Le cardinal Mercier fut l’ardent propagateur de la dévotion à la Très Sainte Vierge Marie sous le vocable de Marie Médiatrice. Voici les principales étapes qui ont conduit à l’approbation de son culte[1].
Tout commence en 1906 : une religieuse carmélite, Mère Madeleine de Jésus[2], prieure du Carmel d’Argenteuil près de Waterloo (Belgique), a des révélations qui manifestent le désir de Dieu quant à la glorification de Notre-Dame par la définition dogmatique de sa Médiation universelle. Un échange de lettres s’établit alors entre la sœur et le cardinal Mercier. Cette expérience mystique marque le prélat qui s’engage alors à « penser à la chose ». Il s’entretient à ce sujet avec saint Pie X.
Premières étapes
En 1914, le cardinal prêche une retraite à ses prêtres sur Marie, Mère de l’Église : il évoque alors la Médiation de Marie pour le genre humain, et se prononce en faveur du dogme.
Un certain nombre d’évènements marquent l’année1915. Le cardinal publie une lettre pastorale sur « La dévotion au Christ et à Marie, sa Mère et notre Mère ». Il y mentionne la définition à promouvoir et formule une prière indulgenciée : « Marie Mère du Christ, Marie Mère de l’Église, Marie Médiatrice universelle du genre humain, priez pour nous ». C’est à cette époque qu’il approuve une association de prières au Séminaire de Malines, la Société des serviteurs de Marie Médiatrice. Il fait également le vœu privé de faire en sorte d’obtenir du Saint-Siège la fête liturgique de Marie Médiatrice de toutes grâces. De plus, il envoie à tous les religieux une circulaire, et à tous les supérieurs religieux de Belgique une pétition en faveur du dogme de Marie Médiatrice. Le clergé de Malines, de son côté, envoie au pape une demande concernant la proclamation dogmatique, la fête de Marie Médiatrice, et l’insertion de ce vocable dans les Litanies de la Sainte Vierge.
Le 27 août de la même année, une demande est envoyée au pape Benoît XV. La faculté de théologie de l’Université catholique de Louvain en adresse également une, le 9 novembre 1915.
Les étapes se succèdent. Le 16 janvier 1916, le cardinal a une audience avec le pape Benoît XV. Le 8 septembre 1918, il publie sa lettre pastorale Hommage à Marie Médiatrice. Le 31 mai 1919, Mère Madeleine de Jésus écrit à Benoît XV. Le 8 avril 1920, une requête est envoyée à Rome pour demander la fête liturgique de Marie Médiatrice.
L’approbation
Quelques mois plus tard, le 12 janvier 1921, la Congrégation des rites donne son approbation. Le cardinal Mercier écrit ensuite à tous les cardinaux et évêques du monde pour les encourager à demander cette fête pour leur diocèse. Le 15 mai, le cardinal publie une lettre pastorale pour l’introduction de la fête de Marie Médiatrice dans son diocèse. La fête, fixée au 31 mai,[3] est accordée aux diocèses qui en font la demande. En un an, 450 diocèses, soit un tiers de l’épiscopat, obtiennent cette grâce. À la veille de Vatican II, la fête est célébrée presque partout…
Par la suite, l’action en faveur de Marie Médiatrice se poursuit. En mars 1921, les montfortains fondent le Couvent Marie-Médiatrice à Louvain. Le 18 avril 1921, une Commission épiscopale étudie la question de cette définition dogmatique à laquelle Benoît XV est favorable. En septembre 1921, au Congrès marial de Bruxelles, Mgr Mercier encourage les efforts en faveur du nouveau dogme. Le 6 février 1922, le pape Pie XI est élu : il s’entretient avec le cardinal de cette question. D’autres relations orales et épistolaires suivront : en novembre 1922, en avril 1923, en novembre et décembre 1924, en mai 1925. Le cardinal entretient des relations en faveur du dogme avec l’épiscopat allemand. En 1922, le premier sanctuaire dédié à Marie Médiatrice est consacré. Le Père Bover, s.j.,demande la rédaction d’un catéchisme populaire sur la Médiation universelle de Marie. Le 25 décembre 1922, une commission papale est nommée en Belgique. Le cardinal participe à ses travaux. Une commission semblable est nommée en Espagne et à Rome.
Le 6 janvier 1923, Mgr Mercier publie la pastorale « Magnificat » dans laquelle il écrit : « Jamais de toute ma vie je n’avais ressenti une telle joie spirituelle. » Le 23 janvier 1926, il rend son âme à Dieu.
Lien avec la canonisation de saint Louis-Marie Grignon de Montfort
Le 16 août 1924, le cardinal Mercier participait au Congrès marial d’Anvers. Venu là malgré son état de souffrance, il déclara,à une assemblée nombreuse et distinguée dans laquelle on remarquait évêques, abbés mitrés, ministres d’État et autres dignitaires : « Je suis venu pour vous demander un service : c’est de vouloir pratiquer et répandre la vraie dévotion à la Sainte Vierge d’après le bienheureux Grignion de Montfort ».
À cette occasion, le prélat a établi le lien qui existe entre le saint Esclavage et la Médiation universelle de Notre-Dame. Selon lui, la vraie dévotion à Marie est le moyen pratique de vivre le dogme de Marie Médiatrice. Ce discours d’Anvers sera repris dans sa lettre pastorale sur la Médiation universelle de Marie et la vraie dévotion selon l’esprit du bienheureux Louis-Marie Grignion de Montfort ».
Le 23 janvier 1925, le cardinal rédigeait une prière indulgenciée pour demander la canonisation du bienheureux Louis-Marie Grignion de Montfort et pour la définition dogmatique de la Médiation universelle. Le cardinal avait lancé, à cette occasion, cet appel : « Nous invitons les fidèles, et surtout les âmes consacrées, à réciter cette prière pour obtenir du Ciel la proclamation dogmatique de la Médiation universelle de Marie et la canonisation de son grand apôtre. Qu’on ne craigne pas de solliciter de ce puissant bienheureux les plus signalées faveurs, car la très sainte Vierge tiendra à récompenser la confiance que l’on aura mise dans le crédit auprès d’Elle de son si fidèle esclave d’amour. Cette prière, à l’heure actuelle, a déjà recueilli les approbations de dix cardinaux et de plus de trois cents évêques ».
En 1926, quand le cardinal meurt, plus de 400 signatures d’évêques en faveur de cette requête lui sont parvenues, et l’un des premiers à le soutenir fut le nonce du pape à Munich (le futur Pie XII). La canonisation a été célébrée le 20 juillet 1947 par Pie XII, mais la définition dogmatique n’a jamais été obtenue. Le cardinal Mercier se consolait d’avoir obtenu la Messe de Marie Médiatrice, car la liturgie est maîtresse de foi : Lex orandi, Lex credendi !
Abbé Guy Castelain
Source : Bulletin de la Confrérie Marie Reine des Cœurs n° 188