Pie XI

259ᵉ pape ; de 1922 à 1939

18 décembre 1938

Discours à l'Académie Pontificale des Sciences

Prononcé à la séance inaugurale de la troisième année de l'Académie pontificale des sciences

L’inauguration de la troi­sième année de l’Académie pon­ti­fi­cale des sciences eut lieu le dimanche 18 décembre 1938. Après la lec­ture, par le R. P. Gemelli, pré­sident de l’Académie pon­ti­fi­cale des sciences, du rap­port sur la deuxième année d’activité de ladite Académie, le Saint-​Père, sans vou­loir embrouiller le dérou­le­ment de la séance, tint à expri­mer tout de suite sa vive recon­nais­sance pour avoir été appe­lé à par­ti­ci­per à une aus­si belle assem­blée. Il s’empressa de renou­ve­ler ses plus cor­diales féli­ci­ta­tions au Dr Heymans, de l’Université de Gand, titu­laire du prix actuel de Biologie. Après lui avoir déjà mani­fes­té sa com­plai­sance en lui remet­tant lui-​même le prix. Sa Sainteté dési­ra ensuite sou­li­gner com­bien il était sen­sible à cette filiale atten­tion de déci­der que le pro­chain prix serait attri­bué à des études d’astronomie aux­quelles il avait consa­cré et consa­crait des soins tout spé­ciaux, et aus­si parce que « coe­li enar­rant glo­riam Dei, les cieux chantent la gloire de Dieu ». En fait, par­mi les sciences, l’astronomie n’est pas la der­nière à méri­ter l’attention du Pape, et cela pré­ci­sé­ment dans l’intérêt – si l’on peut employer cette expres­sion cou­rante – de la gloire de Dieu. Enfin, le Saint-​Père vou­lut ajou­ter à tout ce qui avait été dit une note négli­gée par son cher P. Gemelli : à savoir l’importante contri­bu­tion que le Père rec­teur lui-​même a don­née et donne aux études de bio­lo­gie ; contri­bu­tion faite d’études et de fatigues, dignes de la plus haute men­tion, ain­si que des suc­cès obte­nus par lui dans ce champ du savoir.

(Les aca­dé­mi­ciens Giordani et Toniolo rap­pe­lèrent ensuite la mémoire de leurs deux col­lègues défunts : Nicolas Parravano et Filippo de Filippi, rele­vant les mérites de ces deux regret­tés professeurs.)

Le Saint-​Père tint à mettre en relief ces belles, ces hautes commémo­rations qui, pour lui, autant pour le pré­sent que pour un pas­sé déjà loin­tain, revê­tait une valeur spé­ciale, et le repré­sentent aus­si dans ce der­nier frag­ment de sa vieille vie, puisque spé­cia­le­ment l’œuvre du grand dis­pa­ru, ami de la mon­tagne et de la science, lui rap­pelle que réel­le­ment la mon­tagne doit être vue avec cet œil et ce regard par les­quels la voyait de Filippi : c’est-à-dire comme une grande œuvre de la créa­tion, du Créateur, comme une des grandes révé­la­tions du créé et de la sagesse du Créateur L’auguste Pontife vou­lut donc rap­pe­ler cette grande et belle figure, évo­quant aus­si ces écrits qui don­nèrent au Pape de vraies jouis­sances spi­ri­tuelles, et furent, d’une cer­taine façon, une leçon non inutile de cet alpi­nisme qui ne veut pas être seule­ment un alpi­nisme de casse-​cou, mais plu­tôt une étude spé­ciale d’une œuvre si spé­ciale de la main divine.

Sa Sainteté renou­ve­la donc ses féli­ci­ta­tions pour tout ce qui avait été dit, soit au pro­fes­seur Giordani en qui le regret­té pro­fes­seur Parravano avait trou­vé un pané­gy­riste aimant et illustre, soit à celui qui s’était adres­sé à elle sous le grand et véné­ré nom de son propre père : Giuseppe Toniolo. Ayant ain­si expri­mé son conten­te­ment, le Pape adres­sa ensuite à toute l’assemblée un dis­cours qui est un hymne à la science dans les splen­deurs de Noël.

