Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

21 avril 1957

Lettre encyclique Fidei Donum

Sur l’expansion de l’Église dans le monde

Table des matières

Donné à Rome, près de Saint Pierre, en la fête de la
Résurrection de Notre Seigneur, le 21 Avril de l’année 1957

A nos Vénérables Frères les Patriarches, Primats, Archevêques, evêques et autres Ordinaires en paix et com­mu­nion avec le Siège apos­to­lique, ain­si qu’à tout le cler­gé et aux fidèles de l’univers catholique

Vénérables Frères,

Salut et Bénédiction apostolique !

Les incom­pa­rables richesses que Dieu dépose en nos âmes avec le don de la foi sont le motif d’une inépui­sable gra­ti­tude. Cette foi, en effet, nous intro­duit dans les secrets mys­tères de la vie divine ; en elle reposent toutes nos espé­rances et elle consti­tue dès ici-​bas le lien de la com­mu­nau­té chré­tienne : « Il n’y a qu’un Seigneur, une foi, un bap­tême » (Ephésiens 4, 5). Elle est, par excel­lence, le don qui fait mon­ter à nos lèvres l’hymne de la recon­nais­sance : « Que rendrai-​je au Seigneur pour tous ses bien­faits à mon égard ? » (Psaume 115, 12). Pour ce don divin, qu’offrir au Seigneur, outre notre propre fidé­li­té, sinon notre zèle à répandre par­mi les hommes les lumières de la véri­té divine ? L’esprit mis­sion­naire qu’anime le feu de la cha­ri­té est en quelque sorte la pre­mière réponse de notre gra­ti­tude envers Dieu : pour la foi que nous avons reçue de vous, voi­ci que nous vous offrons, Seigneur, la foi de nos frères !

2. Aussi bien, consi­dé­rant la foule innom­brable de Nos fils qui, spé­cia­le­ment dans les pays d’ancienne chré­tien­té, béné­fi­cient des richesses sur­na­tu­relles de la foi et, par ailleurs, la foule plus innom­brable encore de ceux qui attendent tou­jours le mes­sage du salut, Nous vou­lons vous exhor­ter ins­tam­ment, véné­rables Frères, à sou­te­nir par votre zèle la cause sacrée de l’expansion de l’Église dans le monde. Dieu veuille qu’à Notre appel l’esprit mis­sion­naire pénètre plus pro­fon­dé­ment au cœur de tous les prêtres et, par leur minis­tère, enflamme tous les fidèles !

3. Ce n’est certes pas la pre­mière fois, vous le savez, que Nos pré­dé­ces­seurs et Nous-​même vous entre­te­nons de ce grave sujet bien propre à nour­rir la fer­veur apos­to­lique des chré­tiens éveillés aux devoirs que leur crée la foi reçue de Dieu [1] . Que cette fer­veur s’oriente donc vers les régions déchris­tia­ni­sées d’Europe et vers les vastes contrées d’Amérique du Sud, où Nous savons que les néces­si­tés sont grandes ; qu’elle se mette au ser­vice de tant d’importantes mis­sions d’Asie ou d’Océanie, là sur­tout où se livre un com­bat dif­fi­cile ; qu’elle sou­tienne fra­ter­nel­le­ment ces mil­liers de chré­tiens spé­cia­le­ment chers à Notre cœur, qui sont l’honneur de l’Église parce qu’ils connaissent l’évangélique béa­ti­tude de ceux « qui souffrent per­sé­cu­tion pour la jus­tice » (Mt 5, 10) ; qu’elle prenne en pitié la détresse spi­ri­tuelle des innom­brables vic­times de l’athéisme moderne, des jeunes sur­tout qui gran­dissent dans l’ignorance et par­fois même la haine de Dieu. Autant de tâches néces­saires, pres­santes, qui exigent de tous comme un sur­saut d’énergie apos­to­lique fai­sant se lever « d’immenses pha­langes d’apôtres, sem­blables à celles que connut l’Église à son aube » [2]. Mais, tout en conser­vant pré­sentes à Notre pen­sée et à Notre prière ces tâches indis­pen­sables, en les recom­man­dant même à votre zèle, il Nous a sem­blé oppor­tun d’orienter aujourd’hui vos regards vers l’Afrique, à l’heure où celle-​ci s’ouvre à la vie du monde moderne et tra­verse les années les plus graves peut-​être de son des­tin millénaire.

I. La situation de l’Église en Afrique

A. – Regards sur ce continent

4. L’expansion de l’Église en Afrique au cours de ces der­nières décades est pour les chré­tiens un sujet de joie et de fier­té. Selon l’engagement que Nous pre­nions, au len­de­main de Notre élé­va­tion au sou­ve­rain pon­ti­fi­cat, « de n’épargner aucune fatigue pour que… la croix, dans laquelle résident le salut et la vie, étende son ombre jusqu’aux plages les plus éloi­gnées du monde » [3]. Nous avons favo­ri­sé de tout Notre pou­voir les pro­grès de l’Évangile sur ce conti­nent. Les cir­cons­crip­tions ecclé­sias­tiques s’y sont mul­ti­pliées : le nombre des catho­liques a consi­dé­ra­ble­ment aug­men­té et conti­nue de s’accroître à un rythme rapide. Nous avons eu la joie sur­tout d’instituer en de nom­breux pays, la hié­rar­chie ecclé­sias­tique et d’élever déjà plu­sieurs prêtres afri­cains à la plé­ni­tude du sacer­doce, confor­mé­ment au « but der­nier » du tra­vail mis­sion­naire qui est d’établir fer­me­ment et défi­ni­ti­ve­ment l’Église chez de nou­veaux peuples [4]. Ainsi, dans la grande famille catho­lique, les jeunes Églises afri­caines prennent aujourd’hui leur place légi­time, saluées d’un cœur fra­ter­nel par les dio­cèses plus anciens, leurs aînés dans la foi.

5. Ces résul­tats si récon­for­tants, des légions d’apôtres, prêtres, reli­gieux et reli­gieuses, caté­chistes, col­la­bo­ra­teurs laïcs, les ont obte­nus au prix d’un labeur dont Dieu seul connaît les sacri­fices cachés. A tous et à cha­cun d’eux va Notre recon­nais­sance pater­nelle et Nos féli­ci­ta­tions ; là, comme par­tout, l’Église peut être fière de l’œuvre de ses mis­sion­naires. Et pour­tant l’ampleur de l’œuvre réa­li­sée ne sau­rait faire oublier que « le tra­vail qui reste à faire demande un immense effort et d’innombrables ouvriers » [5]. Au moment où l’instauration de la hié­rar­chie pour­rait à tort lais­ser croire que l’action mis­sion­naire est sur le point de s’achever, plus que jamais la sol­li­ci­tude de toutes les Églises (cf. II Corinthiens 11, 28) du vaste conti­nent afri­cain angoisse Notre âme. Comment, en effet, Notre cœur ne se serrerait-​il pas quand, de ce Siège apos­to­lique, Nous consi­dé­rons les graves pro­blèmes qu’y posent l’extension et l’approfondissement de la vie chré­tienne, quand Nous com­pa­rons à l’ampleur et à l’urgence des tâches à accom­plir le nombre infime des ouvriers apos­to­liques et leur manque de res­sources ? C’est cette souf­france que Nous vous confions, véné­rables Frères, et Nous aimons à pen­ser que la promp­ti­tude et la géné­ro­si­té de votre réponse feront luire à nou­veau l’espérance au cœur de tant de valeu­reux apôtres.

