Explications sur la Bulle Auctorem Fidei
C’est le 28 août 1794, jour de la fête de saint Augustin, que parut la bulle Auctorem fidei. Elle est le terme d’un long travail dont le prologue indique les étapes successives : tout d’abord les Actes du synode de Pistoie ont été examinés par quatre évêques et par trois théologiens ; puis une commission, composée de cardinaux et d’évêques, a examiné les décrets d’une manière plus approfondie : des passages ont été extraits, collationnés et discutés, et chacun des juges a transmis son suffrage au pape, de vive voix et par écrit ; tous ont été d’accord pour condamner les Actes du synode et censurer des propositions plus ou moins nombreuses. Le pape, avec quelques conseillers, examina ces rapports et les propositions qu’ils signalent. Enfin, sous sa direction et son contrôle, il s’est fait un dernier travail de rédaction et de mise au point. Un certain nombre de propositions, extraites des Actes du synode ou des documents qui les ont préparés, ont été groupées et coordonnées. Les passages sont cités textuellement et qualifiés avec les notes précises qu’ils méritent, si on les prend dans un sens nettement spécifié.
La bulle Auctorem occupe une place privilégiée parmi les bulles doctrinales relatives au jansénisme, d’abord à cause de la date où elle a paru ; c’est l’époque où le jansénisme et son allié le gallicanisme avaient porté tous leurs fruits, et ensuite à cause des travaux minutieux qui avaient préparé sa publication.
La bulle Auctorem précise le sens exact dans lequel chaque proposition, extraite des Actes de Pistoie, est condamnée et attache la condamnation à ce sens, en sorte que la condamnation porte formellement sur un sens déterminé, quelle qu’ait pu être l’intention de l’auteur. Il n’y a plus d’échappatoire possible, puisque la bulle ne juge pas les intentions. Le premier décret du synode avait déclaré que les jugements doctrinaux de Rome, parce qu’ils étaient vagues et indéterminés, n’instruisaient pas d’une manière précise et, dès lors, ne pouvaient obliger en conscience les fidèles. Cette critique ne pourrait pas s’appliquer à la nouvelle bulle.
Aussi, dès le prologue de la bulle, on lisait : « S’il reste encore des sectateurs obstinés du synode, ils ne pourront plus, fauteurs de nouveaux troubles, tirer à leur parti, sur des ressemblances purement verbales des écoles théologiques, qui, sous des mots semblables, attestent qu’elles n’ont pas la même pensée, ni les associer injustement à leur juste condamnation. D’autres, qui, par inconscience et simple préjugé, gardent encore une trop bonne idée du synode, ne pourront se plaindre, puisque la condamnation ne tombe que sur des erreurs, dont eux-mêmes se déclarent fort éloignés. »
La bulle Auctorem condamne, en les qualifiant de notes théologiques, 85 propositions : les 15 premières ont pour objet l’Église et la hiérarchie ; elles sont la condamnation formelle du richérisme et du gallicanisme et elles préparent la voie au concile du Vatican. Les propositions 16 à 20 ont pour objet les différents états de l’homme ; elles visent les thèses proprement jansénistes. Les propositions 21 à 26 se rapportent à la grâce et les propositions 27 à 60 ont trait aux sacrements et elles condamnent des pratiques que le jansénisme, sous prétexte de revenir à la vénérable antiquité, aurait voulu restaurer, en particulier pour la discipline pénitentielle. Les propositions 61 à 79 ont pour objet les cérémonies et le culte extérieur, les propositions 80 à 84 visent la réforme des ordres religieux et enfin la proposition 85 se rapporte au concile national. Sur toutes ces questions délicates, la bulle Auctorem donne des notes extraordinairement nettes et elle exprime les thèses théologiques avec une vigueur qu’on ne rencontre dans aucun autre document officiel.
Donné à Rome, à Saint-Pierre, le 28 août de l’année 1794
Pie, Évêque,
Serviteur des serviteurs de Dieu,A ses chers Fils, et à ses Vénérables Frères, salut et Bénédiction Apostolique.
L’Apôtre veut que portant nos regards sur Jésus-Christ l’auteur et le consommateur de notre foi, nous méditions soigneusement la qualité et la grandeur de la contradiction qu’il eut à souffrir de la part des pécheurs, afin que les peines et les dangers qui nous pressent ne renversent pas notre courage, et que nous ne tombions pas enfin dans l’abattement de l’esprit [1]. C’est surtout lorsque nous voyons devenir plus ardent, contre le corps même de Jésus-Christ qui est l’Église [2], le feu de cette conjuration qui ne cessera jamais, que nous avons un plus grand besoin de nous prémunir et de nous ranimer par cette pensée très salutaire, afin que fortifiés dans le Seigneur et en sa vertu toute-puissante, sous la protection du bouclier de la foi, nous puissions résister dans les jours mauvais ! éteindre tous les traits enflammés du malin esprit [3]. Sans doute, dans cette agitation des temps actuels, dans ce changement des choses, qu’accompagne la perturbation la plus étrange, la lutte contre tous les genres d’ennemis du nom Chrétien, est grave pour tous les hommes vertueux ; plus grave encore pour Nous qui devons avoir plus de zèle pour les intérêts du christianisme que tous les autres [4], à cause de la charge de tout le troupeau dont la conduite a été confiée à notre sollicitude pastorale. Mais sous la pesanteur même de cette charge qui a été placée sur nos épaules, et qui nous oblige de porter les fardeaux de tous ceux qui sont peines, nous sentons notre espérance devenir plus ferme et plus élevée, en proportion que Nous sommes plus intimement convaincu de notre faiblesse, en pensant que Dieu lui-même a institué cette charge Apostolique dans la personne du Bienheureux Pierre, et que ce saint Apôtre n’abandonnera jamais la direction de l’Église qui lui a été une fois confiée par Jésus-Christ, et ne cessera pas non plus de porter lui-même le poids du Gouvernement Apostolique dans cette série perpétuelle de successeurs que Dieu l’a chargé de protéger et a rendus les objets de son zèle comme les héritiers de son siège.
A tant d’afflictions qui nous environnent de toutes parts, est venue se joindre, comme pour mettre le comble aux autres chagrins, une tristesse d’autant plus accablante, qu’elle nous vient de ceux mêmes dont nous ne devions attendre que des consolations : Car lorsqu’un homme qui avait été constitué en dignité dans la sainte Église de Dieu se sert de la qualité même qu’il a dans le sacerdoce pour détourner le peuple du chemin de h vérité, le jeter dans le précipice de l’erreur, et cela dans une grande ville, c’est alors qu’il faut doublement gémir et montrer une sollicitude plus qu’ordinaire [5].
Ce n’est pas aux extrémités de la terre, mais sous le ciel de l’Italie, et sous les yeux de Rome, dans le voisinage du tombeau des Apôtres, que s’est trouvé un Évêque honoré d’un double Siège (nous parlons de Scipion de Ricci ci-devant Évêque de Pistoie et de Prato) ; nous l’avions embrassé avec une charité toute paternelle quand il vint à Nous pour recevoir de nos mains la charge Pastorale ; et lui, de son côté, par un serment solennel prononcé le jour de sa consécration, avait juré fidélité et obéissance à Nous et à ce Siège Apostolique.
Eh bien ! ce même Prélat, peu de temps après avoir pris congé de Nous et avoir reçu notre baiser de paix, s’est rendu auprès des peuples qui lui avaient été confiés ; mais circonvenu par les artifices d’un amas de Docteurs d’une sagesse perverse, au lieu de soutenir, de suivre et de perfectionner, selon son devoir, la forme louable et paisible d’institution chrétienne que, d’après la règle de l’Église, les Évêques ses prédécesseurs avaient depuis longtemps introduite et, en quelque sorte, enracinée, il n’a visé, sous le prétexte d’une fausse réforme, qu’à la troubler, l’arracher et la renverser de fond en comble, en introduisant à sa place de funestes nouveautés.
Bien plus, s’étant déterminé, d’après nos exhortations, à tenir un Synode Diocésain, il en est résulté, par l’effet de l’opiniâtreté qui l’attache invariablement à son propre sens, que ce qui devait être un remède pour la guérison des plaies est devenu une source plus malheureuse de perdition. Aussi, quand ce Synode de Pistoie fut sorti des ténèbres où on l’avait quelque temps caché, il n’y eut personne d’animé des sentiments de la piété et de la sagesse à l’égard de notre sainte religion, qui n’ait remarqué, au premier coup-d’œil, que le but de ses auteurs avait été de réunir comme en un seul corps de doctrine toutes les semences d’enseignements pervers jusques-là éparses dans une multitude de libelles ; de ressusciter des erreurs déjà proscrites, et de détruire la confiance et l’autorité que doivent inspirer les Décrets Apostoliques qui les ont condamnées.
Comprenant que plus ces choses sont graves plus elles réclamaient impérieusement le zèle de notre sollicitude Pastorale, nous avons pensé à prendre sans délai les moyens les plus propres à guérir le mal, dès son origine, ou du moins à en arrêter les progrès.
Avant tout, nous souvenant du sage avertissement du Bienheureux Zozime, notre Prédécesseur : qu’il faut peser avec une grande maturité d’examen les choses d’une grande importance [6], nous avons confié l’examen du Synode publié par l’Évêque de Pistoie, à quatre Évêques à qui nous avons adjoint des Théologiens du Clergé Séculier. Nous avons ensuite député une Congrégation de plusieurs Cardinaux de la Sainte Église Romaine et d’autres Évêques, en les chargeant d’examiner avec soin toute la série des actes de ce Synode ; de comparer entre eux les passages séparés ; de discuter les propositions qu’ils auraient extraites. Nous avons recueilli leurs suffrages émis devant Nous de vive voix et par écrit. Ils ont été d’avis que le Synode, dans son ensemble, devait être réprouvé, et qu’un grand nombre de propositions qu’on en avait extraites, méritaient les unes par elles-mêmes, les autres eu égard à la liaison des principes avec les sentiments déjà exprimés, d’être frappées de censures plus ou moins sévères. Après avoir écouté et pesé leurs observations, Nous avons aussi eu soin de faire rédiger dans un certain ordre les principaux chefs extraits du Synode, qui renfermaient des doctrines mauvaises, auxquels plus particulièrement se rapportent, d’une manière directe ou indirecte, les sentiments condamnables qui sont répandus ça et là dans le Synode, et de faire suivre la censure particulière qui doit être appliquée à chacun d’eux.
Mais de peur que des esprits obstinés ne prissent occasion, soit de la confrontation des passages quoique faite avec le plus grand soin, soit de l’examen des sentiments, de se livrer à des incriminations injustes ; voulant prévenir un reproche calomnieux qu’ils tiennent, peut-être, déjà tout prêt, nous avons cru devoir prendre le parti fort sage qu’ont employé plusieurs de nos plus Saints Prédécesseurs ainsi que les plus graves Prélats, et même des Conciles Généraux, comme l’attestent d’illustres exemples qui nous ont tracé, dans cette conduite pleine de précaution et de prudence, la marche à suivre en pareilles circonstances.
