Epreuves dans le mariage

La fuite en Egypte par Giotto, 1305, Chapelle des Scrovegni, Padoue, Italie. Domaine public.

Acceptées dans un esprit de foi et d’ac­cueil des grâces actuelles, ces expé­riences dou­lou­reuses font sen­tir aux époux que « le joug du Sauveur est doux et son far­deau léger. » (Mat XI, 30)

Le sou­tien mutuel dans le mariage est une des plus belles réa­li­sa­tions de la cha­ri­té fra­ter­nelle décrite par saint Paul au long de ses épîtres. Connaissant des des­ti­na­tions diverses, d’ordre natu­rel ou d’ordre sur­na­tu­rel, dans les joies comme dans les peines, il trouve une appli­ca­tion par­ti­cu­lière quand la peine com­mune porte sur la fin pri­maire du mariage (pro­créa­tion et édu­ca­tion des enfants), soit par la sté­ri­li­té, soit par la mal­for­ma­tion, soit enfin par la mort d’un enfant en bas âge. Dans l’es­prit de foi et d’ac­cueil des grâces actuelles octroyées, les foyers frap­pés par l’une ou l’autre de ces trois épreuves sen­ti­ront que « le joug du Sauveur est doux et son far­deau léger » (Mat XI, 30). C’est à cette double per­cep­tion que le pré­sent article sou­haite contribuer.

Notre approche de la sté­ri­li­té ne sera évi­dem­ment pas ici médi­cale, mais théo­lo­gique et spirituelle.

Aujourd’hui les plus grands écarts par rap­port à la morale se voient même chez les bap­ti­sés. Sans par­ler de l’a­vor­te­ment déci­dé après qu’une ano­ma­lie fœtale grave a été déce­lée, l’on déplore, par exemple, que des per­sonnes mariées à l’Église se séparent parce qu’elles ne par­viennent pas à conce­voir et aillent ten­ter leur chance ailleurs.

L’histoire de la pro­créa­tion tech­ni­que­ment assis­tée, depuis le pre­mier bébé-​éprouvette de 1977 jus­qu’à cette femme de 66 ans qui accouche en 2005 de son pre­mier enfant par dons de sperme et d’o­vules, est effrayante. Nous ren­voyons notre lec­teur à l’ar­ticle très docu­men­té sur ce sujet de M. l’ab­bé François Knittel paru dans le numé­ro 59 du Sel de la terre. Disons briè­ve­ment que les solu­tions offertes aux époux par la méde­cine moderne pour échap­per à la sté­ri­li­té sont en géné­ral inac­cep­tables, car contraires à l’ordre natu­rel et gra­ve­ment oppo­sées à la morale chrétienne.

Pas de droit à l’enfant

Il n’est donc pas inutile de rap­pe­ler clai­re­ment que le mariage n’est pas un droit à l’en­fant ni un droit à l’en­fant sans malformation.

L’objet du contrat du mariage ne peut pas être l’en­fant puisque celui-​ci n’existe pas encore. Quel est son objet ?

« Il est le droit d’ac­com­plir les actes natu­rels qui sont capables d’en­gen­drer une nou­velle vie et des­ti­nés à cela »[1].

Aussi dans le cas de dif­fi­cul­té pour ame­ner à son terme l’acte conju­gal, est-​il pos­sible aux époux d’u­ti­li­ser des méthodes qui aident la réa­li­sa­tion natu­relle de cet acte. En revanche, il n’est jamais per­mis d’u­ser d’une tech­nique médi­cale qui se sub­sti­tue­rait à l’acte natu­rel, comme le serait une fécon­da­tion in vitro, même à par­tir de gamètes pro­ve­nant des époux légi­times. C’est l’en­sei­gne­ment du pape Pie XII, dans le dis­cours cité ci-dessus :

