Sermon de l’abbé de Cacqueray à Saint-Nicolas du Chardonnet
[Le sermon a été transcrit en respectant le langage parlé et les intonations.
Les soulignements et les intertitres sont de LPL]
Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, Ainsi soit il.
Mes bien cher Frères,
Alors que nous remercions la Très Sainte Vierge Marie de ce Décret qui a été rendu public hier et qui est daté du 21 janvier[ 2009], nous savons en même temps que cette annulation des excommunications ne signe pas pour autant la fin de la crise de l’Eglise.
Nous sommes heureux et nous lui sommes reconnaissants, profondément reconnaissants, de voir le Pape Benoît XVI accomplir des pas significatifs dans le bon sens, dans le sens qui fait du bien à l’Eglise, en dépit d’un entourage qui y est majoritairement hostile.
Mais nous devons demeurer calmes et réalistes dans cette situation. Le plus dur du combat ne se trouve pas derrière nous, mais devant nous. Notre résistance, celle dont Monseigneur Lefebvre nous a donné l’exemple, et celle qui a été poursuivie par la Fraternité ensuite, est fondée sur notre amour de Notre Seigneur Jésus-Christ, dont nous voulons qu’aucun droit ne soit bafoué. Notre résistance, c’est notre vigilance à ne pas perdre un seul iota de Sa Révélation, de ne pas en dévier. Que l’Evangile de Notre Seigneur Jésus-Christ soit exactement l’Evangile que nous prêchons aujourd’hui. Nous croyons que Notre Seigneur Jésus-Christ est vraiment le Fils de Dieu qui est venu sur la Terre pour nous enseigner. Et la chose élémentaire que nous lui devons, c’est la soumission de nos esprits, de nos intelligences à toutes les vérités qu’Il nous a révélées.
Il faut donc avant tout comprendre que la Résistance de Monseigneur Lefèbvre, de tous les saints prêtres qui se sont levés avec lui, et des générations qui ont précédé la nôtre, il faut comprendre que c’est par fidélité et par amour à Notre Seigneur Jésus-Christ que Monseigneur Lefebvre s’est levé contre des doctrines nouvelles qui ont été introduites, comme dans le Magistère de l’Eglise, à l’occasion du Concile Vatican II.
Et aujourd’hui, alors que ces préalables de la Messe et des excommunications ont été donnés, ce qui fait que nous ne voulons pas accepter maintenant de régularisation canonique, c’est que nous voulons d’abord aller à l’essentiel. Et l’essentiel, c’est la Foi. Et l’essentiel, c’est la confession de la Foi. Et l’essentiel c’est, pour la préservation de la Foi, le combat contre les erreurs, qui sont ses ennemies.
L’essentiel, et le meilleur service que la Fraternité peut rendre à l’Eglise, consiste à faire prendre conscience au plus grand nombre d’âmes possible ; mais surtout au plus grand nombre de prêtres possible ; mais surtout au plus grand nombre d’évêques et de cardinaux possible ; mais surtout de faire prendre conscience au Pape lui-même et de lui démontrer que la crise où se trouve l’Eglise, et l’état où se trouve l’Eglise, Mes bien chers Frères, n’a pas pour origine de mauvaises interprétations du Concile, mais le Concile lui-même.
Or donc, au jour d’aujourd’hui, pour parler de l’avenir de la Fraternité et de ses relations avec Rome, il faut que je vous dise quelques mots de ces fameuses discussions doctrinales, dont vous entendez parler depuis longtemps, parce que nous les réclamons depuis longtemps de tous nos vœux et dont nous voyons, ce qui nous encourage, que le Pape désormais en accepte publiquement le principe dans le Décret même d’annulation des excommunications. Je ne suis pas à même de vous dire quelles seront les modalités pratiques de ces discussions doctrinales. Mais, plus important que cela, je puis brièvement vous donner quelques-uns des principaux débats qui se produiront, c’est à dire ce qui constitue l’essentiel de notre désaccord avec ce que l’on appelle la « Rome conciliaire », la Rome du Concile, la Rome qui a pris comme boussole le Concile Vatican II.
