Jean XXII

196e pape ; de 1316 à 1334

18 juillet 1323

Bulle Redemptionem misit

Canonisation de saint Thomas d'Aquin

Table des matières

En 1318, le Pape Jean XXII rece­vait une délé­ga­tion venue sol­li­ci­ter cette cano­ni­sa­tion, envoyée par des princes d’Italie. Il leur décla­rait : « Nous croyons que le Frère Thomas est glo­rieux dans le Ciel car sa vie fut sainte et sa doc­trine n’a pas pu être sans miracle. » [1] Puis lors du consis­toire sui­vant, il décla­rait aux car­di­naux que saint Thomas « a plus illu­mi­né l’Eglise que tous les autres Docteurs ; l’on apprend davan­tage en un an par ses ouvrages que par la doc­trine des autres durant toute la durée d’une vie » [2].

Nous célé­brons cette année le 700e anni­ver­saire de ce docu­ment d’une impor­tance majeure pour l’Eglise, par lequel le Pape Jean XXII, rési­dant à Avignon, cano­ni­sait saint Thomas d’Aquin. Cette cano­ni­sa­tion n’est pas seule­ment impor­tante en ce qui regarde l’exemple don­né par la per­son­na­li­té du saint mais plus encore pour sa doc­trine qui n’a ces­sée d’être une lumière pour l’Eglise tou­jours plus recom­man­dée par les papes.

Jean, évêque,

Serviteur des ser­vi­teurs de Dieu,

A tous les véné­rables frères patriarches, arche­vêques et évêques, ain­si qu’à ses bien-​aimés fils abbés, prieurs, doyens, archi­diacres, archi­prêtres, et autres pré­lats des églises aux­quels la pré­sente lettre par­vien­dra, salut et béné­dic­tion apostolique

Le Seigneur a envoyé la rédemp­tion à son peuple [3], lorsqu’il a conçu le Verbe de Dieu avec la coopé­ra­tion de l’Esprit Saint, dans le sein de la Vierge, chambre nup­tiale mys­té­rieuse, et qu’il s’est fait chair et a habi­té par­mi nous [4], nous ins­trui­sant par sa parole, nous ensei­gnant par son exemple, nous mani­fes­tant les cieux, nous révé­lant ses mys­tères, cor­ro­bo­rant sa doc­trine par les miracles qu’il a accom­plis, confir­mant toutes choses par les témoi­gnages de la Parole Sainte, qui avait annon­cé que ces choses arri­ve­raient ; Enfin, s’offrant à Dieu son Père sur l’autel de la Croix comme une vic­time d’agréable odeur [5], il a lavé nos péchés de son Sang sacré [6], il est des­cen­du aux enfers et leur a arra­ché son butin, il est res­sus­ci­té des morts le troi­sième jour [7], il est appa­ru qua­rante jours à ses dis­ciples et a par­lé du Royaume de Dieu [8], il est mon­té au ciel sous les yeux admi­ra­tifs de ses dis­ciples [9], il a conduit des cap­tifs et a fait des dons aux hommes [10]. Il leur a fait savoir que la porte du Paradis, jusqu’alors fer­mée, était enfin ouverte dans le ciel à ceux qui croyaient en Lui. Le ciel est donc ouvert aux fidèles, aux humbles, et sur­tout à ceux qui se sont volon­tai­re­ment consa­crés, par le vœu de chas­te­té, de pau­vre­té et d’obéissance, à Dieu de qui les insen­sés se sont détour­nés. Le Royaume des Cieux se prend par vio­lence et ce sont les vio­lents qui s’en emparent [11], car ceux qui dominent leurs propres affec­tions tendent avec quelque vio­lence vers les réa­li­tés supérieures.

par sa vie ver­tueuse, il a acquis une répu­ta­tion, il a pro­duit une doc­trine sûre avec des œuvres écrites en si peu de temps, mais qui ont eu une grande dif­fu­sion et ont sus­ci­té une légi­time admiration

