Code de Droit Canonique

Promulgé le 27 mai 1917

Cc. 2195-2213.

Livre Cinq, Première partie Des délits

Table des matières

Titre 1 – De la nature et de la division du délit

Canon 2195

§ 1. Sous le nom de délit on entend en droit ecclé­sias­tique, la vio­la­tion exté­rieure et mora­le­ment impu­table d’une loi à laquelle est atta­chée une sanc­tion cano­nique au moins indéterminée.

§ 2. A moins que le contraire ne résulte des cir­cons­tances, ce qui est dit des délits est appli­cable aus­si aux vio­la­tions du pré­cepte auquel est atta­chée une sanc­tion pénale.

Canon 2196

La qua­li­té du délit résulte de l’objet de la loi ; sa quan­ti­té doit être mesu­rée non seule­ment d’après la gra­vi­té variable de la loi vio­lée, mais encore d’après son impu­ta­bi­li­té plus ou moins grande, ou le dom­mage qu’il a causé.

Canon 2197

Le délit est :

 ‘public’, s’il est déjà divul­gué, ou s’il s’est pro­duit ou se pré­sente dans des cir­cons­tances telles, qu’on puisse juger avec pru­dence qu’il doive faci­le­ment être divulgué.

 ‘Notoire de noto­rié­té de droit’ après la sen­tence du juge com­pé­tent pas­sée en force de chose jugée ou après l’aveu du délin­quant fait en jus­tice selon le Can. 1750.

 ‘Notoire de noto­rié­té de fait’, s’il est connu publi­que­ment et a été com­mis dans des cir­cons­tances telles qu’il ne puisse être caché par aucun arti­fice ni excu­sé par aucune considération.

 ‘Occulte’, s’il n’est pas public ; ‘occulte maté­riel­le­ment’ si le délit lui-​même est caché ; ‘occulte for­mel­le­ment’ si son impu­ta­bi­li­té seule est cachée.

Canon 2198

Seule l’autorité ecclé­sias­tique, en requé­rant par­fois l’aide du bras sécu­lier, là où elle le juge néces­saire ou oppor­tun, pour­suit le délit qui, par sa nature, lèse uni­que­ment la loi de l’Église ; les dis­po­si­tions du Can. 120 res­tant sauves, l’autorité civile punit, de droit propre, le délit qui lèse uni­que­ment la loi civile, bien que l’Église reste com­pé­tente à son égard en ‘rai­son du péché’ ; le délit qui lèse la loi des deux socié­tés peut être puni par les deux pouvoirs.

Titre 2 – Imputabilité du délit – Circonstances aggravantes ou atténuantes – Effets juridiques

Canon 2199

L’imputabilité du délit dépend du dol du délin­quant ou de sa culpa­bi­li­té dans l’ignorance de la loi vio­lée ou dans l’omission de la dili­gence néces­saire : en consé­quence, toutes les causes qui aug­mentent, dimi­nuent, sup­priment le dol ou la culpa­bi­li­té, aug­mentent, dimi­nuent, sup­priment par le fait l’imputabilité du délit.

Canon 2200

§ 1. Le dol est ici la volon­té déli­bé­rée de vio­ler la loi, et on lui oppose, du coté de l’intelligence, le défaut de connais­sance, et du coté de la volon­té, le défaut de liberté.

§ 2. La vio­la­tion exté­rieure de la loi étant posée, le dol est pré­su­mé au for externe jusqu’à preuve du contraire.

Canon 2201

§ 1. Sont inca­pables de délit ceux qui sont pri­vés de l’usage actuel de la raison.

§ 2. Ceux qui sont habi­tuel­le­ment fous sont pré­su­més inca­pables de délit, même s’ils ont des inter­valles lucides ou paraissent sains d’esprit dans cer­tains rai­son­ne­ments ou cer­tains actes.

§ 3. Le délit com­mis en état d’ébriété volon­taire n’est exemp­té d’aucune impu­ta­bi­li­té, quoiqu’elle soit moindre que si la même per­sonne avait com­mis ce délit alors qu’il avait son plein juge­ment, à moins tou­te­fois, que cette ébrié­té ait été recher­chée pour com­mettre le délit ou pour avoir une excuse à son sujet ; mais la loi est enfreinte dans un état d’ébriété invo­lon­taire, l’imputabilité dis­pa­raît com­plè­te­ment tant qu’elle prive tota­le­ment de l’usage de la rai­son ; elle est dimi­nuée, si elle ne prive que par­tiel­le­ment de l’usage de la rai­son. La même chose doit être dite des autres per­tur­ba­tions men­tales semblables.

