Les hommes fuient la mort, le Christ en adoucit la peine

Crédit : P Deliss / GODONG

Désormais les souf­frances et la mort ne sont plus une puni­tion divine mais la meilleure façon de nous confi­gu­rer au Christ.

Editorial de M. l’abbé de Jorna

On bana­lise tous les cor­billards et on trans­forme les cime­tières en jar­dins pay­sa­gés, mais on étale la vio­lence et on exhibe les morts des épi­dé­mies ou des tue­ries sau­vages. Le monde s’ingénie à faire dis­pa­raître Dieu, alors il erre sans foi ni rai­son. Et la mort rôde par­tout cher­chant qui dévo­rer, sans que per­sonne ne puisse plus la conju­rer. Pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé. Tous se sont mis en vain à la tâche ; les phi­lo­sophes comme les poètes dont l’un d’entre eux a si bien dit : 

Ô Mort, vieux capi­taine, il est temps ! levons l’ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l’encre,
Nos cœurs que tu connais sont rem­plis de rayons !
Verse-​nous ton poi­son pour qu’il nous récon­forte !
Nous vou­lons, tant ce feu nous brûle le cer­veau
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ?
Au fond de l’inconnu pour trou­ver du nouveau !

La mort fait peur. Saint Paul, comme nous, n’a pas échap­pé à cette peur. Mais il dévoile, mieux qu’aucun ne l’a fait, ce mys­tère de la mort : « Malheureux homme que je suis ! qui me déli­vre­ra de ce corps de mort ? Ce sera la grâce de Dieu, par Jésus-​Christ notre Seigneur. Et ain­si je suis moi-​même sou­mis et à la loi de Dieu selon l’esprit, et à la loi du péché selon la chair » (Rm 2, 24).

La mort fait peur, mais c’est par le péché de l’homme qu’elle est venue.

Depuis sa conver­sion ful­gu­rante sur le che­min de Damas jusqu’à son mar­tyre, saint Paul a pro­cla­mé à temps et contre­temps, et sur tous les tons, que ce n’est pas le Dieu d’amour qui a fait la mort, mais l’homme. « Le Christ sera glo­ri­fié dans mon corps, soit que je vive soit que je meure. Pour moi, la vie c’est le Christ et mou­rir m’est un gain » (Ph 1,20). C’est l’unique réponse au mys­tère de la mort. L’Apôtre, divi­ne­ment ins­pi­ré, a mon­tré que le pre­mier Adam est le type du second. L’humanité fut tout entière concen­trée une pre­mière fois dans le pre­mier homme ; elle le fut une seconde fois, et défi­ni­tive, en Jésus-​Christ, en qui elle béné­fi­cie de la Rédemption. Adam nous a trans­mis la vie natu­relle, le péché et la mort. « Par un seul homme, le péché est entré dans le monde et par le péché, la mort, et ain­si la mort a pas­sé dans tous les hommes » (Rm 5, 12). Jésus, par sa mort, nous a don­né la vie.

Saint Thomas explique que « non seule­ment la vie spi­ri­tuelle du Christ, notre tête, agit en nous, mais la mort opère aus­si en nous, en ce sens que, pour l’espérance de la résur­rec­tion et pour l’amour de Jésus, les traces de la mort appa­raissent en nous, expo­sés que nous sommes aux souf­frances de la mort ».

Par sa mort, le Christ a ouvert le che­min de la résur­rec­tion.

Désormais les souf­frances et la mort ne sont plus une puni­tion divine mais la meilleure façon de nous confi­gu­rer au Christ. Il est la tête du corps mys­tique dont nous sommes les membres. Il nous incombe alors de l’imiter en tout : la souf­france et la mort. Saint Paul s’exclame : « pour lui [le Christ], j’ai tout sacri­fié et je regarde tout comme du fumier pour gagner le Christ et pour me trou­ver en lui… dans l’espoir, en lui res­sem­blant dans sa mort, de par­ve­nir à la résur­rec­tion d’entre les morts » (Ph 3, 8 sv.)

Sans Dieu, l’homme n’est plus qu’une créa­ture errante et désa­bu­sée. Il dis­sipe son angoisse dans la triple concu­pis­cence, la luxure, la richesse ou l’orgueil. Finalement désa­bu­sé, il se résout à refu­ser sa condi­tion et veut évi­ter l’épreuve, la seule qu’il a tou­jours vai­ne­ment fuie : la mort. Alors il pré­fère se la don­ner. Mais alors, trop tard, il enten­dra cette effroyable sen­tence : « Vous qui entrez ici, aban­don­nez toute espérance ».

Le chant de vic­toire de l’Apôtre est tout autre : « ma vie pré­sente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2, 20). L’exaltation de saint Paul vient de sa foi en la puis­sance du Christ qui nous a rache­tés par sa mort, pour nous don­ner la vie, la vie par­faite, la vie divine ; « j’entre dans la Vie », a dit sainte Thérèse au seuil de sa mort.

Il l’a com­pris, ce condam­né à mort, avant d’être atta­ché au poteau : « On dit que la mort ni le soleil ne se regardent en face. J’ai essayé pour­tant. Je n’ai rien d’un stoï­cien et c’est dur de s’arracher à ce qu’on aime… j’ai relu le récit de la Passion chaque soir, dans cha­cun des quatre Évangiles. Je priais beau­coup et c’est la prière, je le sais, qui me don­nait un som­meil calme ».

Source : Fideliter n° 272.

FSSPX Supérieur du District de France

L’abbé Benoît de Jorna est l’ac­tuel supé­rieur du District de France de la Fraternité Saint Pie X. Il a été aupa­ra­vant le direc­teur du Séminaire Saint Pie X d’Écône.

Fideliter

Revue bimestrielle du District de France de la Fraternité Saint-Pie X.