Ils connaissaient l’artifice insidieux que mettent en œuvre les Novateurs pour réussir à tromper : ces perfides, pour ne pas choquer les oreilles Catholiques, s’appliquent le plus souvent à couvrir, sous une enveloppe trompeuse de paroles, les pièges qu’ils tendent, afin qu’à l’aide des divers sens dont elles sont susceptibles, l’erreur cachée s’insinue plus doucement dans les esprits, et qu’une doctrine vraie en elle-même étant corrompue par une addition légère en apparence, ou par un changement inaperçu des confessions de foi qui devaient opérer le salut conduisent à la mort d’une manière, pour ainsi dire, insensible. Or cette manière trompeuse de s’exprimer en termes équivoques, qui est un vice dans toute espèce de discours, est surtout intolérable dans un Synode dont le principal mérite est d’employer, en enseignant, une façon de parler si claire, qu’elle ne laisse aucun danger de s’y méprendre. Si donc, on vient à pécher ici en ce point, on ne peut pas, pour se justifier, recourir frauduleusement à cette excuse qu’on a coutume d’apporter, à savoir, que les passages trop durs qui sont échappés se trouvent expliqués dans un meilleur sens, ou même corrigés en d’autres endroits : comme si cette liberté effrontée que l’on se donne de dire tour à tour le oui ou le non, ou même de se contredire, quand on le juge expédient à sa cause (méthode qui fut toujours la ressource astucieuse et trompeuse des Novateurs pour insinuer l’erreur), n’accusait pas l’intention de tromper, bien plutôt qu’elle n’en justifiait ; comme si les gens simples surtout qui tomberont sur tel ou tel endroit du Synode exposé aux yeux de tous en langue vulgaire, avaient toujours présents les autres passages disséminés auxquels il faudrait aussi faire attention ; ou comme si, même en tenant compte de ces autres passages, chacun était capable de les expliquer les uns par les autres, de manière à ne courir aucun danger d’erreurs, ainsi que le prétendent vainement ces mêmes Novateurs ! Artifice souverainement funeste, sans nul doute, pour insinuer l’erreur. Célestin, notre Prédécesseur, l’avait autrefois découvert, par sa pénétration, dans les lettres de Nestorius, Évêque de Constantinople, et en avait fait l’objet du reproche le plus sévère : car ce grand pontife poursuit le fourbe dans ses faux-fuyants, l’atteint et le saisit, découvre son venin dans ce flux de paroles, où enveloppant des vérités dans des choses obscures, puis mêlant ensuite les unes avec les autres, il se réservait de pouvoir confesser ce qu’il avait nié, ou nier ce qu’il venait de confesser. Pour prévenir ces artifices trop souvent renouvelés dans tous les âges, la voie la plus sûre qu’on a trouvée a été que, pour éclaircir les propositions où, sous l’enveloppe de l’ambiguïté, les Novateurs cachent cette diversité dangereuse et suspecte de sens, on notât le sens pervers qui renfermait l’erreur et qui était opposé au sens Catholique.
Nous avons embrassé d’autant plus volontiers cette méthode pleine de modération, que nous avons reconnu qu’elle nous offrait un secours plus puissant pour réconcilier les esprits et les ramener à l’unité de sentiment dans le lien de la paix : ce qu’à notre grande satisfaction, nous avons vu déjà s’effectuer heureusement dans plusieurs, par la grâce de Dieu. Nous avons donc pensé que notre premier soin devait être d’ôter à ceux qui auraient encore l’obstination de s’attacher aux doctrines du Synode, si, ce qu’à Dieu ne plaise, il en restait encore, tout subterfuge dont ils pourraient se prévaloir désormais, pour exciter de nouveaux troubles, en prétextant qu’ils étaient unis avec des Écoles Catholiques, et que la juste condamnation dont on les a frappés, tombe sur ces Écoles elles-mêmes, puisqu’elles partageaient leurs sentiments : il n’est pas, en effet, d’efforts qu’ils ne fassent pour les représenter comme leur étant associées d’opinions et de pensées, malgré la résistance et l’opposition qu’elles manifestent. Ils font, pour cela, violence des expressions qui ont, dans ces écoles, un sens tout contraire, pour leur donner une certaine ressemblance autant qu’elles paraissent pouvoir s’y prêter, avec les sentiments qu’ils ont adoptés eux-mêmes. En second lieu, si quelques-uns sont encore trompés par des préventions trop favorables, à l’égard du Synode, par suite d’une opinion imprudemment adoptée, nous leur ôtons tout motif légitime de se plaindre : car s’ils ont des sentiments orthodoxes, comme ils prétendent, sans doute, le faire croire, ils ne pourront voir avec peine que l’on ait condamné des doctrines qui, dans le sens de la censure, renferment ostensiblement les erreurs qu’elles énoncent, et dont ils font profession d’être bien éloignés.
Cependant nous n’avons pas cru que ce fût encore assez pour la mansuétude dont notre cœur est rempli, ou, pour parler avec plus de vérité, pour la Charité qui nous presse à l’égard de notre Frère, et que nous voulons secourir par tous les moyens, si cela est encore en notre pouvoir [7] : car nous ressentons les mêmes ardeurs de la Charité qui animaient notre Prédécesseur Célestin qui ne refusait pas même d’attendre les Prêtres à résipiscence, au-delà de ce qui semblait juste, ou du moins avec une patience plus grande que la justice ne paraissait le tolérer [8] : car, avec saint Augustin et les Pères du Concile de Milève, nous préférons et désirons que ceux qui enseignent de mauvaises doctrines soient guéris dans le sein même de l’Église par les soins des Pasteurs, plutôt que de les en retrancher en désespérant de leur salut, si aucune nécessité ne nous contraint à prendre ce moyen extrême [9].
Dans ce but, et pour ne pas paraître avoir négligé tout ce que l’obligeance ou le devoir exigeait de nous pour gagner notre Frère, avant d’en venir à des mesures ultérieures, nous avons cru devoir engager ledit Évêque par des lettres très amicales, qui lui ont été remises d’après nos ordres, à se présenter devant Nous, lui promettant que nous le recevrions avec un cœur tout bienveillant, et que nous ne mettrions aucun obstacle à ce qu’il nous dévoilât librement et ouvertement tout ce qui lui semblerait de nature à le justifier : et nous n’avions pas perdu toute espérance, s’il montrait la docilité que saint Augustin exigeait surtout d’un Evêque [10], d’après l’enseignement de saint Paul, que lorsqu’on lui aurait proposé simplement, avec candeur, sans contention et sans amertume, les principaux chefs des doctrines qui avaient paru le plus dignes de censure, il ne rentrât aisément en lui-même et ne fît aucune difficulté d’expliquer dans un sens orthodoxe ce qui était exprimé d’une manière ambiguë, et de répudier ouvertement ce qui présentait un sens manifestement mauvais. Par cette conduite, nous aurions vu à la grande gloire de son nom, aux applaudissements et à la satisfaction de tous les gens de bien s’assoupir autant qu’il était possible, sans éclat, et par le plus désiré des retours, les bruits fâcheux qui s’étaient élevés dans l’Eglise. [11]
Mais maintenant qu’il a cru, sous le prétexte de sa mauvaise santé, ne devoir pas profiter du bienfait qui lui était offert, nous ne pouvons plus différer de satisfaire au devoir de la charge Apostolique. Il ne s’agit pas ici du danger d’un seul ou de deux diocèses ; c’est l’Église entière qui se trouve toujours attaquée par la nouveauté quelle qu’elle soit [12]. Depuis longtemps, non-seulement on attend, mais on réclame de toutes parts le jugement de la Suprême Chaire Apostolique avec des instances continuelles que l’on ne cesse de renouveler. A Dieu ne plaise que la voix de Pierre se taise jamais dans ce Siège où ce Bienheureux Apôtre vivant et présidant toujours fait connaître la vérité de la foi à ceux qui la cherchent [13]. Un trop long silence qui semblerait une connivence, n’est pas sûr dans de pareilles conjonctures ; il est aussi répréhensible alors que la prédication d’une doctrine irréligieuse [14]. Il faut donc extirper un mal qui ne s’attaque pas à un seul membre, mais qui menace d’infecter le corps entier de l’Eglise [15] ; il faut, à l’aide de la bonté divine, pourvoir à ce que la Foi Catholique se conserve inviolable, en tarissant la source des dissensions il faut, en rappelant de l’erreur ceux qui prennent la défense des mauvaises doctrines, fortifier par notre autorité ceux dont la foi est éprouvée [16].
I. Erreurs sur l’Église (propos. 1–15).
1. Obscurcissement des vérités dans l’Église.
Propos. 1re. – Dans ces derniers siècles, a été répandu un obscurcissement général sur des vérités de grande importance relatives à la religion et qui sont la base de la foi et de la doctrine morale de Jésus-Christ (propos. extraite du décret De la grâce, § 1). Proposition hérétique.
2. Du pouvoir attribué à la communauté de l’Église pour être communiqué par elle aux pasteurs.
Propos. 2e. – La proposition qui établit que le pouvoir a été donné par Dieu à l’Église pour qu’il soit communiqué aux pasteurs, qui sont ses ministres pour le salut des âmes, est une proposition hérétique, si on l’entend en ce sens que le pouvoir du ministère et du gouvernement ecclésiastique découle de la communauté des fidèles sur les pasteurs (extrait de la lettre de convocation au synode).
3. De la dénomination de chef ministériel attribué au pontife romain.
Propos. 3e. – La proposition qui déclare que le pontife romain est le chef ministériel de l’Église, est hérétique, si l’on veut dire que le pontife romain reçoit de l’Église son pouvoir de ministère et non point du Christ en la personne du bienheureux Pierre, en tant que successeur de Pierre, vrai vicaire du Christ et chef de l’Eglise tout entière (décret De la foi, § 8). La même idée se trouve aussi au début de la Ve session de l’assemblée de Florence. Cette proposition, avec la précédente résume les thèses de Richer, dans son livre De ecclesiastica et politica potestate, 1611.
4 . Pouvoir de l’Église pour constituer et sanctionner la discipline extérieure (propos. 4–5).
Propos. 4e. – Ce serait un abus d’étendre l’autorité de l’Église au delà des bornes de la doctrine et des mœurs, de l’étendre aux choses extérieures, et d’exiger par la force ce qui dépend de la persuasion et du cœur et aussi de prétendre exiger, par une contrainte extérieure, la soumission à ces décisions. Cette proposition (extraite du décret De la foi, § 13 et 14) est hérétique, en tant que, par ces termes indéterminés « étendre aux choses extérieures », on caractérise comme un abus de l’autorité de l’Église l’usage de cette autorité reçue de Dieu, dont ont usé les apôtres eux-mêmes, pour établir et sanctionner la discipline extérieure.
