Concile de Trente

19ᵉ œcuménique ; 13 déc. 1545-4 déc. 1563

17 septembre 1562, 22e session

Doctrines et canons sur le sacrifice de la messe.

Table des matières

a) Doctrines et canons sur le sacrifice de la messe.

Préambule.

Pour que l’on garde dans la sainte Église catho­lique la foi et la doc­trine anciennes, abso­lues et en tout point par­faites sur le grand mys­tère de l’eucharistie, et qu’on les conserve dans leur pure­té, après avoir repous­sé erreurs et héré­sies, le saint concile œcu­mé­nique et géné­ral de Trente… ins­truit par la lumière de l’Esprit Saint, enseigne, déclare et décrète ce qui suit, qui doit être prê­ché aux peuples fidèles, concer­nant l’eucharistie en tant que véri­table et unique sacrifice.

Chapitre 1. L’institution du sacrifice de la messe

Parce que la per­fec­tion n’avait pas été réa­li­sée sous la pre­mière Alliance, au témoi­gnage de l’apôtre Paul, en rai­son de la fai­blesse du sacer­doce lévi­tique, il a fal­lu, Dieu le Père des misé­ri­cordes l’ordonnant ain­si, que se lève un autre prêtre « selon l’ordre de Melchisedech » [Ps 110, 4 ; He 5, 6 ; He 5, 10 ; He 7, 11 ; He 7, 17 ; Gn 14, 18] notre Seigneur Jésus Christ, qui pour­rait ame­ner à la plé­ni­tude [He 10, 14] et conduire à la per­fec­tion tous ceux qui devaient être sanctifiés.

Sans doute, lui, notre Dieu et Seigneur, allait-​il s’offrir lui-​même une fois pour toutes à Dieu le Père sur l’autel de la croix par sa mort [He 7, 27] afin de réa­li­ser pour eux (là même) une Rédemption éter­nelle. Cependant, parce qu’il ne fal­lait pas que son sacer­doce fût éteint par la mort [He 7, 24] lors de la der­nière Cène, « la nuit où il fut livré » [1 Co 11, 23], il vou­lut lais­ser à l’Église, son épouse bien-​aimée, un sacri­fice qui soit visible (comme l’exige la nature humaine). Par là serait repré­sen­té le sacri­fice san­glant qui devait s’accomplir une fois pour toutes sur la croix, le sou­ve­nir en demeu­re­rait jusqu’à la fin du monde, et sa ver­tu salu­taire serait appli­quée à la rémis­sion de ces péchés que nous com­men­tons chaque jour.

Se décla­rant éta­bli prêtre pour tou­jours selon l’ordre de Melchisedech [Ps 110, 4 ; He 5, 6 ; He 7, 17] il offrit à Dieu le Père son Corps et son Sang sous les espèces du pain et du vin ; sous le sym­bole de celles-​ci, il les don­na aux apôtres (qu’il consti­tuait alors prêtres de la Nouvelle Alliance) pour qu’ils les prennent ; et à ceux-​ci ain­si qu’à leurs suc­ces­seurs dans le sacer­doce, il ordon­na de les offrir en pro­non­çant ces paroles : « Faites ceci en mémoire de moi » [Lc 22, 19 ; 1 Co 11, 24], etc., comme l’a tou­jours com­pris et ensei­gné l’Église catho­lique [can. 2].

En effet, ayant célé­bré la Pâque ancienne, que la mul­ti­tude des enfants d’Israël immo­lait en sou­ve­nir de la sor­tie d’Égypte [Ex 12], il ins­ti­tua la Pâque nou­velle où lui-​même doit être immo­lé par l’Église par le minis­tère des prêtres, sous des signes visibles en mémoire de son pas­sage de ce monde à son Père, lorsque, par l’effusion de son sang il nous rache­ta et « nous arra­cha à la puis­sance des ténèbres et nous fit pas­ser dans son Royaume » [Col 1, 13]

