En ce 17 janvier 2013, jour où je mets la main à cet éditorial, nous fêtons l’anniversaire de l’apparition de la très sainte Vierge Marie aux petits enfants de Pontmain. C’est en effet le 17 janvier 1871 qu’eut lieu la visite de la sainte Vierge à cet humble village de Mayenne. Et pour certains motifs que je vous expose avec joie, c’est précisément sous la protection particulière de Notre-Dame de Pontmain que je désire placer notre croisade de 2013.
Par un concours vraiment providentiel de circonstances, notre Fraternité Saint-Pie X est en effet devenue propriétaire, depuis le 2 janvier 2013, de l’une des maisons du petit village de Pontmain.
Pas de n’importe laquelle de ces maisons ! Pour qui connaît les lieux, il s’agit de celle qui se trouve immédiatement à gauche de la fameuse grange où les deux garçons Barbedette, Eugène et Joseph, travaillaient avec leur père le soir du 17 janvier, juste avant que ne leur apparaisse la sainte Vierge. Cette maison se trouve accolée à la grange, mur contre mur. Il existe même une porte intérieure, pour le moment murée, qui permettait de passer directement de l’une à l’autre.
De l’extérieur, on voit qu’il s’agit d’une maison encore robuste. Mais l’intérieur est pauvre et délabré. Il se trouve probablement dans le même état qu’au moment de l’apparition. Quelle richesse cependant, pour la Fraternité, de bénéficier de ce pied-à-terre à Pontmain ! Nos confrères les abbés Jacques Laguérie et Jean-Baptiste Quilliard y ont célébré la messe pour la première fois aujourd’hui. Nous espérons, dans l’avenir, y installer un petit oratoire privé et donner aux prêtres la possibilité de s’y rendre pour s’y recueillir et y célébrer facilement la messe devant un groupe de pèlerins.
Ainsi, nous contribuerons un peu à maintenir hors de l’oubli cette magnifique apparition reconnue par l’Église. Parmi toutes celles dont la très sainte Vierge Marie a gratifié notre pays, celle-ci manifeste d’une façon particulière et la puissance de la prière et l’espérance qu’elle nous donne. En effet, le message de la sainte Vierge se réduit à cette unique phrase qui s’inscrit lettre après lettre, pendant l’apparition, dans le ciel :
« Mais priez mes enfants Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon Fils se laisse toucher » [1].
De fait, d’une façon qui reste inexpliquée par l’histoire militaire, l’armée allemande, parvenue à deux kilomètres de Laval, va brutalement faire demi-tour à partir du 22 janvier pour ne plus revenir.
Le 28 janvier, l’armistice est signé et les 38 soldats mobilisés de Pontmain reviendront tous au village sans la moindre blessure. Le message de la très sainte Vierge Marie a été délivré dans une paroisse spécialement fervente. Elle se trouvait placée sous la houlette d’un curé, l’abbé Guérin, à la piété mariale exemplaire. Certes, la population de ce hameau de Mayenne priait déjà aux intentions de la France avant l’apparition. Mais la venue de la sainte Vierge Marie va y entraîner un regain de ferveur qui se propagera ensuite aux alentours, puis dans tout le pays. Ces prières de supplication se muèrent en hymne de reconnaissance après le retrait des Allemands qui fut, à l’évidence, hâté par ce pieux élan des catholiques français envers la très sainte Vierge Marie.
N’y a‑t-il pas, en ce lieu et grâce à cet exemple, de quoi reprendre tout le courage dont nous autres avons besoin aujourd’hui ? Qui, plus que la très sainte Vierge Marie, désire le terme de cette terrible crise de l’Église où son Fils ne reçoit plus les honneurs qui lui sont dus tandis que se perdent des millions d’âmes ? Qui, plus qu’elle, est capable de s’opposer efficacement aux menées politiques, visant à la supplantation de la loi divine par tous les vices les plus abominables par des hommes militant pour la destruction de la famille ? Qui, mieux qu’elle, sait comme le monde a besoin de saintes vocations sacerdotales et religieuses pour glorifier Dieu et travailler au salut des âmes ? Certes, les circonstances dans lesquelles la Providence nous demande de vivre sur terre sont d’une extrême gravité. Il semble, si la crise de l’Église devait encore se prolonger, que la foi ne survivrait pas ici-bas. Jamais l’interrogation de Notre-Seigneur n’a été plus actuelle qu’aujourd’hui : « Lorsque le Fils de l’homme reviendra sur la terre, trouvera-t-il encore la foi ? » [2].