2. C’est ain­si que ce bien­heu­reux Thomas d’Aquin, de l’Ordre des Frères Prêcheurs, doc­teur en théo­lo­gie sacrée, homme de noble famille, mais d’une noblesse d’âme encore plus grande, d’une renom­mée illustre, d’une vie des plus dignes, capable, dès avant la puber­té, de médi­ta­tion atten­tive et de déli­bé­ra­tion, reçut l’habit de l’Ordre des Prêcheurs, res­tant encore plus ferme dans ce des­sein, lorsqu’il résis­ta aux obs­tacles que son propre père oppo­sa à son heu­reuse déci­sion, jusqu’à ce qu’il fasse enfin sa pro­fes­sion reli­gieuse et fasse bien­tôt de tels pro­grès dans la science, la vie et les ver­tus qu’il fut ordon­né prêtre tout jeune encore et qu’il se mit à ensei­gner la théo­lo­gie à Paris, la ville la plus célèbre de toutes, où il occu­pa avec beau­coup d’estime, pen­dant plu­sieurs années de sa car­rière, la chaire de Maître, ce qui fut un grand hon­neur pour lui-​même, pour son Ordre et pour l’Université de Paris. En effet, par sa vie ver­tueuse, il a acquis une répu­ta­tion, il a pro­duit une doc­trine sûre avec des œuvres écrites en si peu de temps, mais qui ont eu une grande dif­fu­sion et ont sus­ci­té une légi­time admi­ra­tion, de sorte que les paroles du Psaume s’appliquent vrai­ment à lui : Vous arro­sez les mon­tagnes des eaux qui tombent d’en haut ; la terre sera ras­sa­siée du fruit de Vos œuvres [12]. C’est ce thème que le saint a choi­si pour com­men­cer son ensei­gne­ment sur l’Écriture Sainte ; on dit qu’il lui a été don­né par révé­la­tion, après qu’il eut fait sa prière, au moment où il se croyait inapte à l’enseignement à cause de sa jeu­nesse, alors qu’il se deman­dait ce qu’il allait pro­po­ser comme thème pour sa classe inaugurale.

3. Et parce qu’il ne vou­lait pas res­ter oisif, mais culti­ver la terre [13], il a écrit des ouvrages sur les pre­mières sciences et sur les diverses par­ties de la phi­lo­so­phie, aus­si sur la Sainte Écriture, tant le Nouveau que l’Ancien Testament, et beau­coup d’autres ouvrages pour la gloire de Dieu, pour l’accroissement de la foi et l’instruction des étu­diants, tous clairs, avec la science, la répu­ta­tion et la sagesse, non sans l’infusion d’un don spé­cial de la grâce. En effet, pour les hommes pru­dents, la science est chose facile [14], et le signe abso­lu de celui qui est sage est la capa­ci­té d’enseigner [15].

Dans les messes et aus­si dans les autres actes de prière, aux­quels il était assi­du, il révé­lait, par l’effusion de larmes, la doci­li­té et la dévo­tion de son âme à Dieu

4. Ce sage a pu accom­plir une telle œuvre parce qu’il s’est détour­né de toute ambi­tion pour les biens ter­restres et a visé les biens célestes. Il employait cer­tai­ne­ment tout son temps à l’étude des choses de Dieu et renon­çait aux biens ter­restres pour obte­nir les biens éter­nels ; et il com­men­çait par les choses de Dieu pour se for­ti­fier dans les choses de l’École, car, chaque jour, avant de mon­ter sur la chaire pour don­ner sa leçon ou pour faire d’autres choses, il célé­brait une messe et en enten­dait une autre, ou en enten­dait deux entières, s’il ne célé­brait pas. Dans les messes et aus­si dans les autres actes de prière, aux­quels il était assi­du, il révé­lait, par l’effusion de larmes, la doci­li­té et la dévo­tion de son âme à Dieu, à qui rien n’est caché.

il était d’un carac­tère doux, d’une gen­tillesse déli­cate, d’une pieuse misé­ri­corde, sou­mis à l’humilité et paré de tant d’autres ver­tus, qui n’avait pas le moindre égard pour les hon­neurs, et se tenait pru­dem­ment à l’écart de la coha­bi­ta­tion avec les femmes, il n’était pas hau­tain, et ne mani­fes­tait pas le désir de domi­ner, ni de disputer