6. Les condi­tions géné­rales dans les­quelles doit se pour­suivre en Afrique le tra­vail de l’Église vous sont connues. Elles sont dif­fi­ciles. La plu­part des ter­ri­toires tra­versent une phase d’évolution sociale, éco­no­mique et poli­tique, qui est de grande consé­quence pour leur ave­nir, et il faut bien recon­naître que les nom­breuses inci­dences de la vie inter­na­tio­nale sur les situa­tions locales ne per­mettent pas tou­jours aux hommes les plus sages d’en conduire les habi­tants à ces pro­grès d’une vie plus affi­née que demande la vraie pros­pé­ri­té des populations.

L’Église qui, au cours des siècles, vit déjà naître et gran­dir tant de nations, ne peut qu’être par­ti­cu­liè­re­ment atten­tive aujourd’hui à l’accession de nou­veaux peuples aux res­pon­sa­bi­li­tés de la liber­té poli­tique. Plusieurs fois déjà Nous avons invi­té les nations inté­res­sées à pro­cé­der dans cette voie selon un esprit de paix et de com­pré­hen­sion réciproque.

C’est pour­quoi, à consi­dé­rer la situa­tion pré­sente, Nous disions aux uns « Qu’une liber­té poli­tique légi­time et de plus en plus éten­due ne soit pas refu­sée à ces peuples et qu’on n’y mette pas obs­tacle » et Nous aver­tis­sions les autres de « recon­naître à l’Europe le mérite de leur avan­ce­ment ; sans son influence, éten­due à tous les domaines, ils pour­raient être entrai­nés par un natio­na­lisme aveugle à se jeter, dans le chaos ou dans l’esclavage » [6]. En renou­ve­lant ici cette double exhor­ta­tion, Nous for­mons des vœux pour que se pour­suive en Afrique une œuvre de col­la­bo­ra­tion construc­tive, déga­gée de pré­ju­gés et de sus­cep­ti­bi­li­tés réci­proques, pré­ser­vée des séduc­tions et des étroi­tesses du faux natio­na­lisme, et capable d’étendre à ces popu­la­tions, riches de res­sources et d’avenir, les vraies valeurs de civi­li­sa­tion chré­tienne qui ont déjà por­té tant de bons fruits en d’autres continents.

7. Nous savons mal­heu­reu­se­ment que le maté­ria­lisme athée a répan­du en bien des contrées d’Afrique son virus de divi­sion, atti­sant les pas­sions, dres­sant les uns contre les autres peuples et races, pre­nant appui sur des dif­fi­cul­tés réelles pour séduire les esprits par de faciles mirages ou semer la révolte dans les cœurs. Dans Notre sol­li­ci­tude pour un authen­tique pro­grès humain et chré­tien des popu­la­tions afri­caines, Nous tenons à renou­ve­ler ici à leur inten­tion les graves et solen­nels aver­tis­se­ments que Nous avons déjà maintes fois adres­sés sur ce point aux catho­liques du monde entier. Nous féli­ci­tons leurs pas­teurs d’avoir déjà, en plu­sieurs cir­cons­tances, dénon­cé fer­me­ment à leurs ouailles le péril que leur font cou­rir ces faux bergers.

8. Mais tan­dis que les enne­mis du nom de Dieu déploient sur ce conti­nent leurs efforts insi­dieux ou vio­lents, il faut encore déplo­rer de graves obs­tacles qui contra­rient en cer­taines régions les pro­grès de l’évangélisation. Vous savez notam­ment l’attrait facile qu’exerce sur l’esprit d’un grand nombre une concep­tion reli­gieuse de la vie qui, tout en se récla­mant hau­te­ment de la divi­ni­té, engage néan­moins ses adeptes dans une voie qui n’est pas celle de Jésus-​Christ, unique Sauveur de tous les peuples. Notre cœur de père demeure ouvert à tous les hommes de bonne volon­té, mais, Vicaire de celui qui est la voie, la véri­té et la vie, Nous ne pou­vons pas consi­dé­rer sans vive dou­leur un tel état de choses. Les causes d’ailleurs en sont mul­tiples ; elles tiennent sou­vent à l’histoire récente, et l’attitude de nations qui s’honorent pour­tant de leur pas­sé chré­tien n’y fut pas tou­jours étran­gère. Il y a là, pour l’avenir catho­lique de l’Afrique, un motif de sérieuses pré­oc­cu­pa­tions. Et pareille­ment, que tous les fils de l’Église se convainquent d’être liés par l’obligation d’apporter sans retard une aide plus effi­cace aux hérauts de l’Évangile qui prêchent la véri­té qui sauve aux quelques 85 mil­lions d’africains de race noire encore atta­chés aux croyances païennes !

9. Ces consi­dé­ra­tions, au sur­plus, sont aggra­vées par une pré­ci­pi­ta­tion géné­rale des évè­ne­ments dont les évêques et les élites catho­liques d’Afrique ont une vive conscience. Au moment où se cherchent des struc­tures nou­velles et où cer­tains peuples risquent de s’abandonner aux pres­tiges les plus fal­la­cieux de la civi­li­sa­tion tech­nique, l’Église a le devoir de leur offrir, dans toute la mesure du pos­sible, les sub­stan­tielles richesses de sa doc­trine et de sa vie, ani­ma­trices d’un ordre social chré­tien. Tout retard serait lourd de consé­quences. Les Africains, qui par­courent en quelques décades les étapes d’une évo­lu­tion que l’Occident a mis plu­sieurs siècles à accom­plir, sont plus faci­le­ment ébran­lés et séduits par l’enseignement scien­ti­fique et tech­nique, qui leur est dis­pen­sé, comme aus­si par les influences maté­ria­li­santes qu’ils subissent. Des situa­tions dif­fi­ci­le­ment répa­rables peuvent de ce fait se créer ici ou là et nuire par la suite à la péné­tra­tion du catho­li­cisme dans les âmes et dans les socié­tés. Il faut, dès aujourd’hui, don­ner aux pas­teurs des pos­si­bi­li­tés d’action pro­por­tion­nées à l’importance et à l’urgence de la conjonc­ture actuelle.

B. – Les conditions présentes de l’évangélisation

10. Or, à de rares excep­tions près, ces pos­si­bi­li­tés d’action mis­sion­naire sont encore sans pro­por­tion avec l’œuvre à accom­plir ; et, si cette pénu­rie n’est, hélas !, pas propre à l’Afrique, elle y est néan­moins très vive­ment res­sen­tie en rai­son des cir­cons­tances. Il ne Nous paraît pas inutile, véné­rables Frères, de vous don­ner sur ce point quelques précisions.

