On ne peut dissocier la Vierge du Rédempteur sans mutiler l’œuvre de Dieu.
Où est l’amour de la vérité, où est la fidélité au Calvaire ? C’est avec une profonde affliction, d’une sainte indignation, que nous lisons le document Mater Populi Fidelis du Dicastère pour la doctrine de la foi (DDF). Ce texte, qui se prétend un éclaircissement, s’attaque en réalité à la Très Sainte Vierge, à notre Mère, en lui refusant des titres qui lui ont été décernés par la Foi, par toute la Tradition de l’Église, et sanctionnés par l’enseignement constant de plusieurs papes. Sous couvert de « fidélité » et d”« œcuménisme », il œuvre à l’amoindrissement de la Mère de Dieu.
Des sophismes insoutenables
Le cardinal préfet du DDF justifie la mise à l’écart des titres glorieux de Co-Rédemptrice et de Médiatrice universelle des grâces par trois arguments que l’on doit sévèrement dénoncer.
- 1. L’atteinte à l’unique médiation du Christ :
L’argument principal est que le titre de Co-Rédemptrice pourrait sembler porter atteinte au dogme fondamental qu”« Il y a un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus. » [1] Leur crainte est que le terme Co-Rédemptrice soit interprété comme une égalité de pouvoir ou de dignité entre Marie et le Christ. Mais c’est ignorer profondément la doctrine catholique ! La foi affirme sans hésiter que seul le Christ sauve, mais elle enseigne aussi que Dieu a voulu associer une créature à l’offrande rédemptrice du Christ. Marie ne coopère pas par puissance personnelle et indépendamment du Christ ; mais par amour et offrande. La théologie a toujours précisé que son mérite est de convenance (de congruo) et non de justice (de condigno) comme celui du Sauveur. Elle obtient « en convenance ce que Jésus obtient en justice » (St Pie X), avec une efficacité subordonnée, mais universelle. Loin de rivaliser, Marie est l’associée dont l’action est condition sine qua non de ce rachat.
- 2. L’inopportunité et la complexité dogmatique :
Le DDF affirme l’inopportunité des titres, car ils seraient trop difficiles à comprendre pour le Peuple de Dieu :
Lorsqu’une expression nécessite des explications nombreuses et constantes, afin d’éviter qu’elle ne s’écarte d’un sens correct, elle ne rend pas service à la foi du Peuple de Dieu et devient gênante.
Cet argument, nouveau dans l’histoire de la théologie, est aussi un aveu de paresse pastorale ! S’il faut exclure de l’enseignement de l’Église les expressions susceptibles d’interprétations fausses, alors la prédication se réduirait à peu de choses. La Sainte Écriture est révélée par Dieu. Et pourtant elle comprend nombres de passages difficiles à comprendre. Même saint Pierre dit que les textes de saint Paul contiennent des passages obscurs : « ainsi que notre bien-aimé frère Paul vous l’a écrit, selon la sagesse qui lui a été donnée. C’est ce qu’il fait dans toutes les lettres, où il parle de ces choses ; lettres dans lesquelles il y a certains passages difficiles à comprendre, dont les hommes ignorants et mal affermis tordent le sens, pour leur propre ruine. » (2 Pie 3, 15–16). Avec cet argument du DDF il faudrait alors censurer la Bible ! Au contraire, l’Église n’a jamais eu peur et a toujours enseigné la vérité dans toute sa complexité lumineuse, sans la ramoindrir par simplification trop humaine. Elle a les paroles de la Vie éternelle, celles du Verbe de Dieu ; et ne se soucie pas des paroles de la prudence humaine, trop humaine.