5. En tout cas, il a illu­mi­né de l’éclat de sa chas­te­té, dans une pieuse modé­ra­tion, cette humi­li­té qu’il gar­dait et cette même sobrié­té atten­tive qu’il entre­te­nait, de telle sorte que beau­coup esti­maient qu’il avait gar­dé intacte la vir­gi­ni­té de la chair. C’est ce qu’af­fir­ma un pieux confes­seur de l’Ordre sus­dit, après l’a­voir lon­gue­ment enten­du en confes­sion, qui ren­dit en public et en pré­sence de tous, le jour de sa mort, ce témoi­gnage cré­dible qui est par­ve­nu jusqu’à nous : J’ai enten­du la confes­sion géné­rale de ce saint homme, dont je témoigne, car il est venu à moi pur comme un enfant de cinq ans, parce qu’il n’a jamais connu la cor­rup­tion dans sa chair. De plus, cet homme de Dieu, se conten­tait de la nour­ri­ture et des vête­ments com­muns des reli­gieux ; il était d’un carac­tère doux, d’une gen­tillesse déli­cate, d’une pieuse misé­ri­corde, sou­mis à l’humilité et paré de tant d’autres ver­tus, qui n’avait pas le moindre égard pour les hon­neurs, et se tenait pru­dem­ment à l’écart de la coha­bi­ta­tion avec les femmes, il n’était pas hau­tain, et ne mani­fes­tait pas le désir de domi­ner, ni de dis­pu­ter, car même dans les dis­putes il se gar­dait de la van­tar­dise et se tenait tran­quille dans les dis­cus­sions, évi­tant le lan­gage pédant, même lorsque la dis­pute syl­lo­gis­tique était uti­li­sée comme res­source par les autres. C’est pour­quoi ce ser­vi­teur de Dieu s’occupait des œuvres divines et était en tout exquis, il excel­lait dans l’érudition, émou­vant dans la pré­di­ca­tion, dévot dans la prière, pro­fond dans l’écriture, et se consa­crait à tout cela avec assi­dui­té, de sorte qu’en dehors des néces­si­tés natu­relles, ou de l’heure du repos, il ne lui res­tait aucun temps libre.

6. Enfin, le jour appro­chait où il devait pas­ser de ce monde au Seigneur ; après avoir conquis et triom­phé du monde, il était reçu dans la patrie, dans l’éternité per­pé­tuelle [16], car glo­rieux est le fruit des bonnes œuvres [17]. Venant de Naples, où il ensei­gnait alors comme Docteur, comme tou­jours avec grande renom­mée, il se ren­dit par la côte au Concile de Lyon, auquel, dit-​on, il avait été invi­té, à cause de sa science émi­nente, par Notre Prédécesseur, d’heureuse mémoire, le Pape Grégoire X. Lorsque, quelques jours avant le Concile, il arri­vait au Monastère de Fossanova, de l’Ordre cis­ter­cien, dans le dio­cèse de Terracine, il se sen­tit un peu mal et deman­da pieu­se­ment à être conduit au Monastère. Entrant dans le monas­tère, rem­pli de l’Esprit de Dieu, il pro­non­ça alors ces mots : « C’est ici le lieu de mon repos pour les siècles des siècles ; c’est ici que j’habiterai, car c’est le lieu que j’ai choi­si. » [18] Cela s’est révé­lé vrai, comme le prouve la tombe dans laquelle son saint corps a été enter­ré. C’est là que sa mala­die a com­men­cé à s’aggraver et à lui faire perdre pro­gres­si­ve­ment ses forces. Bien que sa mala­die ait duré de nom­breux jours, il la sup­por­ta sans aucun signe d’impatience, mais avec une âme égale, gar­dant une totale humi­li­té, sup­por­tant la mala­die avec une séré­ni­té qui allé­geait son infir­mi­té ; il s’efforçait de plaire à Dieu par l’obéissance, et rem­plis­sait lui-​même ses devoirs ; Et cela atti­rait le res­pect de ceux qui ne le ser­vaient pas, car il don­nait à tous un exemple de patience à imi­ter ; c’est pour­quoi les frères de ce même monas­tère de Fossanova, qui ser­vaient Dieu avec une grande dévo­tion, voyant dans ce saint homme les ver­tus de la reli­gion, lui offraient volon­tiers leurs ser­vices, parce qu’ils le voyaient les accom­plir avec une totale rési­gna­tion dans son infir­mi­té cor­po­relle. Les uns por­taient volon­tiers sur leurs épaules des mor­ceaux de bois de la forêt, les autres tout ce qui pou­vait lui être utile, car ils ne trou­vaient pas conve­nable que les ani­maux por­tassent les choses qui lui étaient néces­saires et afin qu’ils prê­tassent cette assis­tance à celui qui avait l’apanage de tant de vertus.