11. Dans les mis­sions récentes, par exemple, fon­dées par­fois il y a quelque dix années à peine, on ne peut espé­rer avant long­temps une aide notable du cler­gé local, et les trop rares mis­sion­naires répar­tis sur d’immenses ter­ri­toires, où tra­vaillent d’ailleurs d’autres confes­sions non catho­liques, ne peuvent plus répondre à tous les appels. Ici, 40 prêtres pour près d’un mil­lion d’âmes, dont 25.000 seule­ment sont conver­ties. Là, ce sont 50 prêtres pour une popu­la­tion de 2 mil­lions d’habitants, où déjà 60.000 fidèles suf­fi­raient à absor­ber le temps des apôtres. A lire de tels chiffres, un cœur chré­tien ne peut res­ter insen­sible. Vingt prêtres de plus dans telle région per­met­traient aujourd’hui d’y plan­ter la croix alors que demain cette terre, tra­vaillée par d’autres ouvriers que ceux du Seigneur, sera peut-​être deve­nue imper­méable à la vraie foi. Et d’ailleurs, il ne suf­fit pas d’annoncer l’Évangile : dans la conjonc­ture sociale et poli­tique que tra­verse l’Afrique, il faut très tôt for­mer une élite chré­tienne au sein d’un peuple encore néo­phyte. Mais dans quelle pro­por­tion ne faudrait-​il pas alors mul­ti­plier le nombre des mis­sion­naires pour leur per­mettre d’accomplir ce tra­vail d’éducation per­son­nelle des consciences ? Une telle pénu­rie d’hommes au sur­plus se double presque tou­jours d’un manque de res­sources qui confine par­fois au dénue­ment. Qui don­ne­ra à ces mis­sions nou­velles, situées en géné­ral dans des régions pauvres, mais impor­tantes pour l’avenir de l’évangélisation, l’aide géné­reuse dont elles ont un pres­sant besoin ? Le mis­sion­naire souffre d’être aus­si dému­ni de moyens devant de telles tâches : il ne demande pas qu’on l’admire, mais bien plu­tôt qu’on l’aide à fon­der l’Église là où il est encore pos­sible de le faire.

12. Dans des mis­sions plus anciennes, où la pro­por­tion déjà consi­dé­rable des catho­liques et leur fer­veur sont pour Notre cœur un motif de joie, les condi­tions de l’apostolat, pour être dif­fé­rentes, n’en sont pas moins pré­oc­cu­pantes. Là aus­si le manque de prêtres se fait cruel­le­ment sen­tir. Ces dio­cèses ou vica­riats apos­to­liques doivent, en effet, déve­lop­per sans retard les Œuvres indis­pen­sables à l’expansion et au rayon­ne­ment du catho­li­cisme, il faut fon­der des col­lèges et répandre l’enseignement chré­tien à ses dif­fé­rents degrés ; il faut créer des orga­nismes d’action sociale qui animent le tra­vail des élites chré­tiennes au ser­vice de la cité ; il faut mul­ti­plier sous toutes ses formes la presse catho­lique et se pré­oc­cu­per des tech­niques modernes de dif­fu­sion et de culture, car on sait l’importance, de nos jours, d’une opi­nion publique for­mée et éclai­rée : il faut sur­tout don­ner un essor crois­sant à l’Action catho­lique et satis­faire les besoins reli­gieux et cultu­rels d’une géné­ra­tion qui ris­que­rait, faute d’aliments suf­fi­sants, d’aller cher­cher hors de l’Église sa nour­ri­ture. Or, pour faire face à ces tâches mul­tiples, les pas­teurs ont besoin non seule­ment de res­sources accrues, mais aus­si et sur­tout, de col­la­bo­ra­teurs pré­pa­rés à ces minis­tères plus dif­fé­ren­ciés et, à ce titre, plus dif­fi­ciles. De tels apôtres ne peuvent s’improviser ; sou­vent ils font défaut, et pour­tant la tâche est urgente si l’on ne veut pas perdre la confiance d’une élite qui monte. Nous disons ici toute Notre gra­ti­tude aux congré­ga­tions reli­gieuses, aux prêtres et aux mili­tants laïcs qui, com­pre­nant la gra­vi­té de l’heure, se sont por­tés, spon­ta­né­ment par­fois, à la ren­contre de ces besoins. De telles ini­tia­tives ont déjà por­té des fruits et, unies au dévoue­ment de tous, elles per­mettent de grands espoirs mais Nous devons à la véri­té de dire que le tra­vail en ce domaine reste immense.

Il n’est pas jusqu’au pro­grès même des mis­sions qui ne pose à l’Église, en cer­tains ter­ri­toires, une dif­fi­cul­té nou­velle car le suc­cès de l’évangélisation appelle un accrois­se­ment pro­por­tion­né du nombre des apôtres, sous peine de com­pro­mettre cette avance magni­fique. Or, les congré­ga­tions mis­sion­naires sont sol­li­ci­tées de toutes parts et leur recru­te­ment insuf­fi­sant ne leur per­met pas de répondre à tant de demandes simul­ta­nées. Sachez, véné­rables Frères, que la pro­por­tion du nombre des prêtres par rap­port à celui des fidèles dimi­nue en Afrique. Certes, le cler­gé afri­cain aug­mente, mais ce n’est pas avant bien des années qu’il pour­ra, dans ses propres dio­cèses, rem­plir plei­ne­ment sa place, tou­jours aidé d’ailleurs par ceux qui furent ses maîtres dans la foi. Dans l’immédiat, ces jeunes chré­tien­tés d’Afrique ne peuvent pas, avec leurs res­sources actuelles, suf­fire à la tâche dans la période déci­sive qu’elles tra­versent. Les dif­fi­cul­tés d’une sem­blable situa­tion éveilleront-​elles enfin à leur devoir mis­sion­naire tant de Nos fils, qui ne remer­cient pas assez Dieu du don de la foi reçue dans leur famille chré­tienne et des moyens de salut qui leur sont offerts comme à la por­tée de la main ?

II. Le concours de toute l’Église

14. Ces condi­tions d’apostolat, que Nous venons de vous décrire à grands traits, véné­rables Frères, font clai­re­ment res­sor­tir qu’il ne s’agit plus en Afrique d’un de ces pro­blèmes res­treints et loca­li­sés qu’on aurait le loi­sir de résoudre pro­gres­si­ve­ment et indé­pen­dam­ment de la vie géné­rale de la chré­tien­té : Si autre­fois « la vie de l’Église, sous son aspect visible, déployait sa vigueur de pré­fé­rence dans les pays de la vieille Europe, d’où elle se répan­dait… vers ce qu’on pou­vait appe­ler la péri­phé­rie du monde ; aujourd’hui, elle se pré­sente au contraire comme un échange de vie et d’énergie entre tous les membres du Corps mys­tique du Christ sur la terre » [7]. Les reten­tis­se­ments de la situa­tion catho­lique en Afrique débordent lar­ge­ment les fron­tières de ce conti­nent, et c’est de toute l’Église que, sous l’impulsion de ce Siège apos­to­lique, doit venir la réponse fra­ter­nelle à tant de besoins.

