Pie XI

259ᵉ pape ; de 1922 à 1939

24 août 1926

Lettre apostolique Die vicesima septima

Proclamant saint Jean de la Croix, confesseur de l’Ordre des Carmes déchaussés, docteur de l’Église universelle.

Pie XI, Pape

Pour per­pé­tuer la mémoire du fait.

Le 27 décembre de l’an 1726, Notre pré­dé­ces­seur de véné­rée mémoire le Pape Benoit XIII mit au nombre des Saints saint Jean de la Croix, pre­mier pro­fès de l’Ordre des Carmes déchaus­sés, et, avec Thérèse de Jésus, réfor­ma­teur de l’Ordre car­mé­li­tain. Or, la bulle de cano­ni­sa­tion exalte magni­fi­que­ment la vie admi­rable de ce saint, faite d’austérité et rom­pue à la pra­tique de toutes les ver­tus, en même temps que sa pro­fonde connais­sance des choses divines. Ne fut-​il pas de toute évi­dence très pro­vi­den­tiel­le­ment sus­ci­té de Dieu, au xvie siècle, entre tant d’hommes émi­nents en science et en sain­te­té et, comme tels, véri­tables lumières de l’Eglise à leur époque, pour répa­rer les dom­mages et les pré­ju­dices que l’Epouse mys­tique du Christ avait souf­ferts de la pari des héré­tiques pro­tes­tants, et aus­si pour réfu­ter leurs erreurs spéciales ?

Né dans la bour­gade espa­gnole de Fontiveros, le 24 juin 1542, et entré chez les Carmes à vingt et un ans, il apprit la phi­lo­so­phie et la théo­lo­gie en la très célèbre Université de Salamanque. L’année même de son ordi­na­tion sacer­do­tale, en 1567, il connut sainte Thérèse, au moment où celle-​ci, après avoir ame­né les Sœurs du Carmel à une plus stricte obser­vance de leur Règle, son­geait très sérieu­se­ment à intro­duire aus­si cette réforme chez les reli­gieux du même Ordre. Jean adhé­ra plei­ne­ment aux pro­jets de sainte Thérèse et favo­ri­sa avec zèle leur pre­mière réa­li­sa­tion : il prit l’habit des Carmes Réformés et se mit à obser­ver leur Règle. C’est ain­si qu’il fut choi­si comme maître des novices et pre­mier direc­teur de la mai­son d’Alcala de Hénarès ; mais nom­mé peu après confes­seur des Sœurs Carmélites d’Avila, encore atta­chées à l’ancienne obser­vance, il fut enle­vé de force et jeté en pri­son. Il res­ta en cap­ti­vi­té neuf mois, durant les­quels il écri­vit son Cantique spi­ri­tuel. Cet ouvrage, qu’il enri­chi­ra plus tard de notes et de remarques expli­ca­tives, est tout ensemble un chant lyrique, où l’au­teur magni­fie l’union mys­tique de l’âme fidèle avec le Christ, son époux, et un trai­té didac­tique sur les mul­tiples effets de l’oraison et les douces affec­tions qu’on y éprouve.

Délivré mira­cu­leu­se­ment, il revint habi­ter le couvent du Calvaire. Là comme ailleurs, en quelque mai­son que ses fonc­tions ulté­rieures le contrai­gnissent de rési­der, il com­po­sa de nou­veaux écrits que l’on dirait ins­pi­rés d’en haut, tant il y témoigne de clair­voyance dans l’étude des cha­rismes divins, ces jalons de la voie par­faite qu’il pro­pose aux âmes. Quelque ardues, quelque voi­lées de mys­tère que puissent paraître La Montée du Carmel, La nuit obs­cure, La vive Flamme d’a­mour, y com­pris plu­sieurs autres de ses œuvres, ain­si que ses Lettres, elles révèlent néan­moins une spi­ri­tua­li­té si sub­stan­tielle et une si excel­lente méthode d’adaptation à l’intelligence du lec­teur, que leur ensemble mérite d’être regar­dé comme le code et le guide de l’âme fidèle en marche vers une plus haute per­fec­tion de vie. La bulle de cano­ni­sa­tion affirme donc avec rai­son que Jean de la Croix écri­vit « des livres sur la théo­lo­gie mys­tique rem­plis d’une sagesse toute céleste » : juge­ment par lui-​même fort appré­ciable, mais dont le ver­dict presque una­nime de la pos­té­ri­té a encore accen­tué la valeur intrin­sèque. Après la mort de Jean, sur­ve­nue en Fan de grâce 1591, son auto­ri­té dans le domaine mys­tique pro­gres­sa si bien avec le temps que depuis lors les auteurs écri­vant sur cette science sacrée, voire les saints per­son­nages, n’ont jamais ces­sé ni de le recon­naître expérimen­talement pour un maître en matière de sain­te­té et de pié­té ni de pui­ser en sa doc­trine et ses écrits, comme à une source très pure du sen­ti­ment chré­tien et de l’esprit de l’Eglise, les prin­cipes de leurs trai­tés de spiritualité.