Et c’est là l’oblation pure, qui ne peut être souillée par aucune indi­gni­té ou malice de ceux qui l’offrent, dont le Seigneur a pré­dit par Malachie qu’elle devrait être offerte pure en tout lieu en son nom, qui serait grand par­mi les nations [Ml 1, 11], que l’apôtre Paul a dési­gné sans ambi­guï­té lorsque, écri­vant aux Corinthiens, il dit : ceux qui se sont souillés en par­ti­ci­pant à la table des démons ne peuvent par­ti­ci­per à la table du Seigneur [1 Co 10, 21] enten­dant par le mot « table », dans l’un et l’autre cas, l’autel. C’est elle enfin, qui, au temps de la nature et de la Loi, était figu­rée par les diverses images des sacri­fices [Gn 4, 4 ; Gn 8, 20 ; Gn 12, 8 ; Gn 22, 1–19] (Ex : pas­sim), en tant que ren­fer­mant en elle tous les biens que ceux-​ci signi­fiaient, en étant la consom­ma­tion et la per­fec­tion de tous.

Chapitre 2. Le sacrifice visible, expiation pour les vivants et les morts.

Parce que, dans ce divin sacri­fice qui s’accomplit à la messe, ce même Christ est conte­nu et immo­lé de manière non san­glante, lui qui s’est offert une fois pour toutes de manière san­glante sur l’autel de la croix [He 9, 14 ; He 9, 27] le saint concile enseigne que ce sacri­fice est vrai­ment pro­pi­tia­toire [can. 3], et que par lui il se fait que, si nous nous appro­chons de Dieu avec un cœur sin­cère et une foi droite, avec crainte et res­pect, contrits et péni­tents, « nous obte­nons misé­ri­corde, et nous trou­vons la grâce d’un secours oppor­tun » [He 4, 16] Apaisé par l’oblation de ce sacri­fice, le Seigneur, en accor­dant la grâce et le don de la péni­tence, remet les crimes et les péchés, même ceux qui sont énormes. C’est, en effet, une seule et même vic­time, c’est le même qui, s’offrant main­te­nant par le minis­tère des prêtres, s’est offert alors lui-​même sur la croix, la manière de s’offrir étant seule différente.

Les fruits de cette obla­tion – celle qui est san­glante – sont reçus abon­dam­ment par le moyen de cette obla­tion non san­glante ; tant il s’en faut que celle-​ci ne fasse en aucune façon tort à celle-​là [can. 4]. C’est pour­quoi, confor­mé­ment à la tra­di­tion des apôtres, elle est légi­ti­me­ment offerte, non seule­ment pour les péchés, les peines, les satis­fac­tions et les autres besoins des fidèles vivants, mais aus­si pour ceux qui sont morts dans le Christ et ne sont pas encore plei­ne­ment puri­fiés [can. 3].

Chapitre 3. Messes en l’honneur des saints.

Bien que l’Église ait cou­tume de célé­brer par­fois quelques messes en l’honneur et en mémoire des saints, elle enseigne que ce n’est pour­tant pas à eux que le sacri­fice est offert, mais à Dieu seul qui les a cou­ron­nés [can. 5]. Aussi le prêtre n’a‑t-il pas l’habitude de dire : « Je vous offre le sacri­fice, Pierre et Paul », mais, en ren­dant grâces à Dieu de leurs vic­toires, il implore leur pro­tec­tion, « pour que daignent inter­cé­der pour nous dans les cieux ceux mêmes dont nous fai­sons mémoire sur la terre »

Chapitre 4. Le canon de la messe

Comme il convient que les choses saintes soient sain­te­ment admi­nis­trées et comme la plus sainte de toutes est ce sacri­fice, pour qu’il soit offert et reçu avec digni­té et res­pect, l’Église catho­lique a ins­ti­tué, il y a de nom­breux siècles, le saint canon si pur de toute erreur [can. 6], qu’il n’est rien en lui qui ne res­pire gran­de­ment la sain­te­té et la pié­té et n’élève vers Dieu l’esprit de ceux qui l’offrent. Il appa­raît clai­re­ment, en effet, qu’il est fait soit des paroles mêmes du Seigneur, soit des tra­di­tions des apôtres et des pieuses ins­truc­tions des saints pontifes.