Recours du Pape aux évêques solidairement responsables

15. Ce n’est donc pas en vain qu’à une heure impor­tante de l’expansion de l’Église, Nous Nous tour­nons vers vous, véné­rables Frères. « Que si, dans notre orga­nisme mor­tel, lorsqu’un membre souffre, tous les autres souffrent avec lui (cf. I Corinthiens 12, 26), les membres sains prê­tant leur secours aux malades, de même dans l’Église chaque membre ne vit pas uni­que­ment pour lui, mais il assiste aus­si les autres et tous s’aident réci­pro­que­ment pour leur mutuelle conso­la­tion aus­si bien que pour un meilleur déve­lop­pe­ment de tout le corps » [8]. Or, les évêques ne sont-​ils pas, en véri­té, « les membres les plus émi­nents de l’Église uni­ver­selle, ceux qui sont reliés à la tête divine de tout le corps par un lien tout par­ti­cu­lier et sont de ce fait jus­te­ment appe­lés “les pre­miers membres du Seigneur” » [9]. N’est-ce pas d’eux plus que de tout autre qu’il faut dire que le Christ, Tête du Corps mys­tique, « requiert le secours de ses membres : tout d’abord parce que le Souverain Pontife tient la place de Jésus-​Christ et qu’il doit, pour ne pas être écra­sé par sa charge pas­to­rale, appe­ler un bon nombre à prendre une part de ses sou­cis » ? [10]

16. Unis par un lien plus étroit tant au Christ qu’à son Vicaire, vous aime­rez, véné­rables Frères, prendre votre part, dans un esprit de vive cha­ri­té, de cette sol­li­ci­tude de toutes les Églises qui pèse sur Nos épaules (cf. II Corinthiens 11, 28). Vous aime­rez, vous que presse la cha­ri­té du Christ (cf. II Corinthiens 5, 14), res­sen­tir pro­fon­dé­ment avec Nous l’impérieux devoir de pro­pa­ger l’Évangile et de fon­der l’Église dans le monde entier ; vous aime­rez répandre par­mi votre cler­gé et votre peuple un esprit de prière et d’entraide élar­gi aux dimen­sions du Cœur du Christ. « Si tu veux aimer le Christ, disait saint Augustin, étends la cha­ri­té par toute la terre, car les membres du Christ sont sur la terre entière » [11].

17. Sans doute est-​ce au seul Apôtre Pierre et à ses suc­ces­seurs, les pon­tifes romains, que Jésus confia la tota­li­té de son trou­peau : « Pais mes agneaux, pais mes bre­bis » (Jean 21, 16–18) ; mais si chaque évêque n’est pas­teur propre que de la por­tion du trou­peau confiée à ses soins, sa qua­li­té de légi­time suc­ces­seur des Apôtres par ins­ti­tu­tion divine le rend soli­dai­re­ment res­pon­sable de la mis­sion apos­to­lique de l’Église, selon la parole du Christ à ses Apôtres : « Comme le Père m’a envoyé, moi aus­si je vous envoie » (Jean 20, 21). Cette mis­sion, qui doit embras­ser toutes les nations et tous les temps (cf. Mt 28, 19–20), n’a pas ces­sé à la mort des Apôtres ; elle dure en la per­sonne de tous les évêques en com­mu­nion avec le Vicaire de Jésus-Christ.

En eux, qui sont par excel­lence les envoyés, les mis­sion­naires du Seigneur, réside dans sa plé­ni­tude « la digni­té de l’apostolat, qui est la pre­mière dans l’Église », comme l’atteste saint Thomas d’Aquin [12]. Et c’est de leur cœur que ce feu apos­to­lique, appor­té par Jésus sur la terre, doit se com­mu­ni­quer au cœur de tous Nos fils et y sus­ci­ter une ardeur nou­velle pour l’action mis­sion­naire de l’Église dans le monde.

Pas de vie chrétienne sans esprit missionnaire

18. Cette ouver­ture aux besoins uni­ver­sels de l’Église n’est-elle pas, au sur­plus, la plus propre à mani­fes­ter de façon vivante et vraie la catho­li­ci­té de l’Église ? « L’esprit mis­sion­naire et l’esprit catho­lique, disions-​Nous naguère, sont une seule et même chose. La catho­li­ci­té est une note essen­tielle de la vraie Église : au point qu’un chré­tien n’est pas vrai­ment atta­ché et dévoué à l’Église s’il n’est pas éga­le­ment atta­ché et dévoué à son uni­ver­sa­li­té, dési­rant qu’elle s’implante et qu’elle fleu­risse en tous lieux de la terre » [13]. Rien donc n’est plus étran­ger à l’Église de Jésus-​Christ que la divi­sion ; rien n’est plus nocif à sa vie que l’isolement, le repli sur soi et toutes les formes d’égoïsme col­lec­tif qui font se refer­mer sur elle-​même une com­mu­nau­té chré­tienne par­ti­cu­lière, quelle qu’elle soit. « Mère de toutes les nations et de tous les peuples, non moins que de tous les indi­vi­dus », l’Église, Sancta Mater Ecclesia, « n’est et ne peut être étran­gère en aucun lieu ; elle vit, ou du moins par sa nature elle doit vivre dans tous les peuples » [14]. Inversement, pourrions-​Nous dire, rien de ce qui touche à l’Église, notre mère, n’est et ne peut être étran­ger à un chré­tien : de même que sa foi est la foi de toute l’Église, que sa vie sur­na­tu­relle est la vie de toute l’Église, ain­si les joies et les angoisses de l’Église seront ses joies et ses angoisses, les pers­pec­tives uni­ver­selles de l’Église seront les pers­pec­tives nor­males de la vie chré­tienne ; spon­ta­né­ment alors, les appels des pon­tifes romains pour les grandes tâches apos­to­liques à tra­vers le monde reten­ti­ront en son cœur plei­ne­ment catho­lique, comme les appels les plus chers, les plus graves et les plus pres­sants [15].

III. Le triple appel du devoir missionnaire

19. Missionnaire depuis ses ori­gines, la Sainte Église n’a ces­sé, pour accom­plir l’œuvre à laquelle elle ne sau­rait faillir, de lan­cer à ses fils un triple appel : à la prière, à la géné­ro­si­té et, pour cer­tains, au don d’eux-mêmes. Aujourd’hui encore les mis­sions, notam­ment celles d’Afrique, attendent du monde catho­lique cette triple assistance.

A. La prière pour les Missions

20. Aussi, véné­rables Frères, désirons-​Nous en pre­mier lieu qu’à cette inten­tion l’on prie davan­tage et avec une fer­veur plus éclai­rée. Il est de votre devoir d’entretenir par­mi vos prêtres et vos fidèles une sup­pli­ca­tion inces­sante et ins­tante pour une cause si sainte, de nour­rir cette prière par un ensei­gne­ment appro­prié et des infor­ma­tions régu­lières sur la vie de l’Église, de la sti­mu­ler enfin en cer­taines périodes de l’année litur­gique plus propres à évo­quer le devoir mis­sion­naire des chré­tiens. Nous pen­sons notam­ment au temps de l’Avent, qui est celui de l’attente de l’humanité et des pré­pa­ra­tions pro­vi­den­tielles du salut, à la fête de l’Epiphanie qui mani­feste ce salut au monde, et à celle de la Pentecôte, qui célèbre la fon¬dation de l’Église au souffle de l’Esprit Saint.

