Léon XIII

256ᵉ pape ; de 1878 à 1903

30 novembre 1894

Lettre apostolique Orientalium dignitas Ecclesiarum

Sur le maintien et la conservation de la discipline des orientaux

Léon, évêque,
Serviteur des ser­vi­teurs de Dieu,

Pour per­pé­tuelle mémoire. 

La digni­té des Eglises orien­tales, consa­crée par les plus anciens et les plus illustres monu­ments de l’histoire, est en hon­neur et eu véné­ra­tion dans tout l’univers chré­tien. Dans leur sein, en effet, les pre­miers germes de notre Rédemption, don de la misé­ri­corde et de la Providence divine, se déve­lop­pèrent si rapi­de­ment que les gloires de l’apostolat, du mar­tyre, de la science et de la sain­te­té y bril­lèrent de leur pre­mière splen­deur, et répan­dirent leurs pre­miers fruits de salut et de joie. De leur sein, ces immenses et tout-​puis­sants bien­faits s’écoulèrent au loin sur tous les peuples, lorsque Pierre, prince du Collège apos­to­lique, pour ren­ver­ser la mul­tiple per­ver­si­té de l’erreur et du vice, appor­ta, par l’ordre de Dieu, la lumière de la véri­té divine, l’évangile de la paix et la liber­té du Christ dans la ville maî­tresse du monde.

Mais aus­si, que d’honneur et d’amour depuis ces temps aposto­liques, l’Eglise de Rome, reine de toutes les autres, s’est plu à rendre aux Eglises orien­tales, dont la fidèle sou­mis­sion, en retour, lui appor­tait tant de joie ! Jamais, à tra­vers les vicis­si­tudes et la diffi­culté des temps, elle ne les aban­don­na ; sa sagesse et ses bien­faits rele­vaient leurs ruines, rete­naient leur fidé­li­té, apai­saient leurs dissensions.

L’un des avan­tages, et non le moindre, de sa sol­li­ci­tude pour les peuples de l’Orient a été la défense et la conser­va­tion com­plète des cou­tumes et des rites sacrés que sa pru­dence et son auto­ri­té leur avaient per­mis d’adopter.

Nous en avons la preuve dans les nom­breux décrets que nos pré­dé­ces­seurs, et en par­ti­cu­lier Pie IX, d’heureuse mémoire, ont pro­mulgués par leurs propres actes ou par la Sacrée Congrégation de la Propagande.

Nous-​même, conduit et ani­mé par un même zèle, dès le début de notre Pontificat Nous avons tour­né nos regards, avec amour, vers les nations chré­tiennes de l’Orient, et Nous Nous sommes empres­sé de consa­crer Nos soins au sou­la­ge­ment de leurs maux. Dans la suite, Nous avons encore trou­vé l’occasion de leur témoi­gner Notre active bienveillance

Mais Nous n’avons jamais eu et Nous n’aurons jamais rien de plus cher et de plus sacré que de don­ner aux cœurs fidèles au Siège Apostolique une foi assez ardente et assez féconde pour qu’ils s’efforcent d’atteindre la sain­te­té et la gloire de leurs ancêtres, en imi­tant leurs exemples.

Déjà Nous avons pu rendre quelques ser­vices à ces Eglises. Nous avons fon­dé, à Rome, un col­lège pour les clercs armé­niens et maro­nites ; à Philippopoli et à Andrinople, pour les Bulgares. Nous avons décré­té l’établissement de l’institut Léon, à Athènes, et le Séminaire de Sainte-​Anne, éta­bli à Jérusalem, pour la for­ma­tion du cler­gé grec-​melchite, reçoit tous les jours de notre part des faveurs plus nombreuses.

En outre, Nous sommes sur le point d’augmenter le nombre des syriens, élèves du col­lège urba­nien, et de rendre à sa des­ti­na­tion pri­mi­tive le col­lège atha­na­sien, des­ti­né aux grecs par Grégoire XIII, son géné­reux fon­da­teur, et d’où sont sor­tis des hommes illustres.

