Les fêtes en l’honneur du IVe centenaire de la mort de saint François Xavier, inaugurées à Goa, trouvèrent leur terme, dans des cérémonies qui eurent lieu à Ernakulam dans le Malabar, et présidées par Son Eminence le Cardinal Gilroy, archevêque de Sydney, nommé pour la circonstance Légat Pontifical.
A saint François-Xavier on joignit l’apôtre saint Thomas, premier prédicateur de la Bonne Nouvelle sur la côte du Malabar.
Le cœur rempli de joie et d’un profond intérêt paternel, Nous vous envoyons Notre salut, chers fils et filles, qui vous trouvez réunis à Ernakulam pour célébrer les centenaires du saint apôtre Thomas et de saint François-Xavier, héros qui apportèrent tous deux à l’Inde l’heureux évangile de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.
Le Malabar et le Sud de l’Inde sont représentés par une foule imposante aussi bien que les autres parties de votre pays. Rassemblés autour de Notre Légat et de vos évêques Nos Vénérables Frères, en cette heure solennelle, vous élevez vos cœurs et vos mains vers le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation[1] afin de Lui rendre grâces pour le don inestimable de la foi que vous avez reçu par l’intermédiaire de ces missionnaires envoyés de Dieu.
Ce n’est pas sans raison que vous êtes fiers du fait que le Seigneur vous a assigné cet Apôtre qui devait mettre son doigt dans les blessures des mains sacrées et sa propre main dans le côté de Jésus, de telle sorte qu’il pût vous apporter la vérité divine au sujet de Dieu et de la Rédemption et avec elle tout le trésor de Son amour sans limite et de Sa grâce.
Mille neuf cents ans se sont écoulés depuis que l’Apôtre est venu en Inde et, par la parole et l’action et par le suprême sacrifice personnel, a rendu témoignage au Christ dans votre pays. La force de Dieu agissant en lui était puissante. Durant les siècles où l’Inde fut coupée de l’Ouest et en dépit des épreuves de nombreuses vicissitudes, les communautés chrétiennes formées par l’Apôtre conservèrent le legs qu’il leur laissa, et aussitôt que la traversée par mer, — à la fin du XVe siècle, — offrit un lien avec leurs frères Chrétiens de l’Ouest, l’union avec eux fut spontanée.
Ce lignage apostolique, chers fils et filles, est le fier privilège de beaucoup d’entre vous qui se font gloire du nom de Chrétiens de Saint Thomas, et Nous sommes heureux en cette occasion de le reconnaître et d’en porter témoignage. Et Notre espoir est que leur vigoureuse activité, féconde en tant de bonnes oeuvres, et leur esprit apostolique, auquel l’Inde Catholique doit tant pour un si grand nombre de ministres du Royaume du Christ et de vierges consacrées, puissent continuer à vous caractériser et hâter le développement de la vie religieuse.
Ce mois marque aussi le 400e anniversaire du jour où François-Xavier termina sa vie et son apostolat, seul sur l’île de Sancian. C’était au moment même où il se préparait à gagner la cour impériale de Chine, au cœur du monde de l’Est-Asiatique. Il n’était âgé que de 46 ans et son œuvre en Asie n’avait duré que dix ans ; mais elle couvrait la vaste région de la Côte Ouest de l’Inde, à travers l’Indonésie, jusqu’au Japon ; et c’était dans cet immense domaine que François avait montré sa véritable grandeur. Il était grand dans la vaste envergure de ses plans de conquête spirituelle ; il était grand dans son activité jour après jour ; si grand que vous l’appelez, à juste titre, votre second Apôtre, et la plus haute autorité de l’Eglise l’a proclamé d’abord patron de tout l’Est et ensuite patron de toutes les Missions, un saint, un travailleur prodigieux, vénéré non seulement par ses frères catholiques, mais aussi par les Hindous, les Musulmans et les Bouddhistes.
Votre bonne fortune est d’avoir eu François-Xavier pour semer le grain de l’Evangile et encourager son développement au cours des premières années, précisément dans la partie sud de votre pays. De cette plantation, arrosée et enrichie par les prières et les sacrifices a jailli l’œuvre des Missions, c’est-à-dire le développement de l’Eglise Catholique dans l’Inde durant les 400 dernières années.
Nous ne savons pas si les Catholiques de l’Inde commémorèrent jamais leurs deux Apôtres avec une telle splendeur et, ce qui est plus important, avec des cœurs aussi bien préparés pour le message de Dieu et de Jésus-Christ, que vous l’avez fait durant ces jours. Mais jamais, Nous croyons pouvoir le dire, pareille célébration ne prit place à un moment ayant de telles conséquences pour vous et votre pays.
Ces récentes années ont vu l’Inde entrer dans une nouvelle ère de son histoire. En posant les fondations du nouvel Etat naissant, elle doit compter sur la coopération de tous les éléments sains et compétents parmi son peuple, et elle a droit à cette coopération. Les forces du bien et du mal sont en train de lutter en un âpre conflit pour l’âme de l’Asie, et vous savez ce qui dépend de l’issue de cette lutte. Vous réalisez aussi le rôle important, dominant et sans compromission qui doit être joué dans ce conflit et dans la construction supérieure de l’Etat par la Religion, par la vraie Foi.