Propos. 5e. – En insinuant que l’Église n’a pas le droit d’exiger la soumission à ses décrets, autrement que par des moyens de persuasion, en prétendant que l’Église n’a pas reçu de Dieu le pouvoir non seulement de diriger par des exhortations et des conseils, mais encore de commander par des lois et de punir par des jugements extérieurs et par des peines salutaires ceux qui s’écartent de ces lois et leur résistent (Benoît XIV, Bref Ad assiduas, 1755, aux archevêques et évêques de Pologne), on énonce une proposition qui conduit à un système déjà condamné comme hérétique.
5. Droit faussement attribué aux évêques (propos. 6–8).
Propos. 6e. – Le synode déclare « être persuadé que l’évêque a reçu de Jésus-Christ tous les pouvoirs nécessaires pour le bon gouvernement de son diocèse », comme si, pour le bon gouvernement d’un diocèse, n’étaient pas nécessaires d’autres règlements supérieurs, relatifs soit à la foi et à la morale, soit à la discipline générale, dont la source est dans les souverains pontifes et les conciles généraux pour l’Église universelle. Proposition (extraite du décret De l’ordre, § 25) schismatique et au moins erronée. La thèse avait été reprise au 5e point ecclésiastique, et au début de la Ve assemblée de Florence.
Propos. 7e. – De même, le synode invite l’évêque « à poursuivre avec ardeur une constitution plus parfaite de la discipline ecclésiastique », et cela, « contre toutes les coutumes contraires, contre les exemptions et les réserves, qui s’opposent au bon ordre du diocèse, pour la plus grande gloire de Dieu et la plus grande édification des fidèles », (décret De l’ordre, § 25). Par là, le synode suppose qu’il est permis à l’évêque d’établir des règlements de par son propre jugement et sa propre volonté et de décréter, contre les coutumes, les exemptions et les réserves, qui existent, soit dans l’Église universelle, soit dans une province, sans l’agrément et l’intervention d’une autorité hiérarchique supérieure, de qui elles sont venues, par qui elles ont été approuvées et de qui elles obtiennent force de loi. Proposition qui conduit au schisme et à la destruction du gouvernement hiérarchique : proposition erronée.
Propos. 8e. – De même, le synode est persuadé « que les droits que l’évêque a reçus de Jésus-Christ pour gouverner l’Église ne peuvent être ni altérés, ni empêchés ; là où l’exercice de ces droits, pour quelque motif que ce soit, a été interrompu, l’évêque peut toujours et doit revenir dans ses droits originaires toutes les fois que l’exige le plus grand bien de son Église » (De l’ordre, § 25). Par là, il insinue que l’exercice des droits épiscopaux ne peut être empêché ou contenu par aucune autorité supérieure, toutes les fois qu’un évêque estimera, à son propre jugement, que cela est convenable au plus grand bien de son Église. Proposition qui conduit au schisme et à la destruction du gouvernement hiérarchique ; proposition erronée.
6. Droit faussement attribué aux prêtres d’ordre inférieur, dans les décrets de foi et de discipline (propos. 9–11).
Propos. 9e. – « La réforme des abus touchant la discipline ecclésiastique, dépend également de l’évêque et des curés, dans les synodes diocésains, et doit être également établie par eux ; sans la liberté de décision, l’obéissance n’est pas due aux suggestions et aux ordres des évêques » (lettre de convocation au synode). Doctrine fausse, téméraire, qui lèse l’autorité épiscopale, renverse le gouvernement hiérarchique, favorise l’hérésie d’Aérius renouvelée par Calvin.
Propos. 10e. – Les curés et les autres prêtres, réunis en synode, prononcent avec l’évêque, comme juges de la foi ; en même temps, on insinue que le jugement en matière de foi leur appartient jure proprio et par un droit reçu à l’ordination [17]. Doctrine fausse, téméraire, subversive de l’ordre hiérarchique, destructive de la fermeté des définitions et jugements dogmatiques, au moins erronée.
Propos. 11e. – Dans l’ancienne discipline, qui remonte jusqu’aux apôtres et qui avait été conservée aux beaux temps de l’Église, il était reçu « que les décrets, ou les définitions, ou les sentences, même, des plus grands sièges, n’étaient pas admis, avant d’avoir été examinés et approuvés par un synode diocésain » (discours synodal, § 8). Opinion fausse, téméraire, dérogeant dans sa généralité à l’obéissance due aux constitutions apostoliques et aux décisions émanées de l’autorité hiérarchique, supérieure et légitime, opinion favorisant le schisme et l’hérésie.
7. Calomnies contre quelques décisions en matière de foi prises ces derniers siècles.
Propos. 12e. – Les décisions en matière de foi, rendues dans ces derniers siècles, le synode les représente comme des décrets émanés d’une Église particulière ou d’un petit nombre de pasteurs, sans un appui suffisant d’autorité, propres à corrompre la pureté de la foi et à exciter des troubles, imposés par la violence et qui encore récemment ont fait des blessures [18]. Ces assertions, si on les prend dans leur rapprochement (complexive acceptæ), sont fausses, captieuses, téméraires, scandaleuses, injurieuses pour les pontifes romains et pour l’Église ; elles dérogent à l’obéissance due aux constitutions apostoliques ; elles sont schismatiques, pernicieuses, et pour le moins erronées.
8. Sur la paix de Clément IX.
Propos. 13e. – Une proposition relatée parmi les Actes du synode insinue que Clément IX rendit la paix à l’Église par l’approbation de la distinction du fait et du droit dans la souscription du formulaire prescrit par Alexandre VII (discours synodal, § 2, note). Cette proposition est fausse, téméraire, injurieuse pour Clément IX.
Propos. 14e. – En tant qu’elle approuve cette distinction, en comblant de louanges ceux qui la défendent et en blâmant ses adversaires, cette proposition est téméraire, pernicieuse, injurieuse pour les souverains pontifes ; elle favorise le schisme et l’hérésie.
9. Sur la formation du corps de l’Église.
Propos. 15e. – « L’Église doit être considérée comme un corps mystique, formé du Christ comme tête et des fidèles qui sont ses membres, par une union ineffable en vertu de laquelle nous formons avec lui un seul prêtre, une seule victime, un seul adorateur parfait de Dieu le Père en esprit et en vérité » [19]. Comprise en ce sens que seuls font partie du corps de l’Église, les fidèles qui sont de parfaits adorateurs en esprit et en vérité, cette doctrine est hérétique.
II. Erreurs sur les différents états de l’homme (propos. 16 à 20).
1. De l’état d’innocence.
Propos. 16e. – Le synode représente Adam dans l’état d’innocence avant le péché. Cet état renferme non seulement l’intégrité, mais encore la justice intérieure avec une impulsion vers Dieu par l’amour de charité. La sainteté primitive restituée en quelque manière après la chute est représentée comme une suite de la création, due par une exigence naturelle et la condition de la nature humaine et non point un bienfait gratuit de Dieu [20]. Cette doctrine du synode est fausse, déjà condamnée dans Baius (propos. 1, 7), dans Quesnel (propos. 34–35), erronée et elle favorise l’hérésie pélagienne.
2. De l’immortalité considérée comme la condition naturelle de l’homme.
Propos. 17e. – « Enseignés par l’Apôtre, nous attendons la mort non point comme la condition naturelle de l’homme, mais comme la juste peine du péché originel. » Cette proposition insinue faussement, sous le nom de l’Apôtre, que la mort, qui nous est infligée dans la vie présente comme une juste peine du péché, par une juste soustraction de l’immortalité, n’était point la naturelle condition de l’homme (décret Du baptême, § 2), comme si l’immortalité n’avait pas été un bienfait gratuit de Dieu, mais notre condition naturelle. Cette proposition ainsi erronée est captieuse, téméraire, injurieuse à l’Apôtre et déjà condamnée.
3. De la condition de l’homme dans l’état de nature.
Propos. 18e. – « Après la chute d’Adam, Dieu annonça la promesse d’un futur rédempteur et voulut consoler le genre humain par l’espoir du salut, que Jésus-Christ devait apporter » ; cependant, « Dieu voulut que le genre humain passât par divers états avant l’arrivée de la plénitude des temps » et que d’abord, dans l’état de nature, « l’homme laissé à ses propres lumières, apprît à se défier de son aveugle raison et fût amené par ses aberrations, à désirer le secours d’une lumière supérieure » [21]. Cette doctrine, en elle-même, est captieuse ; entendue du désir d’un secours de lumière supérieure dans l’ordre du salut promis par le Christ, d’un désir à la conception duquel l’homme livré à ses propres lumières serait supposé pouvoir se porter, cette doctrine est suspecte et elle favorise l’hérésie semi-pélagienne.
4. De la condition de l’homme sous la loi (propos. 1920).
Propos. 19e. – Au même endroit, on lit : L’homme sous la loi, « comme il était impuissant à l’observer, a été prévaricateur non certes par la faute de la loi, qui est très sainte, mais par la faute de l’homme, qui, sous la loi, sans la grâce, est devenu de plus en plus prévaricateur » ; on ajoute « que la loi, si elle n’a pas guéri le cœur de l’homme, lui a fait connaître ses maux et après l’avoir convaincu de son infirmité, lui a fait désirer la grâce du médiateur » ; ainsi le synode insinue, en général, que l’homme a été prévaricateur par la violation de la loi qu’il était impuissant à observer, « comme si celui qui est juste pouvait commander quelque chose d’impossible et comme si celui qui est pieux condamnait l’homme pour une chose qu’il ne pouvait éviter ». Proposition fausse, scandaleuse, impie, condamnée dans Baius.
Propos. 20e. – Comprise en ce sens que l’homme sous la loi peut sans la grâce concevoir le désir de la grâce du médiateur, ordonné au salut promis par le Christ – comme si ce n’était pas la grâce elle-même qui nous le fît invoquer (IIe concile d’Orange, can. 3). Cette proposition est en elle-même captieuse, suspecte, et elle favorise l’hérésie semi-pélagienne.
III. Erreurs sur la grâce (propos. 21–26).
1. De la grâce illuminante et excitante.
Propos. 21e. – « La lumière de grâce, quand elle est seule, ne fait que nous faire connaître l’infidélité de notre état et la gravité de notre mal : en ce cas, la grâce produit le même effet que produisait la loi ; il est donc nécessaire que Dieu crée en notre cœur un saint amour et inspire une sainte dilection contraire à l’amour dominant en nous ; ce saint amour, cette sainte dilection est proprement la grâce de Jésus-Christ, l’inspiration de la charité qui, étant connue, nous fait agir par le saint amour ; c’est la racine d’où naissent les bonnes œuvres ; c’est la grâce du « Nouveau Testament qui nous délivre de la servitude du péché et nous constitue fils de Dieu » (De la grâce, § 11). En tant qu’elle prétend que celle-là seule est la vraie grâce de Jésus-Christ qui crée en notre cœur un saint amour, qui nous fait agir, et par qui nous sommes libérés de la servitude du péché et établis fils de Dieu, et que, par conséquent, la grâce qui touche le cœur de l’homme par l’illumination du Saint-Esprit n’est pas la vraie grâce du Christ [22] et qu’il n’y a pas une vraie grâce à laquelle on résiste, cette proposition est fausse et captieuse, elle conduit à l’erreur condamnée comme hérétique dans la 2e proposition de Jansénius et elle la renouvelle.