« En ce qui touche la fécon­da­tion arti­fi­cielle, non seule­ment il y a lieu d’une extrême réserve, mais il faut abso­lu­ment l’é­car­ter. En par­lant ain­si, on ne pros­crit pas néces­sai­re­ment l’emploi de cer­tains moyens arti­fi­ciels des­ti­nés uni­que­ment soit à faci­li­ter l’acte natu­rel, soit à faire atteindre sa fin à l’acte natu­rel­le­ment accompli. »

Pie XII

Ce cadre moral posé, il est bien cer­tain que la sté­ri­li­té tem­po­raire, a for­tio­ri la défi­ni­tive, est une des plus grandes épreuves dans le mariage. Le rôle du prêtre est d’en­cou­ra­ger ceux qui en souffrent. Il les exhor­te­ra à la por­ter comme une croix consé­cu­tive au péché d’Adam qui a déran­gé le fonc­tion­ne­ment ini­tial des choses et à s’a­ban­don­ner à la pro­vi­dence de ce Dieu Maître de la vie. Il les encou­ra­ge­ra à l’es­pé­rance et à la patience. Nous connais­sons un foyer qui atten­dit qua­torze ans son pre­mier enfant, bien­tôt sui­vi de deux frères. Un autre foyer n’a pu avoir son second enfant que dix ans après le premier.

En tout cas, l’in­fer­ti­li­té d’un conjoint – soit c’est l’é­poux qui ne peut fécon­der, soit c’est l’é­pouse qui ne peut l’être – ne sau­rait jus­ti­fier ni amer­tume ni reproche chez l’autre. « Deux en une seule chair », les époux mal­heu­reux forment un seul ménage infé­cond et portent cou­ra­geu­se­ment ensemble l’é­preuve commune.

Parenté spirituelle étendue

Par ailleurs, ils doivent évi­ter de se recro­que­viller sur eux-​mêmes et de s’en­fer­mer dans une forme d’é­goïsme à deux. Au contraire, ils sont appe­lés à une paren­té spi­ri­tuelle éten­due dans l’Église. Le temps qu’ils auraient pas­sé à éle­ver leurs propres enfants s’ils en avaient eu, leur est lais­sé par le Ciel dans le but de se dévouer géné­reu­se­ment aux œuvres de misé­ri­corde et d’a­pos­to­lat ou au ser­vice du bien com­mun poli­tique. Les res­sources finan­cières dont ils dis­posent trouvent un usage tout appro­prié dans l’aide à appor­ter aux ins­ti­tuts d’éducation.

La seconde épreuve par­ti­cu­lière que nous vou­lons consi­dé­rer est celle de la mal­for­ma­tion congé­ni­tale. Le fruit de la pro­créa­tion est lui aus­si sur fond de péché ori­gi­nel. Quand on se marie, on accepte la pos­si­bi­li­té d’en­gen­drer un enfant défi­cient phy­si­que­ment ou mentalement.

La sainte Famille reste le modèle de toute famille chré­tienne, notam­ment comme exemple de sou­tien mutuel dans les épreuves (Giotto, La fuite en Égypte).

Le livre Une expé­rience fami­liale (paru aux édi­tions Clovis) raconte la vie d’une famille de sept enfants dont trois sont tri­so­miques. Il a été écrit par les parents de ces enfants. Il devrait être entre les mains de tous les jeunes époux. Sa lec­ture ne peut qu’é­di­fier et encou­ra­ger, si besoin est, à vivre chré­tien­ne­ment une expé­rience sem­blable. Citons la préface :

« Nous n’i­gno­rons pas que la mala­die vient du péché ori­gi­nel. Nous sommes cer­tains que la mala­die a été vou­lue par Dieu de volon­té per­mis­sive pour que sa gloire éclate d’une manière ou d’une autre, comme par exemple à tra­vers la gué­ri­son mira­cu­leuse de l’aveugle-​né racon­tée dans l’Évangile. Nous savons aus­si que la mala­die per­dure dans le monde pour que la cha­ri­té des bien-​portants trouve à s’exer­cer et à méri­ter. Notre-​Seigneur ne nous annonça-​t-​il pas que « nous aurons tou­jours des pauvres avec nous » (Mat XXVI, 11) qui sol­li­ci­te­ront notre assistance ? »

Les époux qui ont conçu un enfant, mal­gré eux défi­cient, col­la­bo­re­ront pour l’é­le­ver chré­tien­ne­ment et assu­rer son bon­heur autant qu’il dépen­dra d’eux.