21. Mais la forme la plus excel­lente de prière n’est-elle pas celle que le Christ, Souverain Prêtre, adresse lui-​même au Père sur les autels où il renou­velle son sacri­fice rédemp­teur ? Multiplions, en ces années peut-​être déci­sives pour l’avenir du catho­li­cisme en de nom­breux pays, les messes célé­brées aux inten­tions des mis­sions : ces inten­tions sont celles mêmes du Seigneur, qui aime son Église et la vou­drait répan­due et flo­ris­sante en tous lieux de la terre. Sans contes­ter en rien la légi­ti­mi­té des demandes par­ti­cu­lières des fidèles, il convient de rap­pe­ler à ceux-​ci les inten­tions pri­mor­diales qui sont indis­so­lu­ble­ment liées à l’acte même du sacri­fice eucha­ris­tique et se trouvent ins­crites au canon de la messe latine : « Tout d’abord… pour votre sainte Église catho­lique : dai­gnez à tra­vers le monde entier lui don­ner la paix, la pro­té­ger, la ras­sem­bler dans l’unité et la gou­ver­ner ». Ces pers­pec­tives supé­rieures seront d’ailleurs mieux com­prises si l’on garde pré­sent à l’esprit, selon l’enseignement de Notre ency­clique Mediator Dei, que toute messe célé­brée est essen­tiel­le­ment un acte d’Église, car « le ministre de l’autel y repré­sente le Christ en tant que Chef offrant au nom de tous ses membres » [16] ; c’est donc l’Église tout entière qui, par le Christ, pré­sente au Père l’offrande sainte « pour le salut du monde entier ». Comment dès lors la prière des fidèles ne s’y élèverait-​elle pas, en union avec le Pape, les évêques et toute l’Église, pour implo­rer de Dieu une nou­velle effu­sion de l’Esprit Saint, grâce à laquelle « le monde entier, débor­dant de joie, chante par toute la terre sa jubi­la­tion » (pré­face de la Pentecôte).

22. Priez donc, véné­rables Frères et chers Fils, priez davan­tage. Souvenez-​vous des immenses besoins spi­ri­tuels de tant de peuples encore si éloi­gnés de la vraie foi ou si dému­nis de secours pour y per­sé­vé­rer. Tournez-​vous vers le Père céleste et, avec Jésus, répé­tez la prière qui fut celle des pre­miers Apôtres et demeure celle des ouvriers apos­to­liques de tous les temps : « Que votre nom soit sanc­ti­fié, que votre règne arrive, que votre volon­té soit faite sur la terre comme au ciel ». C’est pour l’honneur de Dieu et l’éclat de sa gloire que nous vou­lons que son règne de jus­tice, d’amour et de paix soit enfin ins­tau­ré en tous lieux. Ce zèle de la gloire de Dieu, dans un cœur brû­lant d’amour pour ses frères, n’est-il pas par excel­lence le zèle mis­sion­naire ? L’apôtre est d’abord le héraut de Dieu.

B. – La générosité

23. Mais quelle serait la sin­cé­ri­té d’une prière pour l’Église mis­sion­naire, si elle ne s’accompagnait, à la mesure des pos­si­bi­li­tés de cha­cun, d’un geste de géné­ro­si­té ? Certes, Nous savons plus que qui­conque l’inépuisable cha­ri­té de Nos fils, Nous qui en rece­vons sans cesse d’émouvants et mul­tiples témoi­gnages. Nous savons que c’est grâce à leur géné­ro­si­té que furent réa­li­sés les éton­nants pro­grès de l’évangélisation depuis le début de ce siècle. Nous remer­cions ici tous Nos chers fils et chères filles qui se dévouent au ser­vice des mis­sions dans des œuvres mul­tiples, ins­pi­rées par une cha­ri­té indus­trieuse. Et Nous vou­lons rendre un spé­cial hom­mage à ceux qui, dans les Œuvres Pontificales Missionnaires, se consacrent à la tâche, par­fois ingrate mais com­bien noble, de tendre la main au nom de l’Église en faveur des jeunes chré­tien­tés qui sont sa fier­té et son espoir. De grand cœur Nous les féli­ci­tons, comme aus­si Nous disons Notre gra­ti­tude à tous les membres de la Sacrée Congrégation de la Propagande qui, sous la conduite de Notre cher fils le car­di­nal pré­fet, assument l’importante fonc­tion de ser­vir les pro­grès de l’Église dans de vastes continents.

24. Néanmoins, Notre charge apos­to­lique Nous fait un devoir, véné­rables Frères, de vous dire que ces dons, recueillis avec tant de recon­nais­sance, sont hélas ! loin de suf­fire aux besoins crois­sants de l’apostolat mis­sion­naire. Constamment, Nous rece­vons les appels angois­sés de pas­teurs qui voient le bien à faire, le mal à conju­rer d’urgence, l’édifice indis­pen­sable à construire, l’œuvre à fon­der. Grande est Notre souf­france de ne pou­voir don­ner à ces requêtes si légi­times qu’une réponse par­tielle et insuf­fi­sante. Ainsi en est-​il, par exemple, de l’Œuvre Pontificale de Saint-​Pierre Apôtre : les sub­sides qu’elle dis­tri­bue aux sémi­naires des pays de mis­sion sont consi­dé­rables, mais les voca­tions y sont, grâce à Dieu, chaque année plus nom­breuses et exi­ge­raient des fonds plus impor­tants encore. Faudra-​t-​il donc res­treindre ces voca­tions pro­vi­den­tielles à la mesure des sommes dis­po­nibles ? Faudra‑t¬il, faute d’argent, fer­mer les portes du sémi­naire à des jeunes pleins de géné­ro­si­té et d’espoir, comme on y fut, dit-​on, par­fois contraint ? Non, Nous ne vou­lons pas croire que le monde chré­tien, mis en face de ses res­pon­sa­bi­li­tés, ne fera pas l’effort excep­tion­nel qui s’impose pour satis­faire à de telles nécessités.

25. Nous n’ignorons pas la dure­té des temps actuels et les dif­fi­cul­tés des dio­cèses anciens d’Europe ou d’Amérique. Mais, si l’on citait des chiffres, il appa­rai­trait vite que la pau­vre­té des uns est une rela­tive aisance auprès du dénue­ment des autres ! Vaine com­pa­rai­son, d’ailleurs, car il s’agit moins ici d’établir des bud­gets que d’exhorter tous les fidèles, ain­si que Nous le fai­sions déjà en une solen­nelle cir­cons­tance, « à s’enrôler sous le signe du renon­ce­ment chré­tien et du don de soi, qui va au-​delà de ce qui est pres­crit et fait mener le bon com­bat géné­reu­se­ment, à cha­cun selon ses forces, selon l’appel de la grâce et sa propre condi­tion… Ce qu’on retran­che­ra à la vani­té, ajoutions-​Nous, on le don­ne­ra à la cha­ri­té, on le don­ne­ra misé­ri­cor­dieu­se­ment à l’Église et aux pauvres » [17]. Avec l’argent qu’un chré­tien dépense par­fois pour des loi­sirs fugi­tifs, que ne ferait pas tel mis­sion­naire, para­ly­sé dans son apos­to­lat faute de res­sources ! Que chaque fidèle, chaque famille, chaque com­mu­nau­té chré­tienne s’interroge sur ce point. Vous sou­ve­nant de « la géné­ro­si­té de Jésus-​Christ Notre-​Seigneur qui, de riche, s’est fait pauvre pour vous afin de vous enri­chir par sa pau­vre­té » (II Corinthiens 8, 9), don­nez de votre super­flu, par­fois même de votre néces­saire. De votre libé­ra­li­té dépend l’essor de l’apostolat mis­sion­naire. La face du monde pour­rait être renou­ve­lée par une vic­toire de la charité.