7. Et lorsque, dans cette même infir­mi­té dont il mou­rut, il prit pour nour­ri­ture de son âme, comme via­tique, le très saint corps de notre Dieu et Seigneur Jésus-​Christ, son âme, habi­tuée à goû­ter la dou­ceur de Dieu, se fon­dant avec lui dans un doux amour, ver­sa une pro­fu­sion de larmes ; et par­mi les diverses belles paroles qu’il pro­non­ça, sa foi et sa dévo­tion lui ins­pi­rèrent la sui­vante, qu’il pro­non­ça devant toute la com­mu­nau­té de ce monas­tère et en pré­sence de nom­breux frères de l’Ordre des Prêcheurs et de l’Ordre des [frères] Mineurs, qui l’assistaient : J’ai ensei­gné beau­coup de choses sur le sujet du Très Saint Corps de Notre Dieu, Notre Seigneur Jésus-​Christ et sur les autres sacre­ments, sur les nom­breuses choses que j’ai écrites sur la foi en Jésus-​Christ et sur la Sainte Église romaine, à laquelle je sou­mets et expose tout pour cor­rec­tion. Il reçut ensuite, à côté de ce même Sacrement vivant, les autres sacre­ments de l’Église, avec la véné­ra­tion qui s’impose et avec une effu­sion de larmes, et trois jours après il s’endormit dans le Seigneur, en qui il croyait, qu’il aimait et ché­ris­sait de toute la ten­dresse de son âme. Le ser­vi­teur fidèle et pru­dent [19], ne s’obstine pas dans ses propres voies, ni dans ses propres sens ou dans sa pru­dence de débu­tant, et il n’est pas hau­tain avec sa connais­sance qui vient de son opi­nion, car celui qui pour­suit la majes­té sera acca­blé par la gloire [20]. Le Docteur a éga­le­ment agi avec sagesse et humi­li­té, lorsque dans la fidé­li­té de sa dévo­tion, il a sou­mis, comme nous l’avons dit, toute sa doc­trine, orale et écrite, à la règle de foi de l’Église elle-​même, énon­cée par la bouche de Pierre, dont il savait que la sta­bi­li­té ne serait jamais ébran­lée par les vents des agi­ta­tions humaines ; car après avoir recon­nu la Divinité du Christ en ces termes : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant [21], Pierre a méri­té d’entendre ces paroles : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâti­rai mon Église [22] ; et dans un autre endroit : J’ai prié pour toi Pierre, afin que ta foi ne défaille pas [23] ; or, si le Christ prie pour Pierre, c’est pour son Église qu’il intercède.

Il peut être déclaré saint

8. Car il est vrai, digne et conve­nable que celui que Dieu a cou­vert en cette vie de tant de grâces et de dons, Il le déclare saint aux yeux des hommes une fois éle­vé au ciel, Il le fasse briller encore après son départ de cette vie, bien que même avant on ait gar­dé la mémoire de plus d’une mer­veille, par tant de si grands miracles, tant d’é­cla­tants pro­diges, que ces paroles du psaume peuvent à juste titre lui être appli­quées : Sache que le Seigneur a mis en lumière son saint [24], et ain­si sa vie a été témoin de ses miracles, et ses miracles ont été témoins de sa vie [25]. Pour la gloire de Dieu, l’exaltation du Saint et l’édification des fidèles, Nous avons ins­crit dans la pré­sente Bulle, par­mi les nom­breux miracles, cer­tains attes­tés par des témoins appropriés.

Miracles à l’appui de sa canonisation

1. Du miracle de l’odeur et de l’intégrité de son corps.

9. Sept mois envi­ron après le jour de la mort de saint Thomas d’Aquin lui-​même, tan­dis que son corps était expo­sé dans la cha­pelle Saint-​Étienne dudit monas­tère, il fut ensuite trans­fé­ré par les moines du même monas­tère dans son pre­mier sépulcre, à savoir près du maître-​autel de ladite église du monas­tère. Par crainte que son corps ne soit enle­vé de là ou entiè­re­ment enle­vé de ce monas­tère, ils déci­dèrent de l’ex­hu­mer à nou­veau, et lors de l’ouverture même de son sépulcre, tou­jours dans cette même cha­pelle de Saint-​Étienne, il éma­na un par­fum d’une odeur si agréable qu’il se répan­dit aus­si­tôt, et toute la cha­pelle et le cloître même du monas­tère furent rem­plis de cette mer­veilleuse et douce odeur. Il fut prou­vé par l’enquête atten­tive et appro­fon­die des moines que cette effu­sion d’odeur mira­cu­leuse s’exhalait du corps du Saint lui-​même. A cause de cela, une plus grande dévo­tion s’éleva par­mi les moines eux-​mêmes, et leur prieur et cer­tains d’entre eux se vêtirent de leurs vête­ments litur­giques, et tout le couvent alla en pro­ces­sion pour trans­fé­rer le corps avec hon­neur dans son pre­mier sépulcre et, à cause de ce qu’ils virent, le jour sui­vant ils célé­brèrent la Messe solen­nel­le­ment, comme pour un confes­seur, car ils pen­saient qu’il n’était pas conve­nable de célé­brer la Messe de Requiem, comme si c’était pour un défunt ordi­naire. De nom­breux témoins racontent avoir per­çu une odeur simi­laire, cer­tains après sept ans, d’autres après presque qua­torze ans, lorsque les moines, pour diverses causes et à diverses occa­sions, ont dû ins­pec­ter dili­gem­ment le corps. Certainement, cette odeur expri­mait la pure­té de sa chair qui était agréable à Dieu, elle repré­sen­tait le par­fum de ses prières, et elle révé­lait sa claire renom­mée et la dif­fu­sion de ses ver­tus et de leurs arômes.