§ 4. La débi­li­té men­tale dimi­nue l’imputabilité du délit, mais sans la supprimer.

Canon 2202

§ 1. La vio­la­tion d’une loi igno­rée n’est aucu­ne­ment impu­table si l’ignorance n’est pas cou­pable ; dans le cas contraire, l’imputabilité est plus ou moins atté­nuée sui­vant le degré de culpa­bi­li­té de l’ignorance.

§ 2. L’ignorance de la peine seule ne sup­prime pas l’imputabilité du délit, mais la dimi­nue en quelque mesure.

§ 3. Ce qui est dit de l’ignorance s’applique aus­si à l’inadvertance et à l’erreur.

Canon 2203

§ 1. Si quelqu’un a vio­lé une loi en omet­tant la dili­gence requise, l’imputabilité est dimi­nuée dans la mesure à déter­mi­ner par la pru­dence du juge d’après les cir­cons­tances. Si le délin­quant a pré­vu l’accident et a omis de prendre les pré­cau­tions qu’aurait prises tout homme pru­dent, sa faute est proche du dol.

§ 2. Le cas for­tuit impré­vi­sible ou auquel, même pré­vu, on ne peut remé­dier, exempte de toute imputabilité.

Canon 2204

La mino­ri­té de l’âge, sauf cer­ti­tude du contraire, dimi­nue l’imputabilité du délit, et cela d’autant plus qu’elle se rap­proche davan­tage de l’enfance.

Canon 2205

§ 1. La vio­lence phy­sique qui sup­prime toute liber­té exclut com­plè­te­ment le délit.

§ 2. La crainte grave, même rela­ti­ve­ment, la néces­si­té et même un grave incon­vé­nient sup­priment le plus sou­vent le délit, s’il s’agit de lois pure­ment ecclésiastiques.

§ 3. Mais si l’acte est intrin­sè­que­ment mau­vais et tourne au mépris de la foi, de l’autorité ecclé­sias­tique ou au détri­ment des âmes, les causes men­tion­nées au Par.2 dimi­nuent l’imputabilité du délit, mais sans la supprimer.

§ 4. Le motif de légi­time défense contre un injuste agres­seur, si l’on garde la modé­ra­tion requise, sup­prime entiè­re­ment le délit ; sinon, il atté­nue seule­ment l’imputabilité ; elle est atté­nuée aus­si par une provocation.

Canon 2206

La pas­sion, si elle est exci­tée ou entre­te­nue volon­tai­re­ment et déli­bé­ré­ment, accroît l’imputabilité ; sinon elle l’atténue plus ou moins sui­vant son degré d’impétuosité ; elle la sup­prime com­plè­te­ment, si elle pré­cède et empêche toute déli­bé­ra­tion de l’esprit et tout consen­te­ment de la volonté.

Canon 2207

En plus des autres cir­cons­tances aggra­vantes, le délit est aggravé :

 Par la digni­té de la per­sonne qui com­met le délit ou qui en est la victime ;

 Par l’abus de l’autorité ou de l’office dont on se ser­vi­rait pour accom­plir le délit.

Canon 2208

§ 1. Est réci­di­viste, au sens du droit, celui qui, après une condam­na­tion, retombe dans un délit du même genre et dans de telles cir­cons­tances de faits, et sur­tout de temps, que l’on peut à bon droit conjec­tu­rer chez lui une mau­vaise volon­té obstinée.

§ 2. Celui qui com­met plu­sieurs délits, même de genres dif­fé­rents, aug­mente sa culpabilité.

Canon 2209

§ 1. Ceux qui d’un com­mun accord, concourent phy­si­que­ment au délit sont tenus pour éga­le­ment cou­pables, à moins que les cir­cons­tances n’aggravent ou n’atténuent la culpa­bi­li­té de l’un d’entre eux.

