Nombreux sont ceux qui mettent en doute tous les miracles de Notre Seigneur Jésus-Christ mais voient du merveilleux partout.
Ce n’est pas à la légère que les catholiques accordent l’assentiment de leur foi à l’enseignement de l’Église. Pour que la soumission des intelligences à une vérité surnaturelle soit conforme à la raison, le bon Dieu a offert « des signes très certains de la Révélation divine, adaptés à l’intelligence de tous » (Vatican I, constitution sur la foi catholique).
En effet, enseigne saint Thomas d’Aquin, le fidèle « ne croirait pas s’il ne voyait qu’il faut croire » (IIa Ilæ q. 1 a. 4 ad 2um). Si l’homme peut tomber dans l’erreur, être trompé par les prodiges du démon ou par les artifices de simulateurs, il peut néanmoins quelquefois atteindre une vraie certitude sur l’origine divine de certains faits. Nous ne connaissons pas les limites positives des forces naturelles, mais nous en connaissons certaines limites négatives : avec des grains de blé, on ne fera jamais germer des roses ; par une parole, on ne calmera jamais une tempête !
Devant certains événements, l’intelligence humaine peut affirmer sans risque d’erreurs que le doigt de Dieu est là. Ces preuves extérieures sont « surtout les miracles et les prophéties » (Vatican, ibidem), qu’ils soient constatés par le croyant lui-même ou par des personnes dignes de confiance. Serait-il raisonnable, par exemple, de mettre en doute la compétence des médecins qui à Lourdes, encore de nos jours, constatent des guérisons « inexpliquées et inexplicables » ? D’autres faits divins comme les notes de l’Église à travers l’histoire peuvent aussi être suffisants pour obtenir l’adhésion de l’intelligence et la disposer à recevoir la grâce de la foi.
Le pape saint Pie X a dû introduire les définitions du concile Vatican I concernant les miracles et les prophéties dans son serment antimoderniste. En effet, éblouis par les victoires de la science qui était parvenu à expliquer certains faits tenus jusqu’alors pour préternaturels, les modernistes bâtirent leur système sur un fond d’agnosticisme — mettant entre guillemets le mot « miracle » ou subordonnant sa constatation au fait d’avoir déjà la foi — et allaient chercher la raison de la certitude qui les habitait dans une expérience subjective du divin. Or les modernistes ne sont pas morts ! Ils sont nombreux ceux qui mettent en doute tous les miracles mais voient du merveilleux partout.
Ainsi dans l’Église synodale de Vatican II on ne prétend plus transmettre la foi de toujours — alors que la permanence du même enseignement à travers les siècles est certainement un effet visible de l’action de Dieu — mais on est persuadé que « l’Esprit » parle aujourd’hui à tous les hommes et qu’il suffit de remplir des questionnaires pour en percevoir l’écho.
Le peuple chrétien serait animé d’un « sens de la foi » infaillible alors que la doctrine ne lui a jamais été enseignée. Le vrai fidèle catholique sait au contraire que les miracles sont bien réels et qu’ils exercent une authentique contrainte morale. « Si Je n’avais pas fait parmi eux des œuvres qu’aucun autre n’a faites, ils n’auraient pas de péché ; mais maintenant, ils ont vu, et ils ont haï et Moi et Mon Père » (Jean XV, 24).
Il se garde pourtant d’une imprudente crédulité ou d’un enthousiasme excessif si les récits ne présentent pas les garanties nécessaires. Ayant déjà reçu la grâce de la foi, il juge des faits extraordinaires selon le critère de la conformité avec l’enseignement traditionnel de l’Église. En effet quand le démon cherche à séduire, il y a toujours quelque signe de sa présence : si ce n’est pas la foi qui est directement en cause, ce sera une atteinte à la morale ou la bienséance qui alertera le fidèle vigilant.
Les récits de la Sainte Écriture et l’enseignement de l’Église sont remplis de faits miraculeux, mais paradoxalement le chrétien se garde d’y attacher trop d’importance. Tout d’abord les interventions extraordinaires de Dieu dans sa création ne doivent pas occulter son action ordinaire pour que les créatures, qui sont toutes des œuvres de sa toute-puissance, atteignent leur fin. Comme le remarque saint Augustin, il ne serait pas juste de s’émerveiller devant une multiplication de pains et de mésestimer l’épi de blé qui multiplie « naturellement » la nourriture que le Père du Ciel donne aux hommes.
Ensuite il faut garder à l’esprit que Dieu n’intervient dans sa création que pour attester sa parole car c’est celle-là seule qui introduit l’âme dans le monde surnaturel par l’intermédiaire de la foi. Or la vie théologale est d’autant plus vigoureuse qu’elle est sevrée de récits qui flattent la sensibilité. Le miracle n’est finalement qu’une intervention extraordinaire de la toute-puissance divine dans une création qui lui est de toutes les façons soumise.
La grâce sanctifiante, elle, est une participation réelle à la vie intime de Dieu. C’est déjà le Ciel qui se laisse posséder sur la terre pour nous conduire à sa jouissance après cette vie.
Source : Le Sainte-Anne n° 338 – décembre 2021