Ne nous éton­nons donc pas si, dès l’année 1891, troi­sième cen­te­naire de sa mort, plu­sieurs car­di­naux ain­si que les évêques d’Espagne prièrent ins­tam­ment Notre pré­dé­ces­seur le Pape Léon XIII de bien vou­loir décla­rer saint Jean de la Croix doc­teur de l’Eglise. Depuis lors, sup­pliques de même nature adres­sées à ce Saint-​Siège soit par des rec­teurs d’Universités catho­liques, soit par des supé­rieurs de com­munautés reli­gieuses, se suc­cé­dèrent en grand nombre et sans interruption.

Pour ces motifs, et atten­du qu’en pré­vi­sion des fêtes qui mar­que­ront bien­tôt le deuxième cen­te­naire de la cano­ni­sa­tion du Saint le Préposé géné­ral actuel de l’Ordre des Carmes déchaus­sés, défé­rant en cela au vœu una­nime du Chapitre géné­ral de son Ordre, Nous a sup­plié de vou­loir bien décer­ner à Jean de la Croix le titre de doc­teur de l’Eglise ; qu’à sa requête sont venues s’ajouter beau­coup d’autres, éma­nant de car­di­naux, arche­vêques, évêques, de membres illustres soit du cler­gé, soit du laï­cat, d’hommes de science agré­gés à diverses Académies ou socié­tés de hautes éludes, il Nous parut sou­ve­rai­ne­ment oppor­tun de sai­sir d’une affaire si impor­tante, pour avis et étude appro­fon­die, la S. Congrégation des Rites, laquelle, obtem­pé­rant à Nos ordres, dési­gna d’office des rap­por­teurs qua­li­fiés en la matière. Leurs suf­frages émis et recueillis sépa­ré­ment ayant été impri­més, il ne s’agissait plus que de pres­sen­tir les car­di­naux pré­po­sés à la S. Congrégation des Rites en leur deman­dant si, après s’être assu­rés des trois titres requis, depuis Notre pré­dé­ces­seur de véné­rée mémoire le Pape Benoit XIV, pour être pro­cla­mé doc­teur de l’Eglise uni­ver­selle, à savoir une vie sainte, une doc­trine émi­nente et la décla­ra­tion du Souverain Pontife, ils étaient d’avis que l’on pût pro­cé­der à la décla­ra­tion de saint Jean de la Croix comme doc­teur de l’Eglise uni­ver­selle. Dans la réunion ordi­naire tenue au palais du Vatican le 27 juillet der­nier, après un rap­port de Notre Vénérable Frère Antoine car­di­nal Vico, évêque de Porto et Sainte-​Rufine, pré­fet de cette Sacrée Congrégation, et après avoir enten­du Notre cher Fils Charles Sarlotti, pro­mo­teur géné­ral de la foi, les car­di­naux de la Sainte Eglise Romaine pré­po­sés à la Sacrée Congrégation des Rites ren­dirent, à l’unanimité, une sen­tence affirmative.

C’est donc très volon­tiers que, répon­dant aux vœux de tous les Carmes déchaus­sés et de tous ceux qui sol­li­ci­tèrent la môme faveur, par la teneur des pré­sentes Lettres, de science cer­taine et après mûre déli­bé­ra­tion, dans la plé­ni­tude de l’au­to­ri­té apos­to­lique, Nous consti­tuons et décla­rons doc­teur de l’Eglise uni­ver­selle le saint confes­seur Jean de la Croix. Et cela non­obs­tant toutes consti­tu­tions, ordon­nances apos­to­liques ou autres dis­po­si­tions contraires. Nous déci­dons que les pré­sentes Lettres soient et demeurent tou­jours fermes, valides et effi­caces ; elles ont et gardent leurs effets pleins et entiers. Nous vou­lons qu’on en juge et en décide ain­si. Dès main­te­nant, toute atteinte por­tée à ces Lettres, sciem­ment ou par igno­rance, par qui que ce soit, de quelque auto­ri­té qu’il puisse se pré­va­loir, est irri­tée et décla­rée vaine.

Donné à Rome, près Saint-​Pierre, sous l’anneau du Pêcheur, le 24 août 1926, de Notre Pontificat la cin­quième année.

P. card. Gasparri, Secrétaire d’Etat.

Source : Actes de S. S. Pie XI, tome 3, pp. 249–254.

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