Mgr Ducaud-​Bourget, le franc-​parler en défense de la Tradition

L’Eglise catho­lique en France peut l’inscrire à la suite de ses prêtres les plus célèbres, les plus fidèles et les plus zélés.

Mgr Lefebvre, hom­mage à Mgr Ducaud-​Bourget, 14 juin 1984.

C’est dans la nuit du 11 au 12 juin 1984 que Mgr François Ducaud-​Bourget fut empor­té « hors du vilain temps » par un infarc­tus du myo­carde. Il sem­blait depuis déjà bien des années vivre dans l’é­ter­nel au point de sous-​titrer ses recueils de poèmes, non sans un cer­tain humour « livres posthumes ».

Né à Bordeaux le 24 novembre 1897, ordon­né prêtre en 1924, ensuite vicaire suc­ces­si­ve­ment dans plu­sieurs paroisses pari­siennes, il ne tar­da pas à mani­fes­ter son âme de feu. En 1936, il fon­da l’Union uni­ver­selle des Poètes et Ecrivains catho­liques. Après la guerre de 1939–1945, où sa conduite lui valut la Médaille de la Résistance, il publiait un toni­truant pam­phlet contre Claudel, Mauriac et Cie, catho­liques de lit­té­ra­ture, se révé­lant ain­si cet homme tout d’une pièce qui ne pou­vait sup­por­ter nulle hypo­cri­sie, nulle mondanité.

Nommé dès 1945 cha­pe­lain de l’Ordre de Malte, il par­tit pour Haïti, où il fit fonc­tion de vicaire géné­ral, mais où le cli­mat ravi­va cruel­le­ment ses rhu­ma­tismes. A son retour en France, les auto­ri­tés ecclé­sias­tiques ne se mon­trèrent guère pres­sées d’at­tri­buer de nou­velles fonc­tions à ce pour­fen­deur de toute com­pro­mis­sion. Finalement, en 1961, il fut nom­mé aumô­nier de l’hô­pi­tal Laënnec à Paris. C’est de là que devait par­tir le com­bat – et aus­si le cal­vaire – qui cou­ron­nèrent les vingt der­nières années de sa vie, car il vou­lut être fidèle envers et contre tout (et contre tous…) aux pro­messes de son bap­tême et de son ordi­na­tion. La messe catho­lique codi­fiée par saint Pie V, Mgr Ducaud-​Bourget la vivait inten­sé­ment, et il faut avoir lu son long poème Oblation, paru en 1933, réédi­té en 1976, pour sen­tir com­bien il s’im­mo­lait lui-​même en refai­sant « ceci » en mémoire de Notre Seigneur Jésus-​Christ ! Dès lors la vie de ce vieil homme frêle et tenace allait être une véri­table « oblation ». 

On se sou­vient des étapes de ce com­bat : l’ex­pul­sion de Laënnec, la messe deve­nue nomade, errant de salle en salle, notam­ment à Wagram où se pres­saient des foules tou­jours plus nom­breuses. Finalement, ce fut, le dimanche 27 février 1977, avec l’aide de M. l’ab­bé Coache et de M. l’ab­bé Serralda, la prise – ou plu­tôt la libé­ra­tion – de Saint-​Nicolas-​du-​Chardonnet, où le nou­veau rite n’at­ti­rait pas plus de qua­rante per­sonnes. Dès lors ce fut chaque dimanche une affluence inouïe dans cette église du Ve arron­dis­se­ment où se garde le sou­ve­nir des mar­tyrs de la Révolution. Il faut rap­pe­ler que le Saint-​Sacrement fut alors la meilleure « force de dis­sua­sion » contre ceux qui s’essoufflèrent très vite à contes­ter le droit des fidèles de prier dans une église comme l’Église a tou­jours prié.

