Lettre aux Amis du Gabon

( Libreville août 2004 )

Chers Amis et Bienfaiteurs
Depuis notre der­nière lettre, notre vie de mis­sion­naire au Gabon conti­nue avec ses joies et ses peines. Les peines sont pour nous sur­tout ces âmes qui meurent sans les sacre­ments de l’Eglise, parce qu’ils ont remis à plus tard leur régu­la­ri­sa­tion de mariage ou leur confes­sion ou leur conver­sion et puis, comme un voleur, la mort les a sur­pris tra­gi­que­ment. Ils n’y pen­saient pas, sans doute croyaient-​ils que les acci­dents car­diaques ou de voi­tures étaient seule­ment pour les autres. Les voi­ci main­te­nant devant leur Juste Juge, Notre Seigneur Jésus-​Christ, et ils com­prennent, en véri­té, leurs impru­dences pas­sées alors qu’ils che­mi­naient, sûrs d’eux-​mêmes, sur cette pauvre terre pleine de pièges pour­tant connus.

Junior Stevy, un jeune gar­çon de 14 ans, se noie dans l’Estuaire du Komo à Libreville. Il sort du lycée où il vient de pas­ser un exa­men et s’en va avec des cama­rades « se laver » (prendre un bain dans la mer). Là, il y a des sables mou­vants et des tour­billons dans l’eau, c’est connu, mais pas pour eux et voi­là la catas­trophe. Absorbé par les sables, il est per­du. La mer le rejet­te­ra le len­de­main et ses parents le retrou­ve­ront mort à la mai­son. La veille il était par­ti plein de vie joyeuse car c’é­tait un bon enfant, déli­cat et ser­viable. Nous ne crai­gnons pas pour son salut, tout le long de la jour­née, à la mai­son, il priait en chan­tant les can­tiques appris à la Mission jus­qu’à en déran­ger son petit frère qui se plai­gnait de ne pas pou­voir faire ses devoirs dans le calme. C’est vrai qu’i­ci, les cloi­sons des mai­sons en planches laissent faci­le­ment pas­ser tous les bruits de la vie fami­liale, même par­fois au prix d’in­dis­cré­tions qui pour­raient scan­da­li­ser les enfants. Servant de messe, Croisé de l’Eucharistie, au caté­chisme, confir­mé le 8 février der­nier par Mgr WILLIAMSON, ver­tueux, doux et très ser­viable, cet enfant nous le pen­sons bien entre les bras de notre Père qui est au Cieux et de notre bonne Mère la très Sainte Vierge Marie qu’il véné­rait par le cha­pe­let quotidien.

Comme vous le voyez, au Gabon, c’est la vie, comme ailleurs sur la pla­nète terre, il y a des nais­sances et il y a des morts. Prions bien, mes chers amis et bien­fai­teurs pour que, déli­vrés de la mort subite, nous soyons fin prêts le jour où le glas son­ne­ra pour nous au clo­cher de notre église.

La nuit sainte pas­cale, treize caté­chu­mènes adultes ont reçu la grâce bap­tis­male après trois années de caté­chisme. A la Pentecôte c’est une tren­taine d’en­fants du caté­chisme qui reçurent à leur tour le Bain régé­né­ra­teur de la grâce. Pour la fête de Corpus Christi, quatre-​vingts de nos fidèles, jeunes et moins jeunes du caté­chisme, reçurent pour la pre­mière fois le Très Saint Sacrement de l’Eucharistie. Après, une grande pro­ces­sion de plus de 1500 fidèles déam­bu­la dans les rues du quar­tier de la Mission offrant à Jésus-​Hostie leurs louanges et leurs hom­mages de citoyens du Roi des rois.