Ajoutons que, s’il arri­vait que l’on sache lequel des deux parents est à l’o­ri­gine de l’in­fir­mi­té congé­ni­tale, et à sup­po­ser qu’il n’y ait pas eu dol de la part de celui-​ci, l’autre qui le lui repro­che­rait fau­te­rait contre la jus­tice et contre la cha­ri­té, car la res­pon­sa­bi­li­té d’une concep­tion est tou­jours par­ta­gée à parts égales.

Enfin, abor­dons le cas humai­ne­ment déchi­rant de la mort des enfants en bas âge. Nous l’a­bor­dons chré­tien­ne­ment, dans l’es­prit de l’Écriture Sainte et celui de la litur­gie de la sépul­ture des petits enfants.

C’est le récit du mas­sacre des petits enfants de Bethléem et de ses envi­rons per­pé­tré par Hérode (Mat II, 18) qui nous éclaire ici. Il est très impor­tant de noter que son expres­sion de grande dou­leur est enve­lop­pée dans l’at­mo­sphère de la vie éter­nelle. D’une part, les enfants tués par Hérode sont les saints Innocents dont la nais­sance à la vie bien­heu­reuse est célé­brée litur­gi­que­ment le 28 décembre. D’autre part, la vie du Sauveur est pré­ser­vée puisque, sous l’a­ver­tis­se­ment divin, il est emme­né en Égypte par saint Joseph.

Un élu dans le Ciel

De son côté, la litur­gie de la sépul­ture des petits enfants bap­ti­sés apporte aux parents plon­gés dans la dou­leur la plus vraie et la meilleure des conso­la­tions, celle fon­dée sur la foi théo­lo­gale. Dans cette céré­mo­nie, l’Église ne veut rien de funèbre ni de triste. Elle veut que les cloches résonnent joyeu­se­ment comme un jour de fête et que les orne­ments de ses ministres soient de la cou­leur de la joie et de la lumière, le blanc.

Voici un extrait de l’o­rai­son réci­tée avant le départ au cimetière :

« Dieu tout-​puissant et plein de bon­té, à tous les petits enfants, renés dans la fon­taine du bap­tême, quand ils quittent ce monde, vous accor­dez immé­dia­te­ment et sans mérite de leur part la vie éter­nelle, comme nous croyons que vous l’a­vez fait aujourd’­hui pour l’âme de ce petit gar­çon (de cette petite fille). »

La fin ultime du mariage est de peu­pler le ciel d’é­lus. C’est donc sa plus ou moins grande réa­li­sa­tion qui mesure la réus­site d’un mariage.

A une messe de sépul­ture pour un enfant bap­ti­sé décé­dé une heure après sa nais­sance, le pré­di­ca­teur a eu rai­son de com­men­cer son ser­mon par ces mots :

« Bien chers parents, qui nous réunis­sez dans cette cha­pelle autour du cer­cueil de votre enfant, votre mariage donne déjà des signes de sa réus­site cer­taine puisque vous venez d’ap­por­ter au ciel un nou­vel élu. »

C’est par de telles paroles que les époux dans la dou­leur pour­ront « se conso­ler mutuel­le­ment »(l Th 4,17).

Source : Fideliter 

Notes de bas de page
  1. Pie XII, Discours au deuxième Congrès mon­dial de la fer­ti­li­té et de la sté­ri­li­té, 19 mai 1956[]

Fideliter

Revue bimestrielle du District de France de la Fraternité Saint-Pie X.