2. De la guérison de la maladie de la goutte.

10. Un chi­rur­gien, qui avait été malade de la goutte pen­dant une décen­nie au point qu’il ne pou­vait en aucun cas se dépla­cer ou mar­cher par lui-​même sans l’aide de béquilles ou l’aide d’autrui, se confia à Dieu et au bien­heu­reux Thomas, se pros­ter­na sur son tom­beau et, après avoir dit sa prière, recou­vra la san­té, et se mit à sau­ter et cou­rir en louant Dieu pour avoir été gué­ri par ses mérites d’une si longue et fati­gante maladie.

3. Guéri d’une horrible vision.

11. Un autre, ter­ri­fié par la vision d’un hor­rible cau­che­mar, était para­ly­sé des mains et des pieds, sa bouche et son visage étaient même défor­més, il était pri­vé de sen­si­bi­li­té et de toute force, si bien qu’il ne pou­vait pas même par­ler, res­sem­blait à un mort, ne sen­tait rien, même lors­qu’on appro­chait ses membres du feu ; alors on le condui­sit au tom­beau du Saint et en peu de temps il fut com­plè­te­ment libre et sor­tit entiè­re­ment gué­ri dudit tombeau.

4. Le miracle de l’odorat.

12. Un autre, qui ne se sen­tait pas aucune dévo­tion au saint, expé­ri­men­ta dou­ble­ment en lui la puis­sance de Dieu : tan­dis qu’il le mépri­sait, il tom­ba malade, et au moment même où il se repen­tait de sa faute, il recou­vra la san­té. Cela se pro­dui­sit lorsqu’un aumô­nier, pour favo­ri­ser la cause de la dévo­tion, lui mon­tra sur un osten­soir plu­sieurs reliques à véné­rer, et lui dit qu’il y en avait d’autres encore plus pré­cieuses, à savoir la main du frère Thomas d’Aquin ; l’homme mépri­sa l’aumônier, se moqua de ses paroles, se moqua des reliques parce qu’il ne se sou­ciait pas de les voir, et dit : Il n’est pas saint, mais seule­ment un frère de l’Ordre des Prêcheurs ; mais voi­ci qu’il fut aus­si­tôt sai­si d’un trem­ble­ment, et sa tête lui sem­bla comme prise par un grand kyste, épais et très lourd ; Corrigé par cette infir­mi­té, se repen­tant de son incré­du­li­té, et regret­tant en même temps ses paroles, il deman­da et obtint le par­don du prêtre, et tout en bai­sant res­pec­tueu­se­ment la même main de saint Thomas, il se sen­tit aus­si­tôt déli­vré du trem­ble­ment et de l’inflammation de sa tête ; et ce fut lui-​même qui racon­ta com­ment il avait sen­ti s’exhaler de cette main une odeur si forte et si douce. Au contact de cette main, sa tête et toute sa per­sonne s’imprégnèrent de l’odeur, qui res­ta long­temps ; et beau­coup de ceux qui vinrent ensuite le trou­ver sen­tirent cette odeur et lui deman­dèrent des expli­ca­tions ; et, à cause de ce signe, il fut bien obli­gé de racon­ter, à contre­cœur, le miracle qui s’était produit. 

5. Des personnes guéries de l’infirmité de l’angine.

13. Un cer­tain com­mis en bonne san­té, alors qu’il était assis à table, fut pris d’une angine sévère qui dura deux jours. À cause de cette mala­die, il ne pou­vait plus bou­ger sa langue et per­dit la parole. Pendant que les méde­cins lui admi­nis­traient de nom­breux remèdes, la mala­die pro­gres­sait, mais elle aug­men­tait de plus en plus, car les remèdes ne la fai­saient pas recu­ler, mais l’exaspéraient plu­tôt ; ayant appris la dévo­tion au Saint, il se fit por­ter à son tom­beau, et ce qu’il ne pou­vait deman­der par la parole, il l’é­cri­vit de sa main. Mais sa femme s’y oppo­sa, parce qu’il était inter­dit aux femmes d’entrer dans l’église de ce monas­tère, alors, pré­ve­nu qu’il pou­vait lui-​même sup­plier d’être libé­ré de sa mala­die, il le deman­da lui-​même affec­tueu­se­ment à ce saint homme. Dès cet ins­tant, il a pu bou­ger sa langue, s’améliorer et se réta­blir et a été par­fai­te­ment gué­ri en peu de temps.