« Le Père Patrick Duverger, direc­teur de l’é­cole, avec la maî­tresse de la classe de CP et un élève le jour de la remise des prix. »

Notre Juvénat du Sacré Cour qui regroupe l’Ecole pri­maire saint Joseph Calasanz et le col­lège de la Merci pour le cycle secon­daire a comp­té 200 élèves pour cette année aca­dé­mique 2003–2004. Depuis une semaine les grandes vacances ont com­men­cé pour la plus grande joie des élèves. Pour nous, les résul­tats sont moyens même si nous pou­vons comp­ter cent pour cent de réus­sites aux dif­fé­rents exa­mens d’Etat. Ce qui veut dire que le niveau géné­ral est assez bas et, hélas, ce n’est pas le fait du Gabon tout seul, nous le remar­quons aus­si dans nos écoles en Europe. Cependant nous pou­vons légi­ti­me­ment nous van­ter d’un petit suc­cès : les élèves de notre Primaire St Joseph de Calasanz par­ti­cipent depuis deux années à un concours inter écoles orga­ni­sé pour les Ecole pri­maires du District de France de la Fraternité Saint Pie X. Sur 22 écoles qui ont concou­ru, notre pri­maire est sor­ti fiè­re­ment cin­quième de ce concours, c’est quand même une petite preuve que nous ne sommes pas trop mau­vais. C’est vous dire que votre sou­tien, tant spi­ri­tuel que finan­cier, dans notre tra­vail mis­sion­naire sco­laire compte pour beau­coup dans ses petits succès.

En prin­cipe nous aurions dû ouvrir le second cycle du secon­daire, c’est-​à-​dire les trois der­nières années qui pré­parent au bac­ca­lau­réat de fin d’é­tudes. Si nous avions ouvert la classe de seconde cela aurait été pour seule­ment huit élèves et donc trop peu pour épon­ger les charges sus­ci­tées par une telle classe. Nous remet­tons donc cette ouver­ture à l’an­née 2006 pour mieux nous y pré­pa­rer. En effet il nous faut un prêtre de plus, si pos­sible deux frères, des sur­veillants et du per­son­nel ensei­gnant qua­li­fié et nous espé­rons près de 25 élèves puis­qu’ils sont ce nombre actuel­le­ment en classe de 5ème. Nous ne vou­lons pas, dans le domaine de l’en­sei­gne­ment comme de l’é­du­ca­tion vrai­ment chré­tienne, faire les choses à moi­tié, comme nous ne vou­lons pas, à cause de charges trop éle­vées pour seule­ment 8 élèves, mettre en péril de faillite tout un éta­blis­se­ment sco­laire qui a vu le jour grâce aux nom­breux sacri­fices de nos amis et bien­fai­teurs. Nous n’en avons pas le droit ! Alors la ren­trée pro­chaine de sep­tembre se fera comme l’an­née pas­sée. Pour le pri­maire : du cours pré­pa­ra­toire au CM2 avec son Certificat d’Etude Primaire et le concours d’en­trée en sixième. Et pour le secon­daire : de la sixième à la troi­sième avec le Brevet des études en fin d’an­née sco­laire. Priez bien chers amis et bien­fai­teurs pour qu’il y ait les élèves dignes de nos efforts et de vos sacri­fices faits pour l’a­mour de Dieu et des jeunes âmes à nous confiées.

« La future biblio­thèque de la Mission Saint-​Pie X, du novi­ciat et du pré-​séminaire Saint-​Joseph. Il y a encore beau­coup à faire… »

Notre pré-​séminaire a enfin trou­vé ses 23 chambres dont 10 sont occu­pées aujourd’­hui grâce à votre géné­ro­si­té sans faille. Les 13 chambres du second étage sont ter­mi­nées et déjà trois sémi­na­ristes en vacances : deux gabo­nais dont un diacre venus d’Ecône et un Suisse du Séminaire alle­mand de Zaitzkofen, en occupent les lieux. Deux autres pré-​séminaristes kenyans arri­ve­ront fin juillet et nous avons des demandes du Nigeria, du Cameroun, du Togo et des deux Congo. Mais ceux-​ci ne seront reçus que si leur dos­sier est accep­table car il ne nous est pas per­mis de rece­voir des « touristes » !