En un pareil moment, Nous faisons appel à vous : tout d’abord pour serrer les rangs et pour être unis ! Il peut y avoir parmi vous des différences de rites et autres pratiques extérieures et manières de vivre ; mais vous professez tous la même foi, vous êtes tous frères et sœurs en Jésus-Christ, tous enfants de la même mère, Son Eglise. Que vous soyez riches ou pauvres, de haute ou modeste condition, vous êtes tous également membres de la grande famille catholique et par la grâce habitant dans votre âme vous êtes déjà des citoyens du ciel [2]. C’est dans cette union et cette concorde qu’est votre force.
Si vous devez prêter votre assistance partout où elle est nécessaire, cette obligation vaut spécialement là où il s’agit de ceux « qui ne font qu’une famille avec nous dans la foi » [3], et elle vaut surtout, lorsque l’Eglise elle-même fait appel à votre aide pour ces importantes entreprises sans lesquelles elle ne peut accomplir sa mission qui est d’ouvrir la voie à la grâce de la vraie foi et à la connaissance et à l’amour de Jésus-Christ. En vous rappelant cela Nous sommes heureux en même temps de louer le zèle avec lequel vous avez bien rempli jusqu’ici cette obligation.
Qu’il y ait une sainte rivalité entre vous dans une manifestation réciproque de respect et de vénération [4] et en donnant à vos évêques l’obéissance confiante due à ceux que le Saint- Esprit a désignés pour veiller sur vos âmes, en sachant qu’ils auront à en rendre compte [5].
Aujourd’hui, alors que les forces du mal combattent en rangs serrés et que la nécessité de la concorde parmi ceux qui sont pour Dieu est plus impérieuse, Nous prenons la liberté de faire appel même à nos frères séparés : Que la division cesse ; elle vous est ouverte, la maison que le Seigneur, dans des paroles sans équivoque, a construite sur la roche de Pierre et de ses successeurs [6].
Puisse l’ardent appel, la prière sacerdotale de Jésus-Christ trouver auprès de vous tous la réponse de tout votre cœur : Père Saint, gardez en votre nom ceux que Vous m’avez donnés, afin qu’ils soient un comme nous [7].
En second lieu, il est grandement nécessaire pour Nous de vous rappeler que l’Eglise Catholique ne demande à personne d’abandonner les traditions et usages locaux, qu’elle n’oblige personne à adopter des manières de vivre étrangères. L’Eglise appartient à l’Est aussi bien qu’à l’Ouest. Elle n’est liée à aucune culture particulière, elle est chez elle avec tous ceux qui respectent les commandements de Dieu. Ce qui est en harmonie avec la nature donnée par Dieu, ce qui est bon et simplement humain, l’Eglise le permet, l’encourage, l’ennoblit et le sanctifie. Ceci étant bien éclairci, il vous appartient, chers fils et filles, d’être conscients de votre devoir envers votre pays et votre peuple.
Soyez une armée de gens qui prient. Assiégez le ciel de vos supplications, appuyées par votre sacrifice personnel, jusqu’à ce que Dieu répande sa miséricorde et sa grâce sur votre cher pays.
Rendez témoignage à Jésus-Christ. Démontrez que tout ce qui peut être juste et bon dans d’autres religions trouve sa signification plus profonde et son achèvement parfait dans le Christ, tandis que la foi catholique révèle une connaissance de la vérité divine et une puissance de salut, de sanctification et d’union de l’homme avec Dieu, qui la rendent infiniment supérieure.
Soutenez la parole de vérité par votre exemple. Vivez en sorte que votre conduite soit un puissant argument attirant les hommes à la vraie foi en Jésus-Christ. C’est là le sublime apostolat auquel vous êtes appelés.
Ainsi vos rangs formeront une puissante phalange contre les éléments destructeurs de l’athéisme. Contre eux vous êtes en mesure d’offrir à votre peuple et à votre gouvernement l’enseignement social de l’Eglise. Il est fondé sur la justice sociale et le devoir de chacun envers la communauté et de la communauté envers chacun ; son but est la paix dans l’ordre social, l’accord des intérêts opposés, de manière que le plus humble dans une nation puisse avoir au moins ce qui est suffisant ; sa force est dans un respect sans compromission pour la dignité et les droits naturels de tout être humain.
Le peuple de l’Inde doit se réjouir de l’esprit religieux enraciné dans son âme. Grâce à la puissante intercession de Marie, la Vierge Bénie, et de vos frères dans la foi, l’Apôtre Thomas et Saint François-Xavier, et grâce à votre courageuse profession personnelle de la foi, en parole et en action, puisse votre peuple dans sa recherche de Dieu arriver à comprendre la signification de la prière sacerdotale de Notre-Seigneur : « La vie éternelle est de Vous connaître, Vous, le seul vrai Dieu, et Jésus-Christ que vous avez envoyé » [8].
En gage de vie éternelle et des plus riches grâces du ciel, avec toute l’affection de Notre cœur, Nous donnons à Notre très digne Légat, à vos évêques et prêtres, à tous ceux qui travaillent avec vous au salut des âmes, à vos œuvres apostoliques, à vos familles, à votre jeunesse et à toute la nation la Bénédiction apostolique.
Source : Documents Pontificaux de S. S. Pie XII, année 1952, Édition Saint-Augustin Saint-Maurice. – D’après le texte anglais des A. A. S., XXXXV, 1953, p. 96.