes­ter : c’est le seuil de la vie mys­tique (voie illu­mi­na­tive). Enfin, si l’âme per­sé­vère et reste docile à la grâce de Dieu, elle par­vient à des ver­tus émi­nentes, pra­ti­quées sous l’influence désor­mais habi­tuelle des dons (voie uni­tive). On com­prend ain­si que la vie mys­tique n’est pas réser­vée à une élite : elle n’est que le plein déve­lop­pe­ment de la grâce des ver­tus et des dons du Saint-​Esprit, et consiste pré­ci­sé­ment à vivre habi­tuel­le­ment sous l’influence des dons. Saint Paul l’exprimait ain­si « Ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu, ceux-​là sont fils de Dieu » (Rom. 8, 14). Ne nous y trom­pons pas : Dieu ne nous appelle pas à une hon­nête médio­cri­té mais à la per­fec­tion de notre voca­tion d’enfants de Dieu, sous l’influence habi­tuelle de l’Esprit-Saint.

Source : Apostol n°160