Nous vou­lons mul­ti­plier ces fon­da­tions et les œuvres de ce genre avec une volon­té plus ardente encore depuis que, sous l’inspiration divine, Nous avons réa­li­sé, après l’avoir long­temps mûri, Notre pro­jet d’appeler par une lettre spé­ciale les princes et les peuples à l’heureuse uni­té de la foi divine.

Or, par­mi les peuples chré­tiens si mal­heu­reu­se­ment divi­sés, c’est aux nations de l’Orient d’abord que Nous Nous sommes adres­sé : les appe­lant, les exhor­tant, les sup­pliant avec la plus pater­nelle et la plus apos­to­lique affection.

Nos pre­mières espé­rances gran­dissent tous les jours, Nous en avons fait la douce expé­rience, et Nous imposent le devoir de pour­suivre avec plus d’ardeur une œuvre aus­si salu­taire. Aussi tout ce qu’on peut attendre de la sagesse du Siège Apostolique, Nous le met­trons en œuvre : et pour éloi­gner toutes les causes de dis­corde ou de défiance, et pour appor­ter le meilleur concours pos­sible à la récon­ci­lia­tion. Le plus impor­tant, à Notre avis, est d’appliquer Notre atten­tion et Nos soins à la conser­va­tion de la dis­ci­pline particu­lière de l’Orient, ce que, d’ailleurs, Nous avons tou­jours fait.

Aussi Nous avons pres­crit dans les col­lèges de ces nations récem­ment fon­dés, et pour ceux qui le seront à l’avenir, le plus grand res­pect et l’observation exacte des rites dont les élèves devront pos­séder la connais­sance et la pratique.

Leur main­tien, en effet, a plus d’importance qu’on ne pour­rait le croire. L’auguste anti­qui­té qui enno­blit ces divers rites est l’orne­ment de toute l’Eglise et affirme la divine uni­té de la foi catholique.

Ils mani­festent plus clai­re­ment aux prin­ci­pales Eglises d’Orient leur ori­gine apos­to­lique, et mettent en même temps en lumière leur union intime, dès le prin­cipe du chris­tia­nisme, avec l’Eglise romaine. Rien, en effet, ne mani­feste peut-​être mieux la note de catho­li­ci­té dans l’Eglise de Dieu, que l’hom­mage sin­gu­lier de ces céré­mo­nies de formes dif­fé­rentes, célé­brées en des langues véné­rables par leur anti­qui­té, consa­crées davan­tage encore par l’usage qu’en ont fait les Apôtres et les Pères. C’est presque le renou­vel­le­ment du culte choi­si ren­du au Christ, le divin Fondateur de l’Eglise, par les Mages des dif­fé­rentes contrées de l’Orient qui vinrent pour l’adorer.

Ici, il est bon de remar­quer que si les céré­mo­nies saintes n’ont pas été ins­ti­tuées direc­te­ment comme preuve de la véri­té des dogmes catho­liques, elles en mani­festent, tou­te­fois, mer­veilleu­se­ment la vie.

Aussi, comme l’Eglise du Christ est jalouse de conser­ver intacts les dogmes qu’elle a reçus, en temps que divins, comme immuables, elle accorde de même et tolère quelque inno­va­tion dans leur forme exté­rieure, sur­tout en ce qui est conforme à la véné­rable anti­qui­té. Ainsi se mani­feste la vigueur de son éter­nelle jeu­nesse, et l’Eglise brille d’un nou­vel éclat, Eglise dont la sagesse des Pères avait recon­nu la figure dans les paroles de David : La reine est assise à notre droite, dans un vête­ment doré, enve­lop­pée d’étoffes variées, riche de ses franges d’or et de ses mul­tiples parures.

Puisque cette légi­time varié­té de la litur­gie et de la dis­ci­pline des Orientaux ajoute, à tous ses avan­tages, celui de la gloire et du bien de l’Eglise, les devoirs de Notre charge Nous obligent à veiller atten­ti­ve­ment à éloi­gner tout obs­tacle, à empê­cher toute impru­dence de la part des ministres de l’Evangile entraî­nés de l’Occident vers ces peuples par la cha­ri­té du Christ.