Le Saint-​Père se pro­po­sait non seule­ment de dire à l’assemblée une parole de béné­dic­tion, mais aus­si d’exprimer un affec­tueux salut, tel qu’on pou­vait l’at­tendre d’un Père qui avait autour de lui des fils si grands et si choi­sis : Eminentissimes car­di­naux repré­sen­tant le Sacré-​Collège et tous autres assis­tants qui lui étaient signa­lés par des titres divers et, pour la plu­part, par un titre par­ti­cu­liè­re­ment cher et esti­mable : Le titre de la science. Cette science devait beau­coup à leurs tra­vaux, mais – il n’hésitait pas à le dire – eux-​mêmes lui devaient beau­coup, ne fût-​ce que pour ces joies pures, dignes, vrai­ment éle­vées, que seule peut don­ner la science, c’est-à-dire l’étude de la véri­té. Et pré­ci­sé­ment cette pen­sée avait pous­sé Sa Sainteté à adres­ser un mot par­ti­cu­lier à ceux qui ont le culte de la science, le culte de cette force (spiri­tuelle) et de cette spécialité.

Nous sommes à une époque, pour­sui­vit le Pape, où il est diffi­cile de se sous­traire à l’influence du temps, « les jours sont mau­vais, dies mali sunt », et pour cela peu propres aux choses sereines. On devait par consé­quent être recon­nais­sants à notre mère et maî­tresse l’Eglise, qui sug­gère et pré­sente quelque chose de par­ti­cu­lier pour cette réunion faite, dirait-​on, pour éclair­cir et adou­cir notre hori­zon spi­ri­tuel ; qui l’a aus­si pré­pa­rée par une heu­reuse com­bi­nai­son de temps et de lieu ; et nous savons qui est Celui qui pré­pare ces coïn­ci­dences. On devrait être recon­nais­sants à l’Eglise de ce que cette réunion avait lieu presque à la fin du saint temps de l’Avent, ce qui veut dire à la veille de la fête de Noël : la grande et chère solen­ni­té, pour tous source de dou­ceur, de joie, d’enseignement. Elle l’est aus­si pour les savants. Le saint Noël, que nous allons célé­brer, est aus­si leur grande fête ; c’est la fête par­ti­cu­lière des adeptes de la science, et, comme telle, le Saint-​Père dési­rait la leur recom­man­der, puisqu’il avait jus­te­ment autour de lui d’illustres dis­ciples de cette science.

Qu’est donc en fait cette science, quel est l’objet de cette science à laquelle ils se consacrent avec tant de suc­cès ? L’objet com­plexe de la science, de toutes les sciences, est la réa­li­té du créé, de l’univers ; soit qu’il s’agisse des pro­fon­deurs du ciel, soit qu’il s’agisse des abîmes marins, des mon­tagnes gigan­tesques, soit qu’il s’agisse des cor­pus­cules invi­sibles et des orga­nismes les plus minus­cules et impal­pables, nous sommes tou­jours dans le cercle du créé, dans le cercle de l’univers. Or, la nais­sance de Jésus-​Christ, comme le rap­pelle l’Eglise dans un rite conti­nu et affec­tueux, est la nais­sance du Verbe divin fait homme et appa­ru par­mi nous : Verbum caro fac­tum est et habi­ta­vit in nobis. Voici donc, comme ces très chers Fils allaient se trou­ver en face du Créateur, ce qui est l’objet de leurs tra­vaux et de leurs sciences. C’est lui qui a pré­pa­ré à tous et à cha­cun d’eux l’objet de leurs études, selon les diverses et minu­tieuses carac­té­ris­tiques des branches par­ti­cu­lières, des dif­fé­rentes disci­plines. De là on peut aper­ce­voir avec quelle oppor­tu­ni­té l’Eglise rap­pelle en ce temps d’une façon par­ti­cu­lière – comme du reste elle le rap­pelle chaque jour dans la sainte litur­gie à tra­vers le monde entier – la fon­da­men­tale et gran­diose véri­té ; cette grande véri­té qui nous revient avec toute sa richesse à l’occasion du mys­tère de Noël. Noël est pro­pre­ment la nais­sance du Verbe incar­né, le Verbe divin dont l’apôtre évan­gé­liste – celui qui fut si bien vu par Dante « un vieillard soli­taire, der­rière tous, venir, comme dor­mant, avec une face per­çante » – a par­lé si objec­tivement, car vrai­ment jamais ne vit aus­si loin œil humain, fer­mé certes à la lumière natu­relle, mais ouvert à la lumière sur­na­tu­relle et divine. L’apôtre Jean a écrit ces mots sur­pre­nants : Au com­men­ce­ment était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu… En lui était la vie. Jamais cer­tai­ne­ment esprit humain ne s’est éle­vé si haut dans la pen­sée ; jamais phrase humaine n’a expri­mé des concepts aus­si éle­vés, parce que, vrai­ment, en face de telles expres­sions, il semble pour ain­si dire que la plus grande par­tie pos­sible du voile est levée sur le mys­tère de la divi­ni­té, sur le mys­tère même de l’essence intime de Dieu.