- 3. La gêne œcuménique :
L”« effort œcuménique particulier » est le moteur de cette amputation mariale. Il est clairement exposé que « le rejet des titres de la Sainte Vierge… trouve son origine dans l’œcuménisme. » La dévotion mariale, pour être comprise et enseignée, doit-elle regarder vers les erreurs, les hérésies et les impiétés des non-catholiques ? L’idée que la vérité doive être minimisée pour plaire aux autres est une rupture tragique avec la tradition. C’est aussi une injure cinglante lancée à la face des protestants que l’on juge incapables de recevoir la doctrine catholique dans toute sa plénitude. Ce texte veut nous faire remplacer des glorieux titres par des appellations plus tièdes comme « Mère du Peuple fidèle », qui écartent les précisions refusées par les non-catholiques et conviennent même aux musulmans. On sacrifie les gloires de Marie sur l’autel d’un faux œcuménisme !
Au fond du problème : la Rédemption mal comprise
La véritable critique est d’ordre doctrinal : en s’attaquant à Marie Co-Rédemptrice, on révèle une profonde incompréhension du mystère de la Rédemption elle-même.
Méconnaître Marie, c’est méconnaître le Christ :
La pleine compréhension du mystère du Christ entraîne la pleine compréhension de la place de Marie dans l’œuvre du salut. La véritable piété mariale jaillit de la contemplation de l’Incarnation et du Calvaire. Lorsque le DDF met au conditionnel la valeur méritoire de la compassion de Notre Dame et escamote sa portée universelle, il ne fait que caricaturer les enseignements traditionnels. Le mystère de Marie est inséparable de celui de son Fils : c’est l’Incarnation qui établit le Médiateur, et la Passion qui réalise sa médiation, avec la participation de Marie par sa compassion. On ne peut dissocier la Vierge du Rédempteur sans mutiler l’œuvre de Dieu.
La méconnaissance du sacrifice de la Messe :
De même que ces courants modernistes peinent à saisir et à enseigner que la sainte Messe est un vrai sacrifice — le renouvellement non sanglant du Sacrifice du Christ sur la Croix — de même ils ne peuvent saisir la part qu’y prend Marie. Le Christ est Prêtre et Victime ; Marie, en tant que Co-Rédemptrice, s’unit à Lui. Le Cœur de la Mère s’offre avec le Cœur du Fils. Si l’on ne voit plus l’immolation du Fils de Dieu, comment peut-on comprendre l’immolation du droit de la Mère sur son Fils pour le salut de l’humanité, tel que l’a enseigné Benoît XV ?
Un pseudo-magistère partial et tronqué :
L’article du DDF s’appuie sur une quantité de références au magistère postconciliaire. Or, l’importance de la Co-Rédemption s’était solidement établie depuis plusieurs siècles dans la pensée théologique. On constate et on déplore l’absence ou la quasi-absence des grands noms des théologiens mariaux : saint Louis-Marie Grignon de Montfort et saint Alphonse de Liguori ne sont mêmes pas nommés ; à peine est-il fait mention de saint Bernard. On voit bien là qu’il n’y a pas d’exposé de la Tradition de l’Église, mais une lecture sélective qui cherche à justifier un a priori minimaliste et œcuméniste.
La contradiction d’un faux féminisme :
Enfin, il faut dénoncer la flagrante contradiction qui réside dans l’air du temps. Ceux-là mêmes qui célèbrent l’égalité entre hommes et femmes, qui placent des femmes à la tête de dicastères, retirent à la Vierge Marie, la plus grande de toutes les femmes, la dignité unique que Dieu lui a conférée ! La Rédemption a été l’œuvre de tout l’homme pour relever tout l’homme. L’Église, en retirant à Marie ses titres de Co-Rédemptrice et de Médiatrice, prive la femme d’un de ses plus grands titres de gloire dans l’histoire du salut.
Notre profession de Marie Co-Rédemptrice et Médiatrice n’est pas une simple thèse ni un objet de débat. Mais, c’est un acte de foi et d’amour, un baiser de reconnaissance déposé sur la main de la Mère qui a tout souffert pour nous. Engageons-nous à chérir, à proclamer et à défendre notre Mère du Ciel, celle seule qui nous fera connaître pleinement Notre-Seigneur Jésus-Christ.
- 1 Tm 2, 5[↩]