Chapitre 5. Les cérémonies du sacrifice de la messe

La nature humaine est telle qu’elle ne peut faci­le­ment s’élever à la médi­ta­tion des choses divines sans les aides exté­rieures. C’est pour­quoi notre pieuse Mère l’Église a ins­ti­tué cer­tains rites, pour que l’on pro­nonce à la messe cer­taines choses à voix basse [can. 9] et d’autres à voix plus haute. Elle a aus­si intro­duit des céré­mo­nies [can. 7], telles que les béné­dic­tions mys­tiques, les lumières, les encen­se­ments, les vête­ments et de nom­breuses autres choses de ce genre, reçues de l’autorité et de la tra­di­tion des apôtres. Par là serait sou­li­gnée la majes­té d’un si grand sacri­fice, et les esprits des fidèles seraient sti­mu­lés, par le moyen de ces signes visibles de reli­gion et de pié­té, à la contem­pla­tion des choses les plus hautes qui sont cachées dans ce sacrifice.

Chapitre 6. La messe à laquelle seule le prêtre communie

Le saint concile sou­hai­te­rait, certes, que les fidèles assis­tant à chaque messe ne com­mu­nient pas seule­ment par un désir spi­ri­tuel, mais aus­si par la récep­tion sacra­men­telle de l’eucharistie, par quoi ils recueille­raient un fruit plus abon­dant de ce très saint sacri­fice. Cependant, s’il n’en est pas tou­jours ain­si, il ne condamne pas pour cela, comme pri­vées et illi­cites [can. 8], les messes où seul le prêtre com­mu­nie sacra­men­tel­le­ment ; mais il les approuve et les recom­mande, puisque ces messes doivent elles aus­si être regar­dées comme vrai­ment publiques, en par­tie parce que le peuple y com­mu­nie spi­ri­tuel­le­ment, en par­tie parce qu’elles sont célé­brées par un ministre public de l’Église, non pas pour lui seule­ment, mais pour tous les fidèles qui appar­tiennent au corps du Christ.

Chapitre 7. L’eau mêlée au vin.

Le saint concile aver­tit ensuite que l’Église a pres­crit aux prêtres de mêler de l’eau au vin que l’on doit offrir dans le calice [can. 9], aus­si bien parce que l’on croit que le Seigneur Christ a fait ain­si que, aus­si, parce que de son côté a cou­lé de l’eau en même temps que du sang [Jn 19, 34], ce que le sacre­ment rap­pelle par ce mélange. Et puisque, dans l’Apocalypse de saint Jean, les eaux sont dites être les peuples [Ap 17, 15], ain­si est repré­sen­tée l’union du peuple fidèle avec le Christ, sa tête.

Chapitre 8. Rejet de la langue vulgaire dans la messe ; explication de ses mystères

Bien que la messe contienne un grand ensei­gne­ment pour le peuple fidèle, il n’a pas cepen­dant paru bon aux pères qu’elle soit célé­brée çà et là en langue vul­gaire [can. 9]. C’est pour­quoi, tout en gar­dant par­tout le rite antique propre à chaque Église et approu­vé par la sainte Église romaine, Mère et maî­tresse de toutes les Églises, pour que les bre­bis du Christ ne meurent pas de faim et que les petits ne demandent pas du pain et que per­sonne ne leur en donne [Lm 4, 4], le saint concile ordonne aux pas­teurs et à tous ceux qui ont charge d’âme de don­ner quelques expli­ca­tions fré­quem­ment, pen­dant la célé­bra­tion des messes, par eux-​mêmes ou par d’autres, à par­tir des textes lus à la messe, et, entre autres, d’éclairer le mys­tère de ce sacri­fice, sur­tout les dimanches et les jours de fête.

Chapitre 9. Remarques préalables aux canons qui suivent.

Mais parce que, aujourd’hui, contre cette foi ancienne fon­dée sur le saint Évangile, sur les tra­di­tions des apôtres et sur l’enseignement des saints Pères, de nom­breuses erreurs se sont répan­dues, et quan­ti­té de choses ont été ensei­gnées et dis­cu­tées par quan­ti­té de gens, le saint concile, après avoir abon­dam­ment, sérieu­se­ment et mûre­ment trai­té de ces choses, a l’unanimité de tous les pères, a déci­dé de condam­ner et d’éliminer de la sainte Église ce qui va à l’encontre de cette foi très pure et de cette sainte doc­trine, par les canons ci-dessous.