1 – Dans un premier domaine : l’Eglise avait toujours enseigné le devoir des chefs d’Etat catholiques dans leur fonction même de chefs d’Etat, en tant que chefs d’Etat, de reconnaître Notre Seigneur Jésus-Christ comme le seul vrai Dieu, et de Lui rendre, à Notre Seigneur Jésus-Christ, les honneurs qui lui sont dus. Un chef d’Etat catholique digne de ce nom doit reconnaître Notre Seigneur Jésus-Christ dans Sa souveraineté sociale sur son pays. Le chef d’Etat catholique, ‑sachant que pour tous les hommes sans exception la Foi catholique est la seule par laquelle on puisse être sauvé‑, doit donc, pour le bien de ses sujets, des citoyens, s’efforcer de favoriser le développement de la religion Catholique dans son pays et d’édicter une législation en conformité avec la loi naturelle et la loi de l’Evangile.
Or le Concile Vatican II, au nom d’une nouvelle conception de la dignité de la personne humaine, a prôné une nouvelle doctrine dont nous disons bien qu’elle est en contradiction avec la tradition de l’Eglise. Le Concile a prôné la séparation de l’Eglise et l’Etat et la complète neutralité de l’Etat dans le domaine religieux. En réalité, cette neutralité est une tromperie, qui permet à l’Etat de devenir souverain dans le domaine même religieux et moral. C’est lui qui édicte quelles sont les lois morales ou non, et nous savons jusqu’où cela est en train d’aller.
Cette nouvelle conception prône que chaque religion, sans aucun égard à ce qu’elle soit vraie ou fausse, à ce qu’elle honore le vrai Dieu ou des faux dieux, peut se développer comme elle le veut, sans que le chef d’Etat n’ait plus aucune obligation de favoriser la religion vraie. Ces deux doctrines, Mes bien chers Frères, sont en contradiction l’une avec l’autre. Monseigneur Lefebvre a consacré tout un livre qui s’appelle : « Ils L’ont découronné », a montré cette opposition entre la doctrine traditionnelle de l’Eglise et celle du Concile Vatican II. Le plus grand service que la Fraternité Saint Pie X peut aujourd’hui rendre à l’Eglise, c’est de faire la démonstration jusqu’à l’évidence de cette gravissime contradiction qui a totalement obscurci la question des rapports de l’Eglise et de l’Etat.
2 – Dans un deuxième domaine : L’Eglise, le Magistère de l’Eglise, a toujours dit sa conviction, sa certitude, que Dieu n’a voulu qu’un seul médiateur entre le Ciel et la Terre, et ce seul médiateur c’est Son propre Fils, Lui-Même, qui est venu habiter parmi nous : c’est le mystère de l’Incarnation. Notre Seigneur, qui a versé Son sang sur la Croix pour nous racheter de nos péchés : c’est le mystère de la Rédemption. C’est par ce sang, et par ce seul sang, le Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ, que nos péchés ont été remis, que nos péchés peuvent être remis dans la confession, c’est Lui seul qui a rouvert les portes du Ciel.
Or nous disons que le Concile Vatican II a jeté les fondements d’une nouvelle doctrine qui n’a plus eu le courage d’affirmer que le Catholicisme était bien l’unique religion vraie, la seule qui ait été révélée par Dieu. Le Concile a porté un regard démagogique sur les autres religions ou dites telles. Il les a louées, il a dit tout le bien qu’il pensait d’elles, qu’il pouvait dire d’elles. Il a considéré qu’elles pouvaient être d’autres voies de salut pour les hommes. Il n’a plus dit que les hommes égarés dans d’autres religions peuvent être sauvés, mais s’ils le sont, qu’ils le sont malgré la religion à laquelle ils appartiennent, et non pas grâce à elle. En faisant ainsi, le Concile a cassé l’immense effort missionnaire de l’Eglise, et la vocation même du prêtre et du missionnaire. A quoi bon encore aller évangéliser, si toutes les religions sauvent et permettent d’aller au Ciel ?