Au com­men­ce­ment était le Verbe : parole qui exprime tout de suite la pen­sée – et que serait la parole sans la pen­sée ? Nous dis­tin­guons bien le verbe men­tal, le verbe oral, le verbe ver­bal. Au com­men­ce­ment était le Verbe t Le Verbe était dans le sein de la divi­ni­té. Il était lui-​même la divi­ni­té. II pos­sé­dait toute la divi­ni­té, la divi­ni­té pen­sante, la divi­ni­té pen­sée, dirait notre petit et pauvre mode de par­ler. Le Verbe qui dit à Dieu son essence, son être. En lui était la vie, et voi­ci la pro­ces­sion de la vie, de la pen­sée, de l’amour ; voi­ci le Saint-​Esprit : cet Esprit dans lequel, par lequel Dieu, comme dit notre grand poète, « s’aime et se réjouit ».

Ô Lumière éter­nelle qui seule sièges en toi-​même,
Seule te com­prends et es com­prise de toi seule,
Et, te com­pre­nant, tu t’aimes et te réjouis.

Dante, Paradis, XXXIII, v. 124–126

Que Dieu nous accorde à tous de voir quelque chose de si sublimes splen­deurs ! Ô Lumière éter­nelle qui seule sièges en toi-​même ! Le mys­tère va-​t-​il dis­pa­raître devant une telle inon­da­tion de lumière ? Non, le mys­tère demeure ; mais quelle beau­té des choses et com­bien de choses retrouvent ain­si leur place ! Combien d’er­reurs sont ain­si réfu­tées : l’erreur de ceux, par exemple, qui ont dit que Dieu avait eu besoin de créer pour sor­tir de l’épouvantable soli­tude de son éter­ni­té. Il s’agit au contraire d’une très belle éter­ni­té ; le Père, le Verbe, l’Esprit-Saint : une infi­ni­té divine de vie dans une triple infi­ni­té de réa­li­té, de personnalité.

Ceci pou­vait sem­bler une digres­sion ; on était au contraire au cœur du sujet pro­po­sé. Et le Saint-​Père de s’étendre avec com­plaisance, d’un accent aimable. Et le Verbe était Dieu, pour­suivait-​il, et tout a été fait par lui. Tout cet uni­vers a été fait par lui, en lui ; donc, tout a été fait par ce Verbe, expres­sion d’une parole men­tale, d’une pen­sée telle que jamais il n’y eut pen­sée aus­si lumi­neuse, pro­fonde, éten­due. C’est une pen­sée divine, c’est Dieu qui se pense lui-même.

Ô Lumière éter­nelle qui seule sièges en toi-​même.
Seule te com­prends et es com­prise de toi seule,
Et, te com­pre­nant, tu t’aimes et te réjouis.

Tout a été fait par le Verbe, par le grand Ouvrier de l’univers ; rien ne peut être ajou­té en beau­té et en puis­sance à cette expres­sion ; mais aucune autre mer­veille que la parole divine elle-​même, expli­quant l’immense beau­té d’une telle œuvre, dit d’autre part de Dieu : Il a tout fait dans le poids, dans le nombre et dans la mesure. Il nous semble entrer dans un immense labo­ratoire de chi­mie, de phy­sique et d’astronomie ; et bien peu peuvent admi­rer la pro­fonde beau­té de ces mots comme ceux qui font pro­fes­sion de science. Dans le poids : vous pesez les étoiles – expli­quait le Saint-​Père – et faites des cal­culs sur le poids spé­ci­fique des corps et jusque sur les atomes : dans le nombre, vous qui dénom­brez les peti­tesses micro­sco­piques et comp­tez les années de lumières ; dans la mesure, vous qui, comme vous pesez les étoiles, mesu­rez les dis­tances astro­no­miques, les dis­tances océa­niques. Personne mieux que vous ne peut donc com­prendre l’exactitude de ces mots : que tout est fait par Dieu, in pon­dere, nume­ro et mensura.

Puis donc que l’origine du monde est ce Verbe divin, et que par lui tout a été fait – per quem omnia fac­ta sunt, – réflé­chir sur une si grande véri­té ne serait-​il pas digne de la toute spé­ciale, je ne dis pas seule­ment atten­tion, mais véri­table et propre dévo­tion de ceux qui ont le culte de la science ? Il ne suf­fit pas ici de la pié­té com­mune de chaque chré­tien. Non, il faut être savants, c’est-à-dire voir au-​delà de l’écorce maté­rielle des choses ; il faut cela pour s’élever à des hau­teurs incom­pa­rables et s’approcher d’une telle magnificence.