Durant toutes ces années d’une lutte vic­to­rieuse, Mgr Ducaud-​Bourget incar­nait la véri­table ver­tu de force, ancrée dans une foi à ren­ver­ser les mon­tagnes. Il fal­lait le voir, tou­jours tran­quille, fumant sa pipe, tan­dis que les puis­sances de ce monde se déchaî­naient contre lui ; son sens de l’hu­mour lui per­met­tait de « lais­ser braire » et de remettre chaque cuistre à sa place.

Et, avec cela, quelle sen­si­bi­li­té chez ce poète cou­ron­né par l’Académie fran­çaise, loué même par L’Osservatore Romano, et qui reçut en 1982 le prix Pascal Bonnetti : « Je suis tué, mort de dégoût, par la sot­tise et par l’ordure » disait-​il, employant même les mots les plus crus pour dénon­cer la maf­fia infes­tée par l’es­prit révo­lu­tion­naire. Il vivait déjà de la vie de l’au-​delà, et, […] nous l’i­ma­gi­nons volon­tiers, comme il le pré­voyait lui-​même, rire avec les séra­phins et faire « des niches aux saints ». Car la grande leçon qui jaillis­sait de sa vie, de son œuvre et de ses ser­mons, était que la sain­te­té n’est pas triste, qu’elle peut se dire et se vivre avec les mots de tous les jours, en accom­plis­sant tout sim­ple­ment son devoir, quoi qu’il en coûte, mais sans bigo­te­rie, sans faire des manières et sans jouer les « gens sérieux ».

Source : Michel Fromentoux, Mgr Ducaud-​Bourget où la véri­table force tran­quille, revue Fideliter n° 99 de mai-​juin 1994.

Défenseur de la Foi

Défenseur de la Messe de toujours

Une affiche de Mgr Ducaud-​Bourget (novembre 1977)

Libérateur de Saint-​Nicolas-​du-​Chardonnet (1977)

Défenseur de Mgr Lefebvre

Galerie

Poète

La prière des ânes

Donnez-​nous, Seigneur, de gar­der les pieds sur terre
et les oreilles dres­sées vers le ciel
pour ne rien perdre de votre parole.

Donnez-​nous, Seigneur, un dos cou­ra­geux
pour sup­por­ter les hommes les plus insupportables !

Et un gosier héroï­que­ment fidèle à son vœu
de ne pas boire quand il a soif. 

Donnez-​nous d’a­van­cer tout droit en mépri­sant
les caresses flat­teuses autant que les coups de bâton.

Donnez-​nous d’être supé­rieur aux injures et à l’in­gra­ti­tude,
car c’est la seule supé­rio­ri­té que nous ambitionnons.

Nous ne vous deman­dons pas de nous faire évi­ter toutes les sot­tises, car Aristote dit qu‘un âne fera tou­jours des âneries.

Donnez-​nous seule­ment de ne jamais déses­pé­rer de la Miséricorde
si gra­cieuse pour les ânes si dis­gra­cieux
à ce que disent les pauvres humains qui n’ont rien com­pris
aux ânes ni à vous, mon Dieu qui avez fui en Egypte avec un de nos frères
et qui avez fait votre entrée pro­phé­tique à Jérusalem
sur le dos d’un des nôtres.

Ainsi soit-​il !

Mgr Lefebvre rend hommage à son ami

Ecône, le 14 juin 1984.

