L’Épiphanie est la manifestation du Fils de Dieu au monde. « Voici qu’est arrivé le Souverain, le Seigneur ; dans sa main se trouve la dignité royale, la puissance et l’empire du monde » (Introït). Cette manifestation de la divinité de Notre- Seigneur se fait progressivement : à sa naissance, par l’apparition des anges aux Bergers et de l’étoile aux Rois Mages ; lors de son Baptême au Jourdain par la voix du Père et l’apparition du Saint-Esprit ; puis aux noces de Cana par son premier miracle. Peu à peu, entrant dans sa vie publique, le Christ agit et parle en Dieu. Il est le Roi des cieux et il réclame la soumission des esprits et des cœurs.
Devant ce Roi du Ciel, la réaction des âmes est immédiate : l’amour ou la haine. C’est l’attitude des Mages et des Gentils s’ouvrant à la foi ou celle d’Hérode et des Juifs rejetant le Messie. La foi conduit les Mages à reconnaître Dieu dans un homme, dans un pauvre enfant couché sur la paille. Et ils offrent des présents en harmonie avec la dignité du Christ. L’or, ils le livrent comme au grand Roi ; l’encens, qui sert dans les sacrifices divins, ils le présentent comme au seul Dieu ; la myrrhe, comme à « celui qui doit mourir pour le salut des hommes ».
Hérode au contraire, préoccupé par ses intérêts, recherche l’enfant afin de le mettre à mort. Il en sera de même dans la suite. Les Juifs traiteront Jésus comme l’homme le plus criminel que la terre eut jamais porté et ils le crucifieront dans le temps où il donnait des preuves évidentes de sa divinité.
L’âme fidèle à la grâce finit par reconnaître le Messie, l’adorer et le servir. Au contraire, l’infidèle commence par le mépriser, puis le renie pour enfin le crucifier.
L’exemple du peuple Juif est terrifiant. Pourquoi a‑t-il cessé d’être le peuple de Dieu, sinon parce qu’il est devenu infidèle à force de mépriser ses grâces ?
« Examinez-vous vous-mêmes pour voir si vous êtes dans la foi ; éprouvez-vous vous-mêmes. Ne reconnaissez- vous pas vous-mêmes que Jésus-Christ est en vous ? A moins, peut-être, que vous ne soyez réprouvés » (2 Cor. 13, 5).
Nous devrions trembler et craindre d’être privés comme les Juifs du don précieux de la foi. Cette Passion que souffre l’Église actuellement est certes une épreuve, mais n’est-elle pas aussi un châtiment ? C’est la désolation dans le temple. Les églises sont vides, abandonnées. Il n’y a plus de prêtres, plus de fidèles, plus de pratique religieuse. Les paroles de Notre-Seigneur retentissent, terribles : « Quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-til la foi sur la terre ? » (Lc 18, 8)
Déjà le 20 décembre 1966, dans une réponse au Cardinal Ottaviani, Préfet du Saint-Office, Mgr Lefebvre prédisait les conséquences du Concile Vatican II, conséquences dramatiques que nous constatons. Il en donnait les raisons :
Le mal actuel me paraît beaucoup plus grave que la négation ou mise en doute d’une vérité de notre foi. Il se manifeste de nos jours par une confusion extrême des idées… mais il n’est autre que la continuation logique des hérésies et erreurs qui minent l’Église depuis les derniers siècles, spécialement depuis le libéralisme du dernier siècle qui s’est efforcé à tout prix de concilier l’Église et les idées qui ont abouti à la Révolution… Alors que le Concile s’apprêtait par les Commissions préparatoires à proclamer la vérité face à ces erreurs … Cette préparation a été odieusement rejetée pour faire place à la plus grave tragédie qu’a jamais subie l’Église. Nous avons assisté au mariage de l’Église avec les idées libérales.