Ecoutez par exemple, pour voir par vous-mêmes, ces quelques lignes que le Concile a consacrées à la religion musulmane, et vous verrez si vous retrouvez dans ces lignes quelque dénonciation que ce soit d’une religion qui n’a pas été donnée par Dieu et qui ne mène pas à Dieu. Je cite le Concile :
« L’Église regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu un, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes. Ils cherchent (les Musulmans) à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis à Dieu Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers. Bien qu’ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète ; ils honorent Sa mère virginale, Marie, et parfois même L’invoquent avec piété. De plus, ils attendent le jour du jugement où Dieu rétribuera tous les hommes ressuscités. Aussi ont-ils en estime la vie morale et rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, l’aumône et le jeûne.
Si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre tous les Chrétiens et les musulmans, le Concile les exhorte tous à oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté ».
Point final de tout ce que le Concile a trouvé à dire au sujet d’une fausse religion, l’Islam, qui a été fondée par le diable et qui mène au diable.
3 – Le troisième point et le dernier point sur lequel la Fraternité exprime, doit exprimer, a le devoir en conscience d’exprimer son désaccord profond avec le Concile, c’est la question de la collégialité. Notre Seigneur Jésus-Christ en disant : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je fonderai Mon Eglise » a fait de Son Eglise une monarchie dont le monarque est le Pape qui possède le pouvoir plein et entier sur l’Eglise. Notre Seigneur Jésus-Christ n’a pas fait des Apôtres un Collège qui serait à côté du successeur de Pierre, comme une sorte d’Assemblée Constituante, qui porterait un contre-pouvoir dans l’Eglise. Or le Concile Vatican II a touché à la Constitution même de l’Eglise en faisant du corps des évêques une sorte de Collège, qui est comme un autre pouvoir, qui paralyse celui du Pape depuis le Concile.
A cela aussi, à l’entrée de ce souffle démocratique dans l’Eglise qui ne s’est pas fait simplement au niveau du Souverain Pontife, mais qui s’est fait à tous les niveaux de la hiérarchie de l’Eglise, nous exprimons notre désaccord, notre désaccord en disant que ce n’est pas la Constitution que notre Seigneur Jésus Christ a donnée à Son Eglise.
Mes bien chers Frères, ces quelques considérations sont là pour vous montrer que ces fameuses questions doctrinales dont vous avez entendu parler ne sont pas pour nous faire plaisir, ne sont pas des espèces de questions éthérées, réservées à quelques théologiens intellectuels, qui n’ont aucune répercussion en réalité sur la situation. Par ces quelques exemples que je vous ai donnés je vous montre que ces questions doctrinales touchent à la Foi. Et la Fraternité aurait dû ne jamais exister si les questions théologiques que nous voulons aborder ne touchaient pas à la Foi. C’est parce qu’elles touchent à la Foi de Notre Seigneur Jésus-Christ telle qu’Il nous l’a donnée et que nous n’avons pas le droit de brader, de diminuer en quoi que ce soit, que nous voulons ces discussions doctrinales, que nous faisons ces discussions doctrinales qui touchent à la doctrine même de l’Église, à la Foi même révélée par Notre Seigneur Jésus-Christ, et nous ne pouvons pas en concéder un iota.
Et je pense qu’il est très important, alors même que nous avons dit toute notre reconnaissance à l’égard du Pape Benoît XVI, que dans le même temps nous sachions que la profondeur du combat ne s’arrête pas à la liberté qui a été redonnée à la messe, ou à l’opprobre qui a cessé pour nos évêques, mais que nous comprenons bien que notre combat, c’est le combat de la Foi. Bien plus que le combat de la Messe, nous combattons pour la Foi, cette Foi que nous avons reçue de nos pères et que nous voulons transmettre inchangée à nos enfants. Nous ne voulons pas être dans l’histoire du monde, et dans l’histoire de l’Eglise, le maillon par lequel la chaîne a craqué et par lequel la Tradition n’a plus été communiquée aux générations d’après. Nous ne sommes pas les propriétaires de cette Foi. Nous en somme les dépositaires. De même que nos parents nous ont transmis cette Foi, nous voulons la transmettre inchangée à nos enfants.