Question tra­vaux : Dans notre mai­son prin­ci­pale de la Mission St Pie X, il reste main­te­nant l’a­mé­na­ge­ment de la grande biblio­thèque qui pour­ra rece­voir plu­sieurs mil­liers de livres. Cette biblio­thèque située au centre du second étage du bâti­ment est une grande et haute salle, disons un peu octo­go­nale, d’en­vi­ron cent mètres car­ré au sol et qui s’é­lève sur deux étages et pou­vant s’é­tendre encore sur plus de 100 m² sur un troi­sième étage en comble sous le toit. Dans cette grande salle cen­trale il sera sus­pen­du à mi-​hauteur une gale­rie en bois, comme un bal­con, qui en fera le tour pour rece­voir des éta­gères. Tout est à faire pour son amé­na­ge­ment : l’es­ca­lier en bois pour accé­der au 3e étage sous le toit, le car­re­lage du sol, les pein­tures, les appa­reils élec­triques, les éta­gères en bois ver­nis pour poser, pré­sen­ter et pro­té­ger les livres de telle sorte qu’ils ne s’a­bîment pas et pour les conser­ver long­temps, la cli­ma­ti­sa­tion, les tables et les chaises pour le tra­vail des étu­diants, le fichier pour au moins quinze milles volumes, etc.

C’est donc pour ce pré­cieux outil de tra­vail qu’est une biblio­thèque dans une telle mai­son de for­ma­tion de futurs ecclé­sias­tiques que nous sol­li­ci­tons cette fois-​ci par cette lettre votre géné­ro­si­té pécuniaire.
Il est évident que vous pou­vez nous envoyer aus­si, si en vous trou­viez, des ouvrages en toutes langues : anglais, fran­çais, espa­gnol, latin, grec, qui puissent nous inté­res­ser : théo­lo­gie, spi­ri­tua­li­té, phi­lo­so­phie, his­toire géné­rale et his­toire de l’Eglise, géo­gra­phie, sciences diverses, dic­tion­naires, gram­maires en toutes langues, musique, grandes col­lec­tions, bons romans, vie des saints, etc. Tous les livres peuvent nous être envoyés, pour­vu qu’ils soient en bon état, direc­te­ment au Gabon à l’a­dresse de la Mission. Mais veuillez bien, s’il vous plait, nous contac­ter soit par cour­rier pos­tal, télé­co­pie ou e‑mail, avant un envoi pour nous pré­ve­nir et nous don­ner les titres, nous vous répon­drons sur les points pra­tiques de trans­port et de douanes. Attention, s’il vous plaît, n’en­voyez pas n’im­porte quoi, faites-​vous conseiller par un prêtre, un pro­fes­seur ou une per­sonne aver­tie, car le trans­port des mar­chan­dises coûte cher, même par bateau, le Gabon est loin et il ne faut pas gas­piller l’argent de votre générosité.

Avec les vacances nous voi­ci repar­tis avec les camps de vacances, d’a­bord pour les 36 filles de la Compagnie de l’Immaculée enca­drées par deux reli­gieuses des Sours de la Fraternité St Pie X dont une quin­zaine com­men­ce­ront par une récol­lec­tion prê­chée par leur aumô­nier le Père Yannick ANDRE. Puis sui­vront deux retraites de St Ignace, une pour 25 hommes et une pour les 25 dames ins­crites. Chaque année nos retraites prê­chées à une cin­quan­taine de parois­siens affichent com­plet et donnent à notre paroisse un bon élan sur­na­tu­rel pour la ren­trée pro­chaine. C’est aus­si l’oc­ca­sion pour plu­sieurs ménages de trou­ver la vraie solu­tion à leur régu­la­ri­sa­tion de mariage. Oui ! Un bien indé­fi­nis­sable s’ac­com­plit chaque fois par l’ouvre des Exercices de Saint Ignace.

Puis vien­dra le tour des 30 gar­çons de la Croisade Eucharistique enca­drés par leur aumô­nier le Père Médard BIE BIBANG, notre pre­mier prêtre gabo­nais, et le frère du Juvénat. Eux aus­si pro­fi­te­ront à pleins pou­mons de ces jour­nées de plein air et de spi­ri­tuel, leur per­met­tant de mettre en pra­tique les conseils reçus au cours de l’an­née : prie, com­mu­nie, sacrifie-​toi et sois apôtre. Voilà les moyens sûrs et effi­caces pour com­battre l’é­goïsme et la volon­té propre, pour en en faire de fidèles et dociles apôtres de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Fin août, le Juvénat reçoit un nou­veau col­la­bo­ra­teur : le Père Arnold Trauner. Il n’est pas si nou­veau, puis­qu’il vient de St Pie. Il a mis­sion de prendre en main, par­tie de l’ad­mi­nis­tra­tion de l’é­cole. A cela, s’a­joutent quelques cours et le voi­là bien pour­vu ! Son arri­vée est bien venue !