J’accuse le Concile, p 107
Vingt ans plus tard, en 1986, Jean-Paul II convoquait toutes les religions pour prier ensemble à Assise. Ce fut une nouvelle étape de ce chaos, dénoncé à nouveau par Mgr Lefebvre :
C’est le premier article du Credo et le premier commandement du Décalogue qui sont bafoués publiquement par celui qui est assis sur le Siège de Pierre. Le scandale est incalculable dans les âmes des Catholiques. L’Église en est ébranlée dans ses fondements… Si la foi dans l’Église, unique arche de salut, disparaît, c’est l’Église elle-même qui disparaît. Toute sa force, toute son activité surnaturelle a cet article de notre foi pour base… Jean-Paul II va-t-il continuer à ruiner la foi catholique, publiquement, en particulier à Assise, avec le cortège des religions prévu dans les rues de la cité de saint François, et avec la répartition des religions dans les chapelles et la Basilique pour y exercer leur culte en faveur de la paix telle qu’elle est conçue à l’O.N.U…
Lettre de Mgr Lefebvre du 27 août 1986 à plusieurs Cardinaux
Alors que Benoît XVI donnait quelques espoirs de rétablissement en libéralisant la Messe saint Pie V à tous les prêtres par le Motu Proprio de 2007, et en reconnaissant en 2009 la nullité de l’excommunication des quatre évêques de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X sacrés par Monseigneur Lefebvre, sa dernière déclaration du 1er janvier 2011 nous fait malheureusement constater son attachement inébranlable à Vatican II. À l’occasion de la prière de l’Angelus, le pape Benoît XVI a en effet annoncé son intention de réitérer la cérémonie interreligieuse d’Assise :
En octobre prochain, je me rendrai en pèlerinage dans la ville de saint François, en invitant à s’unir à ce chemin les frères chrétiens des différentes confessions, les représentants des traditions religieuses du monde et, idéalement, tous les hommes de bonne volonté, pour faire mémoire de ce geste historique voulu par mon Prédécesseur et renouveler solennellement l’engagement des croyants de chaque religion à vivre sa propre foi religieuse comme un service pour la cause de la paix.
Quelle abomination ! Les chrétiens des premiers siècles ont versé leur sang pour avoir refusé l’encens aux idoles. Après la réunion œcuménique de 1986, même la terre d’Assise a tremblé et l’autel de la basilique s’est fendu ! Que faudra-t-il donc pour briser l’indifférence de nos contemporains et arrêter ce scandale ? Quel contraste avec la foi des Mages.
Que faire ? À notre niveau, il faut prier. Aucun chrétien n’a le droit de se sentir étranger à ces graves questions de foi.
Prions quotidiennement pour que cesse cette crise de l’Église ; prions pour que ce nouvel Assise n’arrive pas. Mais nous devons aussi nous défier de notre tiédeur, de notre paresse spirituelle. Dieu nous accorde des dons supérieurs à ceux qu’il fit au peuple Juif : le trésor de la Sainte Messe, la vie sacramentelle, l’Eucharistie…
Comment pouvons- nous vivre des semaines ou des mois sans recevoir les sacrements de Pénitence et d’Eucharistie, alors que ces trésors sont à notre porte. Sortons de notre torpeur ! Rappelons-nous la récompense des Mages et le châtiment des Juifs.
Enfin, nous devons protéger notre foi ; non seulement nous défier de ceux qui prêchent Vatican II et la Nouvelle Messe, mais aussi rester vigilant face aux communautés Ecclesia Dei, communautés érigées sur la condamnation de Monseigneur Lefebvre en 1988.
Certes Rome a concédé la célébration de l’ancienne liturgie à ces communautés, mais celles-ci doivent en contrepartie reconnaître la nouvelle messe comme un rite pleinement légitime et s’abstenir de toute critique à l’égard de Vatican II. Il leur faut en particulier accepter (ou du moins ne pas critiquer) la liberté religieuse et l’œcuménisme. Or comme dit l’adage : « Qui ne dit mot, consent ! »
D’aucuns voudraient minimiser la gravité de ces questions et les réduire à des querelles de chapelles. Mais rappelons-nous l’attitude des Mages. « Avertis en songe de ne point revenir vers Hérode, ils repartirent dans leur pays par un autre chemin. »
Il ne s’agit pas ici d’une question de personnes, mais bien d’une question de foi. Et la foi est, avec la charité, le plus grand trésor que nous ayons ici-bas. Craignons de la perdre !
Abbé Jean-Yves Tranchet
Editorial extrait de « L’Icône n° 38 » de février 2011