Et c’est pourquoi, eh bien, en conscience et par une grande gravité, la Fraternité a maintenant ce devoir, non pas de faire comme ceux qui ont passé des accords pratiques en mettant entre parenthèses ces questions, ‑même si à titre personnel ils n’ont pas changé d’avis‑, nous voulons, quant à nous, absolument, que la question du Concile soit mise sur le tapis. Que ces questions, dont j’ai détaillé les trois principales, ‑et qui ne constituent pas le tout des questions qui se posent, soient véritablement vues entre Rome et la Fraternité. Non pas pour nous faire plaisir, non pas pour le plaisir de disputes intellectuelles, mais parce qu’il s’agit de la Foi, et parce que je le redis une dernière fois : le meilleur service que la Fraternité puisse rendre au Saint Père aujourd’hui, c’est justement de lui montrer jusqu’à l’évidence que ces nouvelles doctrines qui ont été introduites par le Concile, ‑et non pas ses interprétations, mais les doctrines elles-mêmes‑, sont véritablement à l’origine de cette crise de l’Eglise sans précédent qui s’est produite.
Alors, combattons le combat de la Foi. Nous sommes encouragés évidemment par les gestes du Pape. Nous sommes pleins d’espérance, et en même temps nous sommes affermis par notre combat. Affermis en voyant que, par la Très Sainte Vierge Marie, par Son aide, par le combat qui est mené, par la feuille de route qui est suivie avec tant de persévérance par notre Supérieur Général depuis dix ans, des avancées se font progressivement et nous trouvons justement dans le fait que cette feuille de route trouve petit à petit des accomplissements, nous trouvons une raison supplémentaire d’espérer.
Oui, ces combats doctrinaux sont très difficiles et il s’agit de deux doctrines qui sont contraires. Mais de la même manière que beaucoup considéraient comme impossible que la liberté soit rendue à la messe, que beaucoup considéraient comme impossible que ces sanctions un jour soient reconnues dans leur nullité ou soient annulées, eh bien aujourd’hui nous avons une espérance surnaturelle pour penser que ces combats doctrinaux nécessaires auront lieu afin que l’Église renoue avec sa Tradition, c’est à dire renoue avec ses racines porteuses d’une sève de sainteté, d’une sève de vérité dont nous avons tellement besoin, qu’il s’agisse de nos personnes, de nos familles ou de nos pays.
Je ne voudrais pas terminer sans remercier en votre nom à tous Monseigneur Fellay, de cette belle persévérance à suivre le plan qui a été tracé et dont nous voyons les résultats providentiels apparaître devant nos yeux.
Mais je ne voudrais pas terminer non plus sans exprimer aussi, en votre nom à tous, ‑les anciens, comme les plus nouveaux, tous les prêtres‑, sans citer notre Fondateur, Monseigneur Lefebvre. Il n’aura pas vu sur cette terre de ses yeux de chair ce Décret qui a été signé le 21 janvier. Nous croyons qu’il l’aura vu du Ciel. Et nous pensons que cette justice qui a tout juste commencé avec le Décret du 21 janvier, nous pensons que cette justice doit aller jusqu’à son terme. Et son terme, quel est-il ? C’est la réhabilitation de cette personne, à laquelle nous devons tout, Mes bien chers Frères, à laquelle nous devons tout. Où serions-nous s’il n’avait pas mené le combat qu’il a mené ?
Oui, cher Monseigneur, nous ne Vous oublions pas aujourd’hui. Votre réhabilitation, nous allons travailler de toutes nos forces pour elle. Et nous croyons qu’un jour, après les procès iniques qui ont été faits contre Vous, il y aura un autre procès, celui que nous attendons de nos vœux, qui sera le procès qui mènera à Votre béatification.
Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.
Ainsi soit-il
Abbé Régis de Cacqueray