C. Les vocations missionnaires

26. L’Église en Afrique comme dans les autres ter­ri­toires de mis­sion, manque d’apôtres. Et c’est pour­quoi Nous Nous tour­nons à nou­veau vers vous, véné­rables Frères, pour vous deman­der de favo­ri­ser de toutes manières le recru­te­ment des voca­tions mis­sion­naires : prêtres, reli­gieux, religieuses.

27. Il vous appar­tient, en pre­mier lieu, de déve­lop­per par­mi vos fidèles, ain­si que Nous le disions plus haut, un état d’esprit, une ouver­ture d’âme qui les rendent plus sen­sibles aux pré­oc­cu­pa­tions uni­ver­selles de l’Église et plus aptes à entendre l’antique appel du Seigneur, renou­ve­lé d’âge en âge : « Quitte ton pays, ta famille et la mai­son de ton père, et va dans le pays que je te mon­tre­rai ! » (Genèse 12, 1). Une géné­ra­tion for­mée à ces pers­pec­tives vrai­ment catho­liques tant dans la famille qu’à l’école, à la paroisse, dans l’Action catho­lique et les œuvres de pié­té, une telle géné­ra­tion don­ne­ra à l’Église les apôtres dont elle a besoin pour annon­cer l’Évangile à tous les peuples. Ce souffle mis­sion­naire, au sur­plus, en ani­mant l’ensemble de vos dio­cèses, sera pour eux un gage de renou­veau spi­ri­tuel. Une com­mu­nau­té chré­tienne qui donne ses fils et ses filles à l’Église ne sau­rait mou­rir. Et, s’il est vrai que la vie sur­na­tu­relle est une vie de cha­ri­té et qu’elle s’accroît par le don d’elle-même, on peut affir­mer que la vita­li­té catho­lique d’une nation se mesure aux sacri­fices qu’elle consent pour la cause missionnaire.

28. Il ne suf­fit pas de créer une atmo­sphère favo­rable à cette cause ; il faut faire plus. Il existe, grâce à Dieu, de nom­breux dio­cèses assez lar­ge­ment pour­vus en prêtres pour consen­tir, sans risques pour eux-​mêmes, le sacri­fice de quelques voca­tions. C’est à eux sur­tout que Nous Nous adres­sons avec une pater­nelle insis­tance : don­nez selon vos moyens… (cf. Luc 11, 41). Mais Nous son­geons éga­le­ment à ceux de Nos frères dans l’épiscopat qu’angoisse une cruelle raré­fac­tion des voca­tions sacer­do­tales et reli­gieuses, et qui ne peuvent déjà suf­fire aux néces­si­tés spi­ri­tuelles de leurs propres ouailles. Nous fai­sons Nôtres leurs souf­frances de pas­teurs, et volon­tiers Nous leur dirions comme saint Paul aux Corinthiens : « Il ne s’agit pas, pour sou­la­ger autrui, de vous réduire à la gêne ; ce qu’il faut, c’est l’égalité » (II Corinthiens 8, 13). Que ces dio­cèses éprou­vés ne se ferment cepen­dant pas à l’appel des mis­sions loin­taines. L’obole de la veuve fut citée en exemple par le Seigneur, et la géné­ro­si­té d’un dio­cèse pauvre envers de plus pauvres que lui ne sau­rait l’appauvrir. Dieu ne se laisse pas vaincre en générosité.

29. Pour résoudre effi­ca­ce­ment les pro­blèmes com­plexes du recru­te­ment mis­sion­naire, les efforts iso­lés ne peuvent tou­te­fois suf­fire. Ne man­quez donc point, véné­rables Frères, de les évo­quer lors de vos assem­blées et dans le cadre des orga­ni­sa­tions natio­nales, là où elles existent ; il sera plus facile à ce niveau de mettre en œuvre les moyens d’action les mieux adap­tés à l’éveil des voca­tions mis­sion­naires, et ensemble vous por­te­rez plus aisé­ment les res­pon­sa­bi­li­tés qui vous lient soli­dai­re­ment au ser­vice des inté­rêts géné­raux de l’Église. Favorisez lar­ge­ment dans vos dio­cèses l’Union Missionnaire du Clergé, si sou­vent recom­man­dée par Nos pré­dé­ces­seurs et par Nous-​même. Nous venons de l’élever à la digni­té d’Œuvre Pontificale en sorte que nul ne puisse dou­ter de l’estime que Nous lui accor­dons et du prix que Nous atta­chons à son déve¬loppement. Enfin, qu’une étroite coor­di­na­tion des efforts, fac­teur indis­pen­sable de suc­cès, s’établisse par­tout entre les pas­teurs d’âmes et ceux qui servent plus immé­dia­te­ment les mis­sions, Nous pen­sons ici notam­ment aux pré­si­dents natio­naux des Œuvres Pontificales Missionnaires dont vous faci­li­te­rez le tra­vail en sou­te­nant de votre auto­ri­té et de votre zèle les Directions dio­cé­saines. Nous pen­sons aus­si aux supé­rieurs des si méri­tantes congré­ga­tions aux­quelles le Saint-​Siège ne cesse de faire appel pour répondre aux besoins les plus urgents des mis­sions et qui ne peuvent accroître leur recru­te­ment qu’avec la bien­veillante com­pré­hen­sion des Ordinaires locaux. Étudiez d’un com­mun accord la meilleure façon de conci­lier les inté­rêts valables des uns et des autres ; si ces inté­rêts semblent par­fois diver­ger momen­ta­né­ment, n’est-ce pas qu’on cesse de les consi­dé­rer avec assez de foi dans les pers­pec­tives sur­na­tu­relles de l’unité et de la catho­li­ci­té de l’Église ?

30. Dans le même esprit de col­la­bo­ra­tion fra­ter­nelle et dés­in­té­res­sée, vous aurez à cœur, véné­rables Frères, de veiller à l’assistance spi­ri­tuelle des jeunes Africains et Asiatiques que la pour­suite de leurs études amène à séjour­ner tem­po­rai­re­ment dans vos dio­cèses [18]. Privés des cadres sociaux natu­rels de leurs pays d’origine, ils res­tent sou­vent, et pour divers motifs, sans contacts suf­fi­sants avec les milieux catho­liques des nations qui les accueillent. Leur vie chré­tienne, de ce fait, peut se trou­ver en péril, car les vraies valeurs de la civi­li­sa­tion nou­velle qu’ils découvrent leur demeurent encore cachées, alors que, déjà, des influences maté­ria­li­santes s’exercent for­te­ment sur eux et que des asso­cia­tions athées s’efforcent de gagner leur confiance. L’importance de cet état de choses pour le pré­sent et pour l’avenir ne sau­rait vous échap­per. Aussi, répon­dant aux pré­oc­cu­pa­tions des évêques de mis­sion, n’hésiterez-vous pas à consa­crer à cet apos­to­lat quelques prêtres expé­ri­men­tés et dévoués de vos diocèses.