6. La fièvre disparue.

14. Un autre, affli­gé de fièvres quo­ti­diennes depuis plus de sept semaines, d’affections du foie et de l’estomac, ayant pris une mau­vaise tour­nure un ven­dre­di, enten­dit par­ler de miracles qui auraient été accom­plis par l’homme de Dieu ; aus­si le len­de­main, same­di après-​midi, sui­vant le conseil de sa femme de faire la dévo­tion, en sa pré­sence, il se consa­cra dévo­te­ment au saint ; le len­de­main, dimanche matin, il était déjà entiè­re­ment déli­vré de ses infirmités.

7. Une femme guérie de sa surdité.

15. Une femme crai­gnait avec rai­son pour la vie de son fils, un bébé de deux mois encore dans son ber­ceau, car depuis quatre mois sa sur­di­té s’était tel­le­ment aggra­vée que, même si on l’appelait plu­sieurs fois en criant, elle enten­dait à peine les grands cris de son enfant ; à la sug­ges­tion de son mari, qui par­ta­geait sa tris­tesse et s’affligeait du dan­ger qui pou­vait arri­ver à leur enfant, avec une entière sou­mis­sion, elle se voua au Saint de Dieu afin qu’il lui ôtât cette infir­mi­té ; après avoir pro­non­cé le vœu, la nuit tom­ba et elle s’endormit, et le len­de­main, elle se trou­va gué­rie par les mérites du Saint comme elle le souhaitait. 

8. Une jeune fille guérie d’une tumeur de la gorge.

16. Une jeune fille avait la gorge affec­tée d’une infir­mi­té qui la contrac­tait tel­le­ment qu’elle n’avait pas le moindre pas­sage et la moindre force pour prendre des ali­ments solides ou liquides, et elle se fer­mait de telle sorte qu’elle ne pou­vait res­pi­rer qu’avec beau­coup de peine ; alors, convain­cue par sa mère, elle se recom­man­da dévo­te­ment au Saint Homme ; le len­de­main, conduite audit Monastère de Fossanova, on pla­ça sur sa gorge les reliques de ce Saint Homme enve­lop­pées dans un linge, et aus­si­tôt elle se sen­tit mieux, man­gea du pain et recou­vra par­fai­te­ment la santé.

9. Un frère convers guéri de fortes douleurs à l’épaule et au bras.

17. Un frère convers du monas­tère de Fossanova déjà cité, souf­frait de si grandes dou­leurs dans le bras droit et l’é­paule, que son bras, qu’il gar­dait sus­pen­du depuis trois mois avec une écharpe, lui était inutile et le lan­çait vio­lem­ment. Comme le médi­ca­ment qu’il avait deman­dé aux méde­cins n’était pas dis­po­nible et que la dou­leur était de plus en plus forte, tan­dis qu’il fai­sait hum­ble­ment un vœu au saint pour obte­nir sa gué­ri­son et se pros­ter­nait sur sa tombe, il finit par s’y endor­mir ; il fut réveillé plus tard par un autre moine du même monas­tère et il trou­va son bras, qui aupa­ra­vant repo­sait dans une écharpe sus­pen­due à son cou, reti­ré du linge. Comme l’on fait en se réveillant, il por­ta les deux mains à sa tête pour se grat­ter et com­prit ain­si qu’il était gué­ri ; il le racon­ta à ses confrères et ne cacha pas aux per­sonnes pré­sentes ce miracle si remarquable.

10. Un enfant guérit d’une tumeur.

18. Un enfant de quatre ans, atteint d’une tumeur, avait été affli­gé d’une telle rou­geur au dos, aux jambes et aux pieds, que ni sa mère ni per­sonne ne pou­vait tou­cher sa bles­sure sans qu’il se plai­gnît ; il n’avait pas pu bou­ger pen­dant un mois, parce qu’il avait tel­le­ment peur de la dou­leur ; et les méde­cins n’avaient aucun espoir de gué­rir l’enfant, sauf par la chi­rur­gie, et si elle était pra­ti­quée, l’idée per­sis­tait tou­jours qu’il aurait un ave­nir com­pro­mis, car dans l’esprit des gens la pers­pec­tive était très sombre. Lorsque la nature han­di­ca­pée ne trouve pas de secours dans le recours à la méde­cine, c’est en Dieu qu’elle le trou­ve­ra, car Il est glo­rieux et accom­plit ses mer­veilles par ses saints. En effet, la mère de l’enfant qui l’aimait mater­nel­le­ment, le recom­man­da avec dévo­tion à Saint Thomas, afin que le Saint puisse le gué­rir de ladite mala­die sur son propre mérite, sans opé­ra­tion. L’enfant fut alors emme­né au monas­tère, pla­cé sur la tombe du Saint, et bien­tôt se rele­va gué­ri de son infirmité.