Valables demeurent donc les déci­sions prises sur ce point par Notre illustre pré­dé­ces­seur Benoît XIV, dans la Constitution Demandatam, publiée en forme de lettre, le 24 décembre 1743, et adres­sée au Patriarche des grecs-​melchites, à Antioche, comme à tous les évêques du même rite sou­mis à sa juridiction.

Mais, depuis, un long inter­valle de temps s’est écou­lé, la situa­tion a chan­gé dans ces pays, et le nombre des mis­sion­naires et des ins­ti­tu­tions du rite latin s’étant accru, on a ins­tam­ment appe­lé sur ce sujet l’attention du Siège Apostolique.

Maintes fois, dans les der­nières années, Nous avions pu recon­naître l’importance de cette ques­tion, impor­tance confir­mée d’ailleurs par les vœux très légi­times et plu­sieurs fois répé­tés de Nos véné­rables Frères, les Patriarches orientaux.

Pour voir plus clai­re­ment l’ensemble de cette affaire, et les mesures à prendre, Nous avons jugé utile d’appeler récem­ment à Rome ces mêmes Patriarches et de Nous entendre avec eux. Nous les avons réunis sou­vent avec quelques-​uns de Nos chers fils, Cardinaux de la Sainte Eglise romaine, pour déli­bé­rer en Notre présence.

Après avoir mûre­ment étu­dié ce qui avait été pré­pa­ré et dis­cu­té dans ces réunions, Nous avons réso­lu de rendre plus expli­cites et plus larges, confor­mé­ment à la situa­tion nou­velle de ces peuples, les pres­crip­tions de la même Constitution de Benoît XIV.

Nous en tirons comme prin­cipe ce qui suit : Les prêtres latins SONT ENVOYÉS DANS CES RÉGIONS, PAR LE SIÈGE APOSTOLIQUE, UNIQUEMENT pour être des auxi­liaires et des sou­tiens. Il faut donc prendre garde qu’en usant des pou­voirs qui leur sont accor­dés, ils ne portent préju­dice à la juri­dic­tion de ces Ordinaires et ne dimi­nuent le nombre des fidèles qui leur sont soumis.

On voit clai­re­ment, d’après cette règle, quelles lois doivent fixer les devoirs des prêtres latins envers la hié­rar­chie orientale.

C’est pour­quoi les pres­crip­tions sui­vantes Nous ont paru devoir être ren­dues et sanc­tion­nées au nom du Seigneur, comme Nous le fai­sons, appuyé sur Notre auto­ri­té apos­to­lique, décla­rant main­tenant vou­loir et décré­ter que les déci­sions de Benoît XIV, prises d’a­bord pour les mel­chites, atteignent uni­ver­sel­le­ment tous les fidèles d’Orient de tous les rites.

  • I. Tout mis­sion­naire latin, du cler­gé sécu­lier ou régu­lier, ame­nant un orien­tal au rite latin par ses conseils ou son appui, sans préju­dice de la sus­pense a divi­nis qu’il encour­ra ipso fac­to, et des autres peines infli­gées par la Constitution Demandatam, sera pri­vé et dépouillé de sa charge.

Pour que cette ordon­nance soit cer­tai­ne­ment connue et demeure stable, Nous ordon­nons qu’un exem­plaire en soit affi­ché dans les églises des latins.

  • II. A défaut d’un prêtre de son rite auquel le Patriarche orien­tal don­ne­rait le gou­ver­ne­ment spi­ri­tuel de ses fidèles, que ces fidèles, soient, dans ce cas, confiés à un curé d’un rite étran­ger, usant dans la consé­cra­tion des mêmes espèces qu’eux, pain azyme ou fer­men­té : qu’on lui pré­fère tou­te­fois le prêtre qui les emploie selon un rite oriental.