Tout a été fait par lui… En lui était la vie. Cette chose, l’auguste Pontife avait pen­sé pour ces chers Fils qu’il ne leur serait pas désa­gréable de l’entendre ; il l’avait rap­pe­lée, n’aspirant certes pas à don­ner de l’inédit, se réser­vant ain­si de répondre de quelque manière aux choses agréables expri­mées par eux, leur don­nant une pen­sée qui fût adap­tée et pro­por­tion­née à leurs intel­li­gences et trou­vât sa propre place dans leurs occu­pa­tions quo­ti­diennes d’études, dans les­quelles « l’univers se feuillette » en rap­port avec ce Verbe par qui tout a été fait.

Le Saint-​Père vou­lait ensuite rap­pe­ler l’autre parole de l’Ecri­ture qui concerne l’œuvre du Verbe de Dieu à tra­vers tout ce qui a été créé : tout a été fait dans le poids, le nombre et la mesure. Tout le monde créé se fait, dans les mains de Dieu, en poids, mesure et nombre. Tout se réduit à cela, autant pour les plus grands que pour les plus petits ; et, de plus, la Sainte Ecriture a eu soin de nous décrire tout ceci de la façon la plus conso­lante et la plus déli­cieuse. Dans le livre de la Sagesse, on parle encore du Verbe de Dieu qui prend le nom même de la Sagesse divine et qui nous est décrit comme le Verbum men­tis, le Verbe pen­sé, iden­ti­fié avec l’œuvre elle-​même toute-​puissante de la créa­tion, dont la Sagesse elle-​même se com­plaît à exal­ter les incom­pa­rables harmonies.

« Ab æter­no ordi­na­ta sum, de toute éter­ni­té j’ai été ordon­née », de toute éter­ni­té j’ai été consti­tuée, voi­ci la pre­mière ren­contre avec l’expression de Jean : « Au com­men­ce­ment était le Verbe. In prin­ci­pio erat Verbum. »

Page déli­cieuse.

Et ensuite : « Les océans n’existaient pas encore que j’étais déjà engen­drée, Nondum erant abys­si et ego jam concep­ta eram. » La divi­ni­té se pen­sait elle-​même et la divine Sagesse était com­prise et engen­drée. « Necdum fontes aqua­rum eru­pe­rant, et les sources des eaux ne jaillis­saient pas encore » ; « nec­dum montes gra­vi mole consti­te­rant, ni les mon­tagnes ne sur­gis­saient avec leur lourde masse » ; « adhuc ter­ram non fece­rat, et flu­mi­na, et car­dines orbis ter­ras ; il n’avait pas encore fait la terre, ni les fleuves, ni les pôles du monde » ; « avant tous et avant tout, j’existais. »

Après ces pré­misses, le livre saint pour­suit dans un mou­ve­ment qui est à la fois majes­tueuse des­crip­tion et admi­rable poé­sie. Quand la main de Dieu pré­pa­rait toute la créa­tion, moi sa Sagesse j’étais pré­sente. « Quando prae­pa­ra­bat coe­los ade­ram ; quan­do cer­ta lege, et gyro val­la­bat abys­sos ; quand il dis­po­sait les cieux, j’étais pré­sente ; quand il encer­clait les abîmes dans le tour régu­lier de leurs limites » ; « quan­do aethe­ra fir­ma­bat sur­sum, et libra­bat fontes aqua­rum ; quand il fixait les atmo­sphères au-​dessus et pesait les fon­taines des eaux ». « Quando circum­dabat mari ter­mi­num suum, et legem pone­bat aquis, ne tran­sirent fines suos ; quan­do appen­de­bat fun­da­men­ta ter­rae ; quand il mar­quait sa limite autour de la mer et posait aux eaux une loi afin qu’elles ne dépassent point les rives ; quand il jetait les fon­dements de la terre » ; « cum eo eram cunc­ta com­po­nens, j’étais avec lui, dis­po­sant toutes choses ».

A cela cer­tai­ne­ment pen­sait le poète lorsque, com­pa­rant la terre à un navire assu­ré sur ses ancres, il s’écriait :

… Dans les lucides ports des cieux
Que la terre se cache ;
Qu’elle attende sur l’ancre
Le signe divin pour un nou­veau chemin.