Canons sur le très saint sacrifice de la messe

1. Si quelqu’un dit que, dans la messe, n’est pas offert à Dieu un véri­table et authen­tique sacri­fice ou qu’« être offert » ne signi­fie pas autre chose que le fait que le Christ nous est don­né en nour­ri­ture : qu’il soit anathème.

2. Si quelqu’un dit que par ces mots : « Faites ceci en mémoire de moi » [1 Co 11, 25 ; 1 Co 11, 24] le Christ n’a pas ins­ti­tué les apôtres prêtres, ou qu’il n’a pas ordon­né qu’eux et les autres prêtres offrent son Corps et son Sang qu’il soit anathème .

3. Si quelqu’un dit que le sacri­fice de la messe n’est qu’un sacri­fice de louange et d’action de grâces, ou simple com­mé­mo­ra­tion du sacri­fice accom­pli sur la croix, mais n’est pas un sacri­fice pro­pi­tia­toire ; ou qu’il n’est pro­fi­table qu’à celui-​là seul qui reçoit le Christ et qu’il ne doit pas être offert pour les vivants et les morts, ni pour les péchés, les peines, les satis­fac­tions et les autres néces­si­tés : qu’il soit anathème .

4. Si quelqu’un dit que, par le sacri­fice de la messe, on com­met un blas­phème contre le très saint sacri­fice du Christ accom­pli sur la croix ou qu’il en consti­tue un amoin­dris­se­ment : qu’il soit anathème .

5. Si quelqu’un dit que c’est une impos­ture de célé­brer la messe en l’honneur des saints et pour obte­nir leur inter­ces­sion auprès de Dieu, comme l’entend l’Église : qu’il soit anathème .

6. Si quelqu’un dit que le canon de la messe contient des erreurs et qu’il doit être abro­gé : qu’il soit anathème .

7. Si quelqu’un dit que les céré­mo­nies, les vête­ments et les signes exté­rieurs dont l’Église se sert dans la célé­bra­tion de la messe sont plu­tôt des déri­sions de l’impiété que des marques de pié­té : qu’il soit anathème .

8. Si quelqu’un dit que les messes où seul le prêtre com­mu­nie sacra­men­tel­le­ment sont illi­cites et doivent donc être abro­gées : qu’il soit anathème .

9. Si quelqu’un dit que le rite de l’Église romaine, selon lequel une par­tie du canon et les paroles de la consé­cra­tion sont pro­non­cées à voix basse, doit être condam­né ; ou que la messe ne doit être célé­brée qu’en langue vul­gaire ; ou que l’eau ne doit pas être mêlée, dans le calice, au vin que l’on doit offrir, parce que cela est contraire à l’institution du Christ : qu’il soit anathème.

b) Décret sur la demande de concession du calice.

De plus, le même saint concile, dans sa der­nière ses­sion, s’était réser­vé d’examiner et de défi­nir en un autre temps, quand l’occasion s’en pré­sen­te­rait, deux articles qui lui avaient été pro­po­sés par ailleurs et n’avaient pas encore été dis­cu­tés : Les rai­sons pour les­quelles la sainte Église catho­lique a été ame­née à don­ner la com­mu­nion aux laïcs et aus­si aux prêtres qui ne célèbrent pas sous la seule espèce du pain doivent-​elles être rete­nues en sorte que l’usage du calice ne soit per­mis à per­sonne pour aucune rai­son ? – et : Si l’usage du calice, pour des rai­sons hon­nêtes et conformes à la cha­ri­té chré­tienne, doit être accor­dé à un pays ou à un royaume, sous quelles condi­tions cela doit-​il être concé­dé ? et quelles sont ces conditions ?

Voulant main­te­nant pour­voir au mieux au salut de ceux pour qui la demande a été faite, le concile a décré­té que toute l’affaire devrait être défé­rée à notre très Saint-​Père, comme il le défère par le pré­sent décret ; selon sa sin­gu­lière pru­dence, celui-​ci fera ce qu’il juge­ra devoir être utile pour les États chré­tiens et salu­taire pour ceux qui demandent l’usage du calice.