La dialectique révolutionnaire et la paix chrétienne

Depuis la Révolution dite fran­çaise, l’union des esprits dans notre pays se fait par mode d’opposition à un autre camp.

Depuis la Révolution dite fran­çaise, l’union des esprits dans notre pays se fait par mode d’opposition à un autre camp. Celui-​ci peut être celui de l’étranger contre lequel la France a fait la guerre pour fédé­rer ses « citoyens » et régler ain­si ses pro­blèmes internes, mais comme l’on ne peut pas être per­pé­tuel­le­ment en conflit avec les autres pays, c’est au sein même de la popu­la­tion qu’il a fal­lu le créer en bri­sant les cor­po­ra­tions et en pro­vo­quant une dia­lec­tique entre la « droite » et la « gauche ».

Les par­tis étant farou­che­ment éta­blis les uns contre les autres, l’agitation est imman­quable et le mou­ve­ment d’ensemble des men­ta­li­tés s’éloigne tou­jours plus de tout ordre sur­na­tu­rel et même naturel.

Il semble qu’il n’y ait plus aucun élé­ment stable ou intan­gible auquel seraient atta­chés cer­tains de nos contem­po­rains si ce n’est celui de cette licence qui per­met de tout mettre en cause et de tout détruire.

L’effroi de ceux qui constatent la dis­so­lu­tion de la socié­té est uti­li­sé pour nour­rir l’esprit de par­ti et les conflits. Tant que les com­man­de­ments de Dieu ne seront pas de nou­veau recon­nus comme des prin­cipes invio­lables de la vie humaine et sur les­quels la dis­cus­sion n’est pas per­mise, toute oppo­si­tion à la chute révo­lu­tion­naire s’inscrira iné­luc­ta­ble­ment dans un mou­ve­ment de balan­cier qui lui profitera.

Il y a quelque chose de dia­bo­lique dans ces conflits qui concourent tou­jours à la dis­so­lu­tion de la socié­té. À par­tir du moment où il a été hon­teu­se­ment admis que la loi n’est pas néces­sai­re­ment un reflet de la pen­sée éter­nelle de Dieu et que celle-​ci doit se conten­ter de n’être repré­sen­tée que par de vagues « valeurs de droite », le mou­ve­ment vers la « gauche » est assu­ré, fût-​ce au prix de brèves périodes de stag­na­tion ou de « retour en arrière » qui ne troublent pas une marche pré­ci­sé­ment inéluctable.

L’imposition des mœurs contre nature à une popu­la­tion autre­fois chré­tienne a été une étape dra­ma­tique dans cette dia­lec­tique révolutionnaire.

Aussi bien l’amour conju­gal scel­lé par la géné­ra­tion des enfants que le res­pect des parents qui demeurent à jamais les mys­té­rieux auteurs de la vie reçue sont par­mi les plus puis­sants fac­teurs de sta­bi­li­té de la socié­té humaine. L’admission d’unions essen­tiel­le­ment sté­riles et égoïstes pro­voque un déra­ci­ne­ment des psy­cho­lo­gies qui dépasse de beau­coup les consé­quences pour­tant déjà désas­treuses du divorce et de la fornication.

Le mou­ve­ment se pour­suit pour­tant avec la « crise sani­taire » qui est uti­li­sée (à moins qu’elle n’ait été pro­vo­quée à des­sein) pour créer de nou­velles oppo­si­tions et conflits que les révo­lu­tion­naires conti­nue­ront à entre­te­nir pour occu­per les esprits et les unir les uns contre les autres. C’est une illu­sion de pen­ser à un nou­vel ordre qui serait stable. L’anti-chrétienté ne peut pas être pai­sible puisqu’elle ne pos­sède pas de prin­cipe d’unité.

Tout autre est l’idéal de la vie et de la socié­té chré­tienne qui par­ti­cipe du mys­tère de Dieu. En Lui est la vie par excel­lence qui ne doit pas être conçue selon le mode impar­fait des créa­tures qui, tou­jours indi­gentes, sont entraî­nées dans un mou­ve­ment per­pé­tuel pour satis­faire leurs besoins sans cesse renais­sants. La bonne nou­velle de l’Évangile est que la grâce de Notre-​Seigneur peut leur com­mu­ni­quer ce quelque chose de l’immutabilité divine que l’on appelle la paix.

L’encouragement à la pra­tique de la ver­tu et tout d’abord de la reli­gion, le res­pect des bonnes cou­tumes, l’établissement d’une armée vrai­ment dis­sua­sive per­mettent de contre-​balancer les troubles que sus­citent le rem­pla­ce­ment constant des géné­ra­tions, le péché ori­gi­nel tou­jours à l’œuvre dans les cœurs, et la convoi­tise des pays voisins.

L’autorité de l’Église domi­nant petits et grands scelle cet ordre en leur rap­pe­lant les comptes qu’ils devront rendre à Dieu.

Individuellement, les chré­tiens peuvent aspi­rer à une paix encore plus pro­fonde. Si la vie spi­ri­tuelle que confère le bap­tême tend à se déve­lop­per, c’est pour atteindre une plé­ni­tude et un repos selon une mesure éta­blie par la Providence. Tandis que les convic­tions du chré­tien s’affermissent par la dif­fu­sion plus abon­dante des lumières de la Révélation sur son esprit, la ver­tu gran­dis­sante éloigne mora­le­ment la pos­si­bi­li­té du péché grave.

La vigi­lance, qui est tou­jours de mise, s’exerce davan­tage pour inten­si­fier l’union à Dieu que pour seule­ment évi­ter le péché. Le sym­bole et la cause de ce mou­ve­ment vers la paix inté­rieure est la pré­sence réelle de Notre-​Seigneur au Saint-​Sacrement. Quels que soient les efforts accom­plis et l’avancement réa­li­sé, quels que soient le temps litur­gique ou le nombre de ses années, le chré­tien n’aura jamais de plus grand tré­sor que l’Eucharistie. Mieux com­mu­nier, se perdre davan­tage en Lui, dans le même Jésus qui demeure dans les siècles, voi­là le seul « mou­ve­ment » que connaît le chrétien.

Source : Le Saint-​Anne n° 339