Lettre de Mgr Bux à Mgr Fellay et aux prêtres de la FSSPX du 19 mars 2012

Bien chers Frères,

La fra­ter­ni­té chré­tienne est plus forte que la chair et que le sang parce qu’elle nous offre, grâce à la divine Eucharistie, un avant-​goût du paradis.

Le Christ nous a invi­tés à faire l’ex­pé­rience de la com­mu­nion, c’est en cela que consiste notre « je ». La com­mu­nion, c’est esti­mer a prio­ri son pro­chain, parce que nous avons en com­mun avec lui l’u­nique Sauveur. De ce fait, la com­mu­nion est prête à tout sacri­fice au nom de l’u­ni­té ; et cette uni­té doit être visible, comme nous l’en­seigne l’ul­time invo­ca­tion de la prière adres­sée par Notre Seigneur à son Père – « ut unum sint, ut cre­dat mun­dus » –, parce qu’elle est le témoi­gnage déci­sif des amis du Christ.

Il est indé­niable que de nom­breux faits du concile Vatican II et de la période qui l’a sui­vi, liés à la dimen­sion humaine de cet évé­ne­ment, ont repré­sen­té de vraies cala­mi­tés et cau­sé de vives dou­leurs à de grands hommes d’Église. Mais Dieu ne per­met pas que Sa Sainte Église puisse en arri­ver à l’autodestruction.

Nous ne pou­vons pas consi­dé­rer la dure­té du fac­teur humain sans avoir confiance dans le fac­teur divin, c’est-​à-​dire dans la Providence qui, tout en res­pec­tant la liber­té humaine, guide l’his­toire, et en par­ti­cu­lier l’his­toire de l’Église.

L’Église est à la fois ins­ti­tu­tion divine, divi­ne­ment garan­tie, et pro­duit des hommes. L’aspect divin ne nuit pas à celui humain – per­son­na­li­té et liber­té – et ne l’in­hibe pas néces­sai­re­ment ; l’as­pect humain, demeu­rant entier, et même com­pro­met­tant, ne nuit jamais à celui divin.

Pour des rai­sons de Foi, mais aus­si en rai­son des confir­ma­tions, même lentes, que nous obser­vons au plan his­to­rique, nous croyons que Dieu a pré­pa­ré et conti­nue de pré­pa­rer au fil de ces années des hommes dignes de remé­dier aux erreurs et aux aban­dons que nous déplo­rons tous. Déjà appa­raissent, et appa­raî­tront tou­jours plus, de saintes œuvres iso­lées les unes des autres mais qu’une stra­té­gie divine relie à dis­tance et dont l’ac­tion consti­tue un des­sein ordon­né, comme cela sur­vint mira­cu­leu­se­ment à l’é­poque de la dou­lou­reuse révolte de Luther.

Ces inter­ven­tions divines semblent se mul­ti­plier à mesure que les faits se com­pliquent. L’avenir le démon­tre­ra, comme nous en sommes convain­cus, et déjà semble poindre l’aurore.

Pendant quelques ins­tants, l’au­rore, incer­taine, lutte avec les ténèbres, lentes à se reti­rer, mais quand elle pointe on sait que le soleil est là et qu’il pour­suit imman­qua­ble­ment sa course dans les cieux.

Avec sainte Catherine de Sienne, nous vou­lons vous dire : « Venez à Rome en toute sécu­ri­té », auprès de la mai­son du Père com­mun qui nous a été don­né comme prin­cipe et fon­de­ment visibles et per­pé­tuels de l’u­ni­té catholique.

Venez prendre part à cet ave­nir béni dont on entre­voit déjà, en dépit des ténèbres per­sis­tantes, l’aurore.

Votre refus aug­men­te­rait les ténèbres et non la lumière. Or nom­breux sont les éclairs de lumière que nous admi­rons déjà, à com­men­cer par ceux de la grande res­tau­ra­tion litur­gique opé­rée par le motu pro­prio Summorum Pontificum. Celle-​ci sus­cite dans le monde entier un large mou­ve­ment d’adhé­sion de la part de tous ceux, et notam­ment les jeunes, qui entendent magni­fier le culte du Seigneur.

Comment ne pas consi­dé­rer en outre les autres gestes concrets et char­gés de signi­fi­ca­tion du Saint Père, comme la levée des excom­mu­ni­ca­tions aux évêques ordon­nés par Mgr Lefebvre, l’ou­ver­ture d’un débat public sur l’in­ter­pré­ta­tion du concile Vatican II à la lumière de la Tradition et, à cet effet, le renou­vel­le­ment de la Commission Ecclesia Dei ?

Il demeure cer­tai­ne­ment des per­plexi­tés, des points à appro­fon­dir ou à pré­ci­ser, comme celui de l’œ­cu­mé­nisme et du dia­logue inter­re­li­gieux (qui a d’ailleurs déjà fait l’ob­jet d’une impor­tante cla­ri­fi­ca­tion appor­tée par la décla­ra­tion Dominus Jesus de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi du 6 août 2000) ou celui de la manière dont est com­prise la liber­té religieuse.

Sur ces thèmes aus­si, votre pré­sence cano­ni­que­ment garan­tie dans l’Église aide­ra à plus de lumière.

Comment ne pas son­ger à la contri­bu­tion que vous pour­rez appor­ter, grâce à vos res­sources pas­to­rales et doc­tri­nales, à votre capa­ci­té et votre sen­si­bi­li­té, au bien de toute l’Église ?

Voici le moment oppor­tun, l’heure favo­rable pour reve­nir. Timete Dominum tran­seun­tem : ne lais­sez pas pas­ser l’oc­ca­sion de grâce que le Seigneur vous offre, ne la lais­sez pas pas­ser à côté de vous sans la reconnaître.

Le Seigneur en concèdera-​t-​il une autre ?

Ne devrons-​nous pas com­pa­raître tous un jour devant Son Tribunal et répondre non seule­ment du mal com­mis mais sur­tout de tout le bien que nous aurions pu faire et que nous n’a­vons pas accompli ?

Le cœur du Saint Père fré­mit : il vous attend avec anxié­té parce qu’il vous aime, parce que l’Église a besoin de vous pour une pro­fes­sion de foi com­mune face à un monde tou­jours plus sécu­la­ri­sé et qui semble tour­ner irré­mé­dia­ble­ment le dos à son Créateur et Sauveur.

Dans la pleine com­mu­nion ecclé­siale avec la grande famille que consti­tue l’Église catho­lique, votre voix ne sera pas étouf­fée, votre enga­ge­ment ne sera ni négli­geable ni négli­gé mais pour­ra don­ner, avec celui de tant d’autres, des fruits abon­dants qui demeu­re­raient autre­ment gâchés.

L’Immaculée nous enseigne que trop de grâces viennent per­dues parce qu’elles ne sont pas deman­dées : nous sommes convain­cus qu’en répon­dant favo­ra­ble­ment à l’offre du Saint Père, la Fraternité sacer­do­tale saint Pie X devien­dra un ins­tru­ment pour allu­mer de nou­veaux rayons aux doigts de notre Mère céleste.

En ce jour qui lui est dédié, que saint Joseph, époux de la Bienheureuse Vierge Marie, Patron de l’Église uni­ver­selle, veuille ins­pi­rer et sou­te­nir vos réso­lu­tions : « Venez à Rome en toute sécurité ».

Mgr Nicolas Bux