31. Une autre forme d’entraide, plus oné­reuse sans doute, est pour­tant pra­ti­quée par plu­sieurs évêques qui auto­risent cer­tains de leurs prêtres, fût-​ce au prix de quelques sacri­fices, à par­tir se mettre pour une durée limi­tée à la dis­po­si­tion des Ordinaires d’Afrique. Ce fai­sant, ils rendent à ceux-​ci un ser­vice irrem­pla­çable tant pour assu­rer l’implantation, sage et dis­crète, des formes nou­velles et plus spé­cia­li­sées du minis­tère sacer­do­tal que pour sup­pléer le cler­gé de ces dio­cèses dans les tâches d’enseignement ecclé­sias­tique et pro­fane aux­quelles il ne peut plus suf­fire. Nous encou­ra­geons volon­tiers ces ini­tia­tives géné­reuses et oppor­tunes ; pré­pa­rées et réa­li­sées avec pru­dence, elles peuvent appor­ter une solu­tion pré­cieuse dans une période dif­fi­cile, mais pleine d’espérance, du catho­li­cisme africain.

32. L’aide aux dio­cèses mis­sion­naires revêt enfin, de nos jours, une forme qui réjouit Notre cœur et que Nous vou­lons signa­ler en ter­mi­nant. C’est le rôle effi­cace que des mili­tants laïcs, agis­sant le plus sou­vent dans le cadre de mou­ve­ments catho­liques natio­naux ou inter­na­tio­naux, acceptent de jouer au ser­vice des jeunes chré­tien­tés. Leur coopé­ra­tion exige dévoue­ment, modes­tie et pru­dence, mais de quel prix n’est pas l’aide ain­si appor­tée à ces dio­cèses affron­tés à des tâches apos­to­liques nou­velles et urgentes ! En pleine sou­mis­sion à l’évêque du lieu res­pon­sable de l’apostolat, en par­faite col­la­bo­ra­tion aus­si avec les catho­liques afri­cains qui com­prennent le bien­fait de ce sou­tien fra­ter­nel, ces mili­tants laïcs offri­ront à des dio­cèses récents le béné­fice d’une longue expé­rience de l’Action catho­lique et de l’action sociale, ain­si que de tous les autres modes d’un apos­to­lat spé­cia­li­sé. Ils favo­risent aus­si – et ce n’est pas le moins utile – le rat­ta­che­ment rapide des orga­ni­sa­tions locales à l’ample réseau des ins­ti­tu­tions catho­liques inter­na­tio­nales [19]. De tout cœur, Nous les féli­ci­tons de leur zèle au ser­vice de l’Église.

Encouragements réitérés à l’ensemble des missionnaires catholiques

33. En vous adres­sant ce grave et pres­sant appel en faveur des mis­sions d’Afrique, Notre pen­sée, vous l’avez com­pris, véné­rables Frères, ne s’est pas déta­chée de tous ceux de Nos fils qui se consacrent à la pro­gres­sion de l’Église en d’autres conti­nents. Tous Nous sont éga­le­ment chers, ceux sur­tout qui souffrent davan­tage dans les mis­sions d’Extrême-Orient. Et si la conjonc­ture propre à l’Afrique fut l’occasion de Notre ency­clique, Nous ne vou­lons pas l’achever sans étendre une der­nière fois Notre regard à l’ensemble des mis­sions catholiques.

34. A vous, véné­rables Frères, pas­teurs res­pon­sables de ces terres nou­vel­le­ment évan­gé­li­sées, qui plan­tez l’Église ou la conso­li­dez au prix de tant de labeurs, Nous vou­drions que Notre lettre vous apporte non seule­ment le témoi­gnage de Notre pater­nelle sol­li­ci­tude, mais l’assurance aus­si que toute la com­mu­nau­té chré­tienne, aler­tée à nou­veau sur l’ampleur et les dif­fi­cul­tés de votre tâche, est plus que jamais à vos côtés pour vous sou­te­nir par ses prières, ses sacri­fices et l’envoi des meilleurs de ses enfants. Qu’importe la dis­tance maté­rielle qui vous sépare du centre de la chré­tien­té ! Dans l’Église, les plus valeu­reux et les plus expo­sés de ses Fils ne sont¬-ils pas les plus proches de son cœur ? A vous aus­si, mis­sion­naires, prêtres du cler­gé local, reli­gieux et reli­gieuses, sémi­na­ristes, caté­chistes, mili­tants laïcs, à vous tous, apôtres de Jésus-¬Christ, en quelque poste loin­tain et igno­ré que vous soyez, Nous redi­sons Notre gra­ti­tude et Notre espé­rance. Persévérez avec confiance dans l’œuvre entre­prise, fiers de ser­vir l’Église, atten­tifs à sa voix, péné­trés tou­jours davan­tage de son esprit, unis par les liens d’une cha­ri­té fra­ter­nelle. Quelle source de récon­fort pour vous, chers Fils, et quelle assu­rance de vic­toire, dans la pen­sée que l’obscur et paci­fique com­bat que vous menez au ser­vice de l’Église n’est pas seule­ment le vôtre, ni même celui de votre géné­ra­tion ou de votre peuple ; il est, en véri­té, le com­bat per­ma­nent de l’Église entière, auquel tous ses Fils auront à cœur de par­ti­ci­per plus acti­ve­ment rede­vables qu’ils sont à Dieu et à leurs frères du don de la foi reçu au baptême.

35 . « Prêcher l’Évangile n’est pas pour moi un titre de gloire, disait l’Apôtre des nations ; c’est une néces­si­té qui m’incombe. Ah ! mal­heur à moi si je ne prê­chais pas l’Évangile ! » (I Corinthiens 9, 16). Ces véhé­mentes paroles, com­ment ne Nous les appliquerions-​Nous pas à Nous-​même, Vicaire de Jésus-​Christ, qui par Notre charge apos­to­lique sommes éta­bli « en qua­li­té de héraut et d’apôtre…, avec la mis­sion d’enseigner aux nations païennes la foi et la véri­té » (I Timothée 2, 7) ? Invoquant donc sur les mis­sions catho­liques le double patro­nage de saint François-​Xavier et de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, la pro­tec­tion de tous les saints mar­tyrs et sur­tout la puis­sante et mater­nelle inter­ces­sion de Marie, reine des Apôtres, Nous adres­sons de nou­veau à l’Église l’impérieuse et vic­to­rieuse invi­ta­tion de son divin Fondateur : Avance au large, Duc in altum (Luc 5, 4).

36. Dans la confiance que tous les catho­liques répon­dront à Notre appel avec une si ardente géné­ro­si­té que, par la grâce de Dieu, les Missions pour­ront enfin por­ter jusqu’aux extré­mi­tés de la terre les lumières du chris­tia­nisme et les pro­grès de la civi­li­sa­tion, Nous vous accor­dons de grand cœur, en gage de Notre pater­nelle bien­veillance et des faveurs célestes, à vous, Vénérables Frères, à vos fidèles et à tous et cha­cun des hérauts de l’Evangile qui Nous sont si chers, notre Bénédiction apostolique.

Donné à Rome, près de Saint Pierre, en la fête de la Résurrection de Notre Seigneur, le 21 Avril de l’année 1957, de Notre Pontificat la dix-neuvième.

PIUS PP. XII.