2. De la foi comme première grâce.
Propos. 22e. – La foi « par laquelle commence la série des grâces et par laquelle, comme par la première voix, nous sommes appelés au salut et à l’Église » (De la foi, § 1), est la très excellente vertu de foi, par laquelle les hommes sont appelés et sont vraiment fidèles, comme s’il n’y avait pas auparavant cette grâce qui « de même qu’elle prévient la volonté, prévient aussi la foi (saint Augustin, De dono persev., c. XVI, n. 41). La proposition qui insinue cela est suspecte d’hérésie, elle sent l’hérésie, elle est déjà condamnée dans Quesnel (propos. 26–27) et erronée.
3. Du double amour.
Propos. 23e. – La doctrine du synode sur le double amour de la cupidité et de la charité dominante énonce que l’homme sans la grâce est sous la servitude du péché ; dans cet état, le péché, par l’influence générale de la cupidité dominante, infecte et corrompt toutes nos actions (De la grâce, § 8). En tant qu’elle insinue que, tant qu’il est sous la servitude ou dans l’état de péché, privé de la grâce qui libère de la servitude du péché et constitue fils de Dieu, l’homme est tellement dominé par la cupidité que par son influence générale toutes ses actions, par elles-mêmes, sont infectées et corrompues : ou bien que toutes les œuvres qui sont faites avant la justification, quel qu’en soit le principe, sont des péchés comme si, dans tous ses actes, le pécheur était soumis à la cupidité dominante, cette proposition est fausse, pernicieuse ; elle induit à l’erreur condamnée comme hérétique par le concile de Trente et de nouveau dans Baius, art. 40.
Propos. 24e. – En disant qu’entre la cupidité et la charité dominante, il n’y a pas, dans la nature elle-même, d’affections moyennes et louables en elles-mêmes (De la grâce, § 12), qui, avec l’amour de la béatitude et la tendance naturelle au bien, « sont restés comme les derniers vestiges et les restes de l’image de Dieu » [23] ; comme si, entre la dilection de vivre, qui nous conduit au royaume céleste et l’amour humain illicite qui nous fait damner, il n’y avait pas un amour humain licite qui ne mérite pas de châtiment » [24], cette proposition est fausse et déjà condamnée.
4. De la crainte servile.
Propos. 25e. – Le synode rejette en général la crainte des peines, « bien qu’elle ne puisse pas être dite un mal, si elle sert à arrêter la main » (De la pénitence, § 3) ; comme si la crainte même de l’enfer, que la foi enseigne devoir être infligé au péché, n’était pas bonne en elle-même et utile, comme un don surnaturel, et un mouvement inspiré de Dieu et préparant à l’amour de justice. Cette doctrine est fausse, téméraire, pernicieuse, injurieuse aux dons divins, déjà condamnée, contraire à la doctrine du concile de Trente et à l’opinion commune des Pères ; il est nécessaire, pour se préparer d’ordinaire à la justification « de faire entrer d’abord la crainte pour arriver à la charité » ; « la crainte est un remède, la charité est la guérison » [25].
5. De la peine de ceux qui meurent avec le seul péché originel.
Propos. 26e. – Le lieu des enfers (que les fidèles appellent en général limbes des enfants), où les âmes de ceux qui meurent avec le seul péché originel sont punies de la peine du dam, sans la peine du sens (Du baptême, § 3), est rejeté comme une fable pélagienne, comme si ceux qui rejettent la peine du feu affirmaient, par le fait même, l’existence d’un lieu et d’un état intermédiaire, exempt de faute et de peine, entre le royaume de Dieu et la damnation éternelle, comme l’imaginaient les pélagiens. Cette doctrine est fausse, téméraire, injurieuse pour les écoles catholiques.
IV. Erreurs sur les sacrements (propos. 27–60).
1. Des sacrements et d’abord de la forme sacramentelle avec une condition.
Propos. 27e. – La délibération du synode (Du baptême, § 12) par laquelle, sous prétexte d’adhérer aux anciens canons, dans le cas d’un baptême douteux, on affirme la décision d’omettre toute mention de forme conditionnelle, est téméraire, contraire à la pratique, à la loi et à l’autorité de l’Église.
2. De la participation à la victime dans le sacrifice de la messe.
Propos. 28e. – Après avoir établi que « la participation à la victime est une part essentielle du sacrifice », le synode ajoute « que cependant il ne condamne pas comme illicites les messes auxquelles les assistants ne communient pas sacramentellement, parce que ceux-ci participent, bien que plus imparfaitement, à la victime, parla communion spirituelle » ; en tant qu’il insinue qu’il manque quelque chose au sacrifice auquel personne n’assiste, ou à celui auquel les assistants ne participent ni sacramentellement, ni spirituellement ; comme si devaient être condamnées comme illicites les messes où seul le prêtre communie, et auxquelles personne n’assiste qui communie sacramentellement ou spirituellement. Cette doctrine est fausse, erronée, suspecte d’hérésie et sentant l’hérésie.
3. De l’efficacité du rite de la consécration.
Propos. 29e. – Pour enseigner le rite de la consécration, le synode, afin d’écarter toutes les questions scolastiques touchant le mode suivant lequel Jésus se trouve dans l’eucharistie, exhorte les curés chargés d’instruire les fidèles à s’en tenir aux deux propositions suivantes : 1° le Christ, après la consécration, se trouve vraiment, réellement, substantiellement sous les espèces ; 2° alors toute la substance du pain et du vin a cessé, seules leurs espèces demeurent [26]. On omet de faire aucune mention de la transsubstantiation ou conversion de toute la substance du pain au corps et de toute la substance du vin au sang, que le concile de Trente a définie comme un dogme et qui est contenu dans la profession solennelle de la foi. En tant que, par cette omission malencontreuse et suspecte, on soustrait la connaissance d’un article de foi et d’un terme consacré par l’Église pour professer la foi contre les hérésies, et on tend, par suite, à faire oublier ce terme, comme s’il s’agissait seulement d’une question scolastique, cette doctrine du synode est pernicieuse ; elle déroge à l’exposition de la vérité catholique touchant le dogme de la transsubstantiation et elle favorise les hérétiques.
4. De l’application du fruit du sacrifice.
Propos. 30e. – Le synode professe « croire que l’oblation du sacrifice s’étend à tous, de telle sorte pourtant que, dans la liturgie, une commémoraison spéciale puisse être faite de quelques fidèles soit vivants, soit défunts, parce qu’on prie spécialement pour eux » ; aussitôt après il ajoute : « Nous ne croyons pas cependant qu’il soit au pouvoir du prêtre d’appliquer les fruits du sacrifice à qui il veut ; bien plus, nous condamnons cette erreur comme lésant gravement les droits de Dieu, qui seul distribue les fruits du sacrifice à qui il veut et dans la mesure qui lui plait. » D’où et en conséquence, il déclare comme « opinion fausse transmise dans le peuple la croyance que ceux qui donnent une aumône au prêtre à condition qu’il célèbre une messe, reçoivent un fruit spécial de cette messe » [27]. Entendue en ce sens que, outre la commémoraison et la prière spéciale, une oblation particulière ou une application du sacrifice faite par le prêtre ne sert pas davantage, toutes choses égales d’ailleurs, à ceux pour qui il offre le sacrifice. qu’aux autres, comme si aucun fruit spécial ne provenait de l’application particulière faite pour des personnes déterminées ou des ordres de personnes, sur les recommandations et les ordres de l’Église, spécialement par les pasteurs pour leurs brebis ‑ce qui découle d’un précepte divin, comme il est expressément dit par le concile de Trente [28] – cette doctrine du synode est fausse, téméraire, pernicieuse, injurieuse pour l’Église, et elle conduit à l’erreur déjà condamnée dans Wiclef.
5. De l’ordre convenable à garder dans le culte.
Propos. 31e. – Le synode énonce que, pour le bon ordre des offices divins et selon l’antique coutume, il serait convenable que, dans chaque église, il n’y eût qu’un seul autel et qu’il lui plairait de voir rétablir cet usage (De l’eucharistie, § 5). Proposition téméraire et injurieuse pour un usage très ancien, pieux, en vigueur et approuvé depuis de longs siècles, en particulier dans l’Église latine. Cette affirmation du concile se retrouve également dans d’autres nombreux documents : lettres de Ricci ; discussion à la XIIe session des assemblées de Florence, articles 27 et 37.
Propos. 32e. – De même, la prescription défendant de placer sur les autels les saintes reliques et des fleurs est téméraire et injurieuse pour une coutume pieuse et approuvée par l’Église.
Propos. 33e. – De même, le synode paraît souhaiter que soient détruites les causes pour lesquelles on a oublié en partie les principes qui regardent la liturgie, « pour rappeler celle-ci à une plus grande simplicité de rites, pour l’exposer en langue vulgaire et prononcer les paroles à haute voix » (De l’eucharistie, § 6) ; comme si l’ordre reçu dans l’Église et approuvé venait en partie de l’oubli des principes qui devraient régir la liturgie. Cette proposition est téméraire, offense les oreilles pies, est injurieuse pour l’Église et favorise les attaques des hérétiques contre l’Église.
6. De l’ordre de la pénitence (propos. 34–35).
Propos. 34e. – Après avoir dit que l’ordre de la pénitence canonique a été établi par l’Église, à l’exemple des apôtres, de telle sorte qu’elle fût commune à tous non seulement pour la punition de la faute, mais surtout pour disposer à la grâce, le synode ajoute qu’il reconnaît, « dans cet ordre admirable et auguste toute la dignité d’un sacrement, si nécessaire, libéré des subtilités qui y ont été jointes au cours des temps » (De la pénitence, § 7) ; comme si la dignité du sacrement avait été diminuée par l’ordre dans lequel ce sacrement a coutume d’être administré dans toute l’Église, en dehors du cours de la pénitence canonique. Cette déclaration du synode est téméraire et scandaleuse ; elle conduit au mépris de la dignité du sacrement, en la manière où il est administré dans toute l’Église, et elle est injurieuse à l’Église elle-même.