Les fidèles ont la facul­té de com­mu­nier dans l’un ou l’autre rite> non seule­ment dans les lieux où ils ne trou­ve­raient ni une église ni un prêtre de leur rite, confor­mé­ment à la déci­sion de la Sacrée- Congrégation de la Propagande du 18 août 1893, mais encore lorsque l’é­loi­gne­ment de leur propre église ne leur per­met­trait pas de s’y rendre sans de grandes dif­fi­cul­tés ; Nous éta­blis­sons l’Ordinaire juge de ce cas. Qu’il demeure aus­si bien éta­bli que la com­mu­nion même long­temps répé­tée dans un rite étran­ger n’équivaut pas à un chan­gement de rite, et laisse les fidèles, pour tous leurs autres devoirs, sou­mis à leur propre curé.

  • III. Lorsque les Sociétés de reli­gieux latins qui se consacrent à l’éducation de la jeu­nesse en Orient auront dans leurs col­lèges un assez grand nombre d’élèves de rite orien­tal, elles devront, au su du Patriarche, y avoir un prêtre du même rite à la dis­po­si­tion de ces élèves pour la messe, la com­mu­nion, l’enseignement du caté­chisme et l’explication de leurs céré­mo­nies dans leur langue mater­nelle. Que ce prêtre vienne au moins rem­plir ces fonc­tions les dimanches et aux fêtes d’obligation. Pour ce motif, nous décla­rons abo­lis tous les pri­vi­lèges de ces Sociétés, même ceux qui furent hono­rés d’une men­tion spé­ciale, et en ver­tu des­quels les élèves du rite orien­tal sui­vaient le rite latin durant leur séjour dans leurs col­lèges. Pour l’observation des abs­ti­nences de chaque rite, Nous Nous en remet­tons à la reli­gieuse équi­tée des supérieurs.

Que les élèves externes ne soient point non plus négli­gés : ils devront être conduits aux églises de leur rite ou à leurs paroisses, à moins qu’on pense pou­voir les admettre avec les internes aux offices de leur rite.

  • IV. Les mêmes ordon­nances s’appliquent, autant que pos­sible, aux Sociétés de reli­gieuses qui, dans les cou­vents ou les écoles, se vouent à l’éducation des jeunes filles. Si le temps ou l’occasion ame­naient plus tard quelque chan­ge­ment, il ne pour­rait être fait sans le consen­te­ment du Patriarche et l’autorisation du Siège Apostolique.
  • V. Aucun col­lège, aucun couvent du rite latin ne pour­ra être ouvert désor­mais, par les reli­gieux de l’un ou l’autre sexe, avant qu’ils en aient deman­dé et obte­nu le consen­te­ment du Siège Apostolique.
  • VI. Ni les prêtres du rite latin, ni ceux des rites orien­taux ne pour­ront, dans leurs églises ou dans celles d’un rite étran­ger, absoudre les fidèles des cas réser­vés par leurs Ordinaires, à moins d’une auto­ri­sa­tion spé­ciale accor­dée par eux. Tous les pri­vi­lèges, sur cette matière, même spé­cia­le­ment accor­dés, sont entiè­re­ment abolis.
  • VII. Tout orien­tal pas­sé au rite latin, même avec un res­crit ponti­fical, pour­ra tou­jours, après en avoir prié le Siège Apostolique, reve­nir à son pre­mier rite.
  • VIII. La femme de rite latin, mariée à un homme de rite orien­tal, aus­si bien que la femme de rite orien­tal mariée à un latin, pour­ra, au moment ou pen­dant la durée du mariage, embras­ser le rite de son mari : le lien matri­mo­nial rom­pu, elle a la facul­té de reve­nir à son rite.
  • IX. Tout orien­tal, demeu­rant en dehors du ter­ri­toire de son Patriarche et sou­mis à l’administration du cler­gé latin, demeure cepen­dant atta­ché à son rite. Rien ne peut le sous­traire à la juri­diction de son Patriarche dès qu’il revient dans son territoire.
  • X. Aucun Ordre ou Institut reli­gieux latin, de l’un et l’autre sexe, ne doit admettre par­mi ses membres un sujet du rite orien­tal dépour­vu des lettres tes­ti­mo­niales de son Ordinaire.
  • XI. La com­mu­nau­té, la famille ou l’individu d’entre les schisma­tiques, reve­nus à l’unité catho­lique, à la condi­tion presque impo­sée d’embrasser le rite latin, y demeu­re­ront sou­mis pour un temps, mais avec la facul­té de reve­nir un jour au rite catho­lique cor­res­pon­dant à leur rite d’origine. Mais si la condi­tion n’a pas été posée, et que la com­mu­nau­té, la famille, l’individu ne soient sou­mis aux prêtres latins qu’à défaut de prêtres orien­taux, ils devront retour­ner à leur rite dès qu’un prêtre de rite orien­tal sera présent.
  • XII. Les causes matri­mo­niales et ecclé­sias­tiques quel­conques pour les­quelles on fait appel au Saint-​Siège, ne devront jamais être sou­mises à la sen­tence des délé­gués apos­to­liques, à moins d’un ordre exprès du Saint-​Siège, mais elles devront être défé­rées à la Sacrée Congrégation de la Propagande.
  • XIII. Nous don­nons au Patriarche grec-​melchite juri­dic­tion sur tous les fidèles de son rite, vivant sur tout le ter­ri­toire de l’Empire ottoman.