Déclaration

19. Tels sont donc, ô Dieu, les témoi­gnages que vous avez ren­dus par ce juste, et ils sont dignes de toute notre confiance [26]. Maintenant, si nous accep­tons le témoi­gnage des hommes, celui de Dieu est plus puis­sant [27]. Nous croyons que Dieu pos­sède déjà son âme au ciel et nous atten­dons les fruits de son inter­ces­sion, nous le croyons admis par­mi la mul­ti­tude des Saints et, comme une étoile du matin [28], nous croyons que c’est sa place. Ainsi, ô Bon Jésus, vous nour­ris­sez notre foi, vous for­ti­fiez notre espé­rance, vous allu­mez en nous le feu de la cha­ri­té. Que la Mère Église se réjouisse, que l’Italie exulte, que ses parents de Campanie, sa terre natale, se réjouissent, que le saint Ordre des Prêcheurs se réjouisse, que la dévo­tion des reli­gieux reten­tisse, que la mul­ti­tude des méde­cins applau­disse, que les jeunes gens se raniment pour leurs études, que les hommes mûrs ne se relâchent pas ; que les vieillards se réjouissent en lui, que tous se per­fec­tionnent dans l’humilité, qu’ils n’abandonnent pas la contem­pla­tion, qu’ils exé­cutent dili­gem­ment les ordres de Dieu. En effet, Il a don­né à son cœur les pré­ceptes, la loi de la vie et de la dis­ci­pline [29], et la sagesse de l’humble relève la tête [30]. En effet, il l’a éle­vé au-​dessus de ses com­pa­gnons, et au milieu de l’Église, il a ouvert sa bouche, et l’Esprit du Seigneur l’a rem­pli de sagesse et d’intelligence, et l’a revê­tu de sa robe de gloire [31]. La Vérité, qui est le Christ, n’a cer­tai­ne­ment pas été pro­po­sée fic­ti­ve­ment aux ensei­gnants : Ceux qui me mettent en lumière auront la vie éter­nelle [32]. Puisque le Christ est le vrai et propre Soleil de Justice [33], il ne manque pas d’éclairer les étoiles et de leur faire rayon­ner sa lumière, car elles brillent parce qu’elles sont éclai­rées par lui. Il réside donc dans l’inaccessible lumière [34], qui est la splen­deur de sa gloire et l’expression de sa sub­stance [35]. C’est pour­quoi les ténèbres n’ont pas été lais­sées dans l’obscurité, ni aban­don­nées, ni cou­vertes par les nuages, comme si elles ne dif­fu­saient pas le rayon de Sa clarté.

20. En outre – puisque l’ordre de la rai­son pos­tule que l’Église triom­phante dans le ciel doit être pieu­se­ment sui­vie par ceux qui militent sur la terre – qu’ils honorent avec une véné­ra­tion appro­priée celui qui a été pla­cé dans la mul­ti­tude du ciel et qui connaît la gloire de Dieu. Pour notre part, nous avons exa­mi­né et dis­cu­té la sain­te­té de la vie et l’authenticité des miracles de ce Confesseur, non seule­ment une fois, mais encore et encore, sans hâte, en deman­dant même l’aide de nos frères Cardinaux de la Sainte Église Romaine, dont les infor­ma­tions nous ont été sou­mises pour exa­men, avec autant de fer­me­té que de matu­ri­té, de cer­ti­tude que de pru­dence, en enquê­tant et en exa­mi­nant ce qu’il y avait, en nous pré­va­lant dans cette tâche d’une pro­cé­dure ardue et éga­le­ment dif­fi­cile. Car nous com­pre­nons dif­fi­ci­le­ment ce qui est sur la terre, et nous trou­vons avec peine ce qui est sous nos yeux : qui donc décou­vri­ra ce qui est dans le ciel ? [36]. Grâce à Notre sol­li­ci­tude et à celle de Nos Vénérables Frères, après avoir par­fai­te­ment véri­fié la sain­te­té de sa vie et l’authenticité des miracles accom­plis par son mérite, et après avoir répon­du à tous ceux qui Nous ont hum­ble­ment et pieu­se­ment sup­plié en pré­sence de nom­breux pré­lats pré­sents auprès du Siège Apostolique, sous le conseil et l’assentiment de nos frères Cardinaux, et sous l’autorité de Dieu Tout-​Puissant, du Père, du Fils et du Saint-​Esprit, et des Saints Apôtres Pierre et Paul, Nous le jugeons digne d’être ins­crit dans le cata­logue des Saints Confesseurs.