Propos. 35e. – « Si la charité au début est toujours débile, en temps ordinaire, pour arriver à accroître cette charité, il faut que le prêtre fasse précéder ces actes d’humiliation et de pénitence, qui furent toujours recommandés par l’Église ; réduire ces actes à quelques prières ou à quelques jeûnes après l’absolution, paraît être désir matériel de conserver à ce sacrement le simple nom de pénitence plutôt que moyen éclairé, propre à accroître la ferveur de la charité qui doit précéder l’absolution ; sans doute, nous sommes fort éloignés de désapprouver la pratique d’imposer des pénitences à accomplir même après l’absolution : si, en effet, toutes nos bonnes œuvres apportent toujours avec elles des défauts, combien plus nous devons craindre d’avoir laissé passer de nombreuses imperfections dans l’œuvre si difficile et si importante de, notre réconciliation. » (De la pénitence, § 10, n. 4.) En tant qu’elle insinue que les pénitences qui sont imposées pour être faites après l’absolution doivent être regardées comme un supplément pour les défauts renfermés dans l’œuvre de la réconciliation, plutôt que comme des pénitences vraiment sacramentelles et satisfactoires pour les péchés confessés ; comme si, pour être un vrai sacrement et non pas un vain nom, il fallait d’ordinaire que les actes d’humiliation et de pénitence, imposés par mode de satisfaction sacramentelle, précédassent l’absolution, cette proposition est fausse, téméraire, injurieuse pour la pratique commune de l’Église ; elle conduit à l’erreur qualifiée de la note d’hérésie dans Pierre d’Osma (propos. 5e).
7. De la disposition préalable nécessaire pour admettre des pécheurs à la pénitence.
Propos. 36e. – Après avoir dit : « Quand on aura des signes non équivoques de la charité dominante de Dieu dans le cœur d’un homme, on peut le juger digne d’être admis à la participation du sang de Jésus-Christ par les sacrements », le synode ajoute : « les conversions supposées, qui sont faites par l’attrition ne sont, d’habitude, ni efficaces, ni durables » ; par conséquent, « le pasteur des âmes doit insister sur les signes non équivoques de charité dominante, avant d’admettre ses pénitents aux sacrements » [29] ; ces signes, comme le dit plus loin le synode (§ 17), « le pasteur peut les déduire de l’éloignement stable du péché et de la ferveur dans les œuvres bonnes », et ailleurs [30] il donne « la ferveur de la charité comme disposition, qui doit précéder l’absolution. Ainsi comprise, que non seulement la contrition imparfaite, qu’on appelle parfois attrition, par laquelle l’homme commence à aimer Dieu, comme source de toute justice, mais encore la contrition parfaite et la ferveur de la charité dominante et la ferveur prouvée par une longue expérience dans les bonnes œuvres, est requise généralement et absolument pour que l’homme puisse s’approcher des sacrements et pour que spécialement les pécheurs puissent être admis au bienfait de l’absolution, cette doctrine du synode est fausse, téméraire, de nature à troubler le repos des esprits, contraire à la pratique sûre et approuvée dans l’Église, défavorable et injurieuse à l’efficacité du sacrement.
8. Du pouvoir d’absoudre (propos. 37–38).
Propos. 37e. – Le synode parle ainsi de ce pouvoir reçu par l’ordination : « Après l’institution des diocèses et des paroisses, il convenait que chacun exerçât ce pouvoir sur des personnes sujettes soit à raison du territoire, soit à raison d’un droit personnel » parce qu’autrement, il y aurait eu « trouble et confusion » (De la pénitence, § 10, n. 6) ; cette proposition énonce que c’est seulement après l’institution des diocèses et des paroisses « qu’il a été convenable, pour éviter des troubles, que le pouvoir d’absoudre s’exerçât sur des sujets » ; ainsi comprise, pour l’usage valide de ce pouvoir, une juridiction ordinaire ou déléguée n’est pas nécessaire et cependant le concile de Trente déclare que, sans elle, l’absolution donnée par un prêtre est sans valeur ; cette proposition est fausse, téméraire, pernicieuse, contraire et injurieuse au concile de Trente, erronée.
Propos. 38e. – Après avoir professé « qu’il ne peut pas ne pas admirer cette vénérable discipline de l’antiquité, qui n’admettait pas facilement ou parfois n’admettait point du tout à la pénitence, celui qui, après un premier péché et après une première réconciliation, était retombé dans une faute », le synode ajoute : « par cette crainte d’une perpétuelle exclusion de la communion et de la paix, même à l’article de la mort, l’Église a opposé un frein puissant à ceux qui considèrent peu le mal du péché et ne le craignent point » [31]. Cette proposition est contraire au canon 13 du 1er concile de Nicée, à la décrétale d’Innocent II, à Exupère de Toulouse, et à la décrétale de Célestin 1er aux évêques de la province de Vienne et de Narbonne ; elle sent la perversité que maudit le saint pontife dans cette décrétale.
9. De la confession des péchés véniels.
Propos. 39e. – La proposition, dans laquelle le synode souhaite que la confession des péchés véniels ne soit pas aussi fréquente, afin de rendre les confessions moins méprisables [32], est téméraire, pernicieuse, contraire à la pratique des saints et des personnes pieuses qu’approuve le saint concile de Trente.
10. Des indulgences (propos. 40–43).
Propos. 40ème. – « L’indulgence, suivant sa notion précise, n’est pas autre chose qu’une rémission d’une partie de la pénitence établie par les canons pour le pécheur » (De la pénitence, § 16). Cette proposition semble dire que l’indulgence, en dehors de la pure rémission de la peine canonique, ne sert à rien pour la rémission de la peine temporelle due pour les péchés actuels devant la justice divine ; elle est fausse, téméraire, injurieuse pour les mérites de Jésus-Christ, condamnée à l’art. 19 de Luther.
Propos. 41ème. – Le synode ajoute (ibid) : « Les scolastiques, enflés de leurs subtilités, ont imaginé un trésor mal compris des mérites de Jésus-Christ et des saints ; ils ont substitué à la claire notion de l’absolution de la peine canonique la notion confuse et fausse de l’application des mérites. » Cette proposition insinuant que les trésors de l’Église, d’où le pape tire les indulgences, ne sont pas les mérites du Christ et des saints est fausse, téméraire, injurieuse pour les mérites de Jésus-Christ et des saints, condamnée à l’article 17 de Luther.
Propos. 42ème. – Le synode ajoute (ibid.) : « Il est encore plus regrettable que cette chimérique application veuille être faite aux défunts. » Cette assertion est fausse, téméraire, offensive des oreilles pies, injurieuse pour les pontifes romains, pour la pratique et le sens de l’Église universelle ; elle conduit à l’erreur qualifiée d’hérétique dans Pierre d’Osma (propos. 6e) et déjà condamnée à l’article 22 de Luther.
Propos. 43ème. – Le synode enfin (ibid.) attaque très vivement les tables d’indulgences, les autels privilégiés, etc. Cette proposition est téméraire, offensive des oreilles pies, scandaleuse, outrageante pour les souverains pontifes et la pratique répandue dans toute l’Église.
11. De la réserve des cas (propos. 44–45).
Propos. 44e. – Le synode affirme que « la réserve des cas, en notre temps, n’est qu’un lien imprévoyant pour les prêtres inférieurs, et un son vide de sens pour les pénitents accoutumés à ne tenir aucun compte des réserves » [33]. Proposition fausse, téméraire, malsonnante, pernicieuse, contraire au concile de Trente [34] et blessante pour la puissance hiérarchique supérieure.
Propos. 45e. – Le synode (ibid.) exprime l’espoir qu’après la réforme du rituel et de la pénitence, il n’y aura plus aucune place pour de semblables réserves. Par la généralité des expressions, le synode insinue que la réforme du rituel et de l’ordre de la pénitence peut être faite par l’évêque ou que le synode peut détruire les cas que le concile de Trente [35] a déclaré que les pontifes romains pouvaient se réserver, de par la suprême autorité, sur toute l’Église. Cette proposition est fausse, téméraire, dérogeant au concile de Trente et à l’autorité des souverains pontifes, et injurieuse.
12. Des censures (propos. 46–50).
Propos. 46e. – « L’effet de l’excommunication est tout extérieur, parce que, par nature, elle exclut seulement de la communion extérieure de l’Église » [36], comme si l’excommunication n’était pas une peine spirituelle, liant dans le ciel et obligeant les âmes, [37] ; proposition fausse, pernicieuse, déjà condamnée à l’article 23 de Luther, pour le moins erronée.
Propos. 47e. – Il est nécessaire, d’après les lois naturelles et divines, que, soit pour l’excommunication, soit pour la suspense, il y ait un examen personnel préalable ; par conséquent, les sentences dites ipso facto n’ont pas d’autre force qu’une sérieuse menace sans aucun effet actuel (De la pénitence, § 21, 23). Proposition fausse, téméraire, pernicieuse, injurieuse pour l’autorité de l’Église, erronée.
Propos. 48e. – De même, le synode déclare « inutile et vaine la formule, employée depuis plusieurs siècles, d’absoudre en général des excommunications dans lesquelles un fidèle aurait pu tomber » [38]. Proposition fausse, téméraire, injurieuse pour la pratique de l’Église.
Propos. 49e. – De même, il condamne comme nulles, et invalides « les suspenses ex informata conscientia » [39]. Proposition fausse, pernicieuse, injurieuse pour le concile de Trente.
Propos. 50e. – De même, il affirme qu’il n’est pas permis à l’évêque seul d’user du pouvoir que lui confère cependant le concile de Trente [40] d’infliger une suspense ex informata conscientia [41]. Proposition qui blesse la juridiction des prélats de l’Église.
13. De l’ordre (propos. 51–57).
Propos. 51e. – Dans. la promotion aux ordres, le synode prétend qu’on doit suivre la coutume ancienne : « Si quelque clerc se distinguait par la sainteté de vie et était jugé digne de monter aux ordres sacrés, on avait coutume de le promouvoir au diaconat ou au sacerdoce, même s’il n’avait pas reçu les ordres inférieurs ; une telle ordination n’était pas dite faite per saltum, comme on l’a dit plus tard » (De l’ordre, § 4).
Propos. 52e. – De même, le synode affirme qu’il n’y avait pas d’autre titre d’ordination que la désignation, pour un ministère spécial, comme le prescrit le concile de Chalcédoine ; il ajoute que, tant que l’Église s’est conformée à ces principes dans le choix des ministres sacrés, l’ordre ecclésiastique a fleuri, mais ces jours heureux sont passés ; de nouveaux principes ont été introduits, par lesquels a été corrompue la discipline ecclésiastique dans le choix des ministres [42].
