Titre 1 – De la nature et de la division du délit
Canon 2195
§ 1. Sous le nom de délit on entend en droit ecclésiastique, la violation extérieure et moralement imputable d’une loi à laquelle est attachée une sanction canonique au moins indéterminée.
§ 2. A moins que le contraire ne résulte des circonstances, ce qui est dit des délits est applicable aussi aux violations du précepte auquel est attachée une sanction pénale.
Canon 2196
La qualité du délit résulte de l’objet de la loi ; sa quantité doit être mesurée non seulement d’après la gravité variable de la loi violée, mais encore d’après son imputabilité plus ou moins grande, ou le dommage qu’il a causé.
Canon 2197
Le délit est :
1° ‘public’, s’il est déjà divulgué, ou s’il s’est produit ou se présente dans des circonstances telles, qu’on puisse juger avec prudence qu’il doive facilement être divulgué.
2° ‘Notoire de notoriété de droit’ après la sentence du juge compétent passée en force de chose jugée ou après l’aveu du délinquant fait en justice selon le Can. 1750.
3° ‘Notoire de notoriété de fait’, s’il est connu publiquement et a été commis dans des circonstances telles qu’il ne puisse être caché par aucun artifice ni excusé par aucune considération.
4° ‘Occulte’, s’il n’est pas public ; ‘occulte matériellement’ si le délit lui-même est caché ; ‘occulte formellement’ si son imputabilité seule est cachée.
Canon 2198
Seule l’autorité ecclésiastique, en requérant parfois l’aide du bras séculier, là où elle le juge nécessaire ou opportun, poursuit le délit qui, par sa nature, lèse uniquement la loi de l’Église ; les dispositions du Can. 120 restant sauves, l’autorité civile punit, de droit propre, le délit qui lèse uniquement la loi civile, bien que l’Église reste compétente à son égard en ‘raison du péché’ ; le délit qui lèse la loi des deux sociétés peut être puni par les deux pouvoirs.
Titre 2 – Imputabilité du délit – Circonstances aggravantes ou atténuantes – Effets juridiques
Canon 2199
L’imputabilité du délit dépend du dol du délinquant ou de sa culpabilité dans l’ignorance de la loi violée ou dans l’omission de la diligence nécessaire : en conséquence, toutes les causes qui augmentent, diminuent, suppriment le dol ou la culpabilité, augmentent, diminuent, suppriment par le fait l’imputabilité du délit.
Canon 2200
§ 1. Le dol est ici la volonté délibérée de violer la loi, et on lui oppose, du coté de l’intelligence, le défaut de connaissance, et du coté de la volonté, le défaut de liberté.
§ 2. La violation extérieure de la loi étant posée, le dol est présumé au for externe jusqu’à preuve du contraire.
Canon 2201
§ 1. Sont incapables de délit ceux qui sont privés de l’usage actuel de la raison.
§ 2. Ceux qui sont habituellement fous sont présumés incapables de délit, même s’ils ont des intervalles lucides ou paraissent sains d’esprit dans certains raisonnements ou certains actes.
§ 3. Le délit commis en état d’ébriété volontaire n’est exempté d’aucune imputabilité, quoiqu’elle soit moindre que si la même personne avait commis ce délit alors qu’il avait son plein jugement, à moins toutefois, que cette ébriété ait été recherchée pour commettre le délit ou pour avoir une excuse à son sujet ; mais la loi est enfreinte dans un état d’ébriété involontaire, l’imputabilité disparaît complètement tant qu’elle prive totalement de l’usage de la raison ; elle est diminuée, si elle ne prive que partiellement de l’usage de la raison. La même chose doit être dite des autres perturbations mentales semblables.
§ 4. La débilité mentale diminue l’imputabilité du délit, mais sans la supprimer.
Canon 2202
§ 1. La violation d’une loi ignorée n’est aucunement imputable si l’ignorance n’est pas coupable ; dans le cas contraire, l’imputabilité est plus ou moins atténuée suivant le degré de culpabilité de l’ignorance.
§ 2. L’ignorance de la peine seule ne supprime pas l’imputabilité du délit, mais la diminue en quelque mesure.
§ 3. Ce qui est dit de l’ignorance s’applique aussi à l’inadvertance et à l’erreur.
Canon 2203
§ 1. Si quelqu’un a violé une loi en omettant la diligence requise, l’imputabilité est diminuée dans la mesure à déterminer par la prudence du juge d’après les circonstances. Si le délinquant a prévu l’accident et a omis de prendre les précautions qu’aurait prises tout homme prudent, sa faute est proche du dol.
§ 2. Le cas fortuit imprévisible ou auquel, même prévu, on ne peut remédier, exempte de toute imputabilité.
Canon 2204
La minorité de l’âge, sauf certitude du contraire, diminue l’imputabilité du délit, et cela d’autant plus qu’elle se rapproche davantage de l’enfance.
Canon 2205
§ 1. La violence physique qui supprime toute liberté exclut complètement le délit.
§ 2. La crainte grave, même relativement, la nécessité et même un grave inconvénient suppriment le plus souvent le délit, s’il s’agit de lois purement ecclésiastiques.