Notes de bas de page
  1. Cf. Benoît XV, épître apos­to­lique Maximum lllud, 1919 (sur la pro­pa­ga­tion de la foi à tra­vers le monde) ; Pie XI, homé­lie Accipietis virtutem,1922 (troi­sième cen­te­naire de la Sacrée Congrégation de la Propagande) ; Pie XI, ency­clique Rerum Ecclesiae, 1926 (le déve­lop­pe­ment à don­ner aux mis­sions) ; Pie XII, ency­clique Evangelii Praecones, 1951 (sur le déve­lop­pe­ment à don­ner aux mis­sions).[]
  2. Message pas­cal du 13 avril 1952, Documentation catho­lique, n° 1121, 18/​05/​1952, col. 577.[]
  3. Allocution du 1er mai 1939, Discorsi e Radiomessagi di S.S. Pio Xll, I, p. 87.[]
  4. Encyclique Evangelii Praecones, Documentation catho­lique, n° 1098, 01/​07/​1951, col. 777.[]
  5. Ibidem, col. 775.[]
  6. Radio-​message de Noël 1955.[]
  7. Radio-​message de Noël 1945.[]
  8. Encyclique Mystici Corporis, AAS XXXV, 1943, p. 200.[]
  9. S. Grégoire le Grand, Moralia, XIV 35,43 (Migne, P.L., LXXV, 1062).[]
  10. Encyclique Mystici Corporis, ibi­dem, p. 213.[]
  11. S. Augustin, In epis­to­la Joannis ad Parthos, tr. X, n° 8 (Migne, P.L., XXXV, 2060).[]
  12. S. Thomas d’Aquin, Expositio in epis­to­la ad Romanos, c.I, lect. 1.[]
  13. Radio-​message aux catho­liques amé­ri­cains pour le 3ème cen­te­naire des mar­tyrs du Canada, 24 novembre 1946.[]
  14. Radio-​message de Noël 1945 – Documentation catho­lique, n° 956, 20/​01/​1946, col. 35.[]
  15. Quelques mois après, Pie XII revien­dra sur ce sujet. « Nous vou­drions atti­rer spé­cia­le­ment votre atten­tion sur un aspect de l’éducation des jeunes catho­liques : la for­ma­tion de leur esprit apos­to­lique. Au lieu de céder à une ten­dance un peu égoïste en son­geant seule­ment au salut de leur âme, qu’ils prennent aus­si conscience de leur res­pon­sa­bi­li­té envers les autres et des moyens de les aider. Nul doute, d’ailleurs, que la prière, le sacri­fice, l’action cou­ra­geuse pour gagner les autres à Dieu ne soient des gages très sûrs du salut per­son­nel. Nous n’entendons nul­le­ment par là blâ­mer ce qu’on a fait dans le pas­sé, car les réa­li­sa­tions nom­breuses et remar­quables à cet égard, n’y manquent pas. Nous pen­sons, entre autres, aux heb­do­ma­daires catho­liques qui ont entre­te­nu le zèle de beau­coup pour les œuvres cha­ri­tables et l’apostolat. Des mou­ve­ments comme l’Œuvre de la Sainte-​Enfance eurent en ce sens de fécondes ini­tia­tives. Toutefois, l’esprit catho­lique s’implante au cœur de l’enfant non seule­ment à l’école, mais bien avant l’âge sco­laire, par les soins de la mère elle-​même. II appren­dra com­ment prier à la messe, com­ment l’offrir avec une inten­tion qui embrasse le monde entier et sur­tout les grands inté­rêts de l’Église. En s’examinant sur les devoirs envers le pro­chain, il ne se deman­de­ra pas seule­ment « ai-​fait du tort au pro­chain ? », mais encore : « lui ai-​je mon­tré le che­min qui conduit à Dieu, au Christ, à l’Église, au salut ? » (Discours au 2ème congrès mon­dial de l’apostolat des laïcs, 5 octobre 1957, Documentation Catholique, n° 1264, 10/​11/​1957, col. 1421) []
  16. Encyclique Mediator Dei, 11 novembre 1947, Documentation catho­lique, n° 1010, 15/​02/​1948, col. 221.[]
  17. Discours de S.S. Pie XII aux car­di­naux, arche­vêques, évêques et ordi­naires des lieux, 2 novembre 1950, Documentation Catholique, n° 1082, 19/​11/​1950, col. 1499.[]
  18. Dans ce même mois d’avril 1957 où a paru Fidei donum, Pie XII a eu l’occasion d’adresser quelques paroles d’encouragement à des étu­diants d’Afrique fran­çaise, de Madagascar et des Antilles conduits à Rome par leurs aumô­niers et com­pa­triotes R. Sastre, Razafindrasendra et J. Miron, atta­chés à l’aumônerie géné­rale des étu­diants d’outre-mer à Paris. « Nous saluons le pèle­ri­nage d’étudiants et d’étudiantes d’Afrique, de Madagascar et des Antilles, venant de presque toutes les villes uni­ver­si­taires de France. Nous sommes heu­reux, chers fils et chères filles, de vous accueillir à l’occasion de votre pre­mier pèle­ri­nage romain. Nul autre moment de l’année n’aurait pu mieux s’y prê­ter que celui de Pâques où la joie du Ressuscité s’unit en vous à celle de fou­ler ce sol qui vous est cher parce que tant de monu­ments de tous les âges vous remé­morent les souf­frances et les triomphes du chris­tia­nisme. Ici vous rece­vrez la grâce de deve­nir des chré­tiens plus fer­vents, plus conscients de la gra­vi­té des res­pon­sa­bi­li­tés que vous aurez à assu­mer comme tels dans vos pays res­pec­tifs. Préparez-​vous donc sérieu­se­ment et cou­ra­geu­se­ment, par la prière, la réflexion, les échanges de vues fra­ter­nels et ouverts, à vos tâches futures, pro­fes­sion­nelles, sociales et poli­tiques. Puisez dans la doc­trine de l’Eglise les lumières qui vous sont néces­saires et sui­vez filia­le­ment les direc­tives de vos Evêques qui sont char­gés de vous gui­der. Que le Seigneur vous assiste et fasse de vous des apôtres géné­reux dont l’Eglise puisse être fière ».[]
  19. A cette ques­tion pré­cise se rap­por­te­rait le sixième et der­nier objec­tif pro­po­sé au 2ème Congrès mon­dial de l’apostolat des laïcs qui devait se tenir à Rome en octobre 1957. « … Les pers­pec­tives de la vie inter­na­tio­nale sont aujourd’hui telles qu’elles découvrent à l’idée catho­lique un champ d’action infi­ni. L’ère nou­velle qui s’est ouverte sous le signe de l’universalité et du des­tin com­mun des peuples et des indi­vi­dus vient s’insérer en effet avec une logique par­faite dans la mis­sion sécu­laire de l’Église catho­lique romaine. Mais elle requiert éga­le­ment de la part des catho­liques l’efficacité de la pré­sence dans toutes les mani­fes­ta­tions de la vie et de la conscience inter­na­tio­nales. Au-​delà de toute mes­quine men­ta­li­té confes­sion­nelle, les catho­liques réclament aujourd’hui de prendre part acti­ve­ment à l’élaboration des nou­velles struc­tures qui se créent et vantent sur ce plan un esprit et une tra­di­tion qui se sont affir­més au cours des siècles dans l’édification de l’Église et dans sa dif­fu­sion sur toute la terre ».[]