HOMMAGE A LA MÉMOIRE DU CHER ET VÉNÉRÉ
Mgr DUCAUD-​BOURGET

« Defunctus adhuc loqui­tur. »
Oui ! en véri­té, Mgr Ducaud-​Bourget nous parle encore, par sa pré­di­ca­tion inou­bliable, par ses œuvres lit­té­raires et poé­tiques où trans­pa­raît tou­jours un vigou­reux sens com­mun des tristes réa­li­tés de ce monde, mais aus­si une vision constante des réa­li­tés éter­nelles et cela dans un style vrai­ment per­son­nel.
Et c’est dans ce style qu’il a fus­ti­gé les erreurs répan­dues dans le milieu clé­ri­cal et qu’il a mani­fes­té son atta­che­ment indé­fec­tible à l’Eglise et à sa Tradition.
Mais son grand mérite est d’a­voir, mal­gré la per­sé­cu­tion, main­te­nu fer­me­ment la Liturgie tra­di­tion­nelle et ain­si d’avoir pro­cu­ré à des mil­liers d’âmes les grâces qui en découlent. Le suc­cès de son apos­to­lat a été tel que la Providence lui a pro­cu­ré l’ad­mi­rable Eglise de Saint-​Nicolas-​du-​Chardonnet, désor­mais célèbre dans le monde entier.
L’Eglise catho­lique en France peut l’inscrire à la suite de ses prêtres les plus célèbres, les plus fidèles et les plus zélés.
Prions, afin que les œuvres du cher défunt qui le suivent lui obtiennent le repos éter­nel et la lumière per­pé­tuelle.
« Requiem aeter­nam dona ei, Domine, et lux per­pé­tua luceat ei. Amen. »
+ Marcel LEFEBVRE.

Mgr Ducaud-​Bourget (1897–1984) en bref

Mercredi 24 novembre 1897Naissance à Bordeaux.
1905–1914Etudes à Bordeaux (école des frères des Ecoles chré­tiennes et Ecole supé­rieure de commerce).
1914Brancardier volon­taire à Bordeaux.
1916Stagiaire à la Banque de France à Boulogne.
1917Soldat au 7e régi­ment d’infanterie colo­niale à Bordeaux, déta­ché à la Trésorerie de Bordeaux.
1918« Guerre des Balkans ».
1919Séminariste à Saint-​Sulpice à Paris.
28 juin 1924Ordination.
1924Vicaire à Sainte-​Thérèse de Boulogne.
1926Vicaire à Thiais.
1929Vicaire à Saint-​Ambroise de Paris.
1935Vicaire à Saint-Thomas‑d’Aquin de Paris.
1939Vicaire à Saint-Louis‑d’Antin de Paris.
1939Prix Hérédia de l’Académie française.
1939Engagement dans « les Foyers du soldat ».
1940Retour à Saint-Louis‑d’Antin.
1942Résistance.
1942Prix Davaine de l’Académie française.
Décembre 1944Deuxième vicaire fai­sant office de pre­mier à Saint-Germain‑l’Auxerrois.
1948Prix Saint-​Cricq-​Théis de l’Académie française.
Novembre 1950Congé de trois ans à sa requête.
1954Désigné cha­pe­lain d’obédience magis­trale ad hono­rem de l’Ordre de Malte.
1959Vicaire à la cathé­drale de Port-​au-​Prince en Haïti.
1960Rome.
1961/​1971Aumônier à l’hôpital Laënnec à Paris.
27 février 1977Prise de Saint-​Nicolas-​du-​Chardonnet à Paris.
18 juin 1982Prix Pascal Bonetti.
12 juin 1984Mort à Saint-​Cloud. Inhumé en l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet.

Né à Bordeaux le 24 novembre 1897, il fut ordon­né prêtre en 1924. Sa nomi­na­tion en 1945 comme Chapelain de l’Ordre de Malte lui confé­ra la titre de Monseigneur. En 1961, il fut nom­mé aumô­nier de l’Hopital Laennec. Refusant la nou­velle messe dès 1969, il vit rapi­de­ment un afflux consi­dé­rable de fidèles dans la cha­pelle. Sur pres­sion de l’ar­che­vê­ché de Paris, il fut mis à la retraite à l’âge de 74 ans. Il déci­da de pour­suivre son apos­to­lat en célé­brant la messe dans des salles louées, en par­ti­cu­lier Salle Wagram, jus­qu’à ce qu’il s’ins­talle le 22 février 1977 à l’é­glise Saint-​Nicolas-​du-​Chardonnet. Son corps y est inhu­mé depuis son rap­pel à Dieu le 12 juin 1984. Ce pré­lat était aus­si un excellent poète, il a écrit plu­sieurs recueils en vers.