Les grands, les jeunes gens de la Compagnie du Sacré Cour, par­ti­ront en ran­don­née pour quelques jours avec le Père Nicolas BELY pour décou­vrir les beau­tés de la nature du coté de la fron­tière Equato-​Guinéenne à Cocobeach avec ses jolis vil­lages envi­ron­nants et encore incon­nus de quelques-​uns. Autour de l’Autel de la messe mati­nale et du feu de camp du soir, ils pour­ront réflé­chir et remettre entre les mains de Notre Seigneur leur ave­nir sco­laire et pro­fes­sion­nel si incer­tain aujourd’hui.

« Les fidèles lors de l’i­nau­gu­ra­tion de la sta­tue de Notre-​Dame de Libreville, Reine du Gabon, le dimanche de Quasimodo 2004. »

Le plus grand jour de l’an­née fut sans doute pour notre Mission St Pie X le dimanche de Quasimodo. C’est ce jour-​là que fut inau­gu­rée la nou­velle sta­tue de Notre-​Dame de Libreville Reine du Gabon pla­cée dans une niche pré­pa­rée pour elle au fron­ton de notre mai­son prin­ci­pale. Pour mes 25 ans de sacer­doce les fidèles avaient vou­lu m’of­frir cette sta­tue pré­vue depuis les der­niers amé­na­ge­ments du bâti­ment. C’est donc, après avoir trou­vé Monsieur ROUSSEAU le sculp­teur capable de repro­duire la sta­tue de Notre dame de France de 22 mètres de haut qui domine la ville du Puy en France et, après une année de tra­vail, que le chef-​d’ouvre est arri­vé pour être béni le saint jour de Pâques à la fin de la grand-​messe chan­tée avec le concours de plus de 1500 fidèles.

« Notre-​Dame de Libreville, Reine du Gabon, dans sa niche au som­met de la façade prin­ci­pale de la Mission, le jour de l’inauguration. »

Notre-​Dame de Libreville Reine du Gabon, sta­tue en pierre blanche, de 190 cm de hau­teur et pesant une bonne tonne est pla­cée là devant Libreville pour pro­té­ger tous les Librevillois en com­men­çant par nos chers fidèles bien enten­du, mais sur­tout pour pro­té­ger la jeu­nesse, pour qu’elle voie en Notre-​Dame, la Servante du Seigneur, le modèle par­fait de pure­té et de sou­mis­sion à la loi de Dieu Notre Seigneur. N’est-​ce pas le plus beau cadeau que la Sainte Providence nous aie don­né pour célé­brer en cette année, le cent cin­quan­tième anni­ver­saire du dogme de l’Immaculée Conception qui auréole Marie la Mère de Notre Seigneur Jésus-​Christ et notre bonne Mère du Ciel ?

Comment vous remer­cier pour vos atten­tions d’hier, d’au­jourd’­hui et de demain encore, chers amis et bien­fai­teurs de la Mission Saint Pie X du Gabon ? En priant de tout notre cour, notre bon Saint Joseph et la Très Sainte Vierge Marie sa très pure épouse tou­jours vierge dans son Cour Immaculé, Saint Pie X et Saint Nicolas de Flüe, de vous envoyer toutes les béné­dic­tions dont vous avez besoin pour vous-​mêmes, vos enfants et vos familles.

Ainsi, je vous redis notre gra­ti­tude au nom des prêtres, des frères, des sours, de la jeu­nesse et de tous les fidèles « de St Pie » du Gabon en vous envoyant par les Saints Anges ma béné­dic­tion de missionnaire.

Père Patrick GROCHE
Supérieur de la Mission St-​Pie X.