§ 3. Mais si l’acte est intrinsèquement mauvais et tourne au mépris de la foi, de l’autorité ecclésiastique ou au détriment des âmes, les causes mentionnées au Par.2 diminuent l’imputabilité du délit, mais sans la supprimer.
§ 4. Le motif de légitime défense contre un injuste agresseur, si l’on garde la modération requise, supprime entièrement le délit ; sinon, il atténue seulement l’imputabilité ; elle est atténuée aussi par une provocation.
Canon 2206
La passion, si elle est excitée ou entretenue volontairement et délibérément, accroît l’imputabilité ; sinon elle l’atténue plus ou moins suivant son degré d’impétuosité ; elle la supprime complètement, si elle précède et empêche toute délibération de l’esprit et tout consentement de la volonté.
Canon 2207
En plus des autres circonstances aggravantes, le délit est aggravé :
1° Par la dignité de la personne qui commet le délit ou qui en est la victime ;
2° Par l’abus de l’autorité ou de l’office dont on se servirait pour accomplir le délit.
Canon 2208
§ 1. Est récidiviste, au sens du droit, celui qui, après une condamnation, retombe dans un délit du même genre et dans de telles circonstances de faits, et surtout de temps, que l’on peut à bon droit conjecturer chez lui une mauvaise volonté obstinée.
§ 2. Celui qui commet plusieurs délits, même de genres différents, augmente sa culpabilité.
Canon 2209
§ 1. Ceux qui d’un commun accord, concourent physiquement au délit sont tenus pour également coupables, à moins que les circonstances n’aggravent ou n’atténuent la culpabilité de l’un d’entre eux.
§ 2. Dans un délit, qui de sa nature, demande un complice, chaque partie est également coupable, à moins que le contraire ne résulte des circonstances.
§ 3. Non seulement le mandant qui est le principal auteur du délit, mais aussi ceux qui poussent à le consommer ou y concourent d’une manière quelconque, contractent, toutes choses égales d’ailleurs, une aussi grande imputabilité que l’exécuteur du délit si le délit n’eût pas été commis sans leur concours.
§ 4. Si leur concours a seulement facilité le délit, qui aurait été commis de toute façon, l’imputabilité est moindre.
§ 5. Celui qui, par une rétractation faite à temps, a pleinement supprimé son influence sur l’exécution du délit, est exempte de toute imputabilité, même si l’exécuteur commet le délit pour des raisons personnelles ; si l’influence n’a pas été pleinement retirée, la rétractation atténue mais ne supprime pas complètement l’imputabilité.
§ 6. Celui qui concourt à un délit par la simple négligence de son office est tenu pour responsable, proportionnellement à l’obligation qu’il avait, en vertu de son office d’empêcher le délit.
§ 7. L’éloge du délit commis, la participation au profit, le fait de cacher et de receler le délinquant, et d’autres actes postérieurs au délit déjà pleinement consommé peuvent constituer de nouveaux délits, si la loi les frappe d’une peine ; mais, à moins d’accord avec le coupable avant le délit, ils n’entraînent pas l’imputabilité de ce délit.
Canon 2210
§ 1. Du délit résultent :
1° Une action pénale pour déclarer ou infliger la peine et pour demander satisfaction.
2° Une action civile pour la réparation des dommages, si le délit a porté préjudice à autrui.
§ 2. L’une et l’autre action se poursuivent conformément aux Can. 1552–1959, et le juge au criminel peut, sur la demande de la partie lésée, examiner et juger la question civile.
Canon 2211
Tous ceux qui concourent au délit conformément au Can. 2209 § 1–3, sont tenus solidairement des dépens et dommages qui sont résultés du délit pour n’importe quelles personnes, lors même que le juge ne les aurait condamnés qu’à une peine proportionnelle.
Titre 3 – De la tentative de délit
Canon 2212
§ 1. Si quelqu’un pose ou omet des actes, qui de leur nature, conduisent à l’exécution du délit, mais qu’il ne consomme pas celui-ci, soit pour avoir renoncé à son projet, soit en raison de l’insuffisance et de l’inaptitude des moyens, il commet une tentative de délit.
§ 2. Lorsque ont été posés ou omis tous les actes qui, de leur nature, conduisent à l’exécution du délit et suffisent à le consommer, s’ils n’obtiennent pas leur effet pour une cause indépendante de la volonté du coupable, cette tentative est nommée au sens propre un délit avorté ou manqué.
§ 3. On rapproche de la tentative de délit le fait de s’appliquer, mais en vain, à amener une autre personne à commettre le délit.
§ 4. Si la tentative de délit est frappée par la loi d’une peine particulière, elle constitue un vrai délit.
Canon 2213
§ 1. La tentative a son imputabilité dans la mesure où elle approche de la consommation du délit, imputabilité pourtant moindre que celle du délit condamné.
§ 2. Le délit avorté est plus coupable que la simple tentative.
§ 3. Est exempte de toute imputabilité celui qui, spontanément, a renoncé à l’exécution commencée du délit, si aucun dommage ou scandale n’est résulté de la tentative.