Propos. 53e. – Parmi ces principes de corruption, le synode rapporte qu’on s’est écarté (§ 3) de l’ancienne pratique par laquelle, dit-il, l’Église s’attachant aux exemples des apôtres, avait établi de n’admettre au sacerdoce personne qui n’eût conservé l’innocence baptismale [43]. Ainsi le synode insinue que la discipline a été corrompue par des décrets et des institutions : 1° qui ont prohibé les ordinations per saltum ; 2° qui ont approuvé, pour la nécessité ou la commodité des églises, des ordinations sans un titre de ministère spécial, comme par exemple l’ordination au titre patrimonial, admis par le concile de Trente, réserve faite de l’obéissance, en vertu de laquelle ceux qui ont été ainsi ordonnés doivent servir aux nécessités des Églises et accepter les ministères auxquels les évêques, suivant les temps et les lieux, peuvent les appeler, comme cela était fait dès les temps apostoliques dans l’Église primitive ; 3° qui ont établi, en droit canonique, la distinction de crimes qui rendent les délinquants irréguliers ; comme si par cette distinction l’Église s’était écartée de l’esprit de l’Apôtre en n’excluant pas, d’une manière générale et sans aucune distinction, du ministère ecclésiastique, tous ceux qui n’avaient pas conservé l’innocence baptismale. La doctrine exprimée dans chacune de ces propositions est fausse, téméraire, destructive de l’ordre établi pour la nécessité et la commodité des Églises, injurieuse pour la discipline approuvée par les canons et particulièrement par les décrets du concile de Trente.
Propos. 54e. – De même, le synode signale comme un abus honteux de demander une aumône pour célébrer des messes et administrer des sacrements comme de recevoir quelque fruit appelé droit d’étole et, en général, un tribut et des honoraires qui seraient offerts à l’occasion des suffrages ou de quelque fonction paroissiale [44] ; comme si on devait noter du crime d’abus honteux les ministres de l’Église, lorsque, suivant la coutume et les règles reçues et approuvées par l’Église, ils usent du droit promulgué par l’Apôtre de recevoir des biens temporels de ceux à qui ils administrent des biens spirituels. Cette doctrine est fausse, téméraire, offensante pour le droit ecclésiastique et pastoral, injurieuse pour l’Église et ses ministres.
Propos. 55e. – De même, le synode déclare souhaiter vivement qu’on trouve un moyen d’écarter des cathédrales et des collégiales le menu clergé (il désigne par ce nom les clercs des ordres inférieurs), et qu’on pourvoie autrement, par exemple par des laïcs probes et d’âge avancé, en leur assignant un salaire convenable, à la fonction de servir les messes et aux autres offices d’acolyte, etc., comme cela avait lieu autrefois, lorsque ces offices n’étaient pas réduits à une simple formalité pour recevoir les ordres majeurs [45] ; il blâme une institution qui fait redouter que « les fonctions des ordres inférieurs soient exercées seulement par ceux qui ont été établis pour ces fonctions » [46] et cela, selon le désir du concile de Trente [47], « pour que les fonctions des saints ordres, du diaconat à l’ostiariat, reçues avec éloge depuis les temps apostoliques dans l’Église et admises parfois en plusieurs endroits d’après les saints canons, ne soient pas regardées par les hérétiques comme inutiles ». Cette suggestion est téméraire, offensive des oreilles pies, destructive du ministère ecclésiastique ; elle diminue la décence qu’il faut conserver le plus possible dans la célébration des mystères ; elle est injurieuse pour la charge et les fonctions des ordres mineurs et pour la discipline approuvée par les canons et spécialement par le concile de Trente, favorable aux attaques et aux calomnies des hérétiques contre cette discipline.
Propos. 56e. – Il lui paraît convenable de n’accorder et de n’admettre jamais aucune dispense pour les empêchements canoniques qui proviennent de délits exprimés dans le droit [48]. Cette doctrine blesse l’équité et la modération canonique approuvée par le concile de Trente et elle déroge à l’autorité et aux droits de l’Église.
Propos. 57e. – Le synode rejette généralement et sans distinction, comme un abus, toutes sortes de dispenses pour conférer à un même sujet plus d’un bénéfice résidentiel ; de même, il ajoute être certain que, d’après l’esprit de l’Église, personne ne peut jouir de plus d’un bénéfice, quoique simple [49]. Cette prescription, dans sa généralité, déroge à la modération du concile de Trente [50].
14. Des fiançailles et du mariage (propos. 58–60).
Propos. 58e. – Les fiançailles proprement dites ne contiennent qu’un acte civil, qui prépare la célébration du mariage et elles sont entièrement soumises aux prescriptions des lois civiles [51] ; comme si un acte disposant à un sacrement n’était pas, sous ce rapport, soumis au droit de l’Église. Cette proposition est fausse ; elle blesse les droits de l’Église quant aux effets qui découlent des fiançailles par la force des sanctions canoniques et elle déroge à la discipline établie par l’Église.
Propos. 59e. – « C’est à la puissance civile souveraine qu’il appartenait, à l’origine, d’apposer au contrat de mariage des empêchements qui le rendaient nul et qu’on appelle dirimants ». Ce droit originaire est dit, en outre, essentiellement connexe avec le droit de dispenser on ajoute « avec l’assentiment ou la connivence des princes, l’Église a pu justement établir des empêchements dirimant le contrat même du mariage » [52]. Comme si l’Église n’a pas toujours pu et ne peut pas toujours, par droit propre, établir dans les mariages des chrétiens des empêchements, qui non seulement empêchent le mariage, mais encore le rendent nul quant au lien, des empêchements par lesquels les chrétiens sont liés, même en terre des infidèles et des empêchements dont elle peut dispenser. Cette doctrine renverse les canons 3, 4, 9 et 12 de la sess. XXIV du concile de Trente et elle est hérétique.
Propos. 60e. – Le synode demande à la puissance civile « de supprimer parmi les empêchements la parenté spirituelle et l’empêchement appelé d’honnêteté publique, dont l’origine se trouve dans le Code Justinien », et de « restreindre l’empêchement d’affinité et de parenté, provenant de n’importe quelle union licite ou illicite, jusqu’au quatrième degré selon la manière de compter du droit civil, en ligne latérale et oblique, mais de telle sorte qu’il ne reste aucun espoir d’obtenir dispense » [53] ; il attribue à l’autorité civile le droit d’abolir ou de restreindre les empêchements établis et approuvés par l’autorité de l’Église ; il suppose aussi que l’Église peut être dépouillée par l’autorité civile du droit de dispenser des empêchements établis et approuvés par elle. Cette doctrine du synode détruit la liberté et l’autorité de l’Église, est contraire au concile de Trente et elle part d’un principe hérétique déjà condamné [54].
V. Erreurs sur les offices, les exercices, les institutions relatives an culte religieux (propos. 61–79).
1. Du culte de l’humanité du Christ (propos. 61–63).
Propos. 61e. – « Adorer directement l’humanité du Christ, et encore plus, une partie de cette humanité, est toujours rendre un honneur divin à la créature » (De la foi, § 3). Par le terme direct, le synode prétend réprouver le culte d’adoration que les fidèles rendent à l’humanité de Jésus-Christ, comme si cette adoration, par laquelle l’humanité et la chair vivifiante du Christ est adorée, n’était pas un honneur divin rendu à la créature, non point pour elle-même et en tant que chair humaine, mais en tant qu’unie à la divinité ; comme si ce n’était pas plutôt une seule et même adoration, par laquelle on adore le Verbe incarné avec sa propre chair [55]. Cette proposition est fausse, captieuse ; elle déprécie le culte pieux dû et rendu à l’humanité du Christ par les fidèles, et elle est injurieuse. [56]
Propos. 62e. – La doctrine qui rejette la dévotion au Sacré-Cœur parmi les dévotions qui sont notées comme nouvelles, erronées ou au moins dangereuses [57], entendue de cette dévotion, telle qu’elle est approuvée par le Siège apostolique, est fausse, téméraire, pernicieuse, offensive des oreilles pies, injurieuse pour le Siège apostolique.
Propos. 63e. – Le synode reproche aux dévots du cœur de Jésus de ne pas remarquer que la chair très sainte du Christ ou une de ses parties ou même l’humanité tout entière ne peut être adorée du culte de latrie, quand elle est séparée de la divinité (De la prière, § 10, et appendice, n. 32), comme si les fidèles adoraient le cœur de Jésus, en le séparant de la divinité, alors qu’ils l’adorent comme le cœur de Jésus, c’est-à-dire le cœur de la personne du Verbe, avec qui il est inséparablement uni, de la même manière que le corps exsangue du Christ durant les trois jours de la sépulture est adorable dans le sépulcre sans aucune séparation, ni retranchement de la divinité. La proposition est captieuse et injurieuse pour les fidèles adorateurs du cœur de Jésus.
2. De l’ordre prescrit pour faire les exercices de piété (propos. 64–65).
Propos. 64e. – Le synode note comme universellement superstitieuse « toute œuvre dont l’efficacité est placée dans un nombre déterminé de prières et de pieuses salutations » (De la prière, § 14, et appendice, n. 34) ; ainsi, il faudrait regarder comme superstitieuse l’efficacité qui est tirée non du nombre en lui-même, mais du précepte de l’Église prescrivant un nombre déterminé de prières et d’actions externes pour gagner des indulgences, pour accomplir des pénitences et, en général, pour un exercice saint et religieux devant être fait selon un rite et un ordre. La doctrine du synode est fausse, téméraire, scandaleuse, pernicieuse, injurieuse pour la piété des fidèles ; elle enlève quelque chose à l’autorité de l’Église et est erronée.
Propos. 65e. – Le synode énonce que « le tapage irrégulier des nouvelles institutions qu’on appelle exercices ou missions… n’aboutit presque jamais, ou du moins très rarement, à opérer une conversion absolue ; et les actions extérieures d’émotion qui apparaissent ne sont pas autre chose que des éclairs passagers d’un choc naturel. » (De la pénitence, § 10.) Cette proposition est téméraire, malsonnante, pernicieuse, injurieuse à une pratique pieuse, employée avec fruit dans l’Église et appuyée sur la parole de Dieu.
3. De la manière d’unir la voix du peuple à la voix de l’Église dans les prières publiques.
Propos. 66e. – « Il est contre la pratique apostolique et contre les conseils de Dieu de ne pas préparer des moyens plus faciles d’unir la voix du peuple à celle de toute l’Église » (De la prière, § 24). Cette proposition, entendue de l’usage de la langue vulgaire à introduire dans les prières liturgiques, est fausse, téméraire, destructive de l’ordre prescrit pour la célébration des mystères, et elle peut facilement produire de nombreux maux.
4. De la lecture de l’Écriture sainte.
Propos. 67e. – « Seule, une véritable impuissance excuse » de lire l’Écriture sainte (note à la fin du décret De la grâce) ; on ajoute que de la négligence de ce précepte est né spontanément un obscurcissement sur les vérités premières de la religion. Cette doctrine est fausse, téméraire, perturbatrice du repos des esprits, et déjà condamnée chez Quesnel (propos. 80–85).