§ 2. Dans un délit, qui de sa nature, demande un com­plice, chaque par­tie est éga­le­ment cou­pable, à moins que le contraire ne résulte des circonstances.

§ 3. Non seule­ment le man­dant qui est le prin­ci­pal auteur du délit, mais aus­si ceux qui poussent à le consom­mer ou y concourent d’une manière quel­conque, contractent, toutes choses égales d’ailleurs, une aus­si grande impu­ta­bi­li­té que l’exécuteur du délit si le délit n’eût pas été com­mis sans leur concours.

§ 4. Si leur concours a seule­ment faci­li­té le délit, qui aurait été com­mis de toute façon, l’imputabilité est moindre.

§ 5. Celui qui, par une rétrac­ta­tion faite à temps, a plei­ne­ment sup­pri­mé son influence sur l’exécution du délit, est exempte de toute impu­ta­bi­li­té, même si l’exécuteur com­met le délit pour des rai­sons per­son­nelles ; si l’influence n’a pas été plei­ne­ment reti­rée, la rétrac­ta­tion atté­nue mais ne sup­prime pas com­plè­te­ment l’imputabilité.

§ 6. Celui qui concourt à un délit par la simple négli­gence de son office est tenu pour res­pon­sable, pro­por­tion­nel­le­ment à l’obligation qu’il avait, en ver­tu de son office d’empêcher le délit.

§ 7. L’éloge du délit com­mis, la par­ti­ci­pa­tion au pro­fit, le fait de cacher et de rece­ler le délin­quant, et d’autres actes pos­té­rieurs au délit déjà plei­ne­ment consom­mé peuvent consti­tuer de nou­veaux délits, si la loi les frappe d’une peine ; mais, à moins d’accord avec le cou­pable avant le délit, ils n’entraînent pas l’imputabilité de ce délit.

Canon 2210

§ 1. Du délit résultent :

 Une action pénale pour décla­rer ou infli­ger la peine et pour deman­der satisfaction.

 Une action civile pour la répa­ra­tion des dom­mages, si le délit a por­té pré­ju­dice à autrui.

§ 2. L’une et l’autre action se pour­suivent confor­mé­ment aux Can. 1552–1959, et le juge au cri­mi­nel peut, sur la demande de la par­tie lésée, exa­mi­ner et juger la ques­tion civile.

Canon 2211

Tous ceux qui concourent au délit confor­mé­ment au Can. 2209 § 1–3, sont tenus soli­dai­re­ment des dépens et dom­mages qui sont résul­tés du délit pour n’importe quelles per­sonnes, lors même que le juge ne les aurait condam­nés qu’à une peine proportionnelle.

Titre 3 – De la tentative de délit

Canon 2212

§ 1. Si quelqu’un pose ou omet des actes, qui de leur nature, conduisent à l’exécution du délit, mais qu’il ne consomme pas celui-​ci, soit pour avoir renon­cé à son pro­jet, soit en rai­son de l’insuffisance et de l’inaptitude des moyens, il com­met une ten­ta­tive de délit.

§ 2. Lorsque ont été posés ou omis tous les actes qui, de leur nature, conduisent à l’exécution du délit et suf­fisent à le consom­mer, s’ils n’obtiennent pas leur effet pour une cause indé­pen­dante de la volon­té du cou­pable, cette ten­ta­tive est nom­mée au sens propre un délit avor­té ou manqué.

§ 3. On rap­proche de la ten­ta­tive de délit le fait de s’appliquer, mais en vain, à ame­ner une autre per­sonne à com­mettre le délit.

§ 4. Si la ten­ta­tive de délit est frap­pée par la loi d’une peine par­ti­cu­lière, elle consti­tue un vrai délit.

Canon 2213

§ 1. La ten­ta­tive a son impu­ta­bi­li­té dans la mesure où elle approche de la consom­ma­tion du délit, impu­ta­bi­li­té pour­tant moindre que celle du délit condamné.

§ 2. Le délit avor­té est plus cou­pable que la simple tentative.

§ 3. Est exempte de toute impu­ta­bi­li­té celui qui, spon­ta­né­ment, a renon­cé à l’exécution com­men­cée du délit, si aucun dom­mage ou scan­dale n’est résul­té de la tentative.