Outre ces mesures spé­ciales et ces pres­crip­tions de droit, Nous dési­rons vive­ment, comme Nous l’avons dit plus haut, voir fon­dés dans les lieux de l’Orient les mieux appro­priés, des col­lèges, des Séminaires, des ins­ti­tu­tions de tout genre, entiè­re­ment des­ti­nés à ins­truire, dans le rite de leur pays, des jeunes gens qui se consa­crent au ser­vice des fidèles de leur nation.

Nous avons réso­lu d’entreprendre avec ardeur la réa­li­sa­tion de ce pro­jet, dont les pro­messes pour l’Eglise dépassent tout ce qu’on peut dire, et d’y consa­crer d’abondantes res­sources avec le géné­reux secours des catho­liques, sur lequel Nous comp­tons. Le minis­tère des prêtres indi­gènes, orga­ni­sé d’une façon appro­priée aux besoins des fidèles et accep­té par eux avec plus d’ardeur, sera beau­coup plus fruc­tueux que celui des étran­gers. Nous l’avons démon­tré un peu plus lon­gue­ment dans l’Encyclique que Nous avons publiée l’année der­nière en faveur de l’établissement de Séminaires dans les Indes­ Orientales. Lorsqu’on aura réglé ain­si l’instruction des jeunes clercs, l’é­clat des études théo­lo­giques et bibliques croî­tra cer­tai­ne­ment par­mi les orien­taux ; la connais­sance des langues anciennes et modernes fleu­ri­ra, les sciences et les lettres dans les­quelles ont brillé leurs Pères et leurs écri­vains pro­dui­ront des fruits plus féconds pour le bien com­mun. On ver­ra alors, objet de tous Nos dési­rs, les frères sépa­rés, grâce à la science remar­quable et à la ver­tu des prêtres catho­liques, recher­cher avec plus d’ar­deur les étreintes de leur com­mune Mère.

Alors, si les clercs unissent, dans une cha­ri­té vrai­ment fra­ter­nelle, leurs cœurs, leurs tra­vaux, leur action, cer­tai­ne­ment, avec la grâce et sous la conduite de Dieu, lui­ra le jour béni où,-tous « accou­rant à l’unité de la foi et de la connais­sance du Fils de Dieu, » s’accom­plira plei­ne­ment et par­fai­te­ment la parole de l’Apôtre : « Tout le corps, uni et lié par toutes les join­tures qui se prêtent un mutuel concours, d’après une opé­ra­tion pro­por­tion­nelle à chaque membre, reçoit son accrois­se­ment pour être édi­fié dans la charité. »

Certes, cette Eglise seule peut se glo­ri­fier d’être la véri­table Eglise du Christ, dans laquelle « il n’y a qu’un seul corps et qu’un seul esprit. » (Id. 4.)