Voilà tout ce que le livre saint nous dit sur cette divine Sagesse du Verbe par qui tout a été fait. Comment ne pas s’approcher de cette page ins­pi­rée sans un pro­fond sen­ti­ment d’admiration, d’adoration ? Et ici, qu’on le remarque, il n’est ques­tion que de l’u­ni­vers visible ; il y a en outre l’univers sur­na­tu­rel qui ne se voit pas, mais qui existe avec toutes ses sublimes réa­li­tés ; tou­te­fois, déjà à la simple consi­dé­ra­tion du pre­mier on est por­té spon­ta­né­ment à célé­brer, dans cette alter­na­tive de mort et de vie, les gloires de son Auteur et Créateur, pour atteindre ce but radieux si jus­te­ment évo­qué par le même poète :

Voyants et non voyants, une nuit unique les enve­loppe,
Et d’autres fir­ma­ments sont une aube qui éclaire
Le mys­tère de la créa­tion, et nous éta­blit dans le vrai.

Réalité très conso­lante – expli­quait le Saint-​Père – et qui fait sourdre en notre âme un hymne à la divine Sagesse, au Verbe divin, à cause de ces intimes rela­tions de l’être divin avec l’œuvre divine. In prin­ci­pio erat Verbum… Et Deus erat Verbum… Omnia per Ipsum fac­ta sunt in Ipso vita erat. Quelle lumière à plon­ger son esprit dans de telles pen­sées ! Quelles splen­deurs qui du créé font mon­ter l’âme à des fir­ma­ments plus hauts, plus vastes et incommensurables !

Du reste, le Saint-​Père lui-​même, évo­quant quelque épi­sode de sa jeu­nesse, se plai­sait à rap­pe­ler, lui vieux prêtre et vieil alpi­niste, que c’est au som­met des plus hautes cimes par lui atteintes qu’il a com­pris à fond le sens de tels pas­sages de la Sainte Ecriture. C’est pré­ci­sé­ment à une alti­tude de 4 630 mètres, au milieu d’autres cimes d’à peu près égale hau­teur, que lui appa­rut dans tout son éclat l’image ins­pi­rée du pro­phète Habacuc. En effet, ces hauts som­mets parais­saient, comme des géants, lever les bras au ciel pour sem­bler encore plus grands, encore plus hauts. Dedit abys­sus vocem suam ; alti­tu­do manus suas leva­vit. Mais le Saint-​Père avait vu se véri­fier tout ce que dit le pro­phète, et d’une façon si réelle : des cimes par­mi les plus hautes cimes qui s’élancent comme unies par la vie, d’un élan qui se renou­vel­le­rait tou­jours, vers de nou­veaux som­mets plus hauts, vers les abîmes du ciel.

A ces hautes consi­dé­ra­tions, l’auguste Pontife s’arrêtait avec com­plai­sance, pen­sant que les très chers Fils pré­sents auraient par­ta­gé avec lui le plai­sir spi­ri­tuel qui s’en déga­geait, sou­hai­tant à tous et à cha­cun que le Seigneur mêle à leur vie inté­rieure et scien­ti­fique des rayons abon­dants de cette lumière intel­lec­tuelle pleine d’amour – amour du vrai bien, – pleine de joie – joie qui sur­passe toute douceur.

Il est vrai – repre­nait le Saint-​Père – qu’ici on parle de lumière et d’amour sur­na­tu­rels ; mais il est vrai aus­si qu’on arrive à ces choses en s’arrêtant un peu au concert mer­veilleux de l’u­ni­vers visible. La Sainte Eglise, maî­tresse de foi et de véri­té, nous y invite par­ti­cu­liè­re­ment ; mais c’est pré­ci­sé­ment avec cette foi, avec cette véri­té que l’on peut s’approcher de la lumière infi­nie de Dieu.

Ô Lumière éter­nelle qui seule sièges en toi-​même,
Seule te com­prends et es com­prise de toi seule,
Et, te com­pre­nant, tu t’aimes et te réjouis.

Sur ces pen­sées, Sa Sainteté renou­ve­lait aux membres de l’assemblée le sou­hait d’un saint Noël, autant qu’ils peuvent le goû­ter et autant qu’ils le méritent, sou­hait qu’elle joi­gnait à tous les autres vœux pater­nels qu’elle vou­lait redire pour tous et pour cha­cun, en la pré­sence inef­fable du grand mys­tère de l’Incarnation du Verbe de Dieu, espé­rant que de ce mys­tère se déga­ge­ra et se répan­dra une lumière intense et bien­fai­sante dans toutes les direc­tions dési­rées par les audi­teurs, avec de mul­tiples grâces pour tous ceux et pour tout ce qu’ils por­taient, en ce moment, dans leur pen­sée et dans leur cœur.

Le Saint-​Père don­na ensuite la Bénédiction apos­to­lique aux assistants.

Source : Actes de S. S. Pie XI, tome XVII, pp. 235–247. – Traduit de l’Osservatore Romano, 19–20 décembre 1938..

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