5. Des livres proscrits à lire publiquement dans l’Église.
Propos. 68e. – Le synode recommande grandement les commentaires de Quesnel sur le Nouveau Testament et les autres œuvres d’écrivains favorables aux erreurs de Quesnel, bien qu’elles soient condamnées, et il les propose aux curés, afin qu’ils les lisent avec soin, après les autres fonctions, chacun dans sa paroisse, parce qu’ils sont remplis des principes solides de la religion (De la prière, § 29). Cette louange est fausse, scandaleuse, téméraire, séditieuse, injurieuse pour l’Église, favorable au schisme et à l’hérésie. (voir l’art. 54 proposé à l’assemblée de Florence, XIVe session, le 23 mai 1787).
6. Des images saintes (propos. 69–72).
Propos. 69e. – Le synode note les images de la Trinité incompréhensible, parmi celles qu’il faut écarter de l’Église généralement et indistinctement, parce qu’elles fournissent aux ignorants une cause d’erreurs (De la prière, § 17). Cette prescription, à cause de sa généralité, est téméraire, opposée à la coutume pieuse adoptée par l’Église, comme s’il n’y avait aucune image de la sainte Trinité qui fût communément approuvée et puisse être permise en toute sûreté (Sollicitudini nostræ, de Benoît XIV, 1745).
Propos. 70e. – De même, la doctrine et la prescription qui, en général, réprouve tout culte spécial que les fidèles ont coutume de rendre à une image particulière, en sorte qu’ils ont recours à l’une plutôt qu’à l’autre, sont téméraires, pernicieuses, injurieuses pour une pratique pieuse admise dans l’Église, et pour l’ordre providentiel, « par lequel Dieu n’a pas voulu, lui qui divise ses dons comme il veut, que tels ou tels faits se passassent dans tous les sanctuaires » (saint Augustin, lettre LXXVIII au clergé, et au peuple d’Hippone).
Propos. 71e. – Le synode défend de distinguer les images, spécialement celles de la Vierge, par des titres, sinon par des dénominations, qui soient analogues aux mystères dont l’Écriture fait mention, comme si on ne pouvait attribuer à ces images les autres pieuses dénominations que l’Église, dans les prières publiques elles-mêmes, approuve et recommande. Cette prescription est téméraire, offensive des oreilles pies, injurieuse pour la vénération due spécialement à la bienheureuse Vierge.
Propos. 72e. – De même, le synode veut extirper comme un abus la coutume de conserver voilées certaines images. Cette prescription est téméraire, opposée a une pratique usitée dans l’Église, et qui favorise la piété des fidèles.
(Ces propositions condamnées par la bulle se trouvent dans de nombreux documents recommandés par Ricel, par son synode, et par l’art. 28 proposé à l’assemblée de Florence.)
7. Des fêtes (propos. 73–74).
Propos. 73e. – La proposition qui affirme que l’institution des nouvelles fêtes tire son origine de la négligence de l’observation du passé et des fausses notions de la nature et de la fin de ces solennités (Mémoire proposé à Pistoie pour la réforme des fêtes, § 3) est fausse, téméraire, scandaleuse, injurieuse pour l’Église, favorable aux attaques des hérétiques contre les jours de fêtes célébrés dans l’Église.
Propos. 74e. – Le synode délibère de transférer au dimanche les fêtes établies dans l’année, et cela du droit qui, d’après lui, appartient à l’évêque sur la discipline ecclésiastique dans l’ordre des choses purement spirituelles ; par conséquent, il peut abroger le précepte d’entendre la messe aux jours où, d’après une ancienne coutume, cette obligation existe encore aujourd’hui ; il ajoute aussi que l’évêque peut, par son autorité épiscopale, transférer au temps de l’Avent les jours de jeûne prescrits par l’Église pendant l’année (Mémoire pour les jours de fêtes, § 8). Ainsi, il établit qu’il est permis à l’évêque, par son propre droit, de transférer les jours prescrits par l’Église pour entendre la messe et pour jeûner ou d’abroger le précepte d’entendre la messe. Cette proposition est fausse ; elle blesse le droit des conciles généraux et des souverains pontifes ; elle est scandaleuse et favorable au schisme.
8. Des serments.
Propos. 75e. – Le synode prétend qu’aux heureux temps de l’Église naissante, les serments avaient paru étrangers aux enseignements du divin Maître et à la simplicité évangélique, à tel point que « jurer sans une extrême et inéluctable nécessité était regardé comme un acte irréligieux, indigne d’un chrétien ». De plus, « la suite continue des Pères démontre que les serments étaient regardés par le sens commun comme chose défendue » [58]. Par là, le synode est amené à désapprouver les serments que la curie ecclésiastique, laquelle, dit-il, ayant suivi la loi de la jurisprudence féodale, adopta dans les investitures et dans les ordinations même des évêques ; il a établi qu’il fallait implorer de l’autorité séculière une loi pour abolir les serments exigés, même dans les curies ecclésiastiques, pour recevoir les fonctions et les charges et en général pour tout acte judiciaire. Cette doctrine est fausse, injurieuse pour l’Église, blessante pour le droit ecclésiastique et subversive de la discipline affirmée et approuvée par les canons.
9. Des conférences ecclésiastiques (propos. 76–78).
Propos. 76e. – Le synode poursuit la scolastique de ses attaques, parce qu’elle « ouvre la voie à la découverte de systèmes nouveaux et contradictoires au sujet des vérités du plus grand prix et enfin elle a conduit au probabilisme et au laxisme » (Des conférences eccl., § 1). En rejetant sur la scolastique les fautes de quelques particuliers qui ont pu abuser d’elle et qui en ont abusé, le synode énonce une proposition fausse, téméraire, injurieuse pour des hommes très saints et des docteurs, qui, pour le plus grand bien de la religion catholique, ont cultivé la scolastique, favorable aux attaques des hérétiques contre la scolastique.
Propos. 77e. – Il ajoute : « Le changement de forme du gouvernement ecclésiastique, en vertu duquel les ministres de l’Église en sont venus à oublier leurs droits qui sont en même temps leurs obligations, a poussé les choses au point qu’il a fait oblitérer les anciennes notions du ministère ecclésiastique et de la sollicitude pastorale » (ibid., § 1), comme si, par un changement de régime dans la discipline établie et approuvée dans l’Église, pouvait être oblitérée et perdue l’antique notion du ministère ecclésiastique et de la sollicitude pastorale. Cette proposition est fausse, téméraire, erronée.
Propos. 78e. – Le synode prescrit l’ordre des matières à traiter dans les conférences : il dit d’abord, que « dans chaque article, il faut distinguer ce qui se rapporte à la foi et à l’essence de la religion de ce qui est propre à la discipline » ; il ajoute que, « dans cette discipline même, il faut distinguer ce qui est nécessaire ou utile pour retenir les fidèles dans le bon esprit, de ce qui est inutile ou trop pesant pour la liberté des enfants de la nouvelle alliance, et encore plus de ce qui est dangereux et nuisible, comme conduisant à la superstition et au matérialisme » (ibid., § 4). Par la généralité des expressions, le synode comprend et soumet à l’examen, qu’il prescrit, même la discipline constituée et approuvée par l’Église, comme si l’Église, dirigée par l’Esprit de Dieu, pouvait établir une discipline non seulement inutile et trop onéreuse pour la liberté chrétienne, mais encore dangereuse, nuisible et conduisant à la superstition et au matérialisme. Cette proposition est fausse, téméraire, scandaleuse, pernicieuse, offensive des oreilles pies, injurieuse pour l’Église et pour l’Esprit de Dieu par qui elle est conduite, et erronée pour le moins.
10. Attaques contre quelques opinions discutées jusqu’à maintenant dans les écoles théologiques.
Propos. 79e. – Le synode poursuit par des attaques et des invectives certaines opinions agitées dans les écoles catholiques [59] et dont le Siège apostolique n’a rien défini, ni prononcé. Cette assertion est fausse, téméraire, injurieuse pour les écoles catholiques, et elle déroge à l’obéissance due aux constitutions apostoliques.
VI. Erreurs sur la réforme des réguliers (propos. 80-84).
1. Des trois règles posées par le synode pour la réforme des réguliers (propos. 80–83).
Propos. 80e. – La première règle déclare en général et indistinctement : « L’état régulier ou monastique, de sa nature, ne peut se concilier avec le soin des âmes et la charge du ministère pastoral et, par conséquent, ne peut entrer dans la hiérarchie ecclésiastique, sans être en conflit avec les principes de la vie monastique elle-même. » [60]. Cette proposition est fausse, pernicieuse, injurieuse pour les Pères de l’Église et les évêques qui ont associé les règles de la vie régulière avec les charges de l’ordre clérical, contraire à la pratique pieuse ancienne, approuvée de l’Église et aux sanctions des souverains pontifes, comme si « les moines que recommandent la gravité des mœurs et la sainte pratique de la vie et de la foi, n’étaient pas adjoints aux offices des clercs régulièrement, et non seulement sans dommage pour la religion, mais encore pour la grande utilité de l’Église » [61].
Propos. 81e. – Le synode ajoute que saint Thomas et saint Bonaventure, en défendant les instituts des mendiants contre des hommes illustres, se sont comportés de telle sorte qu’on désirerait, dans leur défense, une moindre chaleur et une plus grande exactitude. Cette assertion est scandaleuse, injurieuse pour de très saints docteurs et elle favorise les invectives impies d’auteurs condamnés.
Propos. 82e. – Par la seconde règle, le synode dit que « la multiplication et la diversité des ordres produisent naturellement le trouble et la confusion » ; de même, il dit (§ 4) que « les fondateurs des réguliers », qui sont venus après les instituts monastiques, « ajoutant des ordres à des ordres, des réformes à des réformes, n’ont fait autre chose que développer de plus en plus la première cause du mal ». Entendue des ordres et des instituts approuvés par le Saint-Siège, comme si la variété des fonctions pieuses auxquelles sont appliqués les ordres distincts devait naturellement conduire au trouble et au désordre, cette proposition est fausse, calomnieuse, injurieuse pour les saints fondateurs et leurs fidèles disciples et également pour les souverains pontifes.
Propos. 83e. – La troisième règle, après avoir dit « qu’un petit corps vivant dans la société civile, sans en faire partie, constitue dans l’État une petite monarchie et est toujours dangereux », fait ce grief aux monastères particuliers groupés par le lien d’un institut commun, sous un seul chef, comme s’ils formaient tout autant de monarchies spéciales, dangereuses et nuisibles pour la république civile. Cette doctrine est fausse, téméraire, injurieuse pour les instituts réguliers approuvés par le Saint-Siège en vue du progrès de la religion ; elle favorise les attaques et les calomnies des hérétiques contre ces instituts.
2. Du système organique tiré de ces règles, ramené aux huit articles suivants pour la réforme des réguliers (§ 10) (et assemblée de Florence, XVIIIe sess., 4 juin 1787).