Toutes les déci­sions que Nous avons prises, Nous n’en dou­tons nul­le­ment, seront accep­tées avec un plein res­pect et une entière sou­mis­sion par Nos véné­rables frères les Patriarches, Archevêques et Evêques de tout rite orien­tal, leur pié­té filiale envers le Siège Apostolique et envers Nous-​même nous en donne le gage, leur sol­li­ci­tude envers leurs Eglises s’efforcera d’en assu­rer, par les inté­res­sés, le plein accomplissement.

Les fruits abon­dants qu’il est per­mis d’en attendre et d’en espé­rer naî­tront cer­tai­ne­ment des œuvres de ceux qui Nous repré­sentent dans l’Orient chrétien.

Notre volon­té est donc que les Délégués apos­to­liques estiment comme un devoir sacré de conser­ver, comme ils le méritent, les usages légués à ces peuples par leurs ancêtres ; qu’ils res­pectent et fassent res­pec­ter comme il est juste l’autorité des Patriarches ; que, dans leurs rap­ports avec eux, ils mettent en pra­tique le conseil de l’apôtre (Rom., xii, 10) se pré­ve­nant d’un res­pect mutuel ; qu’ils témoignent leur zèle et leur bien­veillance aux évêques, au cler­gé, et au peuple, et qu’ils soient ani­més du même esprit que l’apôtre saint Jean saluant les sept Eglises d’Asie : (Apoc., i, 4). Grâce à vous et PAIX PAR CELUI QUI ÉTAIT, QUI EST ET QUI DOIT VENIR.

Que, dans toute leur conduite, ils soient dignes d’être regar­dés comme les vrais mes­sa­gers et les conci­lia­teurs de la sainte uni­té entre les Eglises orien­tales et l’Eglise romaine, qui est le centre de cette même uni­té et de la charité.

Nos ordres et Nos exhor­ta­tions doivent ins­pi­rer les sen­ti­ments et diri­ger les actions de tous les prêtres latins qui, dans les régions de l’Orient, accom­plissent des œuvres magni­fiques pour le salut éter­nel des âmes.

S’ils tra­vaillent avec une res­pec­tueuse obéis­sance au Pontife romain, alors Dieu don­ne­ra à leurs labeurs des résul­tats féconds.

Ainsi, tout ce que Nous déci­dons, décla­rons et sanc­tion­nons dans cette lettre, Nous vou­lons et Nous ordon­nons que tous ceux à qui elle est adres­sée l’observent d’une façon invio­lable. Nous vou­lons et ordon­nons que ces pres­crip­tions soient à l’abri de toute cen­sure, de toute contro­verse, et qu’on ne puisse les trans­gres­ser sous aucune cou­leur ni aucun pré­texte, même sous pré­texte de privilège.

Nous vou­lons qu’elles aient leur plein et entier effet, non­obs­tant les Constitutions apos­to­liques, même publiées dans les Conciles géné­raux ou pro­vin­ciaux, non­obs­tant les sta­tuts appuyés de la con­firmation du Saint-​Siège ou de quelque autre, non­obs­tant encore les cou­tumes et les ordon­nances contraires ; comme si elles étaient tex­tuel­le­ment insé­rées dans cette lettre ; Nous y déro­geons expres­sément et spé­cia­le­ment ; Nous vou­lons qu’on y déroge ain­si qu’à tout ce qui serait contraire à Nos résolutions.

Nous vou­lons aus­si qu’envers tous les exem­plaires de cette lettre, même impri­més, contre­si­gnés par la main du notaire et munis de son sceau par un homme consti­tué en digni­té ecclé­sias­tique, on ait la même foi qu’on aurait envers cette pré­sente lettre.

Donné à Rome, près de Saint-​Pierre, l’an 1894 de l’Incarnation de Notre-​Seigneur, la veille des calendes de décembre, la dix- sep­tième année de Notre Pontificat.

A. card. Bianchi,
C. card, de Ruggiero.

Source : Lettres apos­to­liques de S. S. Léon XIII, tome 4, La Bonne Presse

19 mars 1895
Sur la méthode à suivre et la concorde à garder dans l'avancement du catholicisme en orient
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