Décret

21. C’est pour­quoi, par cette même Lettre apos­to­lique, Nous vous exhor­tons tous et vous enjoi­gnons de célé­brer avec dévo­tion, solen­ni­té et une juste véné­ra­tion la fête de ce Confesseur, le 7 mars, afin que sa pieuse inter­ces­sion nous pro­tège ici des dan­gers et nous per­mette à l’avenir d’obtenir la joie éternelle.

22. Pour rendre plus fer­vente la pré­sence de tout le peuple chré­tien au véné­rable tom­beau de ce très célèbre Confesseur afin d’y célé­brer ensemble sa fête, à tous les fidèles vrai­ment contrits et confes­sants qui, chaque année en ce jour, se rendent pieu­se­ment au tom­beau du Saint pour deman­der par­don, Nous accor­dons, par la misé­ri­corde du Tout-​Puissant et par l’autorité des bien­heu­reux Pierre et Paul, les Apôtres, un an et qua­rante jours de par­don ; et ceux qui accom­plissent vrai­ment ce même acte de pié­té dans les sept jours qui suivent la fête, Nous accor­dons même misé­ri­cor­dieu­se­ment cent jours d’indulgence qu’ils auraient encore à payer pour leurs péchés.

Donné à Avignon, le 18 juillet 1323, la sep­tième année de notre pontificat.

Source : Traduite par nos soins.

Notes de bas de page
  1. Acta Sanctorum, vol. I mar­tii, p. 681, n° 81 : « Nos cre­di­mus quod Frater Thomas est glo­rio­sus in coe­lo quia vita sua fuit sanc­ta, et doc­tri­na eius non potuit esse sine mira­cu­lo »[]
  2. Ibid, p. 682, n° 81. “Fratres, nos repu­ta­mus nobis ad magnam glo­riam et nos­trae Ecclesiae, si istum sanc­tum pos­su­mus Catalogo Sanctorum adscri­bere, dum­mo­do ali­qua mira­cu­la pos­sint de eo inve­ni­ri : quia ipse plus illu­mi­na­vit Ecclesiam quam omnes alii Doctores ; in cuius libris plus pro­fi­cit homo uno anno, quam in alio­rum doc­tri­na toto tem­pore vitae suae”[]
  3. Ps 110, 9.[]
  4. Jn 1, 14.[]
  5. Cf. Eph 15, 2 et Ph 4, 28[]
  6. Cf. Chant de l’Exultet à la veillée pas­cale[]
  7. Cf. 1 Co 15, 4 et le Symbole des apôtres[]
  8. Ac 1, 3.[]
  9. Cf. Ac 1, 9.[]
  10. Eph 4, 8.[]
  11. Mt 11, 12 ; cf. Lc 16, 16[]
  12. Ps 103, 13[]
  13. Cf. Gn 2, 5.[]
  14. Pr 14, 6.[]
  15. De sanc­ti Thomae pru­den­tia in coni­liis dan­dis cf. DE TOCCO, Vita, c. 35 ; A. M. JACQUIN O.P., Le pru­den­tis­sime Frère Thomas, Fribourg 1924.[]
  16. Cf. Dn 12, 3.[]
  17. Sg 3, 15.[]
  18. Ps 131, 14[]
  19. Mt 24, 45[]
  20. Pr 25, 27.[]
  21. Mt 16, 16[]
  22. Mt 16, 18 ; Lc 22, 32[]
  23. Lc 22, 32[]
  24. Ps 4, 3[]
  25. Jn 1, 8[]
  26. Ps 92, 5[]
  27. 1 Jn 5, 9[]
  28. Si 50, 6[]
  29. Si 45, 6[]
  30. Si 11, 1[]
  31. Si 15, 5[]
  32. Si 24, 31[]
  33. Cf. Ml 4, 2[]
  34. 1 Tm 4, 16[]
  35. He 1, 3[]
  36. Sg 9, 16[]
30 décembre 1892
Consignes aux Jésuites concernant le renouveau des études thomistes
  • Léon XIII
17 mai 1925
Prononcée à la canonisation solennelle de la Bienheureuse Thérèse de l'Enfant-Jésus
  • Pie XI