Car la foi se trouve gangrenée par· une terrible maladie de l’intelligence qui s’appelle le subjectivisme. Selon cette idée, la réalité ne peut pas être atteinte par notre intelligence, incapable de connaître autre chose que des phénomènes. L’essence des choses nous demeure étrangère. L’homme, enfermé en lui-même, ne peut jamais exprimer autre chose que l’émanation de son expérience personnelle. C’est ainsi que l’accusation d’orgueil est portée contre les catholiques qui osent encore désigner la religion catholique comme seule religion vraie, religion hors de laquelle il est impossible de se sauver. La religion se trouve donc ravalée au statut de simple sentiment religieux, affaire seulement privée qui ne peut en aucune manière affirmer l’existence objective de Dieu ni la vérité de la Révélation chrétienne. Chaque expérience religieuse est dès lors considérée comme respectable. La foi ne consiste plus en l’adhésion de notre intelligence aux vérités du dépôt révélé mais dans la prise de conscience de cette aventure spirituelle immanente que chacun peut mener à l’intérieur de lui-même. Les nouvelles propositions du concile Vatican II concernant la liberté religieuse, l’œcuménisme, le dialogue interreligieux sont venues flatter ce subjectivisme et l’entériner dans des documents officiels de l’Église.
La morale est en conséquence ruinée. L’existence de principes intangibles qui s’imposent à chacun d’entre nous est violemment récusée. La conscience isolée et divinisée devient l’unique référence des hommes : c’est désormais aux lois de se conformer et de se plier à tous les fantasmes et à tous les caprices de ce « moi » qui s’est émancipé de l’ordre naturel et surnaturel. Rien ne peut plus retenir l’homme qui a seulement à exciper de sa conscience pour justifier et légitimer tous les désordres de son existence – jusqu’au vice contre nature – comme on le voit aujourd’hui. Jamais la famille catholique, force et fierté de l’Église, ne s’est trouvée à ce point ébranlée. Les lois scélérates se sont succédé les unes après les autres pour la briser, pour la stériliser, pour la mépriser. On ose aujourd’hui, sans rougir de honte, nous présenter le vice contre nature comme tout aussi légitime que les mœurs de la famille chrétienne. L’on veut mettre en place une législation où l’éducation des enfants se trouverait confiée à des hommes ou à des femmes qui transgressent allègrement les lois les plus inviolables de la nature.
Comme l’invasion prussienne nous semble peu de chose auprès de cet état de déchéance où se trouvent réduits l’Église et notre pays !
Mais, a contrario, si la très sainte Vierge Marie eut pitié de nos aïeux en des circonstances moins graves que celles que nous traversons aujourd’hui, nous devons nourrir la ferme espérance qu’elle ne nous abandonnera pas en ces temps encore plus difficiles, venant à notre secours pour que nous restions fidèles aux promesses de notre baptême.
La Fraternité Saint-Pie X et les sociétés religieuses qui lui sont unies pour le maintien et la transmission de la foi ont un immense besoin de prêtres, de religieux, de religieuses afin de procurer les secours de la religion partout dans le monde. Lorsque tout est en train de s’effondrer, il leur faut, de toutes leurs forces, préserver tout ce qui peut l’être encore, aider les âmes demeurées catholiques à le rester et aller à la rescousse de toutes les victimes de cette crise terrible où s’enfonce notre société. Par cette Croisade des Vocations, notre Fraternité se tourne vers vous avec instance pour que vous ne vous refroidissiez pas dans vos prières ni dans vos sacrifices. Plus que jamais, nous vous demandons d’implorer du Ciel de nombreux ouvriers dans les séminaires, monastères et couvents pour nous soutenir et nous permettre de renforcer notre prière et nos œuvres.
Croyez en la souveraine efficacité de ces supplications répétées tous les jours avec foi, avec espérance, avec charité. Faites prier vos enfants. Nous vous en remercions de tout cœur, chers Croisés. Rien ne pourrait nous causer plus de joie qu’un renforcement et un regain de prières pour demander de bonnes et saintes vocations. Recevez toute l’expression de ma reconnaissance pour votre généreuse participation à cette grande œuvre de salut.
En gratitude, je vous confie tous au Cœur Douloureux et Immaculé de Marie et à saint Joseph.
Abbé Régis DE CACQUERAY † , Supérieur du District de France