Propos. 84e. – La bulle rappelle les règles, établies par le synode :
- Art. 1. – On retiendra un seul ordre dans l’Église en choisissant la règle de saint Benoît, tant à cause de son éclat que de ses mérites, mais cependant en tenant compte des temps et en prenant comme type les règles de Port-Royal, pour voir ce qu’il convient. d’ajouter ou de supprimer.
- Art. 2. – Les membres de cet ordre ne feront pas partie de la hiérarchie ecclésiastique et ne seront pas promus aux ordres sacrés, sauf un ou deux, admis comme curés ou chapelains du monastère ; tous les autres resteront laïcs.
- Art. 3. – En chaque ville, on n’admettra qu’un monastère, et il sera placé hors des murs de la ville, dans les endroits les plus cachés et les plus retirés.
- Art. 4. – Parmi les occupations de la vie monastique, une part sera faite inviolablement au travail des mains en laissant pourtant un temps convenable à la psalmodie ou, si la chose est permise, à l’étude des lettres. La psalmodie devra être modérée, car une trop grande longueur engendre la précipitation, l’ennui et la distraction : plus se sont accrues les psalmodies, les oraisons et les prières, plus ont diminué, en égale proportion, la ferveur et la sainteté des réguliers.
- Art. 5. – Il n’y aura pas de distinction entre les religieux de chœur et les autres.
- Art. 6. – Le vœu de perpétuelle stabilité est supprimé, car il n’existait pas chez les anciens moines ; les vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance ne seront pas admis en règle générale, sauf autorisation de l’évêque, qui n’accordera la permission que pour un an.
- Art. 7. – L’évêque aura droit d’inspection sur tous les monastères.
- Art. 8. – On admet une tolérance provisoire pour les religieux qui existent déjà.
De même pour la réforme des religieuses (§ 11) ; il n’y aura pas de vœu perpétuel avant 40 ou 45 ans.
Ce système, préconisé par le synode, est destructif de la discipline en vigueur approuvée depuis l’antiquité et reçue dans l’Église, pernicieux, opposé et injurieux pour les constitutions apostoliques et les conciles généraux, tout spécialement pour le concile de Trente ; il favorise les attaques et les calomnies des hérétiques contre les vœux monastiques et les instituts religieux, appliqués à la profession plus stable des conseils évangéliques.
VII. Erreurs sur la convocation du concile national (propos. 85).
Propos. 85e. – Le synode dit qu’une connaissance quelconque de l’histoire ecclésiastique suffit pour faire voir que « la convocation d’un concile national est une des voies canoniques, par laquelle se terminent, dans l’Église, les controverses des diverses nations, relatives à la religion » (Mémoire pour le concile national, § 1), en sorte que les controverses relatives à la foi et aux mœurs, nées dans une Église quelconque, peuvent se terminer, d’un jugement irréfragable, par un concile national, comme si l’inerrance, dans les questions de foi et de mœurs, appartenait au concile national. Cette proposition est schismatique et hérétique.
VIII. Observations terminales.
Après la condamnation respective des 85 propositions extraites des Actes, la bulle ajoute qu’elle n’entend nullement approuver les autres propositions contenues dans le même livre, car il y a beaucoup d’autres propositions où sont exposées des doctrines voisines de celles qui viennent d’être condamnées ou qui expriment le mépris téméraire de la doctrine et de la discipline communes et l’esprit le plus hostile aux pontifes romains et au Siège apostolique. La bulle signale tout particulièrement deux propositions relatives à l’auguste mystère de la sainte Trinité (décret De la foi, § 2), qui, si elles ne sont pas inspirées du mauvais esprit, sont certainement imprudentes, car elles peuvent facilement conduire à l’erreur les esprits ignorants et sans défiance.
1. Après avoir dit que, dans son Être, Dieu est un et très simple, le synode ajoute aussitôt que Dieu est distinct en trois personnes ; ainsi il s’écarte de la formule commune et approuvée dans la doctrine chrétienne, qui dit : Dieu est un en trois personnes distinctes, et non point distinct en trois personnes ; le changement de formule peut provoquer un danger d’erreur, à savoir que l’essence divine soit tenue comme distincte dans les personnes, alors que la foi catholique professe que l’essence divine est une dans les personnes distinctes, de telle sorte que l’essence divine est dite absolument indistincte.
2. Parlant des trois personnes divines elles-mêmes, le synode déclare que les personnes, d’après leurs propriétés personnelles et incommunicables, seraient appelées plus exactement Père, Verbe et Esprit-Saint, comme si l’appellation de Fils était moins propre et moins exacte alors qu’elle est consacrée en tant d’endroits de l’Écriture, par la voix même du Père tombée du ciel et des nuées, par la formule du baptême prescrite par le Christ, par l’admirable profession de saint Pierre.
La bulle signale aussi la témérité insigne et frauduleuse du synode, qui a osé non seulement combler d’éloges la déclaration de l’assemblée du clergé de France de 1682, désapprouvée par le Saint-Siège, mais encore l’inscrire insidieusement comme un décret de foi, adopter ouvertement les articles de cette déclaration, et signer par une profession publique et solennelle les articles qui y sont répandus. Par là, le synode inflige une grave offense à nos prédécesseurs, mais aussi à l’Église gallicane, à qui le synode attribue le patronage des erreurs dont ce décret est rempli.
Si donc Innocent XI, par ses lettres en forme de bref du 11 avril 1682 et, d’une manière plus expresse, Alexandre VIII, par la constitution Inter multiplices, du 4 août 1690, ont condamné et déclaré nuls de leur autorité apostolique les Actes de l’assemblée du clergé de France, la sollicitude pastorale exige encore plus fortement la condamnation de la doctrine du synode de Pistoie, laquelle est téméraire, scandaleuse et, surtout après les décrets des papes, souverainement injurieuse pour le Siège apostolique : c’est pourquoi la bulle réprouve et condamne formellement cette doctrine.
Donné à Rome, à Saint-Pierre, le 28 août de l’année 1794, la vingtième de notre Pontificat.
Signé : PIE.
- Hébreux XII[↩]
- Colossiens I[↩]
- Ephésiens VI[↩]
- Pape saint Sirice – Lettre Directa ad decessorem, 10 février 385 – A l’évêque Himère de Tarragone[↩]
- Pape saint Célestin, Lettre XII[↩]
- Pape saint Zosime, Lettre II[↩]
- Pape saint Célestin, Lettre XIV au clergé et au peuple de Constantinople, n°8[↩]
- Pape saint Célestin, Lettre XIII à Nestorius, n°9[↩]
- Saint Augustin, Lettre 92 alias 176, Cf. Opera S. Augustini, t. II, col. 927, édit. de Gaume ; col. 620, édit. de Montfaucon[↩]
- Saint Augustin, Du baptême, contre les donatistes, IV, 5 et V, 26[↩]
- Pape saint Célestin, Lettre XVI, n°2[↩]
- Pape saint Célestin, Lettre XXI, aux évêques des Gaules[↩]
- Saint Pierre Chrysologue, Lettre à Eutyché ; in : Lettres de saint Léon, XXV, édition Ballerin[↩]
- Pape saint Célestin, Lettre XII, n°2[↩]
- Pape saint Célestin, Lettre XI à saint Cyrille d’Alexandrie, n°3[↩]
- Pape saint Léon le Grand, Lettre XXIII, à Flavien évêque de Constantinople, n°2[↩]
- lettre de convocation au synode, lettre de l’évêque aux vicaires forains, discours synodal, § 8 et sess. IIIe[↩]
- décret De la foi, § 12[↩]
- appendice, n° 28[↩]
- décrets De la grâce, § 4 et 7 ; Des sacrements en général, § 1, et De la pénitence, § 4[↩]
- décret De la grâce, § 10[↩]
- concile de Trente, sess. VI, cap. 5[↩]
- saint Augustin, De spir. et litt., c. XXVIII[↩]
- saint Augustin, Serm., CCCXLIX, De caritate, édit. Maur.[↩]
- saint Augustin, Ire ép. de saint Jean, c. IV, tract. IX, n. 4, 5 ; Év. de saint Jean, tract. XLI, n. 10 ; Sur le ps. CXXVII, n. 7 ; Serm., CLVII, Sur les paroles de l’Apôtre, n. 13 ; Serm., CLXI, Sur les paroles de l’Apôtre, n. 8 ; Serm., CCCXLIX, De la charité, n. 7[↩]
- De l’eucharistie, § 2[↩]
- De l’eucharistie, § 8 ; voir l’art. 14 proposé à l’assemblée de Florence, VIIe sess., le 7 mai 1787[↩]
- sess. XXIII, c. 1,. De reform. ; Benoît XIV, const.Cum semper oblatas, § 2[↩]
- De la grâce, § 15[↩]
- De la pénitence, § 10[↩]
- De la pénitence, § 11[↩]
- De la pénitence, § 12[↩]
- De la pénitence, § 19[↩]
- sess. XIV, c. 7[↩]
- sess. XIV, c. 7[↩]
- De la pénitence, § 20 et 22[↩]
- saint Augustin, Epist., CCL ; In Joa., tract. L, n. 12[↩]
- De la pénitence, § 22[↩]
- De la pénitence, § 24[↩]
- sess. XIV, c. 1, De reform.[↩]
- ibid.[↩]
- ibid., § 5[↩]
- ibid., § 7[↩]
- De l’ordre, § 13 ; voir l’art. 14 proposé à Florence, à la VIIe sess., 7 mai 1787[↩]
- décret De l’ordre, § 14, et art. 9 proposé à Florence, VIe sess., le 4 mai 1787[↩]
- IVe concile prov. de Milan[↩]
- sess. XXIII, c. 17[↩]
- De l’ordre, § 18[↩]
- De l’ordre, § 22 ; art. 15 et 16, proposés à Florence, VII, sess., le 7 mai 1787[↩]
- sess. VII, c. 5. et sess. XXIV, c. 17[↩]
- Mémoire sur les fiançailles, § 2, examiné à Florence, à la XVIe sess., 28 mai 1787[↩]
- Du mariage, § 7, 11, 12[↩]
- Mémoire sur les fiançailles, § 10[↩]
- concile de Trente, sess. XXIV, c. 3[↩]
- IIe concile de Constantinople, Ve œcu., can. 9[↩]
- Cette même doctrine, condamnée par la bulle, se trouve dans la Lettre pastorale de Ricci, du 3 juin 1781 et au t. III du Recueil des écrits, imprimés par les soins du même évêque.[↩]
- De la prière, § 10[↩]
- Mémoire pour la réforme des serments, § 5, examiné à la XVIe, session de l’assemblée de Florence, le 30 mai 1787[↩]
- Discours synodal, § 2[↩]
- Mémoire pour la réforme des réguliers, § 9[↩]
- saint Sirice, Lettre à Himère de Tarragone, c. XIII[↩]